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OV (Original Version)

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Entretien réalisé par Pascale Cassagnau Dans cet entretien avec Pascal Cassagnau, Paola Yacoub et Michel Lasserre présentent leur travail sur les images comme relevant essentiellement d’un acte d’édition. Il s’agit pour eux de mettre en place (et de se laisser porter par) des phénomènes de proximité et de rapprochement, de déplacements et de tricotage. Ce qui s’expérimente dans les microcosmes de leurs œuvres, ce sont les dispositifs et les agencements par lesquels se tisse l’actualité.

Pascale Cassagnau. L’ensemble du corpus de votre œuvre articule plusieurs dispositifs d’images qui sont autant d’espaces-temps spécifiques : du diaporama à la vidéo et aux séquences Internet, vous réalisez des montages d’images qui ne relèvent pas du défilement cinématographique, selon lequel toute image en précède ou en appelle toujours une autre, mais en convoquant selon d’autres modalités la loi d’attraction des images. Par ailleurs, l’image photographique occupe une place très importante au cœur de votre travail, en une approche du sujet par l’image. Comment qualifieriez-vous l’espace qu’organisent les images au sein de votre travail?

Paola Yacoub et Michel Lasserre. Les espaces dans lesquels baignent nos travaux sont pour le moins animés. Ce sont bien des espaces issus des différents montages, des espaces qui ne sont pas pré-donnés, mais reçus.
En fait, l’espace de ce travail est un espace éditorial. Il s’agit d’éditer les images. C’est ce que fait Odenbach, mais à travers des intentions sémantiques précises. Or c’est l’acte d’édition même qui nous intéresse. Nous ne faisons rien d’autre que parcourir en tous sens l’espace de l’énonciation éditoriale. Toute édition est une co-énonciation. L’irruption chaque fois nouvelle de rapports co-présents qui se tissent entre les acteurs, les terrains, et les matières… Toute la question : comment élargir cette situation? Elle pose au coup par coup les participations à l’élaboration plurielle de l’image. Mais comment ne pas la préformer? Comment la médiatiser sans la prescrire?
On peut prendre un cas parmi d’autres. En novembre 2002, nous avons présenté nos travaux à Dubrovnik. (Dubrovnik – Ici et ailleurs, Umjetnicka, Galerija Dubrovnik, Croatie, Conversions, 05/11/2002). C’était une démarche prospective. Mais on nous dit que de telles images existent ici. Qu’il suffit de se promener jusqu’à la frontière avec la Serbie pour les voir. On peut simplement prendre acte de cette remarque. Mais on peut aussi considérer qu’elle entre dans la situation d’énonciation, elle entre dans le format. La démarche bascule, de prospective, elle devient aspectuelle. C’est ce que nous proposons. Elle donnera lieu à un travail intitulé Format qui sera présenté à Dubrovnik un an plus tard, en septembre 2003 (Dubrovnik – Ici et ailleurs, Umjetnicka Galerija Dubrovnik, Croatie, Format, 27/09 – 12/10/2003). Des images de deux frontières sont empilées et glissent les unes sur les autres. Nous avons ainsi tenté de mettre en œuvre la multiplicité de l’énonciation, sans la prédéterminer.
Elle ne se réduit pas non plus à l’in situ. La géographie peut d’ailleurs faire les frais de cette absence de formatage, comme par exemple dans Stand der Ding (Teil 1), Kunst-Werke, Berlin, Now the Great Wall of China in South Lebanon, 2000/2001).
Comment éditer un reportage photographique au Sud Liban portant sur les fragments retrouvés d’une muraille antérieure à 1948. Nous avons rapproché ces images d’un texte : la nouvelle de La Muraille de Chine de Franz Kafka, plus précisément, de quelques citations de ce texte. Nous répliquons ainsi à ces images. Nous jouons de la structure polyphonique de l’énonciation pour nous y immiscer, pour forcer la situation d’énonciation et déployer autrement les photographies… Nous aurions pu faire un simple travail documentaire sur cette muraille.
En fait, l’édition des photographies, c’est le cheval de Troie qui pénètre au cœur des situations d’énonciation. Chaque édition est unique. À chaque fois, elle convoque une situation éditoriale imprévisible. L’édition médiatise l’ensemble des rapports co-présents d’un seul tenant. On y butte, au mieux. Nous souhaitons que cette irruption s’effectue dans sa disparité, sans être circonscrite à l’amont. Et sans limites dans la durée. Ce qui suppose une problématisation des techniques éditoriales, en particulier des formats. Et des enjeux spatiaux de l’acte éditorial.
Nous réalisons des photographies de terrain, ce qui ne veut pas dire que nous montrons des terrains. Le mouvement des images descelle les terrains. Toute édition suppose un volume, réel ou virtuel, peu importe. Nous dirons qu’elle suppose un terrain au moins. Mais un terrain mobile, pourvu de fluidité. Déplacer les photographies, c’est aussi mouvoir les terrains, ceux des pratiques éditoriales, mais aussi ceux des prises de vue. Ils changent d’aspect à chaque édition. Ils entrent et sortent alors de nos perspectives affectives, s’éloignent, se rapprochent de nous. Ils circulent alors dans des ressemblances nouvelles, dans des rapprochements déviants. Toute une économie relie les images aux territoires, la distribution des unes suppose celles des autres.
À Dubrovnik, les images de la Croatie et du Sud Liban mettent en jeu la proximité des terrains. Non parce qu’ils « se ressemblent », mais parce que terrains des prises de vues et de l’exposition entrent en résonances affectives. Mais cette économie est en jeu dans chacun de nos travaux. Nous avons repris l’expérience de Dubrovnik lors de l’exposition Reparto, Galeria Visor, Valencia, Espagne, dans le cadre de Nuevas formas de documentar, Improbable présentation, 29/04 – 10/06/2003.
Nous proposons des paquets d’images où se télescopent des photographies de Dubrovnik, du Liban, de Paris… La même image se répète dans des places différentes, elle recueille chaque fois un nouvel aspect du territoire, un aspect qui le rapproche ou l’éloigne. On y découvre par exemple qu’on peut voir Roissy comme le Sud Liban. Cet aspect se réduit maintenant à cette série.
Le projet Original Version actuel (Dreams and Conflicts, The dictatorship of the viewer, 50th International art exhibition, Venice Biennal, O.V. number 1 / O.V. number 2, 15/06-2/11/2003) multiplie les dispositifs éditoriaux. Mais il affecte aussi toute la géographie de l’édition. Ce projet regroupe la réalisation d’un magazine hebdomadaire O.V. : une réplique en image aux informations de la semaine. Le magazine O.V. sera diffusé en public. Il sera projeté chaque semaine simultanément dans divers centres d’art et universités dans le monde (octobre/novembre 2004). Le site Internet de ce journal relance la dynamique du magazine, auquel il permet de donner, dans un deuxième temps, la réplique. (Original Version, Cinémas de demain, Plasticiens du Web, Centre Pompidou, Paris, avril 2004). Ces travaux seront ensuite édités sur différents supports (papiers, D.V.D…).
L’espace des images communique avec celui des terrains qu’elles cooptent, les terrains des prises de vue situés pour l’essentiel là où le magazine est fabriqué, et les divers centres d’art qui vont diffuser le magazine (Hollande, France, Espagne, U.S.A, Corée…).

