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Le  mythe de la  charge  maximale
Migrations mondiales et  « capacité  d’accueil » de  l’État  nation, par

Le mythe de  la  charge maximale
Migration mondiale et  « capacité d’accueil » de  l’État‑ nation
Cet article propose la critique d’un concept relativement nouveau en jeu dans la détention et l’exclusion des migrants « irréguliers », à savoir que l’État-nation a une « capacité d’accueil » limitée et objective quant à l’accueil des étrangers –  une capacité qui, lorsqu’elle est dépassée, justifie une défense militarisée. Distincte des rationalités gouvernementales plus explicitement racistes qui ont sous-tendu les premiers quotas d’immigration aux États-Unis, la notion de « capacité d’accueil » nationale a une logique propre dans laquelle écologie et économie sont rendues fatalement inextricables. L’expression « charge maximale » d’un territoire donné s’est développée dans le contexte de l’environnementalisme américain comme moyen de régulation des populations de gibier non humain et s’est ensuite transformée en un langage pour évaluer le potentiel des marchés émergents. La théorie de Freud sur les blessures psychiques commence par postuler par contre une « capacité de réception » infinie [Aufnahmefähigkeit] propre au système perceptif humain –  une capacité illimitée à accueillir ce qui est extérieur, qui est à la fois la condition d’origine de la vie incarnée et ce qui doit être géré et régulé pour survivre. Les spéculations de Freud dans Au-delà du principe de plaisir aident à dissoudre une conception mythopoétique de la Vie qui est depuis devenue centrale dans l’imaginaire racial anti-immigrant.

The Myth of What We  Can Take In
Global Migration and the “Receptive Capacity” of  the  Nation-State
This article offers a critique of a relatively new concept that works to sanction the detention and exclusion of “irregular” migrants — namely, that the nation-state has a finite and objective “receptive capacity” for taking in foreigners, which, when surpassed, warrants militarized defense. Distinct from the more explicitly racist governmental rationalities that underwrote the inaugural immigration quotas in the United States, the notion of a national “receptive capacity” has a logic of its own in which ecology and economy are made fatally inextricable. Conceptions of a given territory’s “carrying capacity” developed in the context of American environmentalism as a means of regulating nonhuman game populations and subsequently transformed into a language for assessing the potential of emerging markets. Freud’s theory of psychic injury begins by postulating an infinite “receptive capacity”[Aufnahmefähigkeit] proper to the human perceptual system — an unbounded ability to take in what is external that is both the originary condition of embodied life and that which must be managed and regulated in order to survive. Freud’s speculations in Beyond the Pleasure Principle index and help to dissolve a mythopoetic conception of Life that has since become central to the anti-immigrant racial imaginary.

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas, par

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas
Le romancier et plasticien Sinzo Aanza interroge la place de l’artiste face au pouvoir depuis l’époque précoloniale jusqu’à nos jours dans le Congo contemporain. Ce qu’il appelle le « capital de l’imaginaire » se déploie avec et contre le pouvoir sur le marché de la valeur : tandis que les vendeurs de masques sont asservis par des discours d’authenticité fantasmée sur de l’art rituel, d’autres artistes s’attachent à dire l’expérience coloniale, l’exploitation des corps et des terres, dont les prédations minières contemporaines sont la continuation. C’est le rôle du poète et de l’artiste congolais qui est analysé en définitive, eux qui sont porteurs d’imaginaires tournés vers le futur et le monde.

The Capital of the Imaginary
What is and What is not
The novelist and visual artist Sinzo Aanza questions the place of the artist in the face of power, from pre-colonial times to contemporary Congo. What he calls the “capital of the imaginary” unfolds with and against power on the market of value: while mask sellers are enslaved by fantasized speeches of authenticity about ritual art, other artists focus on the colonial experience, the exploitation of bodies and land, of which contemporary mining predators are the continuation. It is the role of the poet and the Congolese artist that is ultimately analyzed, they who are bearers of imaginaries turned towards the future and the world.

