Archives par mot-clé : histoire

Actualités de l’entre-nous, par

Actualités
de l’entre-nous
« Un coworking sans communauté n’existe pas. » Qu’est-ce qui sépare les nous du tiers-lieu de ceux de la start-up (plus ou moins nationalisée) ? Qu’est-ce qui distingue les bretelles (d’un nous relativement dilaté, diffracté ou bifurquant) des autoroutes (du je au cœur du développement personnel comme du nous des team buildings et atelier de we design) ? L’auto-affectation d’un soi mis au pluriel tente, par un simple jeu pronominal, de cacher son intention de relier tout le monde. À travers les reflets de ces belles âmes dans leurs variations esthétiques, cet article se propose de penser les réactualisations de la standardisation psychique mondiale en montrant comme elles brouillent de quel entre-nous ça parle. On part d’une série de citations des stars de la république des lettres. Direct, on multiplie les formes de déterritorialisations énonciatives comme autant de traversées d’un nous attaché à son incertitude d’échelle et excité par ses anachronismes : expérience originelle de l’autre comme soi, atelier alter-constructiviste, méditation auto-décentrante, réunion anti-facilitatrice, contre-point sur la situation actuelle.

News From the Segregated We
“There is no co-working without a community.” What is separating the we of the third spaces from the we of the start-up (more or less nationalized)? Is it possible to distinguish the off-ramps (of the dilated, of the diffracted, of the bifurcating we) from the highway (of the I of personal development, but also of this other we of team building and we designs)? The auto-affection of the pluralized self is an attempt, by a substitution of pronouns, to hide a not-so-secret intention to connect everybody to everybody. Investigating the reflections of these globalized “beautiful souls” in their aesthetic variations, this paper intends to think the reactualizations of world-integrated psychic standardization, in showing how they blur the we they refer themselves to. The starting point is a series of quotes from stars of the republic of letters. And it immediately shifts to forms of enunciatory deterritorializations, ways of coursing through a we attached to its own scalar uncertainty and excited by its own anachronisms: an original experience of the other as self, an alter-constructivist workshop, a self-decentering meditation, an anti-facilitating reunion, a counterpoint to the now.

Désidentifiées, par

Désidentifiées
« Nous savons que nous voulons nous retrouver. Tout ce dont nous avons besoin, c’est des cérémonies qui nous rassembleront » écrit la poétesse afro-féministe Alexis Pauline Gumbs. Les noms que nous utilisons pour nous dire font parfois office de cérémonies : un nom nous appelle, et nous répondons à son invocation. Ce peut être un cri de ralliement « Not GAY as in Happy but QUEER as in Fuck You ! », mais même les collectifs les plus émeutiers et les plus retors à l’identification courent le risque, en se nommant, de se voir réassigner à résidence par l’interpellation policière (« hé toi, là-bas ! »). Comment éviter les pièges de l’identité ? Les études queer ont élaboré le concept de désidentification pour décrire la tentative fugitive d’échapper aux marquages policiers des identités. Ce texte tente de détailler les enjeux politiques de ce refus d’identification en le situant dans les allers-retours franco-états-uniens des études et des activismes queer.

Disidentified
“We know that we want to gather. All we have to find is the ceremony,” writes afro-feminist poet Alexis Pauline Gumbs The names that we use to say ourselves are sometimes our ceremonies: a name calls us, and we respond to its calling. It can be a rallying cry (“Not GAY as in Happy but QUEER as in Fuck You!”), but even the most riotous collectives, even the most reticent to identification run the risk, in naming themselves, the house-arrest of police hailing (“hey you, there!”) How to steer away from the traps of identity? Anglophone queer studies have elaborated the concept of disidentification to describe the fugitive attempt to escape the police-made markings of identities. This text details the political stakes of this refusal to identifiy and the potential alliances it invites.