Pascale Cassagnau. En quoi la nature de votre travail n’est-elle en rien documentaire?

Paola Yacoub et Michel Lasserre. Nous disons qu’il ne peut se restreindre à ce terme. Il faut être précis. Nous reprenons le terme « documentaire » d’une façon restrictive, au sens où l’on définit aujourd’hui des pratiques esthétiques, avec des expositions de référence, comme Blank par exemple.
Tout se joue dans la relation au territoire d’émission, une relation que nous tentons de problématiser dans nos démarches éditoriales, la fonction documentaire ne constitue alors qu’une des modalités des scènes d’énonciation. Nous n’apprenons rien sur le Liban, notre travail ne suppose aucun savoir sur le lieu, c’est d’ailleurs pourquoi nous pouvons travailler de plein pied là où l’on veut, sans préparatif. Nous nous reportons toujours à la situation d’énonciation, qui ne se soutient que des limites de ce que l’on sait. C’est vrai que l’enjeu de ces situations nous est apparu à nu dans le champ libanais. Mais alors tout travail peut être taxé de documentaire.

Pascale Cassagnau. Dans son essai « Le Jeu de Wittgenstein », Jean Claude Dumoncel évoque « La machine à coudre » que représenterait le langage tricotant perpétuellement son fil, en une sorte de contrepoint au travail de la bobine du film répondant davantage à la logique d’un défilement horizontal et linéaire. Peut-on relire à notre tour l’ensemble de vos propositions-livres, slide-show, site Internet, à l’aune de l’assemblage discontinu, du surpiquage des données qu’implique la machine à coudre?

Paola Yacoub et Michel Lasserre. L. Wittgenstein a introduit la machine à coudre pour distinguer deux modes de projection. Nous sommes d’emblée au centre de notre question. La machine à coudre compose deux mouvements, un vertical, un horizontal. Pour ce faire, nous avons à notre disposition différents points. Le point, c’est l’essentiel de la machine. Pour nous, le format se rapproche du point.

Pascale Cassagnau. Avec l’ensemble des « Variable Pieces », Douglas Huebler avait tenté d’interroger à la fois la question de la cartographie, la géographie de certains territoires, et la temporalité aléatoire de l’expérience, à travers une géométrie de points. En quoi le point engage-t-il le dessin cartographique, la temporalité du territoire?