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes, par

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes
Revisitant le voyage peu connu de Ernesto Che Guevara au Congo en 1965 à partir de son Journal du Congo, l’article propose une lecture décoloniale de la coopération entre Cuba et le Congo. Considérée comme un « échec » militaire, cette mission de soutien témoigne tout à la fois d’une alliance des pays du tiers-monde et d’une volonté anticoloniale et anti-impériale d’imaginer des possibles politiques alternatifs. Elle montre aussi les difficultés de faire front commun et d’implanter au Congo l’idéal marxiste cubain de « l’homme nouveau ». Malgré cette situation ambivalente, analysée à partir du journal du Che et de photographies, cette expérience militaire a été un premier jalon tiers-mondiste d’affirmation de « modernités multiples », qui ne sont pas assujetties aux seules modernités occidentales, comme en témoigne une description de l’exposition artistique du Sud Global de La Havane en 1989, conçue par l’auteure comme en étroite filiation avec le rêve du Che.

Congo and Cuba
For a Re-Existence of Latitudes
Revisiting Ernesto Che Guevara’s little-known 1965 trip to the Congo from his Congo Diary, the article offers a decolonial reading of cooperation between Cuba and the Congo. Considered a military “failure”, this mission of support testifies both to an alliance of Third World countries, and to an anti-colonial and anti-imperial will to imagine possible alternative policies. It shows also the difficulties of making a common front and implanting in the Congo the Cuban Marxist ideal of the “new man”. In spite of this ambivalent situation, analyzed from Che’s diary and photographs, this military experience was a first Third World milestone in the affirmation of “multiple modernities”, which would not be subjected only to Western modernities, as shown in a description of the artistic exhibition of the Global South in Havana in 1989, conceived by the author as being closely related to Che’s dream.

Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés, par

Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés
La photographe, vidéaste, plasticienne et dessinatrice Michèle Magema analyse sa pratique artistique, marquée par l’exil et l’appartenance à des territoires multiples. La métamorphose, le Tout-Monde, l’état de postcolonie, la monstration du corps féminin : autant de motifs de son travail artistique. Oyé Oyé est une installation mêlant images de défilés du temps de Mobutu et reconstitution par l’artiste des codes gestuels imposés aux écoliers sous la dictature. Under The Landscape reproduit et interroge les frontières politiques du Congo. Evolve revient sur la catégorie coloniale d’« évolué ». Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés interroge le « retour au pays natal » de l’artiste, après plus de trente ans d’absence. Michèle Magema définit son travail comme une création de fiction, une exploration des relations entre le Congo, la France et la Belgique, une étude des effets politiques du monde globalisé sur les individus.

Remind Me Not to Forget Our Dreamed Territories
Photographer, video artist, visual artist and cartoonist Michèle Magema analyzes her artistic practice, marked by exile and belonging to multiple territories. Metamorphosis, the All-World, the state of postcolony, the monstration of the female body: these are the motifs of her artistic work. Oyé Oyé is an installation mixing images of Mobutu’s parades and reconstitution by the artist of the gestural codes imposed on schoolchildren under the dictatorship. Under The Landscape reproduces and questions the political borders of the Congo. Evolve returns to the colonial category of “the evolved”. Remind me not to forget our dreamed territories questions the artist’s “return to the native country” after more than thirty years of absence. Michèle Magema defines her work as a creation of fiction, an exploration of the relations between the Congo, France and Belgium, a study of the political consequences of the globalized world on individuals.

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale, par

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale
Le projet Mémoires de Lubumbashi, créé en 2000, a pour objectif de collecter des sources orales sur l’histoire de cette ville minière (deuxième ville du Congo et capitale du Katanga), ainsi que des sources picturales et des objets. L’objectif est de fournir un contre-point aux sources écrites coloniales pour venir dessiner une histoire plurielle de la ville, en proposant une démarche participative et inclusive aux habitants. Des récits de vie des travailleurs de l’Union Minière du Haut-Katanga pendant la période coloniale, des récits également de leurs compagnes et de leurs filles, trop souvent oubliées des enquêtes historiques, des photographies familiales, des créations de théâtre populaire en kiswahili (surtout de la troupe Mufwankolo) qui évoquent le quotidien de la colonisation, des répertoires de chansons populaires sont autant d’exemples de cette large collecte. C’est à une conception de l’histoire en lien avec les citoyens que l’auteur nous invite, attaché à écrire les vies quotidiennes des « sans voix ».

