Mineure 47. Prométhée contre Areva

Prométhée littéraire

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L’essai de Jean-Luc Nancy intitulé « Le mythe interrompu » commence par une célèbre scène[1] :

« il y a des hommes rassemblés, et quelqu’un qui leur fait un récit. Ces hommes rassemblés, on ne sait pas encore s’ils font une assemblée, s’ils sont une horde ou une tribu. Mais nous les disons « frères », parce qu’ils sont rassemblés, et parce qu’ils écoutent le même récit […]. Ils n’étaient pas rassemblés avant le récit, c’est la récitation qui les rassemble. Avant, ils étaient dispersés […]. Mais l’un d’eux s’est immobilisé, un jour […] et il a entamé le récit qui a rassemblée les autres[2] ».

Reconsidérée de la sorte, la scène du storytelling peut décrire la fondation de la communauté. Celle-ci, nous dit Nancy, est fondée dans les mythes qui sont racontés autour d’un feu. Son essai révèle cependant que, comme telle, la fondation de la communauté est elle-même mythique – que cette fondation par les mythes est elle-même mythique. En référence à Schelling, qui avait porté à son actif ce qui provenait pourtant de Coleridge, Nancy souligne que le mythe est « tautégorique » et non « allégorique » : « il ne dit pas autre chose que lui-même » (p. 124). « Il n’a donc pas à être interprété, il s’explique lui-même : “die sich selbst erklärende Mythologie”, la mythologie qui s’explique ou qui s’interprète elle-même » (ibid).

Du feu au rocher

Pour Nancy cependant, le mythe – et en définitive la communauté – ne peut se terminer ainsi. C’est en effet lorsque le mythe ne dit rien d’autre que lui-même qu’il s’expose comme tel, et qu’il est interrompu : soudainement, nous savons que le mythe est un mythe. Ce qui a de lourdes conséquences, étant donné le rapport étroit du mythe à la communauté. Car cela signifie que la communauté est elle aussi interrompue, d’une façon telle qu’aucune simple substitution du vieux mythe par un nouveau, ou de l’ancienne communauté par une nouvelle, ne pourrait y remédier. À la place, nous faisons face au passage d’une communauté mythique et tautégorique vers une communauté allégorique, un changement que Nancy présente comme un passage du mythe à la littérature. Une fois le mythe élevé au niveau de l’allégorie littéraire, la communauté se reconfigure autour de la matérialité interruptive d’un vide. C’est donc par l’interruption du mythe que la « communauté désœuvrée » dont parle Nancy est possible.

Que se passe-t-il si nous reconsidérons le mythe de Prométhée dans cette perspective ? Si nous acceptons l’idée que les mythes sont habituellement racontés autour d’un feu, le mythe de Prométhée est particulier parce qu’il parle du vol du feu, explicitant ainsi les conditions de la narration du mythe. Si Prométhée n’avait pas volé le feu, nous ne raconterions pas le mythe assis autour de ce dernier. Comme nous le rappelle Nancy (via Schelling et Coleridge), le mythe est effectivement en ce sens tautégorique : il ne dit ni n’explique rien d’autre que lui-même, et ne nécessite aucune explication supplémentaire. Il explicite la scène de sa propre narration. L’essai de Nancy nous invite cependant à aller plus loin. Une fois exposé le caractère tautégorique du mythe, quelque chose lui arrive : il est interrompu, et cette interruption fait s’élever le mythe au niveau littéraire de l’allégorie. Le mythe de Prométhée est ainsi détaché de son cadre (le feu) et commence à tourner autour d’autre chose – mais quoi ? Nancy ne donne aucun contenu positif à cette interruption, il parle seulement de son « inappropriement » et de la manière par laquelle elle empêche le mythe ou la communauté de ne jamais coïncider avec elle-même.

