Mineure 34. Philosophie des normes

Normes de gouvernance et enrôlement des acteurs sociaux

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Cette contribution voudrait répondre à une double question : d’une part pourquoi parler d’enrôlement des acteurs sociaux dans les formes contemporaines de gouvernance et, d’autre part, que pourrait apporter une philosophie des normes aujourd’hui aux risques sous-jacents à un tel enrôlement, si un tel risque venait à se confirmer[1] ?

Deux constats servent d’arrière-plan à notre démarche. Le premier est que nos systèmes démocratiques post-industriels se sont enrichis de mécanismes délibératifs qui ont augmenté leur capacité de diagnostic social et leur pouvoir de légitimation (études d’impacts, comités éthiques, villes à budget participatif, actions de proximité, etc.). Le deuxième constat est qu’en même temps, la mobilisation et l’enrôlement délibératif des citoyens n’ont pas permis de dépasser certaines limites du modèle délibératif, comme la prééminence de l’intérêt majoritaire ou les nouvelles formes de lobbying. Dans certains cas, les mécanismes délibératifs ont même rendu plus vulnérables les appareils de contrôle en favorisant l’opportunisme de nouveaux agents par leur option systématique pour la décentralisation et la multiplication des intervenants. Dans des chaînes de coordination moins lisibles, l’imputation des responsabilités devient plus complexe et la détection des fraudes et des corruptions est rendue plus difficile.

Nous allons montrer d’abord comment la théorie de la gouvernance a tenté de rencontrer cette contradiction du modèle délibératif et s’est orientée vers de nouveaux modèles participatifs pour encadrer la participation des citoyens à la régulation sociale. Une fois déterminée cette réorientation et la place que continue d’y jouer des formes d’enrôlement des acteurs sociaux, nous essayerons d’identifier les apports possibles d’une philosophie des normes construites en dialogue avec la question des apprentissages sociaux.

La gouvernance : un tournant normatif

Jusqu’au milieu des années 90, la littérature scientifique sur le sujet se contentait de lister les différentes acceptions possibles du terme de gouvernance tant le succès de celui-ci renforçait sa polysémie. Il était ainsi possible de lire que la gouvernance renvoie aux « différents moyens par lesquels les individus et les institutions, publiques et privées, gèrent leurs affaires communes »[2], et qu’elle désigne « non seulement l’action des organes exécutifs mais aussi des assemblées (par exemple, dans l’Etat, les parlements) ou les organes de jugement (par exemple, dans l’Etat, les juges et tribunaux) »[3]. On pouvait ainsi, selon R. Rhodes, dénombrer pour le terme gouvernance « au moins six significations différentes: l’Etat minimal, la gouvernance d’entreprise, la nouvelle gestion publique, la bonne gouvernance, les systèmes socio-cybernétiques et les réseaux auto-organisés »[4].

Pourtant, au début du XXIe siècle, un tournant normatif survient dans ces usages. Celui-ci est manifeste notamment dans le Livre blanc que la Commission européenne publie sur le sujet en 2001. Si ce document définit bien cinq « principes de la bonne gouvernance »[5]e qui doivent renforcer ceux de subsidiarité et de proportionnalité, il précise aussi que ces cinq principes (ouverture, participation, responsabilité, efficacité et cohérence) sont essentiels pour l’instauration d’une gouvernance plus démocratique. Un tournant normatif est donc explicitement pris en compte. « Plus démocratique » signifie clairement dans le texte engagement et participation de tous les concernés, à tous les niveaux de pouvoir[6]. « Le modèle «linéaire» consistant à décider des politiques au sommet doit être remplacé par un cercle vertueux, basé sur l’interaction, les réseaux et sur une participation à tous les niveaux, de la définition des politiques jusqu’à leur mise en œuvre »[7]. Le rapport de 2003 sur la gouvernance souligne d’ailleurs que « les propositions du Livre Blanc relatives au renforcement de la participation et à l’implication de la société civile ont, de loin, suscité davantage d’intérêt que tout autre thème »[8].

Il en a résulté l’adoption par la commission de principes généraux et de normes minimales en matière de consultation des parties concernées non institutionnelles sur les principales initiatives politiques qu’elle propose. Il en a aussi résulté dans les articles 47, 50 et 52 du Projet de Constitution, les principes de démocratie participative et de transparence des institutions garantis par l’organisation d’un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile.

Les éléments d’un cadre conceptuel tendent donc à se préciser à dix ans d’écart avec les premières approches de la notion de gouvernance: dimension normative de la référence à la gouvernance, règles d’engagement des acteurs, objectif de participation par la mise en réseau, l’information, la transparence des procédures et la délibération. S’il est important d’avoir à l’esprit les concepts plus limités de gouvernance, en relation avec des domaines spécifiques d’application, il faut aussi se rendre compte que certains groupes de travail, comme celui dirigé par Robert Madelin, ont perçu la nécessité de concepts plus génériques de gouvernance. Le Groupe de Travail n° 5 propose dans cette optique la définition suivante de la gouvernance :

« L’établissement et le fonctionnement d’ “institutions” (comprises non pas tant comme des “organisations”, mais plutôt comme des “règles du jeu”), qui définissent les différents acteurs et leurs prérogatives aussi bien dans la coopération en faveur des objectifs de la collectivité que dans la résolution des conflits susceptibles de se produire »[9].

Cette évolution des textes produits dans les enceintes politiques suit le mouvement amorcé par la démarche de théorisation. Cette dernière est elle aussi passée progressivement de la notion au concept (du contenu descriptif au contenu normatif) et de l’extension (les différents acteurs et secteurs susceptibles d’être concernés) à la compréhension (le type d’action qui est attendu de la part des acteurs).

