Minorités

Le « Madame » survit à un premier siège de la police de Varsovie, mais que se passera-t-il jeudi ?

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Cette semaine a vu une nouvelle preuve de l’atmosphère ultra-conservatrice
et homophobe qui règne en Pologne depuis l’élection, en octobre dernier d’un
nouveau gouvernement de droite dure dirigé par le Président réactionnaire
qui déteste les gays, Lech Kaczynski et son frère jumeau, tout aussi hostile
aux queers, Jaroslav, qui contrôle le Parlement polonais.

Le lundi 25 mars, la police de Varsovie a bloqué le « Madame », un club de
gays extrêmement populaire qui est aussi un centre d’activités
contre-culturelles et de dissidence politique dans la capitale polonaise, et
se préparait à évacuer les clients et à le fermer pour de bon. La fermeture
du club avait été ordonnée par le Conseil de la ville de Varsovie, qui est
contrôlé par le parti « Loi et Justice » (PiS) des jumeaux Kaczynski.

Mais la police a été surprise – ceux qui étaient là ont refusé de partir, en
déclarant qu’ils resteraient aussi longtemps qu’il fallait pour protéger le
club de la police. Plus de 200 personnes entamèrent un sit-in pour la nuit.
Et les barricades de la police à l’entrée n’empêchèrent pas des renforts –
certains venus de l’extérieur de la ville et comprenant des femmes avec
enfants de se faufiler dans le club par les fenêtres et les entrées de
derrière pour rejoindre le sit-in.

Un groupe de militants d’un petit parti politique, Nowa Lewa (Nouvelle
gauche) conduit par leur président, Piotr Ikonowicz, finalement a percé les
barricades de la police tandis qu’ils refilaient quelques bouteilles de
bière aux forces de blocage. Des négociations entre le représentant du
gouvernement de la ville de Varsovie, Jaceck Bogiel, qui commandait le
blocus par la police et le propriétaire du club ouvertement gay, Krystian
Legierski, un gay noir né en Pologne avec l’Association Lambda de Varsovie
aboutirent finalement au retrait de tous les policiers excepté une équipe
squelettique.

Les autorités ont donné l’assurance qu’aucune action ne serait entreprise
contre le club pendant 48 heures. Mais ceux qui occupaient « Madame » ont
accueilli ces promesses avec scepticisme, et le mardi soir après une grande
fête pour remercier les supporters de « Madame » d’avoir stoppé la police et
obtenu une trêve temporaire, plus de 30 personnes organisèrent un sleep-in
dans le club pour le protéger de la police.

Pourquoi le parti au pouvoir en Pologne visait-il à éliminer Le « Madame » ?

« Nous représentons tout ce que les Kaczynski détestent, » expliqua la
directrice artistique du club, Kastia (Kate) Szurstow, aux journalistes par
téléphone de l’intérieur de Le Madame, tandis que la police montait la garde
dehors. Le club décoré de manière extravagante a ouvert ses portes il y a
trois ans dans le quartier de la vieille ville du centre de la ville,
s’étend sur deux étages d’une fabrique électronique reconvertie. A
l’origine, un lieu pour gays, il est devenu depuis aussi celui de tout un
éventail d’activités artistiques et politiques multi-culturelles et
contre-culturelles.

« Nous travaillons avec 61 groupes de théâtre et avons produit 204 pièces et
représentations artistiques allant de Tchékov et les classiques à une pièce
où jouaient seulement des schizophrènes. Notre objectif premier, cependant,
est le théâtre et l’art contemporain, » dit Szurstow.

« Nous avons aussi des expositions de toutes sortes d’art, de peintures et
de photographies. Certaines des expositions montraient des photos de nus et
les autorités ont essayé ainsi de nous faire condamner pour pornographie, »
gloussa Szurstow, « même s’ils ne représentaient pas d’actes sexuels. »

De plus, le club abrite régulièrement des groupes de contestation politique
de tout acabit pour des forums ou des débats d’idées..

« Des gays, des féministes, des militants antiglobalistes, des pacifistes,
des anarchistes, des partis d’opposition de gauche, nous les accueillons
tous ici, surtout quand ils ont du mal à trouver ailleurs des espaces de
réunion. Ici, tout le monde est la bienvenue, les gays, les hétéros,
n’importe qui. Nous pouvons avoir un débat politique au premier étage et une
grande fête et discothèque à l’étage au-dessus. » dit Szurstow.

Le Parti Vert de Varsovie, a ses bureaux au premier étage. Et au second
étage, il y a une chambre obscure pour les rendez-vous galants des clients.

Ce lieu de rencontre arc-en-ciel pour toutes sortes de ferments sexuels,
politiques et culturels est, en effet, tout ce que les jumeaux Kaczynski
détestent. Venus au pouvoir dans une élection où 77% des votes allèrent à
des partis qui se qualifiaient eux-mêmes de droite allant du Parti « Loi et
Justice des Kaczynski promettant un « nettoyage moral » de la Pologne, à la
Ligue des familles polonaises (Liga Polskich Rodzin) antisémite et homophobe
et le Parti de self-défense (Samoobrona) néo-fasciste, xénophobe et
homophobe – le gouvernement Kaczynski a choisi comme Premier ministre un
fondamentaliste radical catholique, Kazimierz Marcinkiewicz, qui est
militant dans sa condamnation de l’homosexualité comme comportement «
anormal » que l’état doit empêcher « d’infecter » les autres. Comme maire de
Varsovie avant de devenir Président de Pologne, Lech Kaczynski a interdit
pendant deux ans la Gay Pride Parade de Varsovie – et comme président, une
de ses premières actions a été la suppression du bureau gouvernemental des
droits humains chargé de l’application de la non-discrimination contre les
homosexuels.

