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Le plaisir de la métamorphose politique

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Libération, 24 mai 2008, propos recueillis par Eric AeschimannLa célébration du quarantième anniversaire de Mai 68 – livres, émissions, colloques – touche à sa fin. Que vous inspire ce déluge d’analyses ?

Jacques Rancière : Les célébrations reviennent tous les dix ans, mais l’anniversaire a pris un relief particulier en raison la volonté de «liquidation» de l’héritage de 68 par Sarkozy. Lequel pouvait parler ainsi parce qu’une certaine liquidation, celle opérée par la gauche, était déjà achevée. Cela devait être un enterrement. Or, on a vu reparaître des témoignages qui remettaient en scène le réel de l’événement. Alors qu’il était bien établi que 68 avait été un défoulement de jeunes à cheveux longs et guitares pour la libération des mœurs, on a vu ressurgir les dimensions politique, ouvrière et internationale de l’événement et du temps qu’il a ouvert. Tout ce qu’un travail de quarante ans avait effacé a refait surface.

Judith Revel : J’ai un rapport personnel avec 68 : je suis quasiment contemporaine de l’événement ; et ces quarante ans de 68, ce sont pour ainsi dire les miens. Or une chose me frappe : on n’a jamais été aussi près d’en faire un objet de réflexion historiographique et, en même temps, on n’a jamais autant été submergés par des récits privés qui prétendent, précisément parce qu’ils sont privés, «dire la vérité de 68». Ce retour en force du témoignage est passionnant et difficile : passionnant parce que je dois, moi, construire un objet dont je n’ai pas eu l’expérience et dont je suis pourtant la fille ; difficile parce qu’on entend souvent : «Tu ne peux pas comprendre, tu n’y étais pas», ou parce qu’on nous reproche d’avoir bénéficié des acquis de 68 sans en avoir mené les luttes : une génération d’hédonistes gâtés et égoïstes, en somme.

Quarante ans plus tard, 68 reste associé à la notion d’utopie, et aussi, paradoxalement, de fin des utopies.

J. Rancière : Le concept d’utopie ne m’a jamais semblé propre à penser quelque événement que ce soit. Ceux qui disent que 68 était utopique veulent dire deux choses : d’une part, c’est un échec, puisque, par définition, ce qui ne réussit pas est utopique ; mais aussi que c’était «sympa», «ouvert», qu’il y avait du «rêve et de la générosité». Mais l’utopie a été historiquement autre chose : l’élaboration d’une société idéale posée, face à l’action politique, comme le vrai remède aux maux sociaux. Or, 68 a montré que ce qui importe, dans un mouvement, ce n’est pas le but fixé mais la création d’une dynamique subjective, qui ouvre un espace et un temps où la configuration des possibles se trouve transformée. Pour le dire autrement : ce sont les actions qui créent les rêves, et non l’inverse.

J. Revel : Le problème n’est pas de savoir si une utopie peut réussir ou si elle est par définition vouée à l’échec. 68 n’était pas une utopie parce qu’il s’agissait d’une expérimentation, de la construction d’une différence ou d’une discontinuité qui se voulaient immédiatement présentes. Creuser le présent d’une autre manière, chercher à inaugurer d’autres formes d’existence – non pas ailleurs, ou dans un monde meilleur, mais ici et maintenant : une ouverture d’espoir, une torsion violente du monde existant. Aujourd’hui, nous avons oublié ce désir de discontinuité qui est aussi une aspiration au bonheur. Mais l’abandon de la recherche du bonheur comme projet politique est, je crois, le prix à payer d’un certain «pragmatisme» qui cherche précisément à effacer ce que 68 nous a appris : la possibilité d’une expérimentation puissante au cœur du présent. Penser à la fois la discontinuité et le présent, la discontinuité dans le présent.

Demeure l’idée que 68 a ébranlé notre horizon politique, sans que l’on parvienne à dire exactement en quoi.