Ce passage du descriptif au normatif s’est effectué en deux temps : un premier temps a consisté à mettre l’accent sur les effets d’agrégation des acteurs dans les processus de gouvernement, notamment grâce à des mécanismes de convocation visant une plus grandes présence des différents acteurs concernés dans les étapes préliminaires à la construction de nouveaux engagements politiques ou encore grâce à des mécanismes de partenariat visant à promouvoir des formes mixtes d’intervention dans des secteurs auparavant réservés à un seul type d’acteur[10]. Le deuxième temps a été plus centré sur la dimension de capacitation des acteurs (en fonction d’un horizon coopératif), comme c’est le cas des théoriciens mettant en avant le rôle de nouveaux types de mécanismes collaboratifs[11].

Ces deux étapes ont permis de mettre en évidence un présupposé des réflexions sur la gouvernance : leur conception de l’action collective. En fait, la gouvernance ne réside pas tant dans la poursuite d’objectifs déterminés, que dans la manière d’encadrer l’engagement collectif et de le mettre en capacité de jouer un rôle nouveau adapté à sa sollicitation (et à son enrôlement) par des dispositifs participatifs. Désormais, l’accent est mis sur la nécessité d’une organisation planifiée de la collaboration en vue d’encourager le dialogue et la délibération entre les parties les plus concernées et ceci dans la perspective de se concentrer sur des processus adaptatifs de résolution de problèmes[12]. C’est pourquoi nous allons parler par la suite de l’action collective comme de «l’enrôlement des acteurs dans un processus coordonné basé sur l’incorporation des motivations et structuré par une règle de reconnaissance rendant possible la confiance et l’engagement coopératif dans la résolution conjointe de problèmes ».

Pourquoi ce tournant normatif ?

Comment comprendre ce tournant normatif ? Sur le terrain, les stratégies de gouvernance ont tenté de dépasser une forme d’injonction contradictoire propre aux modèles participatifs existants. Cette injonction contradictoire consistait à produire de la convocation en vue de la participation tout en soutenant ce premier mouvement par la production de mécanismes incitatifs conduisant à la consultation. L’idée de participation était ainsi valorisée tandis que, dans les mécanismes qui devaient soutenir cette convocation de principe, c’était une forme de consultation médiatisée par une politique des groupes d’intérêt qui continuait d’être favorisée. Entre ces deux horizons (participation et consultation), c’est la question de la coopération effective dans les processus de décision qui restait sans réponse.

Face à cette situation, les praticiens de la gouvernance ont recouru à différents modèles normatifs principalement inspirés par le délibérativisme. Dans les termes de Jürgen Habermas, la spécificité du modèle délibératif était de compter sur la programmation sociale de processus d’entente se déroulant, comme un processus de communication sans sujet, « d’un côté, sous la forme institutionnalisée de délibérations menées dans les corps parlementaires et, de l’autre, dans le réseau des communications des espaces publics politiques »[13]. Le résultat attendu de ces processus était la constitution d’espaces participatifs soumis à l’assentiment de tous les concernés pour autant qu’ils s’engagent, de manière libre et égale, à « une recherche coopérative de la vérité, au sein de laquelle seule a le droit de s’exprimer la force de l’argument meilleur »[14]. De ces espaces devait résulter « une formation plus ou moins rationnelle de l’opinion et de la volonté (…) à propos de thèmes significatifs pour la société dans son ensemble et en des matières qui demandent à être réglementées »[15]. La présupposition pragmatique de ce modèle était donc clairement que « tous ceux qui sont en principe concernés » par une situation ou un enjeu social « peuvent participer, libres et égaux »[16], à un débat argumenté conduisant à l’élaboration de normes communes.

Positivement, l’avantage de ce modèle délibérativiste est de mettre en évidence deux critères qui sont l’égalité des conditions d’accès aux débats et l’exigence de traçabilité des débats[17]. A ces critères formels s’en ajoutent d’autres qui concernent l’intensité, l’ouverture et la qualité des débats. L’intensité renvoie à l’implication effective des non-spécialistes dans l’exploration des solutions possibles ; l’ouverture fait référence à la diversité des groupes consultés, leur indépendance et leur représentativité ; la qualité prend en compte le sérieux des prises de parole et leur continuité dans le suivi des dossiers[18].

Cette conception de la délibération démocratique permet de mieux mettre en évidence, dans le champ des interactions sociales, le rôle joué par une délibération décentralisée sur des enjeux de société. La multiplication des tests liés à des intérêts différents, localisés aussi à des endroits particuliers dans l’ordre social, favorise une production de savoirs inédits et une redéfinition progressive de l’intérêt commun que ne permet pas une gestion descendante de l’ordre social. Il en résulte la reconnaissance de la nécessité de plus en plus marquée de « politiques de proximité » (sub-politics) plus à même de rencontrer les demandes spécifiques de groupes particuliers (comme les malades chroniques dans un système de santé).

Ce cadre délibérativiste appliqué aux stratégies de gouvernance a modifié substantiellement l’approche traditionnelle de la conception des conditions de la normativité des normes sociales. Dans les termes de Callon, le degré de dialogisme inscrit dans les procédures rend les dispositifs collectifs plus sensibles 1/ « aux signaux faibles qui permettent de détecter l’émergence d’identités en mal de reconnaissance », 2/ à la « réhabilitation des compétences des non-spécialistes et plus précisément des groupes concernés », ainsi que 3/ à la « nécessaire relativisation des principes et des standards généraux. »[19]

Un pas supplémentaire : de la subsomption à l’inférence

Cette évolution de l’orientation théorique des systèmes de gouvernance vers une forme d’expérimentation sociale basée sur l’enrôlement du collectif a suscité une nouvelle manière d’appréhender la question de l’effectivité de la règle de droit dans nos espaces démocratiques qui marque l’évolution actuelle du débat en théorie du droit. Ce qui semble devoir définir prioritairement l’effectivité d’un système de règles aujourd’hui, c’est moins son pouvoir interne de subsomption garantissant la validité de ses procédures de jugement[20] que son pouvoir d’inférence à l’égard de la production d’une forme de vie sociale satisfaisante[21].