Lubumbashi and the Idea of Oral Memory
The Memories of Lubumbashi project, created in 2000, with the aims at collecting oral sources on the history of this mining city (the second largest city in Congo and capital of Katanga) as well as pictorial sources and objects. The objective is to provide a counterpoint to written colonial sources, in order to draw a plural history of the city, by proposing a participatory and inclusive approach to the inhabitants. Life stories of the workers of the Mining Union of Haut-Katanga during the colonial period, stories also of their companions and their daughters, too often forgotten in historical investigations, family photographs, popular theater creations in Kiswahili (especially from the Mufwankolo troupe) that evoke the daily life of colonization, repertoires of popular songs are all examples of this large collection. The author invites us to a conception of history in connection with the citizens, attached to writing the daily lives of the “voiceless”.

Ré-enchanter l’Afrique, par et

Ré-enchanter l’Afrique
Au cours de cet entretien mené par Yala Kisukidi, Achille Mbembe revient sur les thèmes clés de son ouvrage Brutalisme (2020) : la définition de l’idée d’« Afrique », la nécessité de sortir d’une « histoire de la prédation » et de réinvestir des utopies par le « ré-enchantement », la revalorisation d’une « politique du soin » tandis que la terre est endommagée, la création d’un espace africain de libre circulation sont évoquées tour à tour. Convoquant les écrivains Amos Tutuola et Sony Labou Tansi, Mbembe souligne le rôle de l’imaginaire, et singulièrement de la littérature, dans la fabrique des utopies de demain. L’art, entendu comme réserve de vie et de possibles, constitue une ressource pour penser les migrations contemporaines et imaginer d’autres modèles alternatifs au modèle actuel néolibéral. Face à la criminalisation des circulations, le pillage des ressources, la violence du « brutalisme » contemporain, Mbembe en appelle à une « politique du soin » capable d’inclure, depuis l’Afrique, la question du commun et du partage de la Terre.

Re-Enchanting Africa
During this interview conducted by Yala Kisukidi, Achille Mbembe returns to the key themes of his book Brutalism (2020): the definition of the idea of “Africa”, the need to get out of a “history of predation” and to reinvest utopias through “re-enchantment”, the revaluation of a “policy of care” in our damaged lands, the creation of an african space of free movement, all these themes are discussed in turn. Convening the writers Amos Tutuola and Sony Labou Tansi, Mbembe underlines the role of the imaginary, and particularly of literature, in the making of tomorrow’s utopias. Art, understood as a reserve of life and possibilities, constitutes a resource for thinking about contemporary migrations and imagining alternative models to the current neo-liberal model. Faced with the criminalization of circulation, the plundering of resources, the violence of contemporary “brutalism”, Mbembe calls for a “politics of care” capable of including, from Africa, the question of the common and the sharing of the Earth.

Zone de contact autour d’histoires d’objets mal acquis, par

Zone de contact autour d’histoires d’objets mal acquis
L’association Alter Natives a voulu mobiliser autour des enjeux de la restitution d’objets africains des personnes peu enclines à fréquenter les musées qui les conservent. L’expérience se nomme Zone de contact/Objets d’ailleurs. Il s’agit pour des jeunes franciliens d’entrer dans les réserves des musées, de choisir certains objets d’origine non européenne, d’enquêter sur leur biographie pour savoir d’où ils viennent et d’être en mesure d’expliquer leur parcours au reste de la population. Dans ce projet de long terme, ancré sur des territoires divers, la restitution des objets mal acquis n’est donc pas le mobile principal. Ces actions permettent de tester des outils pour établir un autre type de rapport aux savoirs et développer une relation directe avec les populations dont sont issues ces objets, dans leurs pays d’origine, d’Afrique essentiellement.

Contact zone around stories of
ill-gotten objects
The Alter Natives association wanted to mobilize people who are reluctant to visit the museums that preserve them around the issues of the restitution of African objects. The experience is called Contact zone/Objects from elsewhere. It involves young people from the Ile-de-France region entering museum reserves, selecting objects of non-European origin, investigating their biography to find out where they come from and being able to explain their journey to the rest of the population. In this long-term project, anchored in various territories, the restitution of ill-gotten objects is therefore not the main motive. These actions make it possible to test tools to establish another type of relationship with knowledge and to develop a direct relationship with the populations from which these objects come, in their countries of origin, mainly in Africa.