Le frère du Président, Jaroslav qui contrôle le Parlement d’une main de fer
a proposé d’exclure les gays de l’enseignement à l’école à tous les niveaux.
Et seulement quelques semaines après les élections, dans la ville de Poznan,
le 19 novembre, le gouvernement local dominé par le parti des jumeaux a
envoyé la police pour attaquer et disloquer violemment une marche pour
l’égalité organisée par les gays et les lesbiennes avec 68 arrestations et
beaucoup de blessés.

C’est la peur de cette sorte d’homophobie à la Kaczynski et de leurs alliés
d’extrême droite qui a inspiré une résolution passée le 18 janvier par le
Parlement européen à Strasbourg condamnant l’homophobie comme « une peur et
une aversion irrationnelles » et appelant les pays membres comme la Pologne
à garantir aux gays « le même respect, dignité et protection qu’au reste de
la société. »

La résolution a été votée par 469 voix contre 129, avec l’appui de partis et
de gauche et de droite.

La tentative de fermer le « Madame » montre que Kaczynski et ses partisans
politiques n’en ont rien à cirer de la déclaration de droits humains pour
les gays émanant de Strasbourg. Mais la tentative de fermeture du club a
rencontré une large critique de la part de dirigeants politiques,
d’écrivains et de célébrités de gauche en Pologne, a dit Lukasz Palucki, un
militant de la Fondation égalité et un des organisateurs de la Gay Pride de
Varsovie.

« Le lundi soir, nous avons eu des dirigeants politiques qui sont venus au
club en solidarité, » m’a raconté Palucki de l’intérieur du club, dont,
Marek Borowski, président du Parti social-démocrate, et Wojciech Olejnicsak,
président de l’Union sociale-démocrate. Aussi une féministe polonaise
connue, Kaziera Szczuka, qui anime aussi deux programmes de télévision sur
le réseau TVN ; le chef du Parti Vert, et beaucoup d’autres. »

Et Palucki et Szurstow ont déclaré avoir même reçu des expressions de
sympathie de ministres du gouvernement national du propre parti de Kaczynski
– mais pas en public ». « Ces ministres, ces grands politiciens passent
prendre un verre et disent, « C’est terrible, ce qui vous arrive, mais que
pouvons-nous faire ? Nous n’avons pas de pouvoir sur les autorités locales.
» »

Le siège du « Madame » a été couvert largement par les médias et dans un
sens largement favorable. Alors que le siège a été censuré sur la TV
gouvernementale, six TV privées ont envoyé des équipes de filmage, et
presque toutes en ont fait le premier sujet dans les infos du soir.

Le quotidien le plus important et le plus respecté du pays, Gazeta Wyborcza,
édité par Adam Michnik, l’ancien dissident bien connu sous les gouvernements
communistes polonais, a consacré l’entière page d’introduction de son
supplément quotidien, Varsovie, au siège du Madame, avec couverture par
l’équipe. L’éditorialiste du journal, Roman Pawlowski, a écrit que le Madame
était “une grande institution civique” et “un des lieux les plus artistiques
de la ville » qui, « sans recevoir d’argent du gouvernement » avait monté
plus de pièces, et des pièces de qualité, que tous les théâtres
subventionnés réunis. »

On a pu trouver des expressions semblables de soutien dans tous les journaux
sauf ceux d’extrême droite.

Que se passera-t-il jeudi quand la s’achèvera la trêve temporaire ? La
police poursuivra-t-elle l’évacuation du Madame par la force, avec une
résistance de l’intérieur du club, transformant l’attaque en une sorte de
mur de pierre (stonewall ???) polonais ? Ou l’impasse continuera pendant que
les autorités conservatrices essayeront d’utiliser d’autres moyens
bureaucratiques pour déloger le club, comme élever considérablement le loyer
? (Le bâtiment dans lequel se trouve Le Madame appartient à la ville de
Varsovie).

Ou bien la police assistera sans réagir et laissera des casseurs skinhead
qui constituent le bras jeune de la Ligue des familles polonaises, connus
pour leurs attaques violentes contre des gays, faire le sale boulot pour eux
?
« Je ne pense pas qu’ils oseront utiliser les forces policières pour nous
jeter dehors, » a dit Szurstow du club, parce que, croit-elle, le
gouvernement craint des réactions comme celles qui ont eux lieu après
l’attaque des gays lors de la Marche pour l’égalité de Poznan, qui a
engendré des manifestations de solidarité avec les gays dans toutes les
villes polonaises importantes du pays et un énorme tollé publique dénonçant
la dislocation violente de la marche. »

Pourtant, le militant gay Palucki, s’attend au pire.« Quand la trêve est finie, jeudi, les choses deviendront chaudes, très chaudes. »

On peut trouver Doug Ireland sur son blog DIRELAND sur
http://direland.typepad.com/direland/