J. Rancière : Partons du plus trivial. Les mots d’ordre de 68 ont été fabriqués par trois organisations : le Mouvement du 22 mars, le syndicat étudiant Unef et le syndicat des enseignants du supérieur Snesup ; soit un collectif né d’un événement et deux syndicats qui avaient très peu d’adhérents. Aucune organisation classique n’a lancé le mouvement, et la CGT a dû suivre des troupes qui obéissaient à l’appel du moment ainsi créé. C’est un déplacement du militantisme : le groupe organisé qui lance ses troupes dans la bataille cède la place à des organisations fonctionnant comme la cristallisation du mouvement et dont la force réside dans la capacité d’initiative. Trois formes d’action ont dominé : la manifestation, l’occupation et le tissage de relations entre groupes sociaux différents (notamment entre étudiants et ouvriers). Ces pratiques, et en particulier la forme occupation, sont liées à des moments et à des lieux. L’occupation de la Sorbonne a généralisé une pratique ouvrière historique qui reprenait une fonction offensive, notamment dans la grève de Sud-Aviation de Nantes, une grande référence du début mai. Cette façon de construire l’action à partir d’un lieu, d’un moment, et de la capacité d’extension de ce qui s’y passe brouille les divisions classiques : le politique contre le social, l’avant-garde contre le mouvement de masse, etc. La «grève générale» a débordé l’instrument de la lutte ouvrière pour devenir la forme générale d’un mouvement politique suspendant partout le jeu normal des relations et des institutions.

68, c’est la fin du «parti» classique ?

J. Rancière : Il n’y a pas eu de crise pour les partis parlementaires classiques. Mais pour le Parti communiste, c’est la fin de l’équivoque du parti ouvrier qui participe au jeu parlementaire tout en se voulant l’avant-garde d’une révolution qui doit supprimer ce même jeu. Dans ce modèle, l’activité politique était distribuée en deux pôles : d’un côté, les institutions ; de l’autre, l’accomplissement d’un mouvement historique dont le parti est la conscience. 68 marque la fin de cette équivoque. Le PC a choisi de défendre d’abord sa place dans la société existante – moyennant quoi, il a fini aussi par la perdre. 68 a mis au premier plan une tout autre idée de la politique : la création d’espaces ne s’identifiant ni à la gestion des institutions existantes, ni à la formation de l’avant-garde pour la révolution à venir. C’est un ensemble de pratiques qui redessinent l’espace commun en réfutant l’opposition entre les contraintes de l’ordre présent et la préparation de l’avenir. On parle souvent du déplacement du militantisme à partir de 68 vers des lieux et des problèmes nouveaux : santé, école, sexualité, justice. En réalité, dans la logique du Parti, ces lieux étaient l’affaire de «mouvements de masse» auxiliaires ; c’est par la suppression de cette hiérarchie des fronts de lutte et des formes d’action qu’ils sont devenus enfin politiques.

J. Revel : Lorsqu’on désigne les événements en parlant de «Mai 68», on arrête l’histoire aux accords de Grenelle. Ce calendrier correspond au point de vue des syndicats et des partis, mais pas à celui d’un mouvement qui a continué bien au-delà et qui incluait des pans entiers du monde ouvrier et de l’université. Or je crois que c’est précisément cela – la dimension du mouvement – qu’il s’agit de penser à partir de 68 : parce que cela représente à la fois la fin du «court XXe siècle» dont parle Hobsbawm et le début d’autre chose, dans quoi nous nous trouvons encore quarante ans plus tard et qui peut s’exprimer par trois groupes de questions. D’abord, qu’est-ce qu’un mouvement, qu’est-ce qu’une politique de mouvements ? Un parti ou un syndicat détiennent-ils le monopole de l’organisation des forces politiques, ou bien, au contraire, d’autres formes d’actions collectives peuvent-elles exister ? Et encore : une organisation est-elle pensable en dehors des partis et des syndicats qui en ont structuré les codes et la «grammaire politique» ?