L’affaire des « pouces coupés »
De la désuétude du musée moderne pour raconter le monde d’aujourd’hui, par

L’affaire des « pouces coupés »
Dispositif non pas d’exposition mais de communication, la « Konkomba Memory Box » est présentée simultanément dans une localité konkomba, à Nawaré au Togo, et au Rautenstrauch-Joest Museum à Cologne, dans le cadre de l’exposition « Resist – Die Kunst des Widerstands (L’art de la résistance) », du 6 novembre 2020 au 14 avril 2021. Ce cadre muséal hors-les-murs n’est pas simplement le réceptacle des informations collectées au cours d’une enquête sur l’actualité du passé colonial, et notamment de sa violence, mais il est aussi l’outil d’une exploration, dont la forme est élaborée, appropriée, discutée et recomposée par l’ensemble des participants, et surtout, par ceux qui aujourd’hui, font leur ce récit. L’affaire des « pouces coupés » illustre bien cette démarche. Il s’agit du débat sur la restitution d’un membre fantôme, celui du pouce de la main droite des archers konkomba dont les descendants actuels affirment qu’il a été amputé par les milices coloniales allemandes (Von Massow) puis françaises (Massu).

The case of the “severed thumbs”
The “Konkomba Memory Box” is not an exhibition but a communication device. It is presented simultaneously in a Konkomba locality in Nawaré, Togo, and at the Rautenstrauch-Joest Museum in Cologne, as part of the exhibition “Resist – Die Kunst des Widerstands (The Art of Resistance)”, from November 6, 2020 to April 14, 2021. This off-the-wall museum setting is not simply a receptacle for information gathered in the course of an investigation into the current events of the colonial past, and in particular its violence, but is the very tool of an exploration whose form is elaborated, appropriated, discussed and recomposed by all the participants, and above all, by those who, today, make this narrative their own. The “severed thumbs” case is a good illustration of this approach. It concerns the debate on the restitution of a phantom limb, that of the thumb of the right hand of the Konkomba archers whose current descendants claim that it was amputated by the German (Von Massow) and then French (Massu) colonial militias.

Précarité africaine, par

Précarité africaine
Pour une généalogie et une critique
La norme du travail salarié à plein temps n’a jamais réussi à s’imposer en Afrique, pas plus que l’éthique du consumérisme fondée sur l’épargne à long terme. Elle sert pourtant de référence aux projections économiques des leaders nationalistes et aux gouvernements postcoloniaux, ainsi qu’aux politiques d’ajustement structurel de la Banque Mondiale. Il en résulte un maintien des modalités d’exploitation coloniale et une incapacité à proposer une vision de l’économie originale, fondée sur les réalités du continent. La précarité représente de ce point de vue une modalité de résistance, une fuite potentiellement émancipatrice. Cependant, la récente théorisation de la précarité en Europe échoue à proposer un modèle alternatif parce qu’elle s’ancre dans l’impératif du travail. Seuls les discours religieux autorisent d’autres représentations et ils sont dès lors largement mobilisés en Afrique.

African Precariousness
For a Genealogy and a Critique
The norm of full-time wage labor never imposed itself on Africa, nor did a consumer esthics based on long-term savings. It remains nevertheless as the main reference within economic projections of African political leaders, postcolonial governments and structural adjustment policies promoted by the World Bank. The result is a continuation of colonial modes of exploitation and an incapacity to envisage a vision of economics truthful to African realities. Precariousness can thus be seen as a mode of resistance, a potentially emancipatory line of flight. However, the European theorizations of precariousness fail to propose a truly alternative model, since they hang on to the imperative of wage labor. Only religious discourses foster alternative representations, and they are massively mobilized in Africa.

Les involontaires de la patrie, par

Les involontaires de la patrie
À rebours des politiques indigénistes, ce manifeste appelle à la résistance/rexistence de tous les indigènes du Brésil, qu’ils soient indiens ou non, de tous les pauvres et opprimés natifs de cette terre qui en ont été lentement et sûrement dépossédés par l’État pour en faire des « citoyens » assujetis, exploités, surveillés, assistés. Car pour l’auteur, appartenir à la terre au lieu d’en être propriétaire est ce qui définit l’indigène. Alors, le processus de brésilianisation, qui a commencé par la « désindinisation » des Indiens, n’a eu de cesse de séparer tous les indigènes de leur relation organique à la terre, le sol d’un baraquement de favela ou le jardin d’une arrière-cour, pour en faire des travailleurs ou des soldats. C’est pourquoi la lutte des Indiens est celle de tous les indigènes brésiliens, qu’ils soient pauvres, blancs, noirs, métis, LGBT ou femmes.