TransMatérialités
Trans*/Matière/Réalités et  imaginaires politiques queer, par

Trans*/Matière/Réalités et imaginaires politiques queer
La catégorie du « naturel » a mauvaise réputation quand il est question de genre et de sexualité : elle est bien souvent utilisée pour essentialiser et valoriser les « bons » comportements et rejeter les « mauvais genres » du côté des monstres et du contre-nature. Mais si la « Nature » elle-même était déviante ? Et si la matière elle-même était faite d’êtres qui défient la logique ? Dans cet article, la physicienne et philosophe des sciences Karen Barad propose une lecture oblique de la physique quantique et de ses réceptions, à la recherche de créatures (des éclairs, des électrons, du vide, un monstre de Frankenstein…) aux côtés desquelles toustes celleux qu’on a désignées comme contre-nature pourraient trouver compagnie.

Transmaterealities
Imagination and Queer Politics
The category of the “natural” has a bad reputation when it comes to gender and sexuality : it is more often than not used to essentialise and value the “good” behaviors and to reject the “bad” kinds into the motley crew of antinatural monsters. But what if “nature”was itself deviant? What if matter itself was made of beings that defy logic? In this paper, physicist and science philosopher Karen Barad offers an oblique reading of quantum physics and its reception, looking for critters (lightning, electrons, frogs, the Frankenstein monster…) amongst which all of those who have been designated as non-natural might find company.

L’art queer de ne pas réussir, par

L’art queer de ne pas réussir
Passant du cinéma d’animation pour enfants (en suivant les exemples de films comme Chicken
Run
et Le monde de Nemo) aux artistes queer contemporaines qui ont embrassé l’échec comme un style à part entière, Jack Halberstam part à la recherche de modèles de parentés, d’alliances et de communautés pour faire alternative au monde néo-libéral et à l’idéologie du succès qui en façonne les subjectivités. Cette idéologie se déploie notamment au travers des multiples injonctions à « réussir » dans les différents aspects de la vie sociale : il faut produire, accumuler et se reproduire – autant de maillons dans la chaîne de (re)production du capital. Dans The Queer Art of Failure, Halberstam propose une méthode de déviance joyeuse par rapport à cette idéologie du succès : « d’abord, résister à la maîtrise » ; « ensuite, privilégier la naïveté et l’absurdité (la stupidité) ».

The Queer Art of Failure
Going from animated films for children like
Chicken Run and Finding Nemo to those queer contemporary artists and writers that have embraced failure as a style, Jack Halberstam is in the look out for models of kinships, alliances and communities that would provide an alternative to the neoliberal world and to the ideology of success that shape its subjectivities. This ideology unfolds through multiple injonctions to “success” in different aspects of social life : we must produce, accumulate and reproduce in order to satisfy the (re)productive obsessions of capital. In The Queer Art of Failure, Halberstam proposes a method of joyful deviance from sucess: “first, resist mastery”; “second, priviledge the naive and nonsensical (stupidity).

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas, par

Le capital de l’imaginaire
Ce qu’il y a et ce qui n’est pas
Le romancier et plasticien Sinzo Aanza interroge la place de l’artiste face au pouvoir depuis l’époque précoloniale jusqu’à nos jours dans le Congo contemporain. Ce qu’il appelle le « capital de l’imaginaire » se déploie avec et contre le pouvoir sur le marché de la valeur : tandis que les vendeurs de masques sont asservis par des discours d’authenticité fantasmée sur de l’art rituel, d’autres artistes s’attachent à dire l’expérience coloniale, l’exploitation des corps et des terres, dont les prédations minières contemporaines sont la continuation. C’est le rôle du poète et de l’artiste congolais qui est analysé en définitive, eux qui sont porteurs d’imaginaires tournés vers le futur et le monde.

The Capital of the Imaginary
What is and What is not
The novelist and visual artist Sinzo Aanza questions the place of the artist in the face of power, from pre-colonial times to contemporary Congo. What he calls the “capital of the imaginary” unfolds with and against power on the market of value: while mask sellers are enslaved by fantasized speeches of authenticity about ritual art, other artists focus on the colonial experience, the exploitation of bodies and land, of which contemporary mining predators are the continuation. It is the role of the poet and the Congolese artist that is ultimately analyzed, they who are bearers of imaginaries turned towards the future and the world.