La question de la normativité du droit se déplace alors de la cohérence formelle de son contenu sémantique vers son potentiel pragmatique de gouvernance comme institution sociale. Ce potentiel de gouvernance transforme l’idée même qu’on peut se faire du rôle des officiels à l’égard des objectifs poursuivis par eux de manière conjointe. Ce rôle dépend d’un engagement collectif des acteurs concernés allant au-delà de l’adhésion à des objectifs conjoints : il s’agit de partager une responsabilité (mutual responsiveness) à l’égard de la réalisation conjointe de ces objectifs, tant au niveau des moyens à mettre en œuvre qu’au niveau du soutien éventuel à apporter au maintien des différents rôles à remplir (commitment to mutual support)[22]. La fonction d’autorité officielle ne peut être acquise dans le fait social du droit par simple convention sémantique résultant de l’auto-organisation du système. La fonction d’autorité officielle résulte d’un processus de participation soumis à une règle de reconnaissance déterminant un engagement coopératif entre les individus concernés par la poursuite des objectifs du système. Le système juridique ne peut donc promettre de satisfaire une exigence de bonne gouvernance que si la condition pour y participer à titre d’officiel passe par la garantie d’une responsabilité conjointe à l’égard des capacités de chaque acteur concerné pour remplir les objectifs annoncés.

L’idée de la proposition pragmatiste est que la règle de reconnaissance sociale remplie par l’engagement des officiels est dotée d’une productivité sémantique qui inscrit ses exigences déontologiques de loyauté et d’intégrité dans une dimension téléologique interne telle que rendre justice c’est participer à une forme d’activité conjointe dont le concept inférentiel comprend la confiance en général de la communauté morale la plus large possible dans le potentiel de bonne gouvernance du système juridique.

Il n’existerait dès lors de reconnaissance du fait social du droit que lorsque la pratique conjointe qu’il suppose de la part des officiels est supportée par un consensus social sur son potentiel de bonne gouvernance. Il faudrait donc concevoir une sorte de structure diffusive de l’autorité sociale : concentrée d’abord dans la pratique d’un groupe, elle devrait ensuite s’élargir à l’ensemble des membres de la société, parce que la pratique de la justice infère une destination commune concernant tous les membres de la société, celle d’une société juste.

Conséquences pratiques pour l’enrôlement des acteurs sociaux

Deux réponses – que nous nommerons « volontariste » et « émergentiste » – ont été apportées à cette conception inférentielle des normes sociales.

Le type de solution volontariste consiste à favoriser un processus fort d’engagement des acteurs concernés dans la recherche d’une solution. Les mécanismes privilégiés visent à garantir l’échange des informations et des expertises de manière à construire une capacité d’accord rationnel sur un diagnostic commun et des recommandations homogènes par rapport à ce processus de diagnostic, en impliquant d’emblée les différents acteurs institutionnels concernés de manière à promouvoir des apprentissages au sein des structures bureaucratiques d’accompagnement des décisions. Dans un rapport de juillet 1996, P. Haas montre que, dans le domaine du changement climatique, le GIEC (Intergovernmental Panel on Climate Change) a joué un rôle de ce type en rendant possible un véritable apprentissage organisationnel de la part de l’UNEP (United Nations Environment Programme)[23]. Haas insiste, dans ce cadre, sur le rôle joué par le consensus sur l’état des connaissances et par la perspective politique commune des scientifiques dans la recherche de solutions[24. Pour lui, les « communautés épistémiques » sont les principaux agents de l’innovation institutionnelle et de l’apprentissage social, parce qu’elles partagent un système de significations transidéologiques et transculturelles basées sur un modèle causal et une série de valeurs politiques[25].

Le type de solution émergentiste procède selon un tout autre plan. Son point de départ réside dans les réseaux de solidarité spontanée engendrés par la recherche locale de solution. En tirant parti du capital de confiance qui s’accumule dans ces relations informelles, la solution émergentiste vise à multiplier les espaces de négociation capables de relayer les diagnostics déjà élaborés par les personnes concernées pour les introduire dans des dispositifs d’interaction avec les processus de prise de décision. Ces dispositifs comptent ainsi sur des processus d’hybridation rendus possibles par la prolifération des négociations de second rang tablant aussi sur l’intérêt des acteurs pour la qualité participative, la proximité des enjeux et le sérieux des argumentations. Si cette condition première de confiance et de motivation intrinsèque est remplie, l’avantage comparatif du réseau est important : « Contrairement au modèle hiérarchique, dans lequel les agents sont pré-spécialisés, et contrairement au modèle du marché, où ils sont indifférenciés, le modèle du réseau permet une personnalisation variable et adaptative du rôle de chaque individu, en fonction de l’interaction particulière dans laquelle il est impliqué. »[26