Il se pourrait que Franz Kafka ait vu juste dans sa réélaboration littéraire du mythe de Prométhée. Voici l’histoire de Kafka intitulée « Prométhée » :

« Quatre légendes nous rapportent l’histoire de Prométhée : selon la première, il fut enchaîné sur le Caucase parce qu’il avait trahi les dieux pour les hommes, et les dieux lui envoyèrent des aigles, qui lui dévorèrent son foie toujours renaissant. Selon la deuxième, Prométhée, fuyant dans sa douleur les becs qui le déchiquetaient, s’enfonça de plus en plus profondément à l’intérieur du rocher jusqu’à ne plus faire qu’un avec lui. Selon la troisième, sa trahison fut oubliée au cours des millénaires, les dieux oublièrent, les aigles se fatiguèrent, et, fatiguée, la plaie se referma. Restait l’inexplicable roc. – La légende tente d’expliquer l’inexplicable. Comme elle naît d’un fond de vérité, il lui faut bien retourner à l’inexplicable »[3].

On pourrait soutenir que « l’inexplicable roc » dans l’histoire de Kafka vient à la place de ce que Nancy appelle « interruption » : un vide matériel rompant avec la nature tautégorique du mythe. À la place, le mythe de Prométhée renait comme allégorie littéraire, et Prométhée comme Prométhée interrompu – c’est-à-dire un Prométhée littéraire. Cesse le procès de « renouvellement perpétuel » ; le feu s’avère après tout ne pas être primordial dans l’histoire. À sa place, c’est le rocher qui lentement mais sûrement s’attire à l’attention du lecteur.

Quelle littérature ? (Contre les Pyromaniaques)

Mais quelle interprétation de la littérature circule ici ? Quelle est cette « littérature » qui s’ouvre à un autre genre de « communauté » ? Et pourquoi une telle « communauté littéraire » aurait quelque différence d’avec la « communauté mythique » que Nancy critique ?

Considérons dans ce contexte la réflexion de Peter Sloterdijk sur la littérature et la communauté dans Règles pour le Parc humain, qui commence ainsi :

« Comme l’a relevé un jour Jean Paul, les livres sont de grosses lettres adressées aux amis. En écrivant cette phrase, il a désigné par son nom, dans sa quintessence et avec beaucoup de grâce, la nature et la fonction de l’humanisme : il constitue une télécommunication créatrice d’amitié utilisant le média de l’écrit »[4]. L’humanisme est une conséquence de l’alphabétisation. Comme genre littéraire, la philosophie n’a rien fait d’autre que de produire des lettres pour les amis, transmises « à travers les générations, comme une chaîne épistolaire », produisant pour finir la communauté – ce que Sloterdijk nomme à la fin du premier paragraphe de son essai, une « aura créatrice d’amitié » (p. 10)[5]. Faisant implicitement écho au travail de Benedict Anderson sur ce domaine[6], Sloterdijk fait surgir l’importance de la littérature pour l’édification de la Nation.

« Au cœur de l’humanisme ainsi compris, nous découvrons un fantasme de secte ou de club – le rêve de la solidarité de ceux qui sont choisis pour pouvoir lire » (pp. 12-13).

De la fin du XVIIIe siècle au XXIe siècle, ce rêve s’est transformé en l’humanisme littéraire de l’État-Nation. Mais qu’est-ce qui arrive à cette communauté de l’État-Nation, se demande Sloterdijk, à l’âge où l’humanisme est venu à son terme:

« parce que l’art d’écrire des lettres inspirant l’amour à une nation d’amis, quel que soit le professionnalisme avec lequel on l’exerce, ne suffirait plus à établir le lien télécommunication entre les habitants d’une société de masse moderne » (p. 16) ?

Qu’est-ce qui arrive à cette communauté dans des sociétés contemporaines qui sont « résolument post-littéraires, post-épistolographiques et par conséquent post-humanistes » (ibid.) ? Sloterdijk explicite clairement sa thèse comme suit :

« les grandes sociétés modernes ne peuvent plus produire que marginalement leur synthèse politique et culturelle par le biais des médias littéraires, épistolaires et humanistes […]. De nouveaux médias de la télécommunication politico-culturelle ont pris la tête du mouvement, ils ont réduit à une dimension modeste le schéma des amitiés nées de l’écrit. Nous avons quitté l’ère de l’humanisme des temps modernes, considéré comme un modèle scolaire et éducatif, parce que l’on ne peut plus maintenir l’illusion selon laquelle les structures politiques et économiques pourraient être organisées selon le modèle amiable de la société littéraire » (p. 17).

