Loi DADVSI

La loi sur le droit d’auteur en partie cassée

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LE MONDE | 28.07.06 Le Conseil constitutionnel, saisi d’un recours déposé par plus d’une soixantaine de parlementaires PS, rejoints par les Verts, les communistes et deux UDF (François Bayrou et Hervé Morin), a rendu sa décision, jeudi 27 juillet, sur la “loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information”.
Le Conseil fait droit au recours sur trois points substantiels de la loi, qui sont déclarés contraires à la Constitution et donc annulés.

La clé de voûte du texte élaboré par le ministre est remise en question. Pour donner satisfaction aux internautes, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, avait revu sa copie originelle et proposé d’alléger considérablement les sanctions imposées à ceux qui téléchargent illégalement de la musique ou des films sur Internet.

Le ministre avait proposé à l’Assemblée nationale un amendement ayant pour objet de faire échapper les actes de téléchargement illicites, commis au moyen de logiciels d’échanges “peer to peer” (de pair à pair), à la qualification de délit de contrefaçon. C’était une façon d’échapper à la loi actuelle, qui prévoit, pour les fraudeurs, des sanctions pouvant aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison.

Pour ce type de téléchargement illicite, pratiqué tout de même par quelque 8 millions de Français, le ministre voulait donc instaurer un système de contraventions au montant échelonné, selon la gravité de la faute, de 38 à 150 euros. Le Conseil constitutionnel a fait tomber cet article, estimant qu’il y créait une rupture du principe d’égalité devant la loi pénale.

IMPRÉCISE INTEROPÉRABILITÉ

En effet, des actes de reproduction ou de mise à disposition d’œuvres protégées (musique, films, cartes postales, etc.) constitueraient toujours des actes de contrefaçon s’ils étaient commis par tout autre moyen de communication en ligne, fussent-ils de banals courriers électroniques.

Ainsi, alors que le ministre promettait de sortir d’un cadre “tout répressif”, c’est l’actuelle législation qui devrait continuer de s’appliquer pour les échanges illégaux de fichiers d’œuvres protégées. Il faut savoir, tout de même, qu’en France, la loi n’a jamais été appliquée de façon sévère. Aucune peine de prison ferme n’a jamais encore été prononcée à l’encontre d’un internaute fraudeur.

Le deuxième point concerne la définition de l'”interopérabilité”, c’est-à-dire la possibilité de lire, sur n’importe quel support, une œuvre légalement acquise, en contournant “les mesures de protection voulues par les auteurs”. Le Conseil a jugé cette définition trop “imprécise”.

Troisièmement, les juges constitutionnels demandent qu’il revienne à une nouvelle autorité de régulation de garantir cette interopérabilité et, donc, de demander aux industriels “l’accès aux informations essentielles”, comme les codes sources, relatives aux mesures techniques de protection des œuvres. Ils rappellent que l’utilisation forcée ou le dévoilement de ces inventions brevetées ou de ces logiciels doivent faire l’objet d’une juste et préalable indemnité.

Le Conseil a enfin émis une série de réserves d’interprétation évitant des incompatibilités manifestes avec la directive communautaire que la loi a pour objet de transposer.

M. Donnedieu de Vabres a déclaré que “l’essentiel des dispositions de la loi ont été validées par le Conseil constitutionnel”, comme l’interopérabilité ou le crédit d’impôt pour la musique. Il regrette, toutefois, que “la saisine des députés de l’opposition ait eu pour conséquence de rétablir les peines de prison pour les internautes” et va “saisir le garde des sceaux afin que les poursuites soient orientées vers les cas les plus graves”.

Pour Patrick Bloche, député (PS) de Paris, “la décision du Conseil sanctionne l’amateurisme et l’improvisation de ce texte, qui devient obsolète avant même son application”. Le “paradoxe” de la décision est de rendre le texte “très répressif”, a-t-il observé.