Ensuite, quels sont ces «sujets collectifs» pour lesquels se pose le problème de l’organisation au sein du mouvement ? Les instruments de la sociologie, à travers l’analyse des acteurs sociaux, ou les catégories qu’utilisait un certain marxisme orthodoxe en 68 n’ont pas réussi à dire, à l’époque, cette subjectivité nouvelle qui se mettait précisément en mouvement.

La troisième question, enfin : celle du rapport à l’histoire. Peut-on à la fois se reconnaître comme produit d’un certain nombre de déterminismes historiques (économiques, sociales, politiques, épistémologiques) et savoir que l’on est, malgré cela, capables de produire soi-même quelque chose d’inédit ? Peut-il y avoir à la fois de du déterminisme et de la liberté ? C’est tout cela que 68 inaugure et qui continue à nous fasciner. Et c’est aussi, je crois, ce que nous donnent à voir les conflits sociaux actuels : on s’aperçoit que les identités y sont en perpétuelle déconstruction et reconstruction en fonction de rapports de force donnés. Les subjectivités collectives ne cessent de se réinventer au sein des luttes, elles inaugurent de l’intérieur des mailles d’un pouvoir contre lequel elles se dressent, d’autres prises de parole, d’autres formes d’organisation et d’action. Il faut penser par exemple aux précaires, à la manière dont ils croisent leur parcours avec celui des migrants, des étudiants, des jeunes des banlieues, des femmes…

Néanmoins, la révolution promise n’a pas eu lieu. N’est-ce pas un échec ?

J. Revel : On croit que la victoire, c’est prendre le pouvoir ; et quand cette prise de pouvoir n’a pas lieu, on dit que c’est un échec. Je ne crois pas que pour 68, cela se posait en ces termes. 68 a eu des effets de réalité extrêmement importants – politiquement, socialement, culturellement. Au reste, les critiques qui lui sont adressées aujourd’hui sont à la hauteur de ces effets et reviennent à effacer ce que 68 a inauguré. Nous venons d’en passer en revue plusieurs : une dimension collective nouvelle, un champ d’expérimentations, la dissolution d’un certain nombre d’oppositions – par exemple entre le monde du savoir et le monde du travail matériel, entre le mouvement et l’organisation, entre les différences et le commun, entre l’histoire et la liberté. On vit dans un univers dont la grammaire politique a été entièrement réarticulée par 68, et c’est cela que l’on cherche à nier en disant que 68 a instauré l’individualisme, le sens démesuré du plaisir et l’égoïsme. Cette caricature, c’est une manière de ne pas penser la nouveauté de 68.

Certains font de Sarkozy justement un produit de l’esprit 68…

J. Rancière : On pourrait résumer 68 en un seul objectif : rendre les Sarkozy impossibles. Les jeunes défilaient dans la rue avec des slogans du genre : «Nous ne voulons pas être les exploitants de demain, nous ne voulons pas être les servants de l’exploitation.» En fait d’incarnation de 68, Sarkozy est un personnage du XIXe siècle, un jeune homme qui désire «arriver», comme le Rastignac de Balzac ou le Frédéric Moreau de l’Education sentimentale. Il représente la coïncidence de ce désir puéril du pouvoir pour le pouvoir avec la logique globale de ce que j’appelle police : la gestion des affaires communes comme ensemble de problèmes à remettre aux soins des gens compétents, par opposition à la politique comme exercice de la capacité commune à tous. L’esprit de 68, c’est qu’il faut être crétin pour vouloir devenir président de la République. C’est celui de la politique comme invention collective et non comme prise de pouvoir. C’est une période où on a presque oublié qu’il y avait des ministres et des députés.