Ces deux orientations ont aussi chacune leurs limites. Les solutions volontaristes sont attentives à satisfaire des conditions d’engagements des acteurs concernés et visent, dans un cadre fort de coordination, à produire des apprentissages organisationnels, de manière à renforcer les capacités de suivi bureaucratique des décisions. Les solutions émergentistes sont attentives à satisfaire des conditions de confiance des acteurs concernés et visent, dans un cadre fort de coopération en réseau, à construire des processus de prise de décision mieux informés et concertés en fonction des savoirs de terrain. Dans le cas des solutions volontaristes, les limites se manifestent quand on en arrive à la phase d’implémentation locale des grandes décisions politiques : le processus initial de convocation atteint sa limite et il faut désormais inciter la participation, sans que la confiance dans les acteurs de niveaux supérieurs (bureaucraties nationales et internationales) soit acquise. Dans le cas des solutions émergentistes, les limitent se manifestent lorsqu’il faut passer à un niveau de généralisation qui introduit des intérêts que le réseau ne peut rencontrer spontanément. Le processus initial basé sur les échanges solidaires atteints alors sa limite, sans que la reconnaissance diffuse dans le réseau n’ait pu se traduire en mécanismes formels de représentation. Dans les deux cas, ce sont en définitive les conditions d’une coopération effective dans la mise en œuvre des recommandations politiques qui sont déficitaires. Un espace demeure dès lors ouvert pour un autre type d’encadrement des processus d’action collective en lien avec la mise en œuvre des recommandations politiques : celui-ci peut être rempli de manière opportuniste par des acteurs capables à la fois de renforcer la confiance dans des engagements publics et de gagner la reconnaissance comme porte-parole des savoirs de réseaux.

Notre hypothèse est que l’espace laissé à l’opportunisme dans les mécanismes de gouvernance est créé par deux mécanismes d’apprentissage intrinsèquement déficients et, de plus, appliqués unilatéralement. C’est de la séparation des apprentissages organisationnels et des apprentissages de réseau que résulte un espace vide pour une coopération innovante entre acteurs traditionnels et néo-acteurs de réseau. Qu’on agisse par convocation ou par hybridation, il n’y a pas de transformation effective de capacités d’action collective susceptibles d’encadrer la coopération des différents processus possibles d’apprentissage.

Créer de nouvelles formes de coopération sociale pour contrer l’opportunisme

Cette inconséquence de la philosophie politique délibérativiste est aujourd’hui bien identifiée par tous les auteurs qui, en cherchant leur inspiration du côté, notamment, des théories pragmatistes de l’éducation à la démocratie, tentent de proposer de nouveaux cadres de participation pour débloquer l’innovation démocratique. Un point commun entre ces auteurs est de chercher à asseoir ces processus participatifs sur des formes d’expérimentation du pouvoir dans la recherche de solutions aux enjeux d’intérêt public. Il peut s’agir tout autant d’expérimentations en terme de gestion de ressources énergétiques communes, de services publics, de développement régional durable, de contrat d’environnement que de re-régulation des exigences de service universel dans le domaine de la santé, de l’éducation, des transports, de l’énergie ou des télécommunications. L’essentiel dans toutes ces expérimentations est de déterminer de nouvelles manières de créer de la coopération sociale, du savoir commun et des échelles de comparaison pour être en mesure d’évaluer les résultats de la participation et d’accompagner ses exigences. C’est la manière de pouvoir collectivement s’approprier la construction politique d’un devenir commun qui devient l’enjeu central de la gouvernance démocratique.

Cette exigence « expérimentaliste » d’une démocratie appropriable nous semble être le nœud des préoccupations exprimées par la critique du délibérativisme renouant avec les fondateurs du pragmatisme, en particulier Dewey et Peirce. Ces auteurs mettent l’accent sur les apprentissages et les mécanismes d’engagement nécessaires pour une telle appropriation, en particulier dans le courant dit d’expérimentalisme démocratique, rassemblant des rawlsiens comme Joshua Cohen ou des procéduralistes comme Charles Sabel[27].

L’intérêt de ces réflexions est qu’elles tentent de dépasser, grâce à l’apprentissage social, certaines limites de la démocratie représentative (dite « indirectement délibérative ») sans pour autant se contenter de la fiction d’une démocratie directe. L’expérimentalisme démocratique vise à définir un système de collaboration où les personnes apprennent mutuellement des succès et des échecs de chaque participant de telle sorte qu’elles soient capables de réduire la vulnérabilité engendrée par la recherche décentralisée de solutions[28]. En connectant les apprentissages de réseau avec les apprentissages institutionnels, l’expérimentalisme démocratique tente de réduire les possibilités de capture des nouvelles capacités d’action par des intérêts particuliers, peu enclins à soutenir l’interfécondation des pratiques locales ou sectorielles.

Pour rejoindre les acteurs concernés et initier avec eux des processus d’apprentissage, certaines conditions doivent en effet être remplies au plan institutionnel de manière à constituer des cultures intermédiaires d’action collective. Ces conditions sont généralement manquées quand elles sont purement et simplement confondues avec les dispositifs supposés inciter à la participation. Pour rendre appropriable un processus d’action collective, il est nécessaire qu’une communauté d’action collective ou d’enquête conjointe puisse se construire, ce qui exige selon Dewey que « les conséquences d’une activité conjointe soient jugées bonnes par toutes les personnes singulières qui y prennent part, et … que la réalisation du bien soit telle qu’elle provoque un désir et un effort énergiques pour le conserver uniquement parce qu’il s’agit d’un bien partagé par tous »[29]. C’est donc la recherche de solutions communes et la participation à la prise de décision qui constitue prima facie l’espace public, en tant que processus communautaire fondé sur l’action collective-coopérative. Dewey distingue deux moments fondamentaux dans le développement de cette action collective-coopérative. Tout d’abord, il distingue le moment de l’association qui permet d’accumuler des biens dont tous peuvent tirer avantage et qui « donne une direction à la conduite de chacun »[30]. Selon ce premier moment, la coopération avec les autres est une condition « de la libération et de l’accomplissement des potentialités personnelles »[31]. Le deuxième moment est celui du « flux de l’intelligence sociale »[32] qui résulte de l’émulation des différents groupes locaux dans l’échange et la discussion des expériences[33]. C’est la constitution d’un tel flux qui est menacée par la capture opportunistes des apprentissages locaux. Or le flux d’intelligence sociale est précisément le moment qui correspond à la libération des potentialités collectives proprement dites. Ces deux moments forment les conditions d’un processus d’apprentissage inter-groupes[34] rendant appropriable le processus de résolution de problème.

