Séminaire “Expériences de l’anticapitalisme. Ontologies et épistémologies”

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INSTITUT INTERDISCIPLINAIRE DANTHROPOLOGIE DU CONTEMPORAIN COLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

Séminaire de recherche

EXPÉRIENCES DE LANTICAPITALISME. ONTOLOGIES ET ÉPISTÉMOLOGIES.

Noël BARBE, chercheur au IIAC-LAHIC et Jean-Louis TORNATORE, professeur à l’Université de Bourgogne

2e et 4e vendredis du mois
de 10 h à 12 h les 8 et 22 janvier
de 9h à 11h à partir du 12 février
EHESS, salle 3, RdC, bât. Le France, 190-198 av de France 75013 Paris du 8 janvier 2016 au 10 juin 2016

Durant les années 1980, la critique sociale et politique est entrée dans une période de reflux. Ce fut un temps différemment nommé selon les postures des uns et des autres : temps de crise stratégique, d’historicité ou des visées émancipatrices ; temps de la négation de toute politique (Deleuze), temps des années d’hiver (Guattari), ou celui des adieux au prolétariat ou à la révolution. C’est la désirabilité même de la révolution qui fait problème écrit alors Foucault. Derrière ces façons de nommer le moment et de le caractériser, travaillent bien sûr des postures politiques différentes mais aussi des ressources théoriques tout aussi dissemblables.

Les années 1990 et 2000 ont vu se développer de nouvelles formes de critiques et radicalités, dont on peut indiquer quelques points de repères inauguraux –Seattle en 1999, décembre 1995 en France, les soulèvement zapatistes… – sans que n’aient cessé certaines formes de production ou de circulation de biens, certaines modalités des rapports entre humains qui, bien qu’ils ne soient pas encodées d’un point de vue anticapitaliste, ne sont pas moins des formes alternatives. Elles ont également vu des essais de refondation des théories critiques : relectures de Marx (par exemple Daniel Bensaïd), inflexion des travaux des héritiers de l’École de Francfort vers la réification et ses implications (Honneth et la question de la reconnaissance), constitution de textes religieux comme ressources (Zizek, Badiou…), redécouverte ou montée en puissance de certaines figures (Walter Benjamin, la figure du plébéien…).

Le mot même de capitalisme, un moment abandonné, a été réintroduit : ainsi l’ouvrage de Luc Boltanski et Ève Chapiello a fait date. Or, si ces derniers analysent ce qu’ils appellent « l’esprit du capitalisme » c’est à dire ce qui « justifie l’engagement dans le capitalisme », il serait temps de se pencher sur ce que serait un ou des esprits de l’anticapitalisme, autrement dit comment s’engage-t- on dans la (les) voie (s) de l’« adieu au capitalisme » (Baschet) ? Il s’agirait alors d’interroger les manières dont des expériences auto-encodées sous le registre de l’anticapitalisme explorent et portent des projets de modernités alternatives à la modernité capitaliste et d’y réfléchir à partir de quelques points de problématisation :

– Un geste de désignation. L’encodage par l’anticapitalisme suppose par symétrie la qualification des formes – sociales, économiques, culturelles… – à combattre, soit l’encodage de l’ennemi ? Autrement dit, « à quoi avons-nous affaire ? » (Pignarre et Stengers). Faut-il là se satisfaire de « grosses explications » (ibid.) ou de « collecteurs hypertrophiés » (Chouquer). À quelle échelle le capitalisme et dans quelle concrétude est il pensé par ces expériences ? Comment opérer à partir d’elles des montées en généralité ? Le débat sur le pouvoir et la stratégie, les marges et la centralité est un exemple de ces questions. Quid alors de l’opposition ou de l’articulation du moléculaire et du molaire et de leurs portées transformatrices ?

– Une politique du temps. Là où l’histoire pouvait être pensée comme une téléologie (l’accomplissement de la Raison, la résolution mécaniste des contradictions du capitalisme, les stades de l’histoire stalinienne), comment ces expériences travaillent-elles le temps, chargeant parfois

l’action politique de mémoire, marchant tout à la fois dans le passé et le futur (Marcos), pliant et dépliant en quelque sorte le temps (indigénisme, Morales et Linera en Bolivie). Moins qu’une définition substantielle et figée d’un monde à faire advenir, ces expériences proposent des présent- futur (un présent qui n’est pas un passage vers) élaborés dans l’action, moins des utopies comme horizon d’attente que des « utopies réelles » (Foucault) ou des gestes concrets qui avalisent et provisionnent l’hypothèse de l’anticapitalisme. Mais alors dans ces plis comment penser l’histoire, son rapport au politique et le surgissement de l’événement ? Quelle pensée stratégique du temps est alors mise en œuvre (si le présent n’est pas passage vers, alors vers quoi ces expériences permettent elles de bifurquer)? Peut-on cracher sur l’histoire (Holloway) et comment transporter les expériences ?