J. Revel : Il m’est totalement indifférent de savoir ce que Nicolas Sarkozy pense de 68. Pour moi, 68 interroge surtout la gauche aujourd’hui. Parce qu’il a donné à voir une configuration politique inédite : la constitution de champs d’expérience, un rapport critique aux institutions existantes, une façon d’interroger ce que pourraient être des institutions de nature différente. Et surtout un autre rapport au pouvoir – qui ne veut plus prendre le pouvoir, ni même se constituer en contre-pouvoir… Quarante ans plus tard, la gauche reste prisonnière d’une «forme parti» dont la seule visée semble être la prise du pouvoir, interne ou externe. C’est parce que la gauche a oublié 68 qu’elle perd. Voilà pourquoi il faudrait aujourd’hui non pas reproduire 68 – on ne reproduit pas un événement avec quarante ans de décalage, cela n’aurait aucun sens -, mais se poser à nouveau les questions que 68 avait ouvertes : quels espaces de lutte se donner, quelles nouvelles subjectivités politiques mettre en jeu, quelles pratiques politiques et quels modes de vie inventer ? La plupart des mouvements actuels se déplacent sur ce terrain. La gauche y est, hélas, sourde.

J. Rancière : Oui, c’est la gauche qui a liquidé 68. En 1981, à peine élu, François Mitterrand déclara qu’avec sa victoire, la majorité politique venait enfin de rejoindre la majorité sociologique du pays. Il entérinait ainsi une définition sociologique de la politique comme coïncidence entre les institutions de l’Etat et la composition de la société. Or, 68 a été un moment politique important parce qu’il a créé une scène politique distante, et des institutions de l’Etat, et des compositions de blocs sociaux. La politique est ce qui interrompt le jeu des identités sociologiques. Au XIXe siècle, les ouvriers révolutionnaires dont j’ai étudié les textes disaient : «Nous ne sommes pas une classe.» Les bourgeois les désignaient comme une classe dangereuse. Mais pour eux, la lutte des classes, c’était la lutte pour ne plus être une classe, la lutte pour sortir de la classe et de la place qui leur était assignées par l’ordre existant, une lutte pour s’affirmer comme les porteurs d’un projet universellement partageable. 68 a réactivé cet écart entre la logique d’émancipation et les logiques classistes.

J. Revel : 68 a fait imploser la notion de classe, mais aussi celle d’identité. Ce qui dominait, c’était le plaisir du changement, la métamorphose, le refus de déclarer qui on était. On sortait de la «morale d’état civil», pour reprendre une belle expression de Michel Foucault. Le paradoxe, c’est que, dans le reflux qui a suivi, on a vu se multiplier les appartenances identitaires, communautaristes. Parce qu’on a cru que c’était un bon moyen de résister; parce que, du point de vue du pouvoir, paradoxalement, cela facilitait la gestion des individus. La référence identitaire ou communautaire, quand elle se clôt sur elle-même, est une manière de parler la langue du pouvoir, de s’autodésigner dans les catégories mêmes du pouvoir, dans son langage. Aujourd’hui, le seul espace politique de contestation qui soit reconnu, c’est la prise de parole communautaire ou identitaire, et ce n’est bien entendu pas un hasard. C’est une manière de réintroduire de la fermeture et de l’unité là où la puissance politique est au contraire celle des différences.

Lors de la crise des banlieues il y a deux ans, on a assisté à une tentative désespérée de définir qui étaient les émeutiers, le «sujet» de la révolte. On a cherché à constituer des catégories. On a parlé des «Noirs contre les Blancs» ; ou des «immigrés contre les Français». On a évoqué les désœuvrés, les politiquement aphasiques, les socialement stériles, on a parlé d’entropisation sociale, on les a opposés aux étudiants qui manifestaient contre le CPE, aux chômeurs, aux précaires… Bien plus que les voitures brûlées, c’est cette difficulté à rendre compte de ce nouveau sujet collectif qui a été la cause de la panique qui a saisi les dirigeants politiques. Parce que les émeutiers ne disaient pas qui ils étaient, mais comment ils vivaient ; parce qu’ils refusaient une vie réduite à l’état de survie et que leur commun n’était pas une couleur de peau ou une origine, mais un territoire, des conditions d’existence, une souffrance et, surtout, des aspirations communes. L’idée du droit au bonheur était omniprésente dans cette révolte. Ce bonheur-là, ce n’était pas une utopie mais une exigence. Liquider 68, cela revient aussi à cela : ne pas écouter les gens qui revendiquent le droit politique au bonheur.