On ne peut donc poser aujourd’hui la question de la gouvernance démocratique sans envisager, sous un angle nouveau, la nécessité, pour tous les acteurs concernés dans l’espace social, de modes d’appropriation du politique pour en assurer la création continuée. Une telle exigence ne peut être rencontrée exclusivement par l’attitude coopérative de « praticiens réflexifs » – fonctionnaires, experts ou consultants – garantissant le respect de la règle de droit dans l’espace public. Elle ne peut pas plus être satisfaite par des mécanismes d’éducation dont la visée serait d’agir sur la révision des contenus de croyance sans lien direct avec une pratique démocratique de participation aux décisions collectives. L’enjeu est plutôt de mettre les acteurs concernés en capacité d’expérimenter la participation à des processus de prise de décision et de résolution de problème, de manière à leur fournir concrètement des éléments de comparaison possible et d’auto-évaluation face à des situations d’intérêt commun. C’est uniquement quand il est question de santé, d’école, de mobilité, de qualité de vie, de logement, etc. que la capacité à construire collectivement des réponses dans des processus décisionnels complexes peut être positivement incitée et donner lieu à l’appropriation d’une communauté effective de destin entre acteurs concernés. C’est dès lors en se référant à de tels contextes d’échanges dans l’espace public qu’il faut poser les conditions d’un nouvel apprentissage de la participation démocratique, c’est-à-dire organiser ces échanges de manière à rendre possible la réflexivité nécessaire à l’apprentissage.

L’aspect le plus important de la mise en œuvre de tels apprentissages intelligents dans un dispositif de gouvernance consiste à pouvoir construire directement une culture intermédiaire pour les acteurs concernés, – culture garantie au plan institutionnel par le mécanisme réflexif de l’apprentissage intelligent[35 concernant l’échange entre les expériences et leur co-évaluation.

L’apprentissage intelligent comme réponse à l’opportunisme ?

C’est donc un nouvel enjeu d’apprentissage social qui apparaît. Et celui-ci concerne à un titre spécial un déplacement de la réflexion sur les normes en philosophie. Alors que les modèles délibératifs ont concentré notre attention sur un rapport aux normes collectives dépendant d’une communauté de débat et donc sur une relation d’apprentissage intra-groupe, les modèles participatifs relancent la question des conditions d’apprentissage dans des relations exo-groupes afin d’élargir les possibilités de comportement préalablement arrêtées.

Il en résulte un autre type de relation aux normes. Il s’agit en effet non plus de fixer des règles d’argumentation dans un cadre d’universalisation des intérêts particuliers, mais d’opter pour un régime d’expérimentation passant par une déstabilisation des règles reçues. Le régime d’expérimentation déplace l’attention vers d’autres choix normatifs possibles. Il vise d’abord un élargissement des possibles. D’où aussi un concept inférentiel inédit de la gouvernance des systèmes sociaux selon lequel : la bonne gouvernance d’un système de régulation ne peut s’évaluer que par l’extension de son potentiel de gouvernance à des formes inédites de coopération inter-groupes, renforçant la participation effective à la construction de l’ordre démocratique. Pour qu’un tel élargissement puisse se produire, deux conditions peuvent être mises en avant : 1/ la prise en compte des histoires divergentes des groupes concernés pour en rendre possible une appropriation collaborative dans une culture intermédiaire commune ; 2/ la garantie institutionnelle de la mise en relation dialogique et évaluative avec d’autres situations où un processus similaire d’élargissement a permis d’apporter de meilleures solutions.

Ce genre d’approche doit non seulement s’appuyer sur les capacités d’autorégulation des groupes d’acteurs concernés au plan local, mais aussi sur la capacité du pouvoir régulateur de garantir l’égalité de statut et la liberté dans chaque expérimentation et entre les expérimentations elles-mêmes. Il faut à la fois pouvoir apprendre mutuellement des succès et des échecs de chaque participant, mais aussi être capable de réduire, au plan des garanties institutionnelles de suivi, la vulnérabilité engendrée par la recherche décentralisée de solutions[36].

Or c’est sur ce deuxième aspect que les évolutions récentes nous semblent les plus aléatoires[37]. Et ceci pour deux raisons.

La première est qu’elles ne sont pas parvenues suffisamment à identifier des mécanismes d’apprentissage organisationnel qui conduisent à une transformation des représentations des acteurs de manière à les rendre capables de saisir de nouvelles opportunités. Il s’avère que des incitants pratiques comme l’évaluation comparative, le co-design et la correction des erreurs pour favoriser l’échange des savoirs et des expériences dans l’expérimentation de solutions réalisables[38] bien qu’utiles restent insuffisants pour garantir simplement la confiance et la coopération, l’engagement par rapport aux objectifs conjoints et l’attention à des épreuves particulières liées aux circonstances des différents groupes d’acteurs concernés[39].

La deuxième raison est que le rapport déficient à l’apprentissage n’a pas uniquement des conséquences au plan des acteurs engagés dans les dispositifs, mais aussi au plan des autorités de mise en œuvre et des autorités de contrôle, dans la mesure où l’enjeu est aussi pour elles, à travers ces dispositifs, de pouvoir apprendre de l’expérience des autres par les mécanismes de suivi et de contrôle. Ainsi, dans ses recherches liées à la réforme du système de santé en Grande Bretagne, un auteur comme Peter Vincent-Jones insiste sur le fait qu’« aussi bien les entités régulatrices que les entités régulées ont besoin de s’adapter de l’intérieur et d’apprendre de leur environnement, de prendre en considération de nouvelles informations et d’ajuster leurs activités aux valeurs et aux buts centraux »[40], mais il souligne en même temps que « les conditions réflexives pour une opération réussie d’apprentissage collectif … ne peuvent pas être supposée données »[41], en particulier parce que le caractère « responsive » des mécanismes n’est pas suffisamment élaboré. « La tâche des designers institutionnels est plutôt tout à la fois d’identifier ces conditions et de déterminer le rôle de l’Etat dans leur création positive »[42]. « Stable and cooperative relationships that benefit regulators and regulatees might be a mask for inefficiency, ineffectiveness, or fraud or corruption»[43].