Paola Yacoub et Michel Lasserre. Le point n’est pas pour autant un automatisme formel. Il est incarné. Il n’engage pas de processus. On peut préciser la différence avec des approches en processus. Par exemple, le travail de Douglas Hueber est très différent de ce que nous tentons. Dans Variable Pieces, il pose des protocoles de production. Par exemple, en se laissant conduire par le chant d’un oiseau, obtenir des points de prise de vue. C’est tout compte fait une démarche proche de la morphogenèse. Il y trouve deux bénéfices : il documente le processus, et produit des images. Pour nous le « point » n’est pas un automatisme. Il suppose une subjectivation de l’émotion qui engendre une réplique, la sensation de la perte du site de l’image…. Et il n’engage pas un processus. Chaque énonciation est un acte, un geste comme dirait Wittgenstein, pas un processus. Seule compte la configuration énonciative qui revient. Il n’y a pas de bénéfice formel, pas de cumul.
Des photographies de Beyrouth, prises d’une position élevée, lors de l’invasion de l’Irak, évoquent ce que je vois sur la télé, des panoramas de Bagdad en attente de la guerre. Dans leur ressemblance se déploient leurs parcours horizontaux. Mais d’autres aspects se lèvent, les affects de la guerre civile reviennent et changent mon rapport aux lieux encore une fois. Les perspectives se dénouent les unes des autres et prennent leur envol, dans un mouvement vertical cette fois, c’est le point de O.V. Nous plantons ainsi une aiguille dans les intervalles de Dziga Vertov.
Rien à voir avec le pathosformen de Warburg. Ici, l’interprétation est immédiate, c’est celle du regard, sans calcul, elle reste inaccomplie.
Mais tout commence ici, car la couture continue, elle ne s’arrête pas sur une proposition formelle donnée. Aujourd’hui, lors des attentats à Karbala et à Bagdad (2 mars 2004), l’aspect de ces panoramas change encore. Une information, pur matériau, vient donner une nouvelle impulsion au jeu des répliques. Mais comment ouvrir le jeu à cette extension? Nous voulons pour cela mettre en place des projets qui retiennent de l’image avant tout sa sensibilité à l’actualité.
L’actualité est ici prise pour son impact énonciatif. Elle est mise en jeu pour sa capacité à mobiliser une image. Elle n’apporte en aucun cas une information. Ainsi, dans nos travaux, en particulier Aspect/Accents/Frontière, tous les textes référencés à l’actualité sont calibrés dans ce sens. Ni trop lapidaires pour être efficaces, ni trop longs pour ne pas devenir informatifs. C’est l’énergie du système. Tout se joue dans le changement d’aspect des images dans les événements, « depuis…. Je ne le vois plus comme avant ». Et certaines sont plus vulnérables que d’autres, plus sensibles. Nous essayons de mettre en place des dispositifs qui effectuent cette « sensibilité » et d’inventorier des images ayant un large spectre, tant du point de vue historique que géographique.
Mais quels sont les protocoles de montages qui rendent compte de ces déplacements ? Un geste qui amène l’image pour l’encarter dans un montage. Elle est choisie, montée, et alors se déplace. Ce qui importe : le geste même qui déplace l’image dans la séquence – plus qu’il ne la place. Quels protocoles pour la sélectionner, l’encarter? Quels terrains ce geste draine-t-il, comment vont-ils se comporter?
Un commentaire sur le tournage de L’Année dernière à Marienbad, pour distinguer ces protocoles des montages cinématographiques. L’image du château de Nymphenburg est donnée par un montage de plans : ceux du château de Nymphenburg et le parc Schleissheim. Résultat : ce parc est vu comme celui de Nymphenburg. L’illusion, voulue, est totale. C’est un procédé très courant. On passe des images du château aux images du jardin en continuité, dans la contiguïté de l’espace suggéré. Ne reste qu’un simple mouvement horizontal.
Mais ce jeu a un présupposé : il ne faut pas, pour que cela marche, que je connaisse le château de Nymphenburg. Or, il se trouve que je l’ai visité. Et alors je ne crois pas d’emblée à la continuité du parc et du château. Je peux bien décider de jouer le jeu, mais cela relève d’une position, d’un choix, que l’on appellera éditorial. C’est vrai que les situations d’énonciation, qui posent une relation au monde, se retrouvent forcément lacunaires, elle se définissent par là. Mais dans le montage classique, cette lacune reste implicite. Lorsqu’elle se manifeste, même virtuellement, le montage change : la possibilité de cette effraction dans le film fait planer un risque sur la cohérence de la fiction spatiale, elle se plante à la verticale du mouvement horizontal qui lie le château au parc.
Ce risque compose un deuxième mouvement, vertical cette fois, qui vient se composer avec le montage filmique horizontal. Reste à déterminer le mode de composition entre ces deux mouvements, le point. Si l’on veut laisser se déployer cette trame, il faut sortir radicalement du film même. Les citations, les remakes, trop séquentiels, n’y suffisent plus.
Il faut mettre en œuvre des montages qui tissent en même temps qu’ils sont projetés. Il faut revenir au point, à la plus petite opération que l’on peut isoler, à l’atome du montage. C’est là que réside sa puissance. Il faut planter une aiguille dans les « intervalles » de Dziga Vertov. Il faut un point qui permette de passer d’une image à une autre, d’un événement à un autre, par un tissage, une réplique toujours à venir, en toute liberté. Et non par une séquence déjà toute faite… Les déplacements ainsi initiés doivent se voir. On doit pouvoir saisir l’énoncé et sa réplique dans un même tableau, c’est la « motion tween » de Flash. Dans O.V., des images empilées, posées sur un tapis blanc, glissent les unes sur les autres, en résonance à des informations mobilisées pour l’occasion. L’actualité se tisse ainsi point par point, avec nos images proches, dans des mouvements verticaux et horizontaux, agencés par un point, un atome de montage.
Mais Original Version ne présentera jamais que des échantillons de ces tissages, cela se trame toujours. Cette couture redouble celle de la vie. En quelque sorte, nous reprenons ainsi nos coups. Mais elle s’effectue dans la dispersion, y compris celle du sujet. Et ce n’est pas un work in progress, un appel à contribution. Seul reste en jeu une disponibilité de l’image à se mouvoir d’un aspect à l’autre. Une disponibilité qui ne relève pas ici d’une capacité propre aux images mais des montages. Elles sont disposées “ à…” car disposées “ ainsi…”, dans le point. Laissons cette disposition se déployer, en dehors de nous.