– Des interprétations ontologiques. La question du temps ne peut éluder l’hypothèse d’une pluralité de temporalités, non pour retomber dans l’illusion relativiste de l’anthropologie mais pour poursuivre l’idée qu’il n’y a pas de communication possible sans des constructions, même provisoires, de co-temporalités. Comment donc ces expériences s’accordent-elles aux temps, accordent-elles les temps ? Et comment ces accords procèdent-ils de manières spécifiques de la composition de mondes (Descola)? Que révèlent ces expériences, en particulier les conflits écologico-politiques de leurs cadres ontologiques ?

– Une interrogation sur la démocratie. Le terme, présenté, d’un point de vue normatif, comme l’horizon indépassable de toute politique est devenu usé – il en est de même pour celui de participation. En quoi les expériences de l’anticapitalisme mettent-elles en mouvement, d’un point de vue pratique, une autre problématisation des modalités de la prise de décision politique, de la gestion des autorités, de l’organisation de la vie ensemble ?

– Une échappée pragmatiste. Pointer les expériences de l’anticapitalisme conduit-il à envisager l’anticapitalisme comme expérience ? Il s’agirait alors de faire se répondre et correspondre la singularité des actions, leurs manières de mettre en cause le temps, la politique ou l’autorité, de ne pas volontairement se situer sur les « propres » de l’ennemi… avec une pensée des choses telles qu’elles sont expériencées, une pensée des relations – contre les partages et autres catégorisation de la réalité – et de la concaténation des expériences, une pensée de l’indexicalité ou prépositionnelle, en somme attentive aux situations et à (ne) produire (que) des savoirs situés (Haraway).

Programme

8 janvier : Benoît Borrits,
Journaliste et chercheur indépendant, cofondateur et animateur de l’Association Autogestion, membre du conseil scientifique d’Espaces Marx.

De la coopérative de travail à un projet d’appropriation sociale

22 janvier : Philippe Pignarre Éditeur à La Découverte

Anticapitalisme : comment prendre les choses ?

12 février : Harry Halpin
Philosophe et informaticien, Institute of Communicating and Collaborating Systems School of Informatics (Edinburgh), team member of Technology and Society Domain at the World Wide Web Consortium

La question de l’anonymat et de la nouvelle subjectivité anarchiste

26 février : Christophe Laurens
Architecte, paysagiste, coordonnateur du Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués « Alternatives urbaines » (Vitry/Seine), contributeur de l’Institut Momentum

Autonomies/Autochtonies urbaines. Des expériences habitantes qui défont le capitalisme

11 mars : Alice Canabate
Sociologue, Laboratoire de Changement Social, Université Paris-Diderot – Paris 7, contributrice de l’Institut

Momentum

Le local émancipatoire et propositionnel. L’exemple de la Coopérative Intégrale Catalane : entre décroissance et anticapitalisme.

25 mars : Arnaud Esquerre,
Sociologue, chargé de recherche au CNRS, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, université Paris Ouest Nanterre La Défense

La forme collection du capitalisme

8 avril : Diego Landivar
Économiste, CERDI-CNRS et Origens Media Lab
Les nouveaux esprits de l’anticapitalisme. Indigénisme, cosmo-politique et cosmo-capitalisme.

13 mai : à préciser
27 mai : Noël Barbe et Jean-Louis Tornatore

Expériences de l’anticapitalisme : Point d’étape 1

10 juin : Yannick Sencébé
Sociologue, maître de conférences à AgroSup Dijon, CESAER, INRA

Au-delà des légumes, faire pousser une alternative à l’aménagement de nos vies. Sens et expérience du quartier libre des Lentillères à Dijon.

Mots-clés : Anthropologie, Capitalisme, Démocratie, Économie, Environnement, Globalisation, Politique, Pragmatique/pragmatisme, Révolutions,

Centre : IIAC – Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain Adresse(s) électronique(s) de contact : noel.barbe(at)cnrs.fr, jl.tornatore(at)free.fr

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