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes, par

Le Congo et Cuba
Pour une ré-existence des latitudes
Revisitant le voyage peu connu de Ernesto Che Guevara au Congo en 1965 à partir de son Journal du Congo, l’article propose une lecture décoloniale de la coopération entre Cuba et le Congo. Considérée comme un « échec » militaire, cette mission de soutien témoigne tout à la fois d’une alliance des pays du tiers-monde et d’une volonté anticoloniale et anti-impériale d’imaginer des possibles politiques alternatifs. Elle montre aussi les difficultés de faire front commun et d’implanter au Congo l’idéal marxiste cubain de « l’homme nouveau ». Malgré cette situation ambivalente, analysée à partir du journal du Che et de photographies, cette expérience militaire a été un premier jalon tiers-mondiste d’affirmation de « modernités multiples », qui ne sont pas assujetties aux seules modernités occidentales, comme en témoigne une description de l’exposition artistique du Sud Global de La Havane en 1989, conçue par l’auteure comme en étroite filiation avec le rêve du Che.

Congo and Cuba
For a Re-Existence of Latitudes
Revisiting Ernesto Che Guevara’s little-known 1965 trip to the Congo from his Congo Diary, the article offers a decolonial reading of cooperation between Cuba and the Congo. Considered a military “failure”, this mission of support testifies both to an alliance of Third World countries, and to an anti-colonial and anti-imperial will to imagine possible alternative policies. It shows also the difficulties of making a common front and implanting in the Congo the Cuban Marxist ideal of the “new man”. In spite of this ambivalent situation, analyzed from Che’s diary and photographs, this military experience was a first Third World milestone in the affirmation of “multiple modernities”, which would not be subjected only to Western modernities, as shown in a description of the artistic exhibition of the Global South in Havana in 1989, conceived by the author as being closely related to Che’s dream.

Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés, par

Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés
La photographe, vidéaste, plasticienne et dessinatrice Michèle Magema analyse sa pratique artistique, marquée par l’exil et l’appartenance à des territoires multiples. La métamorphose, le Tout-Monde, l’état de postcolonie, la monstration du corps féminin : autant de motifs de son travail artistique. Oyé Oyé est une installation mêlant images de défilés du temps de Mobutu et reconstitution par l’artiste des codes gestuels imposés aux écoliers sous la dictature. Under The Landscape reproduit et interroge les frontières politiques du Congo. Evolve revient sur la catégorie coloniale d’« évolué ». Rappelle-moi de ne pas oublier nos territoires rêvés interroge le « retour au pays natal » de l’artiste, après plus de trente ans d’absence. Michèle Magema définit son travail comme une création de fiction, une exploration des relations entre le Congo, la France et la Belgique, une étude des effets politiques du monde globalisé sur les individus.

Remind Me Not to Forget Our Dreamed Territories
Photographer, video artist, visual artist and cartoonist Michèle Magema analyzes her artistic practice, marked by exile and belonging to multiple territories. Metamorphosis, the All-World, the state of postcolony, the monstration of the female body: these are the motifs of her artistic work. Oyé Oyé is an installation mixing images of Mobutu’s parades and reconstitution by the artist of the gestural codes imposed on schoolchildren under the dictatorship. Under The Landscape reproduces and questions the political borders of the Congo. Evolve returns to the colonial category of “the evolved”. Remind me not to forget our dreamed territories questions the artist’s “return to the native country” after more than thirty years of absence. Michèle Magema defines her work as a creation of fiction, an exploration of the relations between the Congo, France and Belgium, a study of the political consequences of the globalized world on individuals.

Tanina ntoto !
Grand-maternités politiques, par

Tanina Ntoto !
Grand-maternités politiques
L’article entend constituer la grand-mère comme figure centrale de transmission, comme personnage politique radical : figure de récit, figure de continuité mémorielle là où la colonisation a sapé l’autorité des lignées paternelles. Se décalant d’un récit qui pense la colonisation comme une castration symbolique des pères, l’auteure interroge les lignées féminines et leur pouvoir de transmission de trames narratives et mémorielles. La grand-mère est érigée en force politique, capable de défaire l’autorité patriarcale et de recréer des liens défaits. La force des « petites histoires » racontées par les grand-mères face aux défaites de la « grande histoire » des pères : tel est le pouvoir des fabulations politiques de soi qui s’inventent au-delà ou contre les identités normatives et produisent de nouveaux imaginaires politiques.

