Présentation 24.

“Écopolitique now ! ” Mode d’emploi

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Quatre séquences dans ce numéro consacrées au développement de l’écologie politique. En tout une vingtaine d’articles et entretiens, répartis entre la revue papier et son extension électronique, mise en ligne sur le site de la revue. L’on pourra ainsi naviguer de l’une à l’autre, chacune indépendante, chacune complétant les autres. C’est la première fois que Multitudes papier et Multitudes virtuel sont combinés de la sorte. Une expérience que nous renouvellerons.
Ces séquences illustrent la démarche adoptée par le groupe de travail() qui a élaboré ce dossier :

1. « Par-delà les Grands Partages » : il fallait d’abord sortir des dualismes rigides et souvent périmés qui ont nourri jusqu’ici la pensée écologiste (nature/culture, environnement/social, écosystèmes/activités humaines, démographie/ressources, économie/écologie, écologie/politique, politique /science, etc.), afin d’affirmer la multiplicité des natures, leur historicité, l’espace des relations que des clivages multiples, y compris ceux de la métaphysique occidentale, ont rendu difficiles à penser, comme à vivre ;

2. « Penser et agir en relations avec… » : ces vies en relations, nous avons ensuite cherché à en dresser la carte. Avec Guattari, Latour, Sloterdijk. Penser en relations, c’est constater à quel point ont tort les Adorateurs de l’Un, de la Monosphère – Biosphère, Technosphère ou Noosphère pensées séparément, alors qu’elles sont enchevêtrées. C’est constater à quel point la vie du corps et de l’esprit est puissance, croissance, et non limite ou décroissance… Que l’homme produise, construise, il ne s’agit pas de l’empêcher de faire, mais de l’inciter à « faire avec ». Avec Gaïa nous dira Isabelle Stengers, avec l’environnement dira Catherine Larrère. Une nouvelle éthique pourrait s’en dégager ;

3. « Écologie de l’esprit / économie de l’esprit » : dans cet espace enchevêtré, la notion d’esprit nous a semblé centrale, si on en pense aussi bien l’écologie que l’économie. Un esprit non spiritualiste, mais proche de Bateson et de son « écologie de l’esprit », proche des thématiques développées par Bernard Stiegler et sa « politique industrielle de l’esprit » ; proche enfin d’une « économie de l’esprit » qui permette d’inverser les termes de l’opposition économie / écologie à l’ère du numérique et du « capitalisme cognitif ».

4. « Politiques de l’écologie » : comment promouvoir cette écologie élargie et revisitée qui inclurait désormais l’écologie de l’esprit, comment développer une « économie de l’esprit » qui constituerait pour les multitudes un terrain favorable et leur nouvel espace politique ? Les désastres qui ont éveillé les consciences à l’écologie politique sont aujourd’hui pris en charge par une sorte de biopolitique des catastrophes dont il devient urgent d’éclairer le fonctionnement. Afin de voir si elle rend ou non possible une écopolitique des multitudes, une politique de la relation fondée sur une éthique qui devienne à la hauteur du monde bien plus qu’à celle de l’homme de l’humanisme du XXe siècle.

Une telle démarche n’implique pas d’adopter de critique globale de l’écologie politique ni de s’inscrire en contradiction avec ce qu’ont été l’histoire ou les impasses de l’écologie politique jusqu’à aujourd’hui. Ce que ce dossier entend provoquer, c’est un élargissement du regard, un déplacement latéral vers de nouveaux objets, au delà de la nature et de la culture.
Cette démarche s’inscrit dans la lignée de Félix Guattari qui, dans Les Trois Écologies, déclinait une « écologie sociale » et une « écologie mentale » au-delà et en complément indissociable de « l’écologie environnementale ». Elle suit également celle d’un Jacques Robin, déplaçant dans Changer d’ère le centre de gravité de l’écologie politique de manière à prendre en compte la « révolution de l’information et de la commande »(). Autrement dit, elle prétend ajouter de nouvelles relations aux relations de l’écologie politique réellement existante, adoptant par là le bégaiement créateur cher à Gilles Deleuze – « et, et, et … ».

 

Ce groupe travail était composé de : Frédéric Brun, Gérard Doublet, André Gattolin, Jérôme Gleizes, Anne Querrien, Yann Moulier-Boutang, Frédéric Neyrat et Emmanuel Videcoq.

Nous publions emblématiquement dans la rubrique « Hors-champ » de ce numéro, un entretien inédit entre Félix Guattari et Jacques Robin : « Révolution informatique, écologie et recomposition subjective ».