Mais pour rendre efficace un tel degré d’apprentissage, il faut de nouveau des mécanismes spécifiques susceptibles eux aussi de transformer les représentations des acteurs concernés pour les amener également à apprendre à apprendre. Or sur ce point, l’idée pragmatiste d’une évaluation mutuelle et d’expérimentations conjointes ne suffit pas, nous semble-t-il, à constituer la nature pratique d’une nouvelle sphère publique qui serait susceptible de transformer les préférences culturelles[44] qui dominent encore les choix politiques de gouvernance publique en Europe.

Ce double blocage de l’apprentissage a pour conséquence de laisser prise aux comportements opportunistes dans un contexte dominé par un activisme décentralisateur dont l’option expérimentaliste ne parvient pas à garantir suffisamment son propre encadrement évolutif. Sur ce plan, les attentes à l’égard d’une méthode ouverte de coordination ne peuvent être surévalués au risque de masquer la nécessité de dispositifs collaboratifs plus élaborés[45]. L’échange soutenu d’informations, le travail comparatif réalisé en commun et l’élargissement des acteurs convoqués à ce type de processus ne peuvent contribuer à réaliser plus qu’un premier esprit d’appartenance et de responsabilité à l’égard d’un devenir commun. Mais ils sont loin de fournir des garanties fiables pour mesurer l’évolution effective des mécanismes d’apprentissage commun.

C’est, comme nous l’avons suggéré, l’interaction entre les différents groupes concernés par les différentes politiques sociales qui doit être construite pour elle-même sans se référer à une forme implicite de communauté d’apprentissage immédiatement donnée par l’injonction politique. La clé d’un tel processus d’apprentissage réside, selon Donald Schön[46] [46] Cf. D. Schön, “Generative Metaphor: A Perspective on…
suite, dans l’exercice collectif d’un « recadrage » des rôles et des attentes en fonction d’un déplacement de l’attention vers de nouvelles possibilités coopératives. Un tel recadrage suppose de pouvoir identifier des comportements qui sont sources de blocages de solutions possibles, pour ensuite produire ses propres règles d’apprentissage au sein des dispositifs normatifs (apprendre à apprendre ou choisir comment choisir), autrement dit acquérir de nouvelles capacités d’usage des politiques publiques elles-mêmes.

Concrètement, c’est bien à ce genre de questions que vient de se confronter le dernier Livre blanc consacré à évaluer l’évolution des réformes du système de santé en Angleterre[47]. Il en ressort un certain échec au plan de la méthode elle-même qu’aucun indicateur spécifique n’a permis de signaler. C’est donc bien à la fois de méthode collaborative qu’il s’agit, mais en même temps de dispositifs d’attention sociale à de possibles insuffisances des dispositifs collaboratifs eux-mêmes. Or, à cet égard, les mécanismes de « reporting » n’interviennent qu’ex post et avec un réel retard vis-à-vis du déclenchement des problèmes. Cette situation pose plus globalement la question de dispositifs de réformes qui se basent exclusivement sur le triangle technocrate – experts – décideurs, sans garantir un véritable rôle de suivi aux acteurs concernés et sans organiser l’interaction entre les différents niveaux d’intervention.

Prenons comme exemple les propositions de mécanismes de refinancement de la Sécurité sociale comme la « contribution sociale généralisée » en France ou la « Cotisation sociale généralisée » en Belgique. Si des organisations syndicales ou largement de la société civile se contentent de proposer un tel mécanisme en adoptant la position d’expert s’adressant aux technocrates et aux décideurs, le mécanisme est d’emblée incomplet parce qu’il lui manque un dispositif spécifique d’encadrement collaboratif déterminant les modalités de suivi et le rôle que pourraient y jouer les différents acteurs, de même qu’il lui manque aussi une dimension comparative forte permettant à ce dispositif d’être intégré au niveau d’un processus européen et co-géré par les différents acteurs concernés. De telles remarques ont déjà été faites également à propos de la Banque Centrale Européenne, notamment par Michel Aglietta[48]. Il y a à la fois un enjeu de représentation des stakeholders dans les mécanismes de décision, mais aussi un enjeu de choix des dispositifs qui est tout aussi important que le premier. Le dispositif véritablement « responsif » est encore à créer pour éviter le simple jeu du reporting et amener à un cadre plus sensible et plus responsable lié à des mécanismes de détection sociale mettant en cause directement la productivité sociale des dispositifs au niveau de leurs effets sur la croissance. C’est dans ce sens que l’on peut dire que la question de la performance réflexive des dispositifs normatifs devient prioritaire pour garantir notre avenir démocratique.

De tels dispositifs devraient être soucieux de s’organiser pour permettre aux différents groupes d’acteurs un apprentissage intelligent de leur capacité de coopération institutionnelle en expérimentant une influence directe sur les mécanismes de coordination et sur la construction collective de l’autorité qui les sous-tend. Comme l’intuitionnent les rédacteurs anglais du Département de la santé dans leur White Paper de 2006, un mécanisme d’apprentissage intelligent réside dans un cadre institutionnel qui confère aux acteurs concernés « more control, more choice and more influence » !