Tanina Ntoto!
Political Grandmotheroods
The article intends to constitute the grandmother as a central figure of transmission, as a radical political figure: a figure of narrative, a figure of continuity of memory where colonization has undermined the authority of paternal lineages. Moving away from a narrative that thinks of colonization as a symbolic castration of fathers, the author questions female lineages and their power of transmission of narrative and memory frames. The grandmother is set up as a political force, capable of undoing patriarchal authority and recreating broken ties. The strength of the “little stories” told by grandmothers in the face of the defeats of the “big story” of fathers: such is the power of political self-fabulations that invent themselves beyond or against normative identities, and produce new political imaginaries.

Congo
Arbres fertiles près de la source, par

Congo
Arbres fertiles près de la source
L’artiste Sarah Ndele mêle une réflexion sur sa propre pratique, nourrie de l’art Yombé, à un plaidoyer en faveur du renouvellement de l’enseignement artistique au Congo qui intègrerait une histoire de l’art classique africain. Sarah Ndele explique comment ses propres créations de masques interrogent la fracture héritée de la colonisation qui est venue rompre les transmissions intergénérationnelles, produisant des « trous » de mémoire. Dans son œuvre, le plastique a remplacé le bois et les matières végétales des masques d’autrefois ; la fonte des matières plastiques récupérées forme des « larmes », qu’elle agence avec la volonté de se recomposer soi-même par son art. Les performances, réalisées au sein d’un collectif d’artistes kinois, investissent la rue et l’espace public pour interpeller les passants sur des sujets politiques parfois sensibles. Cette pratique collective de la performance est rattachée à tout un héritage culturel africain, défendu par l’artiste.

Congo
Fertile Trees Near the Source
Artist Sarah Ndele mixes a reflection on her own practice, nourished by Yombé art, with a plea for the renewal of art education in the Congo that would include a history of classical African art. Sarah Ndele explains how her own mask creations question the fracture inherited from colonization, which broke down intergenerational transmissions, producing “gaps” in memory. In her work, plastic has replaced wood and the vegetable materials of the masks of yesteryears; the melting of recovered plastic forms “tears”, which she combines with the desire to recompose herself through her art. The performances, realized within a collective of Kinshasa artists, invest the street and the public space to question the passers-by on sometimes sensitive political issues. This collective practice of performance is linked to a whole African cultural heritage, defended by the artist.

Champ politique et champ musical populaire
Parallèle entre deux espaces de compétition à Kinshasa, par

Champ politique et champ musical populaire
Parallèle entre deux espaces de compétition à Kinshasa
Le politique et le chanteur : deux figures qui semblent bien éloignées mais que l’auteur rassemble en partant de la scène kinoise. Stratégie de subversion, culte de la personnalité, culture du clash, soutien de supporters, fonctionnement en factions : avec humour, l’auteur dresse des parallèles entre les univers musicaux et politiques pour, d’une part, souligner combien la musique porte une large part de politique et pour, d’autre part, déconstruire l’autorité du champ politique par la dérision. La dictature est ainsi lue comme le plébiscite, par les masses, d’hommes de scènes, passés maîtres dans la gestion des slogans et des bonnes répliques. Les stars de la chanson, de leur côté, sont partie prenante des campagnes électorales et participent aux stratégies de marketing de la scène politique. Au-delà des jeux de rapprochement, l’article interroge la fabrication des élites, l’espace médiatique, la création des « stars » et l’usage de la parole politique.

The Political Field and the Popular Music Field
Parallel between Two Competitive Spaces in Kinshasa
The politician and the singer: two figures who seem quite distant but whom the author brings together from the Kinshasa scene. Strategy of subversion, cult of personality, culture of clash, supporters’ spirit, faction dynamics: with humor, the author draws parallels between the musical and political worlds in order, on the one hand, to underline how much music carries a large part of politics but also, on the other hand, in order to deconstruct the authority of the political field through derision. The dictatorship is thus read as the plebiscite, by the masses, of showmen who have become masters in the management of slogans and punchlines. The music stars are part of the electoral campaigns and participate in the marketing strategies of the political scene. Beyond the parallels, the article questions the fabrication of elites, the media space, the manufacture of celebrity, the use of political speech.