Peut-on dire que 68 a enterré l’idée même de révolution ?

J. Rancière : 68, et pas seulement en France, a remis en scène l’idée de révolution comme processus autonome, créant un espace-temps propre en bouleversant la distribution des positions et du paysage commun. On y retrouve ce qui a eu lieu dans les révolutions du XIXe siècle, en 1830, 1848 et 1871. A savoir un vacillement global de la légitimité étatique et de l’ensemble des autorités sociales et intellectuelles. Cette logique n’est pas celle de la révolution pour prendre le pouvoir. Ceux qui descendent dans la rue en 1830 veulent d’abord opposer leur pouvoir de parole et de manifestation au pouvoir souverain d’interdire. Ce faisant, ils créent un espace imprévu où le pouvoir se trouve nu, dépouillé des privilèges qui tenaient à son corps. Cela fait un «pouvoir à prendre», mais ce n’est pas en cela que consiste la puissance de la révolution. Cet effet de mise à nu du système des places et des légitimités a été central en 68 et aurait très bien pu créer un tel «pouvoir à prendre». Mais entre-temps, il y a eu la généralisation de l’idée marxiste de la révolution comme processus de prise du pouvoir conduit par un parti qui résume l’intelligence du mouvement historique.

68 a amorcé une révolution du premier type tout en pensant dans les termes de la seconde. Il a pensé le bouleversement dans les termes marxistes tout en congédiant l’avant-garde censée mener la révolution à son terme historique. Qu’il ait ainsi clos l’ère des révolutions, c’est ce que nul ne sait. Six ans après, elle a refait surface au Portugal. 68 a été une mobilisation ouvrière massive, massivement pensée dans les catégories marxistes mais qui pourtant a mis à mal le modèle marxiste de «la» révolution nécessaire. Rien n’était moins nécessaire que 68. 1967 baignait dans un climat de fin de l’histoire et de réformisme triomphant. Si un «nouveau 68» peut avoir un sens, c’est celui d’un mouvement qui crée une scène commune en bouleversant la distribution des places qui met d’un côté le politique comme une affaire de ministres, de l’autre le social ou l’école comme lieux de négociation syndicale, etc.

Un slogan de 68 est resté dans les esprits : «Ce n’est qu’un début, continuons le combat.» Et, à chaque crise sociale, la question revient : et si Mai 68 recommençait ? La question est-elle purement rhétorique ?

J. Revel : «Ça va recommencer» n’a aucun sens. L’histoire ne recommence pas. En revanche, «ce n’est qu’un début…» veut dire quelque chose. S’il y a un combat à continuer, on peut le formuler ainsi : comment, aujourd’hui, faire valoir une libération de l’injustice, de l’exploitation, de l’inégalité et de la souffrance sociale qui soit simultanément une affirmation de liberté, une expérimentation, une discontinuité ? Cette question-là, si on se la pose, ouvre un espoir formidable.

J. Rancière : J’entends rarement dire : «Ça va recommencer». J’entends surtout le contraire : «c’est fini» et, plus encore, «ça n’a jamais existé», c’était l’illusion d’un moment. La question est donc de savoir si l’événement a existé, et dans quelle mesure on peut lui assigner une signification qui prenne un sens dans la perspective de construire un avenir et de définir une communauté ; de savoir, enfin, s’il existe un univers de possibles créé ou non par 68. 2008 n’est pas 1968. «Nous ne voulons pas être les cadres de la société» , disaient les étudiants d’alors, qui se pensaient en phase avec le sens révolutionnaire de l’histoire. Aujourd’hui, l’ordre dominant a repris le thème de la nécessité historique pour la faire aboutir au libre marché. Et les étudiants disaient plutôt, au temps du CPE : «Nous ne voulons pas être pas les prolétaires de la société». Mais ce qui donne sens à la politique, c’est, dans tous les cas, le refus de la nécessité : c’est cela qui créé des avenirs imprévus. C’est ce que le mouvement de 68 a montré, comme les révolutions du passé.