Notes

[ 1] Cet article s’inscrit dans le prolongement des réflexions du Synthesis Report rédigé en collaboration avec Jacques Lenoble et intitulé « Beyond Neo-institutionalist and Pragmatist Approaches to Governance » (Juin 2006), réalisé dans le cadre du Projet REFGOV (Reflexive Governance in the Public Interest, CIT-CT-2005-513420) du VIe PCRD européen, coordonné par le Centre de Philosophie du Droit (hh http://refgov. cpdr. ucl. ac. be/ ). Les recherches de Marc Maesschalck s’inscrivent aussi dans le cadre d’un programme de recherche fédéral belge PAI (VI/06), financé par les SSTC (accessible à l’adresse ww www.cpdr. ucl. ac. be/ iap6/ ).Retour

[ 2] S. Faucheux, M. O’connor, « Technosphère vs écosphère. Choix technologiques et menaces environnementales : signaux faibles, controverses et décisions », in Futuribles, n° 251, mars 2000, pp. 29-59, p. 34.Retour

[ 3] Ibid.Retour

[ 4] R.A.W. Rhodes, « The new governance: governing without government », in Political Studies, Vol. 44 (1996), pp. 652-667, p. 652. Cf. la page hh http://europa. eu. int/ comm/ governance/ governance/ index_fr. htm; l’ouvrage de référence du même auteur est Understanding Governance: Policy Networks, Governance, Reflexivity and Accountability, Open University Press, Buckingham, 1997. Un article qui donne une bonne vue d’ensemble sur cette question du point de vue de la politologie francophone est celui de Olivier Paye, « La gouvernance : d’une notion polysémique à un concept politologique », in Etudes internationales, Vol. 36, n°1, 2005, pp. 13-40.Retour

[ 5] Cf. Livre blanc de la gouvernance européenne, Version COM (2001) 428 final, note 1, p. 9.Retour

[ 6] « L’idée générale est que l’application de ces normes permette de savoir exactement qui s’adresse à qui lorsqu’une nouvelle politique est en cours d’élaboration, afin que tous ceux que la proposition concerne puissent participer mieux et plus équitablement au processus. La Commission veillera à ce que les informations nécessaires pour permettre des réactions soient diffusées largement, grâce à des portails d’accès sur l’internet. Les normes minimales prévoient, entre autres, un délai d’au moins huit semaines pour réagir (…) » (Rapport de la Commission sur la gouvernance européenne, Luxembourg, 2003, p. 15).Retour

[ 7] Livre blanc de la gouvernance européenne, op. cit., p. 13.Retour

[ 8] Rapport de la Commission sur la gouvernance européenne, op. cit., p. 8Retour

[ 9] Groupe de Travail n° 5, Renforcement de la contribution de l’Europe à la gouvernance mondiale, Rapport du groupe, Pilote : R. Madelin, Rapporteurs : R.W. Ratchford et D. Juul Jorgensen, mai 2001, p. 7.Retour

[ 10] R. Mayntz, « Common Goods and Governance », in A. Heritier (ed), Common Goods. Reinventing European en International Governance, Rowman and Littlefield Pub., Lanham/New York/Oxford, 2002, pp. 15-27, p. 21: “governance is the type of regulation typical of the cooperative state, where state and non-state actors participate in mixed public/private policy networks”.Retour

[ 11] Il s’agit notamment de l’orientation théorique appelée « relational and collaborative approach to governance » et soutenue en particulier par les travaux de Braithwaite et Ayres (J. Braithwaite and I. Ayres, Responsive Regulation. Transcending the Deregulation Debate, Oxford, Oxford UP, 1992).Retour

[ 12] Cf. J. Freeman, “Collaborative Governance in the Administrative State”, 45 UCLA L.Rev. (1997), 6. Plus loin, l’auteur precise: “the nature of the participation sought in collaboration differs from that contemplated by interest representation. Meaningful participation enables the contributions of the most affected parties to be institutionalized and gives them some responsability for the regulatory regime” (ibid., p. 27). Cité par J. Lenoble et M. Maesschalck, « Beyond neo-institutionalist and pragmatist approaches to governance », in Les Carnets du Centre de Philosophie du Droit, n°130, 2007.Retour

[ 13] J. Habermas, Die Einbeziehung des Anderen, Studien zur politischen Theorie, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1996, p. 288 (trad. française, Fayard, Paris, 1998, p. 270).Retour

[ 14] J. Habermas, Erläuterungen zur Diskursethik, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1991, p. 154 (trad. française, Cerf, 1992, p. 140).Retour

[ 15] J. Habermas, Die Einbeziehung des Anderen, op. cit., p. 288 (trad. citée, p. 270).Retour

[ 16] J. Habermas, Erläuterungen zur Diskursethik, op. cit., p. 154 (trad. citée, p. 140).Retour

[ 17] Cf. M. Callon, P. Lascoumes et Y. Barthe, Agir dans un monde incertain, Essai sur la démocratie technique, Seuil, Paris, 2001, p. 223.Retour

[ 18] Cf. ibid., p. 219.Retour

[ 19] Ibid., pp. 342-343.Retour

[ 20] Cf. R. Alexy, Theorie der juristischen Argumentation, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1978, pp. 273 ss.Retour

[ 21] Cf. J.L. Coleman, « Conventionality and Normativity », in E. Villanueva (ed.), Legal and Political Philosophy, Rodopi, Amsterdam/New York, 2002, pp. 157-175, pp. 160 ss.Retour

[ 22] Cf. J.L. Coleman, The Practice of Principle, In Defence of a Pragmatist Approach to Legal Theory, Oxford UP, Oxford/New York, 2001, 91. Coleman renvoie au modèle d’“activité coopérative partagée” tel que défini par M. Bratman (Faces of Intention, Cambridge UP, Cambridge, 1999, pp. 94-95).Retour

