Archives par mot-clé : exploitation

Intégration et isolement
Les deux faces de la révolution iranienne, par

Intégration et isolement 
Les deux faces de la révolution iranienne
La révolution iranienne de 1979 et ses conséquences devraient être analysées à l’aide des concepts « d’intégration » (dans le système capitaliste mondial) et d’« isolement » (par rapport au nouvel ordre mondial). Ces deux concepts permettent de mieux comprendre les dimensions à la fois générales et particulières de cet événement. L’« intégration » met l’accent sur la nature capitaliste générale partagée par tous les pays dits du « tiers-monde » ou « périphériques », tandis que l’« isolement », considéré ici comme un moment de cette « intégration », permet d’analyser les caractéristiques réelles et concrètes qui distinguent l’Iran des autres pays de la région. Une fois analysés ces concepts dans la période postrévolutionnaire en Iran, nous nous intéresserons plus particulièrement au rôle des « populations urbaines pauvres » dans l’instauration de la République islamique mais aussi au changement de position ces dernières années, qui les a conduites à se manifester massivement contre le régime et ses politiques.

Integration and Isolation
The Two Sides of the Iranian Revolution
The Iranian revolution of 1979 and its consequences should be analyzed using the concepts of “integration” (into the world capitalist system) and “isolation” (from the new world order). These two concepts allow us to better understand both the general and particular dimensions of this event. “Integration” emphasizes the general capitalist nature shared by all the so-called “Third World” or “peripheral” countries, while “isolation”, considered here as a moment of this “integration”, allows us to analyze the real and concrete characteristics that distinguish Iran from the other countries in the region. After analyzing these concepts in the post-revolutionary period in Iran, we focus on the role of the “urban poor” in the establishment of the Islamic Republic, but also on their change of position in recent years, which has led to massive demonstrations against the regime and its policies.

La révolution poursuivie par la fuite, par

Vers une théorie de la non-scalabilité, par

Vers une théorie de  la  non-scalabilité
Peut-on changer d’échelle sans changer de nature ? Sans doute quantité de phénomènes sont altérés quand on étend leur domaine d’exercice : il y a plus qu’une différence de taille entre un jardin de quelques mètres carrés et un alignement de serres sur plusieurs hectares. La modernité coloniale s’est distinguée par cette sorte de foi en la « scalabilité » de la production. Son modèle est la plantation esclavagiste : un système fondé sur l’exploitation de vivants humains et non-humains qu’on coupe de leur racine et de leur environnement natif. La logique des « économies d’échelle », la logique de l’expansion emprunte son idéologie à cette histoire et c’est pourquoi il est nécessaire de lui opposer un antidote : la description et l’invention de mondes non-scalables, où les agents ne sont pas interchangeables, où les réseaux de dépendance sont locaux, situés, et mutuellement transformateurs pour ceux qui y vivent et ceux qui en bénéficient.

Towards a Theory of  Non-Scalability
Is it possible to change the scale of an activity without changing its nature? There is no doubt that a lot of phenomena change when we change their domain of extension. There is more than a difference of size between a garden of a few square meters and the alignment of greenhouses in a field of several hectars. Colonial modernity was remarkable in its desire for the scalability of production, and its model was the slavery-based Plantation: a system founded on the exploitation of human and non-human beings that are cut from their roots and their native environments in order to be extractible. The logic of economies of scale, the logic of expansion borrows its ideology to this history, and it is one of the reason it is necessary to oppose an antidote to it: the description and invention of non-scalable worlds, where agents are not interchangeable, where networks of dependance are local, situated and transformative for those who live in them and those who benefit from them.

Pas de pétrole, mais de l’Auto-Tune !, par et

Pas de pétrole, mais  de l’Auto-Tune !
Cher, T-Pain, Saez, Châton, Booba, Benjamin Biolay, Bon Iver, Yung Beef, Lady Gaga, Neil Young ou encore PNL, tous ces artistes ont en commun l’usage de l’Auto-Tune. Ce dernier désigne un logiciel permettant d’ajuster, de corriger la voix à la suite d’un enregistrement ou durant une performance. Si initialement, l’Auto-Tune permet de chanter juste, cela est également utilisé pour produire des modulations sonores donnant un caractère artificiel, robotique, non linéaire à la voix humaine. Le premier titre avec une présence marquée de l’Auto-Tune est « Believe » de Cher sorti en 1998 qui connaît un succès retentissant. Depuis, si quelques artistes –  à l’image de Jay-Z et son titre D.O.A. pour « Death of Auto-Tune » (2009)  – dénoncent cette pratique, l’Auto-Tune a conquis l’industrie musicale et serait utilisé dans la quasi-totalité des productions (Reynolds, 2019), toutes les esthétiques confondues. Malgré cette diffusion, encore peu de recherches académiques abordent cette question. Quels sont les enjeux liés à l’Auto-Tune ?