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale, par

Lubumbashi et l’idée de mémoire orale
Le projet Mémoires de Lubumbashi, créé en 2000, a pour objectif de collecter des sources orales sur l’histoire de cette ville minière (deuxième ville du Congo et capitale du Katanga), ainsi que des sources picturales et des objets. L’objectif est de fournir un contre-point aux sources écrites coloniales pour venir dessiner une histoire plurielle de la ville, en proposant une démarche participative et inclusive aux habitants. Des récits de vie des travailleurs de l’Union Minière du Haut-Katanga pendant la période coloniale, des récits également de leurs compagnes et de leurs filles, trop souvent oubliées des enquêtes historiques, des photographies familiales, des créations de théâtre populaire en kiswahili (surtout de la troupe Mufwankolo) qui évoquent le quotidien de la colonisation, des répertoires de chansons populaires sont autant d’exemples de cette large collecte. C’est à une conception de l’histoire en lien avec les citoyens que l’auteur nous invite, attaché à écrire les vies quotidiennes des « sans voix ».

Lubumbashi and the Idea of Oral Memory
The Memories of Lubumbashi project, created in 2000, with the aims at collecting oral sources on the history of this mining city (the second largest city in Congo and capital of Katanga) as well as pictorial sources and objects. The objective is to provide a counterpoint to written colonial sources, in order to draw a plural history of the city, by proposing a participatory and inclusive approach to the inhabitants. Life stories of the workers of the Mining Union of Haut-Katanga during the colonial period, stories also of their companions and their daughters, too often forgotten in historical investigations, family photographs, popular theater creations in Kiswahili (especially from the Mufwankolo troupe) that evoke the daily life of colonization, repertoires of popular songs are all examples of this large collection. The author invites us to a conception of history in connection with the citizens, attached to writing the daily lives of the “voiceless”.

Covid 19
Oxymores des totems et des signes de vie à Kinshasa, par

Covid‑19
Oxymores des totems et des signes de vie à Kinshasa
L’auteur analyse les signes verbaux, non-verbaux, les rituels intégrés dans les discours dominants et dans les discours communs en réponse à la pandémie de Covid‑19 à Kinshasa, entre mars et mai 2020. « Masque », « geste barrière », « confinement » sont tour à tours lus à travers leurs résonnances en lingala ou au sein de l’histoire récente du Congo. L’auteur montre comment ils se chargent d’« oxymores », où des significations antithétiques viennent se greffer sur le discours officiel, venant le contredire ou en tout cas le biaiser. L’auteur revient également sur les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’épidémie, le confinement impossible de Kinshasa, la hausse des prix, les mises en scène médiatisées des hommes politiques et des hommes d’églises, les conséquences sociales dramatiques pour les plus pauvres. C’est finalement à un « éloge de la lenteur » que nous convie l’auteur, ainsi qu’à une politique du « care » et de l’accompagnement : dernière positivité paradoxale du virus.

Covid‑19
Oxymora of Totems and Signs of Life in Kinshasa
The author analyzes the verbal and non-verbal signs, as well as the rituals integrated into dominant and common discourses in response to the Covid‑19 pandemic in Kinshasa, between March and May 2020. “Mask”, “barrier-gesture”, “lockdown” are read in turn through their resonances in Lingala or within the recent history of Congo. The author shows their oxymoronic uses, where antithetical meanings are grafted onto the official discourse, contradicting or in any case twisting it. The author also discusses the measures taken by the government to fight the pandemic, the impossible lockdown of Kinshasa, the rise in prices, the high-profile media coverage of politicians and churchmen, and the dramatic social consequences for the poorest. Finally, the author invites us to a “praise of slowness” and to a “policy of care”: the last paradoxical positivity of the virus.

Ré-enchanter l’Afrique, par et

Ré-enchanter l’Afrique
Au cours de cet entretien mené par Yala Kisukidi, Achille Mbembe revient sur les thèmes clés de son ouvrage Brutalisme (2020) : la définition de l’idée d’« Afrique », la nécessité de sortir d’une « histoire de la prédation » et de réinvestir des utopies par le « ré-enchantement », la revalorisation d’une « politique du soin » tandis que la terre est endommagée, la création d’un espace africain de libre circulation sont évoquées tour à tour. Convoquant les écrivains Amos Tutuola et Sony Labou Tansi, Mbembe souligne le rôle de l’imaginaire, et singulièrement de la littérature, dans la fabrique des utopies de demain. L’art, entendu comme réserve de vie et de possibles, constitue une ressource pour penser les migrations contemporaines et imaginer d’autres modèles alternatifs au modèle actuel néolibéral. Face à la criminalisation des circulations, le pillage des ressources, la violence du « brutalisme » contemporain, Mbembe en appelle à une « politique du soin » capable d’inclure, depuis l’Afrique, la question du commun et du partage de la Terre.