The Un-Volunteers of the Fatherland
To the opposite of indigenist politics, this manifesto calls for the resistance/rexistence of all indigenous people living in Brazil, Indian or not, of all the poor and oppressed natives who have been dispossessed of this land by the State, so that they would become submissive « citizens », exploited, watched-over, assisted. According to the author, being indigenous means belonging to a place, rather than owning it. The process of Brazilianization, which started with the dis-indianization of Indians, has persistently separated the indigenous from their relation to their territory, from the floor of their favela shack or from the garden of their backyard, in order to tranform them into workers and soldiers. That is why the Indians’ struggle is the struggle of all of Brazil’s indigenous people, whether they are white, black, mixed-blood, LGBT or women.

Existe-t-il des territoires kanak ?, par

Existe-t-il des territoires kanak ?
Depuis plusieurs décennies, la relation fusionnelle des Kanaks avec leur terre ancestrale a été mise en lumière par les sciences humaines. Mais s’agit-il pour autant de territoires, définis d’un point de vue occidental comme des espaces agis, appropriés et délimités par des frontières ? Dans la culture et les langues kanak, le terme de territoire n’existe pas selon cette acception. De la période pré-coloniale, où ils étaient apparentés à un réseau de lieux, de chemins et de géosymboles, jusqu’à la période coloniale, où l’administration a voulu les transformer en réserves, les territoires kanak ont subi de profondes recompositions, qui rendent nécessaires de nouveaux outils conceptuels : ceux de territorialité et de territorialisation.

Are There Such Things as Kanak Territories ?
Social sciences have studied for many decades the fusional relation Kanak people maintain with their ancestral land. But is it really accurate to talk about “territories”, in the Western definition of spaces structured, appropriated and limited by borders ? In the Kanak culture and languages, there is no word to designate territories according to this definition. From the pre-colonial period, when they were perceived as networks of places, paths and geosymbols, to the colonial times, where the Western administration attempted to transform them into reservations, Kanak territories have gone through major recompositions, which call for new concepts, like territoriality and territorialization.

Quand la mine transforme la territorialité kanak & réciproquement, par

Quand la mine transforme la territorialité kanak & réciproquement
La mine (le nickel) est devenue, en Nouvelle-Calédonie, un « fait social total ». Elle représente la première source de revenus du Caillou après les transferts sociaux de l’État. Si la mobilisation du lien à la terre reste le ressort privilégié des revendications qui émergent à l’interface du développement des activités minières, elle met en avant de plus en plus nettement la nature comme enjeu identitaire. Les contestations qui ont entouré la mise en œuvre du projet minier de Goro-Nickel se sont appuyées sur le droit international des peuples autochtones dans la protection de l’environnement pour contraindre l’industriel à mieux tenir compte des populations vivant à proximité des projets miniers. Ainsi, le fort développement économique lié à l’activité minière ces vingt dernières années n’a pas seulement contribué à transformer les pratiques de la territorialité kanak mais aussi à donner plus de visibilité à des revendications sur la place du monde kanak dans la pratique de la démocratie en Nouvelle-Calédonie.

When Mining Transforms Kanak Territoriality
& Reciprocally
Nickel mining in New Caledonia constitutes a total social fact. It is the first source of revenue after social redistribution by the State. If the mobilization of the relation to the land continues to play a fundamental role in the political claims raised around the development of the mining industries, nature increasingly appears as a crucial reference in terms of identity. The polemics raised by the Goro-Nickel project found support in the rights of indigenous people promulgated by International Law, and manage to force the company to pay attention to the needs of the populations living in the proximity of mining projects. The strong development of industrial mining during the last 20 years not only contributed to transform the practices of Kanak territoriality : they also increased the visibility of the claims concerning the place to be granted to Kanak people in the practice of democracy in New Caledonia.

Multitudes