No Oil,
Just Auto-Tune !
Cher, T-Pain, Saez, Châton, Booba, Benjamin Biolay, Bon Iver, Yung Beef, Lady Gaga, Neil Young, and PNL: these artists share a common practice — the use of Auto-Tune, a software that permits the adjustment or correction of the voice after its recording or performance. If initially Auto-Tune was used to correct the pitch, it now is also used to produce sound modulations that give a robotic, artificial, non-linear character to the human voice. The first recording to use Auto-Tune was Cher’s “Believe” in 1998: a direct hit. Since then, if some artists — like Jay-Z and its record D.O.A. for “Death of the Auto-Tune” (2009) — criticize the practice, Auto-Tune has conquered the music industry and is said to be used in most of the musical productions of today (Reynolds 2019) regardless of their aesthetic leanings. In spite of this broad circulation, there are few academic papers tackling its implications. What is at stake in Auto-Tune?

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Standards, critiques, et contre emplois des logiciels de création, par

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Standards, critiques, et  contre-emplois des  logiciels de  création
À rebours d’un progrès technique consistant à voir les logiciels de CAO/PAO (« Conception/Publication Assistée par Ordinateur ») comme une « augmentation » mécanique des possibilités créatives, nous proposons de considérer ce processus comme une accélération –  voire comme une automatisation  – de façons de faire traditionnelles. Alors que les designers utilisent au quotidien les mêmes logiciels, ont-ils pleinement conscience de leur histoire et de leurs implications ? Comment cette tendance à la normalisation s’inscrit-elle dans l’histoire des transformations techniques induites par le développement de la computation ? Pour traiter ces enjeux, nous invitons à parcourir sous forme de courtes notices une série d’objets techniques (logiciels de création, machines,  etc.), classés du plus standardisant au plus ouvert. Chacun de ces items comprend trois sous-parties : une description de son caractère standardisant, une critique des valeurs qu’il embarque, et des contre-emplois (antérieurs ou postérieurs) en art et en design.

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Standards, Critiques and  Oblique Uses of  Creation Software
Against the technological progressivist view that would construe CAD/DTP (Computer Aided Design/Desktop Publishing) as providing a simple mechanical supplement to creative possibilities, this paper proposes to understand CAD/DTP as accelerations — or even automations — of traditional crafts. Every day, designers use the same softwares, but do they know their histories and implications? How is this normalizing tendency inscribed in the history of the technical transformations induced by the development of computation? To envisage this, this paper provides a textual commentary of the leaflets accompanying some technical objects (from creation softwares to machines) going from the more standardizing to the most open. Each of these analyses is comprised of three subparts: a description of the standardizing aspect of the leaflet, a critique of the values it embeds, and its potential counter-uses in art and design.

L’art queer de ne pas réussir, par

L’art queer de ne pas réussir
Passant du cinéma d’animation pour enfants (en suivant les exemples de films comme Chicken
Run
et Le monde de Nemo) aux artistes queer contemporaines qui ont embrassé l’échec comme un style à part entière, Jack Halberstam part à la recherche de modèles de parentés, d’alliances et de communautés pour faire alternative au monde néo-libéral et à l’idéologie du succès qui en façonne les subjectivités. Cette idéologie se déploie notamment au travers des multiples injonctions à « réussir » dans les différents aspects de la vie sociale : il faut produire, accumuler et se reproduire – autant de maillons dans la chaîne de (re)production du capital. Dans The Queer Art of Failure, Halberstam propose une méthode de déviance joyeuse par rapport à cette idéologie du succès : « d’abord, résister à la maîtrise » ; « ensuite, privilégier la naïveté et l’absurdité (la stupidité) ».

The Queer Art of Failure
Going from animated films for children like
Chicken Run and Finding Nemo to those queer contemporary artists and writers that have embraced failure as a style, Jack Halberstam is in the look out for models of kinships, alliances and communities that would provide an alternative to the neoliberal world and to the ideology of success that shape its subjectivities. This ideology unfolds through multiple injonctions to “success” in different aspects of social life : we must produce, accumulate and reproduce in order to satisfy the (re)productive obsessions of capital. In The Queer Art of Failure, Halberstam proposes a method of joyful deviance from sucess: “first, resist mastery”; “second, priviledge the naive and nonsensical (stupidity).

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas, par

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas
Le romancier et plasticien Sinzo Aanza interroge la place de l’artiste face au pouvoir depuis l’époque précoloniale jusqu’à nos jours dans le Congo contemporain. Ce qu’il appelle le « capital de l’imaginaire » se déploie avec et contre le pouvoir sur le marché de la valeur : tandis que les vendeurs de masques sont asservis par des discours d’authenticité fantasmée sur de l’art rituel, d’autres artistes s’attachent à dire l’expérience coloniale, l’exploitation des corps et des terres, dont les prédations minières contemporaines sont la continuation. C’est le rôle du poète et de l’artiste congolais qui est analysé en définitive, eux qui sont porteurs d’imaginaires tournés vers le futur et le monde.