[ 23] Cf. P.M. Haas et D. Mc Cabe, « Amplifiers or Dampeners: International Institutions and Social Learning in the Mangement of Global Environmental Risks », in W.C. Clark, N. Dickson et J. Jäger, Learning to Manage Global Environmental Risks, Vol. 1: A Comparative History of Social Responses to Climate Change, Ozone, Depletion, and Acid Rain, MIT Press, Cambridge, 2001.Retour

[ 24] K.T. Litfin, Ozone Discourses, Science and Politics in Global Environmental Cooperation, Columbia U. P., New York, 1994, p. 47.Retour

[ 25] Ibid. L’auteur renvoie à E. B. Haas, When Knowledge is Power : Three Models of Change in International Organizations, University of California Press, Berkeley, 1990, p. 46.Retour

[ 26] E. Brousseau et N. Curien, « Economie de l’Internet, économie du numérique », in Revue Economique, 52 (2001), Hors Série, pp. 7-36, pp. 28-29.Retour

[ 27] Cf. J. Cohen et C.F. Sabel, « Directly-Deliberative Polyarchy », in European Law Journal, 3/4 (1997), pp. 313-342.Retour

[ 28] Cf. M.C. Dorf et C.F. Sabel, « A Constitution of Democratic Experimentalism », in Columbia Law Review, 98 (1998), pp. 267-473, pp. 287-288.Retour

[ 29] J. Dewey, Le public et ses problèmes, op. cit., p. 157.Retour

[ 30] Ibid.Retour

[ 31] Ibid.Retour

[ 32] Ibid., p. 205.Retour

[ 33] Ibid., p. 204.Retour

[ 34] « Pour les groupes, “la démocratie” exige la libération des potentialités des membres d’un groupe en harmonie avec les intérêts et les biens communs. Puisque chaque individu est membre de nombreux groupes, cette prescription ne peut être exécutée que quand divers groupes interagissent souplement et pleinement en connexion avec d’autres groupes » (Ibid. p. 156). On verra également J. Dewey, Reconstruction en philosophie, trad. par P. Di Mascio, Publications de l’Université de Pau, 2003, pp. 154-155.Retour

[ 35] Cf. D. Schön, Displacement of Concepts, London, Tavistock Publications, 1963, p. 89.Retour

[ 36] Cf. M. Callon, P. Lascoumes et Y. Barthe, op. cit., pp. 287-288.Retour

[ 37] Comme nous avons essayé également de le montrer dans M. Maesschalck et A. Loute, « Points forts et points faibles des nouvelles pratiques de réforme des Etats sociaux », in Sozialalmanach 2007, Confédération Caritas, Luxembourg, 2007, pp. 191-203.Retour

[ 38] Cf. S. Helper, J.P. McDuffie and C.F. Sabel, “Pragmatic Collaborations: Advancing Knowledge by Controlling Opportunism”, Industrial and Corporate Change, vol. 9, n°3, (2000), 443-483.Retour

[ 39] Cf. M.C. Dorf et C.F. Sabel, op. cit., pp. 286-287.Retour

[ 40] P. Vincent-Jones, The New Public Contracting. Responsiveness. Relationality, Oxford UP, Oxford, 2006, p. 353.Retour

[ 41] P. Vincent-Jones, op. cit., p. 92. L’auteur poursuit: “The result in such a case would be to defeat the overall purpose of the regulatory regime. Again, the efficiency gains of relational contracting might be outweighed by disproportionate damage to other value such as equity or social justice, or harm to the interests of other stakeholders, such as consumers”.Retour

[ 42] P. Vincent-Jones, op. cit., p. 92.Retour

[ 43] P. Vincent-Jones, op. cit., p. 348.Retour

[ 44] Sur ce point, les considérations de M. J. Rœ sur les contraintes culturelles nous semblent particulièrement éclairantes. Cf. M. J. Rœ, “Political Preconditions to Separating Ownership from Corporate Control”, in Stanford Law Review, Vol. 53, n° 3, 2000, p. 539-606. Cf. J. Lenoble, “From an Incentive to a Reflexive Approach to Corporate Governance”, in R. Cobbaut & J. Lenoble (eds), Corporate Governance, An Institutionalist Approach. Kluwer Law International, 2003, pp. 17-63, p. 35, note 60.Retour

[ 45] Cf. O. De Schutter, “The role of Collective Learning in the Establishment of the Area of Freedom, Security and Justice in the UE”, Draft., p. 52Retour

[ 46] Cf. D. Schön, “Generative Metaphor: A Perspective on Problem-setting in Social Policy”, in A. Ortony (ed.), Metaphor and Thought, Cambridge (UK), Cambridge UP, 1993, 137-163.Retour

[ 47] « This White Paper confirms the vision in the Green Paper of high-quality support meeting people’s aspirations for independence and greater control over their lives, making services flexible and responsive to individual needs. We will build on what we have done, putting people more in control and shifting to a greater emphasis on prevention » (Department of Health, Our health, our care, our say, a new direction for community service, 2006.p. 5). Cf. également: « Following the direction set out in Independence, Well-being and Choice, we will move from a system where people have to take what is offered to one where people have greater control over identifying the type of support or help they want, and more choice about and influence over the services on offer » (ibid., p. 81). hh http://w www.dh. gov. uk/ assetRoot/ 04/ 12/ 74/ 59/ 04127459. pdf (06.03.2007).Retour

[ 48] Nous avons commenté cette approche d’un point de vue philosophique, dans M. Maesschalck et A. Loute, « La philosophie de l’argent », in F. Mertz (dir.), Ethique et commerce. Réalités et illusions, L’Harmattan (coll. Ethikè), Paris, 2005, p. 181‑202.Retour