Quand Sloterdijk décrit cette situation comme une « désillusion » (ibid), on se demande si ce mot révèle également ses propres sentiments à propos de la situation. Bien qu’un certain enthousiasme soit perceptible dans cet essai à propos des « nouveaux médias de la télécommunication politico-culturelle », il semble aussi s’inquiéter de la perte de communauté qu’ils ont apportée. De même, quand il conclut sur l’image des lettres anciennement utilisées comme « messages à de possibles amis » maintenant transformées en « objets archivés », et quand il exprime l’espoir que « peut-être » certains archivistes « dans les caves mortes de la culture » sauront capter quelque chose de « ces papiers que l’on a pas lu pendant longtemps [qui] se mettent à scintiller comme si de lointains éclairs dardaient au-dessus d’eux », on sent de la part de l’auteur un authentique désir – réminiscences de tant de textes de Benjamin – de retourner au sens prémoderne de la communauté (p. 62).

Cette image de textes qui commencent à « scintiller » comme s’ils étaient touchés par « de lointains éclairs » résonne dans le contexte de ma discussion sur Prométhée. Cela nous renvoie au feu du mythe de Prométhée. De même, la discussion de Sloterdijk sur la communauté, dans les termes que j’ai promus plus haut, pourrait être caractérisée comme une lecture « du feu », en d’autres mots « du mythe », et non comme une lecture littéraire-allégorique « du rocher ». C’est une lecture pyromaniaque qui évite l’interruption du rocher recommandée par Nancy. Le texte commence à trembler à la lumière du feu autour duquel les mythes sont dits, les mythes qui autrefois produisaient la communauté, une communauté mythique. La communauté de Sloterdijk n’est pas celle de l’allégorie littéraire.

Prenez soin de vous

En contrepoint, considérons maintenant une autre expérimentation d’écriture de lettres dont on peut soutenir qu’elle incorpore cette critique : Prenez soin de vous de Sophie Calle. Quand Calle reçut une lettre de rupture finissant par ces mots, elle commença à se demander ce que cet impératif pouvait bien signifier. Elle envoya dès lors la lettre à plus de cent femmes, leur demandant de l’interpréter en fonction de leurs activités professionnelles. Les réponses qu’elle reçut furent réunies dans Prenez soin de vous.

Dans le cas de l’œuvre de Calle, nous avons aussi à faire avec une communauté littéraire, constituée à travers la pratique de l’écriture de lettres. Calle n’écrit pas seulement à des femmes qui sont déjà ses amies ; elle contacte aussi des femmes qu’elle ne connaissait pas auparavant, forgeant de la sorte des relations avec ces inconnues par ce processus d’écriture. Une communauté est constituée à travers ces lettres, qui n’est manifestement pas une fraternité (brotherhood) mais une sororité (sisterhood). On devrait aussi noter qu’alors que Sloterdijk parle de lettres envoyées à des amis, des lettres qui s’originent dans l’amour et y invitent, Calle fait face à une lettre de rupture qui n’établit pas de relation, mais l’achève. Sloterdijk pourrait écrire des choses positives sur une lettre voulant établir une relation ; différemment ici, la lettre demande à Calle d’être « juste amis » (cette formule tant redoutée !), instituant par conséquent une relation qui est nettement moins positive que celle que Sloterdijk a en tête. Fondamentalement, cela veut dire que la communauté que crée le travail de Calle n’est pas tant établie autour d’un contenu positif que d’une interruption – il s’agit en ce sens d’une communauté profondément interrompue, au sens que Nancy donne à ce mot. Voilà qui rompt avec la conception mythique de la communauté qui circule encore dans l’écrit de Sloterdijk.

