Tous les articles par Alexandre Monnin

L’archipel énergétique contre le monument électrique continu, par et

L’archipel énergétique contre le monument électrique continu
La structuration du service public de l’électricité a intégré une forte dimension imaginaire, la promesse des services collectifs pour le plus grand nombre. La figure du réseau est restée dans l’imaginaire collectif, celle de la solidarité territoriale et de la péréquation tarifaire : où que l’on aille, qu’importe les capacités productives de la région ou de la localité desservie, il y a de l’électricité au même coût. C’est la pensée d’un commun qui s’est matérialisée dans une structure réseau qui reflète des choix technologiques et politiques : un modèle centralisé à outrance et qui a misé sur le nucléaire. Le renouvelable est en train de complètement s’intégrer à ce qu’on a appelé la mégamachine. Il y a peut-être une transition énergétique mais il n’y a pas de transition infrastructurelle. Depuis une vingtaine d’années, la carte de l’interconnexion s’est considérablement densifiée, et l’ensemble des paysages mutent – paysages énergétiques dans lesquels la production électrique joue un rôle central car c’est elle qui donne « l’élasticité » économique aux territoires. De nouvelles figures réticulaires, de restructuration du réseau électrique à partir de micro-réseaux, peuvent donner lieu à des régimes socio-techniques différents.

The Energy Archipelago versus the Continuous Electric Monument
The structuring of the public electricity service has included a strong imaginary dimension: the promise of collective services for the greatest number. In the collective imagination, the figure of the network has remained, that of territorial solidarity and fare equalisation: wherever you go, whatever the productive capacity of the region or locality served, there is electricity at the same cost. This is the thinking of a common good that has materialised in a network structure that reflects technological and political choices: a model that is excessively centralised and that relies on nuclear power. The renewables are in the process of being fully integrated into what has been called the megamachine. There may be an energy transition, but there is no infrastructure transition. Over the last twenty years or so, the interconnection map has become considerably denser, and all landscapes are changing – energy landscapes in which electricity production plays a central role, because it is electricity production that gives territories their economic “elasticity”. New reticular figures, restructuring the electricity network on the basis of micro-grids, may give rise to different socio-technical regimes.

Soigner les communs négatifs en temps de pandémie, par

Soigner les communs négatifs en temps de pandémie
Cet article revient sur la pandémie de Covid et, s’inspirant de textes et concepts inscrits dans la mouvance de l’auto-défense sanitaire, défend l’assimilation de la perspective des communs négatifs avec un communisme du désastre ou du soin. La pandémie interroge selon nous l’exposition des travailleur-euses à un risque léthal du fait de la contrainte de subsister en travaillant pour des organisations. À l’instar du propos d’Yves Citton dans ce même numéro, cet état de fait invite à imaginer d’autres modèles de protection sociales adaptés à une économie du soin des communs négatif. Revenant sur la pandémie, à partir du concept de « diagonalisme » proposé par William Callison et Quinn Slobodian, il apparaît que c’est le défaut d’une telle économie qui contribua à pousser des foules de free-lances à se radicaliser sur YouTube ou Twitter, sur un mode conspiritualistes, alors que les cadres pouvaient télétravailler via Zoom ou Teams. Une économie de l’incurie s’est ainsi substitué à une économie du soin.

The Economics of Care in Pandemic Times
This article looks back at the Covid pandemic and, drawing on texts and concepts from the health self-defense movement, defends the assimilation of the negative commons perspective with a communism of disaster or care. In our view, the pandemic raises the question of workers’ exposure to a lethal risk as a result of the constraint of subsisting by working for organizations. As Yves Citton points out in this issue, this state of affairs invites us to imagine other models of social protection adapted to an economy of care for the negative commons. Looking back at the pandemic, using the concept of “diagonalism” proposed by William Callison and Quinn Slobodian, we see that it was the shortcomings of such an economy that helped drive crowds of freelancers to radicalize themselves on YouTube or Twitter, in a conspiritualist mode, while executives could telework via Zoom or Teams. An economy of neglect has thus replaced an economy of care.

Est-il trop tard pour l’effondrement ?, par , et

Est-il trop tard
pour l’effondrement ?
Cette introduction invite à décadrer et à recadrer la thématique de l’effondrement, popularisée et médiatisée par la théorie dite « collapsologie », vers le plan des acteurs, des terrains, des temporalités, et des régimes d’énonciation. Nous appelons à documenter empiriquement ce que fait l’effondrement, et ce qu’en font celles et ceux à qui cette idée « fait » quelque chose. En effet, l’effondrisme pose la question des façons de se positionner non pas uniquement par rapport à une théorie, mais également par rapport à des expériences individuelles et collectives. Le dossier vise à comprendre comment la réception de la « collapsologie » donne lieu à des jeux complexes entre désemparement et capacités d’agir. L’atterrissage sur un sol anthropocénique de plus en plus critique mérite une décisive discussion collective. L’hypothèse de cette majeure est que les expériences effondristes ont une valeur d’expérimentation à cet égard, notamment en créant un zone discursive et praxique où des cultures et des expériences politiques différentes sont amenées à se rencontrer et à collaborer.

Is it too late for collapse?
This introduction invites the reader to displace and reframe the theme of collapse—which currently receives heavy media coverage—towards a sociological approach to the actors, the places, the temporalities and the regimes of discourse. We claim the need empirically to document what collapse does to people, what people do with it, once they are touched by this idea. Collapsology calls for people to position themselves not only in relation to a theory but, more importantly, in relation to individual and collective experiences. This issue attempts to understand how the reception of collapsology provides a location for complex interplays of disarray and empowerment. Landing on an and ever more critical Anthropocenic ground deserves collective discussion. This issue promotes the hypothesis that collapsological experiences provide occasions for experimentations, by creating discursive and practical zones where different political cultures and practices can meet and collaborate.

Multitudes