Re-Enchanting Africa
During this interview conducted by Yala Kisukidi, Achille Mbembe returns to the key themes of his book Brutalism (2020): the definition of the idea of “Africa”, the need to get out of a “history of predation” and to reinvest utopias through “re-enchantment”, the revaluation of a “policy of care” in our damaged lands, the creation of an african space of free movement, all these themes are discussed in turn. Convening the writers Amos Tutuola and Sony Labou Tansi, Mbembe underlines the role of the imaginary, and particularly of literature, in the making of tomorrow’s utopias. Art, understood as a reserve of life and possibilities, constitutes a resource for thinking about contemporary migrations and imagining alternative models to the current neo-liberal model. Faced with the criminalization of circulation, the plundering of resources, the violence of contemporary “brutalism”, Mbembe calls for a “politics of care” capable of including, from Africa, the question of the common and the sharing of the Earth.

« A » comme Amérique, Amazonie et abeilles, par

« A » comme Amérique, Amazonie et abeilles
« Amérique latine » est un nom empreint d’un passé colonial qui ne correspond aucunement à la diversité de ce vaste continent. Oser un redesign de l’Amérique latine signifie ici ouvrir des possibilités… plutôt que conclure des projets. Cela implique de revoir en traits rapides l’histoire de la formation des États-nations et les conséquences récentes du national-développementisme. Ensuite, de présenter quelques initiatives biopolitiques dans les enchevêtrements d’une biozone partagée par plusieurs nations latino-américaines. Enfin, de suivre les « abeilles sans dard » de la forêt jusqu’en ville pour, au bout du chemin, grâce à leurs pollinisations et essaimages, percevoir les contours d’une ZAD amazonienne en formation.

“A” for America, Amazonia and Bees
“Latin America” is a name with a colonial past that does not reflect the diversity of this huge continent. Daring to redesign Latin America here means opening up possibilities rather than concluding projects. It envolves revisiting in quick lines the history of the formation of nation-states and the recent consequences of national-developmentalism. Secondly, presenting some biopolitical initiatives in the tangle of a biozone shared by several Latin American nations. Finally, following the “stingless bees” from the forest to the city and, at the end of the road, thanks to their pollination and swarming, perceiving the contours of an Amazonian ZAD in formation.

Radiographie du commandantisme vénézuélien
Du « chavisme » au « madurisme », par

Amazonie Sentinelle, par

Amazonie Sentinelle
Cet article met en lumière une forme particulière de pouvoir dans le processus de colonisation de l’Amérique du Sud. Les expéditions des bandeirantes se distinguaient du pouvoir pastoral des missions jésuites ainsi que de l’exploitation minière ou de l’occupation territoriale en établissant un régime de chasse dont les cibles principales étaient les peuples indigènes. Ce régime servait de contrepoids au pouvoir souverain et à l’humanisme occidental. Aujourd’hui, la dimension technologique de la biopolitique donne lieu à une sémiotique de la chasse (capture de signes). L’auteur souligne l’importance de la forêt amazonienne comme réservoir de signes, et la position que certaines institutions et mouvements exercent, en tant que sentinelles de la démocratie, en opposition au populisme autoritaire et prédateur de Bolsonaro.

Amazonia Sentinel
This article highlights a particular form of power in the process of colonisation of South America. The expeditions of the bandeirantes differed from the pastoral power of the Jesuit missions as well as from mining or territorial occupation by establishing a hunting regime whose main targets were the indigenous peoples. It served as a counterweight to sovereign power and Western humanism. Today, the technological dimension of biopolitics gives rise to a semiotics of hunting (capture of signs). The author underlines the importance of the Amazonian forest as a reservoir of signs, and the position that certain institutions and movements exercise, as sentinels of democracy, in opposition to Bolsonaro’s authoritarian and predatory populism.