En d’autres mots, le projet de Calle ne consiste pas à édifier mythologiquement la communauté, il ne construit manifestement pas une communauté du feu, mais du rocher, interrompue. Non pas sur fond du mythe de Prométhée, mais de la réécriture littéraire-allégorique de Kafka, qui s’achève sur l’inexplicable masse du rocher. Mais même la nouvelle version de Kafka ne nous permet pas de couvrir complètement les implications du projet de Calle, qui d’après moi ne concerne pas tant au final Prométhée que Pandora. L’insistance de Calle sur les femmes semble diriger notre attention sur cette femme, la première, qui est une part du mythe de Prométhée, infligée comme punition par Zeus à l’humanité. Ce récit de la punition est certes maintenu jusqu’à un certain point dans le projet de Calle : de la même manière que la singulière Pandora laisse s’échapper tous les maux de la jarre, Calle bombarde son ex petit ami avec les interprétations de sa lettre de rupture. Mais on ne devrait pas oublier que l’« espoir » qui reste dans la jarre, en dépit de ses ambigüités, semble tourner la dimension négative de la punition du projet de Calle en élément de constitution d’une communauté désœuvrée de l’interruption. De la sorte, une communauté est constituée autour de l’interruption d’une lettre de rupture. Ainsi se fait jour un nouveau sens de l’humanisme.

Superhumanisme

L’essai de Sloterdijk pose plusieurs problèmes, mais la réflexion sur l’humanisme qu’il développe mérite d’être rappelée à l’âge du posthumanisme. Dans les premières pages de son essai, il qualifie notre âge « post-littéraire » et « post-épistolographique » de « posthumaniste ». Il le fait dans le contexte de son assertion antérieure relative à la connexion entre littérature et humanisme. Dans son essai, le mot posthumaniste devient signifiant dans le contexte d’une discussion sur l’humanisme de l’après Seconde guerre mondiale : un humanisme qui fut consacré à « tirer l’homme hors de la barbarie » (p. 10) :

« Celui qui s’interroge aujourd’hui sur l’avenir de l’humanité et les médias de l’humanisation veut au fond savoir s’il existe un espoir de juguler les tendances actuelles qu’a l’être humain à retourner à l’état sauvage […]. Le thème latent de l’humanisme est donc une manière de faire sortir l’être humain de l’état sauvage, et sa thèse latente est la suivante : la bonne lecture apprivoise » (p. 19).

Sloterdijk critique clairement ce développement. Sa critique est provocante, étant donné que cet humanisme d’après guerre émerge pour partie en réponse à l’expérience « bestialisante » des Camps. Sa position sur l’humanisme est clarifiée vers la fin de l’essai. Ayant examiné ce qu’il nomme l’histoire sociale de l’apprivoisement (la profonde connexion entre êtres humains, animaux domestiques et maison dont, comme le note Sloterdijk, Elizabeth de Fontenay et Thomas Macho ont aussi traité), il met à l’épreuve l’histoire de la domestication, qui est aussi celle de la théorisation (et celle de ce que Nietzsche nomme le « dernier homme »). En réponse à cette histoire, Sloterdijk incite ses lecteurs à redécouvrir le surhomme nietzschéen – autre énoncé provocateur dans l’Allemagne d’après-guerre. D’une manière presque impossible au vu du contexte dans lequel il écrit, Sloterdijk fait siennes certaines pratiques d’élevage, une certaine politique de l’élevage ou biopolitique : évidemment pas celle à laquelle nous fûmes passivement exposés dans l’histoire de l’humanisme et celle des Camps – pas celle cherchant à nous domestiquer et nous apprivoiser. À sa place, il défend un superhumanisme de l’auto-guidage, arguant du fait que nous devrions tous devenir des anthropotechniciens. À l’ère biotechnologique, où nos corps sont façonnés comme jamais par le pouvoir, nous avons besoin de prendre en mains les moyens de production biopolitiques et devenir les sujets de notre propre production biopolitique (pour utiliser le langage de Hardt et Negri).