Pascale Cassagnau. Le jeu de couture du langage qu’induit la machine à coudre nous renvoie bien plutôt du côté de la métonymie que de la métaphore, en raison de son économie de la discontinuité, fil-à-fil. De ce point de vue, la métaphore désignerait une réalité donnée à échanger contre une autre réalité, alors que la métonymie désignerait une capacité, un usage : celui d’être projeté, et celui de projeter, d’engager une réalité dans un contexte extérieur. Dans votre travail, la place et le statut qu’occupe l’image dans son mode d’analyse et de témoignage du réel me semblent relever de ce mode de déplacement diagonal qu’implique toute métonymie.

Paola Yacoub et Michel Lasserre. C’est vrai que, dans une grille rhétorique, nous nous retrouvons plus du côté de la métonymie. Elle annonce cette sensibilité des images. Les montages dans Flash peuvent êtres considérés aussi comme métonymiques. Les nouages et dénouages de voisinages, les dislocations de leurs terrains frayent un espace, l’espace du risque qu’encourent les images dans leur stabilité : un espace passionnel. C’est l’annonce de leur sensibilité au contexte, à ce qui leur arrive et ce qui risque leur arriver, qu’introduisent les formes métonymiques.
Nous pouvons préciser ce point en référence à l’architecture. Dans son acception courante, l’architecture s’inscrit plutôt du côté de la métaphore (Denis Hollier, La Prise de la Concorde. Essai sur Georges Bataille, Gallimard, 1974). L’édifice devient métaphore de la fonction, qu’elle soit réelle ou symbolique. Personne plus que John Hedjuk, n’a déployé cette portée métaphorique de l’architecture. L’édifice se présente comme la métaphore du processus de conception, voir par exemple « La maison du pilote ». Aujourd’hui Daniel Libeskind poursuit cette voie. (cf. le plan en forme d’éclair pour le musée juif à Berlin).
Nous inscrivons l’architecture plutôt du côté des métonymies. Comme dans les photographies des vestiges de la muraille du Sud Liban, métonymie d’un gigantesque projet d’infrastructure. Dans la nouvelle de La Muraille de Chine de F. Kafka que nous avons mobilisée, une hypothèse est évoquée, qui voudrait que la muraille ait été construite pour servir de fondation à la tour de Babel. Mais le texte laisse l’image en attente d’un nouveau changement, dans sa sensibilité à l’événement. Autant d’écarts qui nous permettent d’explorer les glissements des terrains comme corrélat des variations des images.
« O.V./ Original Version », mené en collaboration avec l’Université de Leipzig , propose un format éditorial complexe, à « géométrie » variable : un site web interactif, des ensembles de photos, vidéos et documents d’actualité réunis en dossiers. Ces formats donnent lieu à des rencontres publiques, en l’espèce de projections-débats qui affinent et précisent les analyses. Ce travail sur la notion de « format » vise à interroger la situation des images à l’ère des nouveaux médias, les enjeux de la numérisation et la structure fonctionnelle des logiciels.