Universités

Manifeste pour l’autoréforme de l’université

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Pour info : unilotta@yahoo.it
Après les semaines de mobilisations, ocupations, blocage de l’activité didactique, défilés, et après la grande manifestation du 25 octobre 2005 qui a assiégé le Parlement, nous, étudiants et étudiantes, précaires de l’université et de la connaissance, nous nous sommes rencontrés pour réfléchir sur les perspectives du mouvement. L’inacceptable approvation du Ddl n’a pas tué notre détermination à poursuivre la mobilisation. La protestation est née de notre préoccupation en attaquant le processus globalisateur qu’est en train de prendre notre université et notre formation. A l’origine de cette préoccupation, il y a le processus de précarisation et de réforme. Ce processus n’est que le “3+2” [1 et le mécanisme des “crédits”, introduit par la gauche et aggravé par la droite.
Selon nous, être contre le Ddl signifie être contre le procès de réforme que l’université italienne a connu pendant les dernières années.
Depuis le début, les occupations et les mobilisations ont été des laboratoires d’expérimentation de nouvelles et nombreuses pratiques de lutte, de démolition du système universitaire actuel, et de construction immédiate d’une nouvelle université. A travers notre lutte nous avons commencé à écrire l’autoréforme de l’université. Ce manifeste réunit les pratiques et les contenus résultant des mobilisations.

1. Nous avons repris nos temps et nos espaces à travers le blocage de l’activité didactique, à travers une diminution de la présence en cours, et à travers les occupations et autogestions. En effet notre temps de vie et de formation ne sont pas compatibles avec le carcan des rythmes qui nous sont imposés. Le temps de l’université doit s’adapter à notre temps. Nous voulons une diminution radicale des rythmes d’étude et nous refusons l’obligation de présence en cours.
NOUS VOULONS ETUDIER LENTEMENT.

2. Nous sommes en train de reprendre ce qu’on veut nous enlever : pratiques diffuses d’autoréduction du repas à la cantine, du coût des transports, des services culturels, des loyers, occupations des institutions pour le droit à l’étude, libre diffusion de la connaissance menacée par les copyrights. Dans le marché de la formation, ils veulent nous destiner à un présent et à un futur de précarité. Nous réclamons des revenus, des services et des maisons, un accès gratuit à l’université et à la formation, la levée de tous les blocages au parcours universitaire, l’abolition de la propriété intellectuelle, la multiplication des bourses d’étude et des postes dans les résidences donnés avec des logiques méritocratiques, en opposition radicale à l’actuel Dpcm sur le droit à l’étude. Il est nécessaire d’encourager les financements publiques pour l’université et la recherche. Une loi financière qui enlève de l’argent à la culture pour le destiner à la guerre n’est pas acceptable.
NOUS VOULONS QUE TOUT LE MONDE PUISSE ETUDIER.

3. Nous sommes en train de construire une autre didactique. Meetings, discussions, congrès, séminaires autodirigés, fêtes, réappropriations d’espaces de sociabilité et de relation continûment niés par la réforme. Notre formation passe surtout à travers ces moments. La production de culture est, par sa propre nature, “anti-économique” et ne peut être mesurée en unités de temps et en crédits de formation. Le savoir n’est pas un produit ! Il s’agit d’un procès collectif et coopératif alternatif à la logique de l’université-entreprise, individualiste et compétitive. La parcellisation, la fragmentation et la déqualification de la culture ne porte qu’à la précarisation et au contrôle. Nous sommes pour l’autogestion de l’activité didactique et de la recherche. Nous sommes pour la démolition du système des crédits à travers plusieurs pratiques : l’inflation des crédits (c’est-à-dire la reconnaissance de toutes les activités formatives autodirigées) et l’irruption d’un savoir critique dans la programmation didactique.

4. NOUS VOULONS CONSTRUIRE NOTRE CULTURE. NOUS NE POUVONS ATTENDRE D’AUTRES REFORMES OU D’AUTRES GOUVERNEMENTS : NOTRE TEMPS EST ICI ET COMMENCE MAINTENANT!

[1 Depuis 1998, l’ensemble du système universitaire italien a été soumis à de profonds changements, qui visent à modifier non seulement la structure générale des études, mais aussi, parallèlement, la fonction sociale de l’université. Il s’agit d’une réforme qui a été pensée et menée à terme par les gouvernements de la gauche de la fin des années quatre-vingt-dix, et qui entre en vigueur massivement (bien que par des modalités qui peuvent varier d’une université à l’autre) à partir de l’année 2001-2002. Il serait trop long de décrire en détail les changements survenus mais on peut dire que les principales modifications sont de deux types : d’une part il y a une approche pédagogique assez différente par rapport à l’ancien régime, car l’esprit de la réforme est d’ancrer la formation universitaire dans le marché du travail, d’abandonner donc un modèle humaniste des études au profit d’un modéle plus “professionnel” ; d’autre part, et corrélativement, il y a une réorganisation qui touche à la structure même des études universitaires, désormais fondées sur un modèle construit par niveaux : un premier niveau, comportant trois ans d’études, et débouchant sur la laurea (la licence du système français) ; un deuxième niveau, comportant encore deux ans au terme desquels on obtient la laurea specialistica (qui pourrait correspondre au Master 2), et un dernier niveau, le doctorat. Le “3+2” est l’équivalent italien de la réforme du LMD.