Aujourd’hui, nous prenons de plus en plus le rôle de tels sujets – mais parce que le motif que soulèvent ces développements est tabou, manque une vraie réflexion sur un « code des anthropotechniques » (p. 50). Avec pour résultat que nous n’affrontons pas activement la réalité de notre qualité d’agents biopolitiques : « un tel code transformerait aussi, rétroactivement, la signification de l’humanisme classique, car il révèlerait et enseignerait le fait que l’humanitas ne contient pas seulement l’amitié de l’homme avec l’homme [mais] que l’homme représente pour l’homme une vis major – une force plus forte que lui-même » (idem). En d’autres mots : cela rendrait explicite que nous sommes devenus nos propres dieux. Le déplacement opéré par Kant dans son essai sur les Lumières – Ose savoir ! Deviens majeur ! – est accompli aujourd’hui au royaume de la biopolitique : l’homme est devenu une « force majeure » (ibid). Trop politiquement corrects, nous sommes incapables de bien réfléchir à ce fait comme d’utiliser pour notre propre bien ce nouveau pouvoir récemment découvert.

Dans les temps à venir, écrit Sloterdijk, la « politique de l’espèce » sera décisive. « On y verra si l’humanité [parviendra] au moins à remettre en marche des procédés efficients d’auto-apprivoisement. Dans la culture contemporaine aussi s’accomplit le combat titanesque [i.e prométhéen] entre les impulsions qui apprivoisent et celles qui bestialisent, et leurs médias respectifs. De plus grands succès dans l’apprivoisement seraient déjà des succès face à un processus de civilisation au sein duquel déferle […] une vague de désinhibition sans précédent. Mais l’évolution à long terme mènera-t-elle à une réforme génétique des propriétés de l’espèce – une anthropotechnologie future atteindra-t-elle le stade d’une planification explicite des caractéristiques ? L’humanité pourra-t-elle accomplir, dans toute son espèce, un passage du fatalisme des naissances à la naissance optionnelle et à la sélection prénatale ? » (pp. 51-52). Voici de nouveau le langage du feu, du Prométhée mythique (le Titan). Et c’est bien entendu vrai que le risque du mythe est particulièrement important dans ce contexte – d’où la supposée proximité de Sloterdijk avec l’« eugénisme » et le « nazisme ». Mais il y a aussi quelque d’autre qui mérite ici d’être considéré, échappant aux limites d’une telle lecture.

D’après Sloterdijk, la question de notre temps est de transformer la politique de gardiens de troupeau et d’élevage en une politique d’auto-garde et d’auto-élevage – nous devons « oser savoir » en ce domaine aussi. La politique contemporaine concerne la maintenance du zoo humain comme ceux qui écriront ses règles, son code. C’est là où Sloterdijk et Calle forment un tandem improbable, parce qu’ils nous invitent à prendre soin de nous-mêmes. Ose ouvrir un débat à propos de ces questions. Ose t’y confronter frontalement. La politique de l’espèce consiste à devenir le sujet de sa propre production biopolitique. On pourrait soutenir que cet impératif est très proche du travail du dernier Foucault relatif au « souci de soi » : aux pratiques esthético-éthiques d’auto-production, « cura sui » ou « technè tou bio » – « art du soi » ou même biotechnologie. Le paradigme qui se fait jour ici – et le travail de Calle pourrait très bien être reconsidéré dans ce contexte – est celui d’êtres humains en tant que bioartistes : comme ceux qui, à travers l’application de techniques sophistiquées, en viennent à façonner leurs propres vies d’espèces. Faisant fond sur la description par Sloterdijk de cette lutte pour cette position titanesque, je lis cela comme une lutte prométhéenne, avec Prométhée en tant que bioartiste, et son foie comme une œuvre de bioart. Son art cependant n’est pas mythique mais allégorique. Il nous mène ultimement à l’interruption du roc – ce qui veut dire aussi vers Pandora.

Traduit de l’anglais par Frédéric Neyrat