The Capital of the Imaginary
What is and What is not
The novelist and visual artist Sinzo Aanza questions the place of the artist in the face of power, from pre-colonial times to contemporary Congo. What he calls the “capital of the imaginary” unfolds with and against power on the market of value: while mask sellers are enslaved by fantasized speeches of authenticity about ritual art, other artists focus on the colonial experience, the exploitation of bodies and land, of which contemporary mining predators are the continuation. It is the role of the poet and the Congolese artist that is ultimately analyzed, they who are bearers of imaginaries turned towards the future and the world.

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale, par

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale
Le projet Mémoires de Lubumbashi, créé en 2000, a pour objectif de collecter des sources orales sur l’histoire de cette ville minière (deuxième ville du Congo et capitale du Katanga), ainsi que des sources picturales et des objets. L’objectif est de fournir un contre-point aux sources écrites coloniales pour venir dessiner une histoire plurielle de la ville, en proposant une démarche participative et inclusive aux habitants. Des récits de vie des travailleurs de l’Union Minière du Haut-Katanga pendant la période coloniale, des récits également de leurs compagnes et de leurs filles, trop souvent oubliées des enquêtes historiques, des photographies familiales, des créations de théâtre populaire en kiswahili (surtout de la troupe Mufwankolo) qui évoquent le quotidien de la colonisation, des répertoires de chansons populaires sont autant d’exemples de cette large collecte. C’est à une conception de l’histoire en lien avec les citoyens que l’auteur nous invite, attaché à écrire les vies quotidiennes des « sans voix ».

Lubumbashi and the Idea of Oral Memory
The Memories of Lubumbashi project, created in 2000, with the aims at collecting oral sources on the history of this mining city (the second largest city in Congo and capital of Katanga) as well as pictorial sources and objects. The objective is to provide a counterpoint to written colonial sources, in order to draw a plural history of the city, by proposing a participatory and inclusive approach to the inhabitants. Life stories of the workers of the Mining Union of Haut-Katanga during the colonial period, stories also of their companions and their daughters, too often forgotten in historical investigations, family photographs, popular theater creations in Kiswahili (especially from the Mufwankolo troupe) that evoke the daily life of colonization, repertoires of popular songs are all examples of this large collection. The author invites us to a conception of history in connection with the citizens, attached to writing the daily lives of the “voiceless”.

« A » comme Amérique, Amazonie et abeilles, par

« A » comme Amérique, Amazonie et abeilles
« Amérique latine » est un nom empreint d’un passé colonial qui ne correspond aucunement à la diversité de ce vaste continent. Oser un redesign de l’Amérique latine signifie ici ouvrir des possibilités… plutôt que conclure des projets. Cela implique de revoir en traits rapides l’histoire de la formation des États-nations et les conséquences récentes du national-développementisme. Ensuite, de présenter quelques initiatives biopolitiques dans les enchevêtrements d’une biozone partagée par plusieurs nations latino-américaines. Enfin, de suivre les « abeilles sans dard » de la forêt jusqu’en ville pour, au bout du chemin, grâce à leurs pollinisations et essaimages, percevoir les contours d’une ZAD amazonienne en formation.

“A” for America, Amazonia and Bees
“Latin America” is a name with a colonial past that does not reflect the diversity of this huge continent. Daring to redesign Latin America here means opening up possibilities rather than concluding projects. It envolves revisiting in quick lines the history of the formation of nation-states and the recent consequences of national-developmentalism. Secondly, presenting some biopolitical initiatives in the tangle of a biozone shared by several Latin American nations. Finally, following the “stingless bees” from the forest to the city and, at the end of the road, thanks to their pollination and swarming, perceiving the contours of an Amazonian ZAD in formation.

Amazonie Sentinelle, par

Amazonie Sentinelle
Cet article met en lumière une forme particulière de pouvoir dans le processus de colonisation de l’Amérique du Sud. Les expéditions des bandeirantes se distinguaient du pouvoir pastoral des missions jésuites ainsi que de l’exploitation minière ou de l’occupation territoriale en établissant un régime de chasse dont les cibles principales étaient les peuples indigènes. Ce régime servait de contrepoids au pouvoir souverain et à l’humanisme occidental. Aujourd’hui, la dimension technologique de la biopolitique donne lieu à une sémiotique de la chasse (capture de signes). L’auteur souligne l’importance de la forêt amazonienne comme réservoir de signes, et la position que certaines institutions et mouvements exercent, en tant que sentinelles de la démocratie, en opposition au populisme autoritaire et prédateur de Bolsonaro.

Amazonia Sentinel
This article highlights a particular form of power in the process of colonisation of South America. The expeditions of the bandeirantes differed from the pastoral power of the Jesuit missions as well as from mining or territorial occupation by establishing a hunting regime whose main targets were the indigenous peoples. It served as a counterweight to sovereign power and Western humanism. Today, the technological dimension of biopolitics gives rise to a semiotics of hunting (capture of signs). The author underlines the importance of the Amazonian forest as a reservoir of signs, and the position that certain institutions and movements exercise, as sentinels of democracy, in opposition to Bolsonaro’s authoritarian and predatory populism.

Multitudes