” Prendre la politique de revers “… C’est l’une des ambitions de la revue Multitudes, née ce printemps. Dit d’une autre façon, c’est le pari d’explorer la charge subversive des mouvements de la société, à la fois comme ” pratique théorique ” et comme ” matérialisme dans la pensée “. Quatre fois l’an donc, par écrit et sur le Web, à Paris mais aussi à New York, Francfort, Rio ou Johannesburg, il s’agira de désir, du désir à l’ouvre, de considérer que le présent comporte ” une charge de subversion bien plus joyeuse que la seule nostalgie “.

Quant au pluriel appliqué à un mot qui le suggère déjà, il semble fonctionner comme une sorte de bande annonce : ” Partout s’inventent les idées, les gestes, les paroles, les groupes, les minorités qui échappent à la mythologie mortifère de la domination absolue “… Multitudes fait donc sienne cette formule de Michel Foucault : ” J’essaie, (…) en dehors de toute totalisation, à la fois abstraite et limitative, d’ouvrir des problèmes aussi concrets et généraux que possible, des problèmes qui prennent la politique de revers, traversent les sociétés en diagonale et sont tout à la fois constituants de notre histoire et constitués par elle. ”

La première livraison est centrée sur ” la biopolitique et la question du pouvoir “. Est interrogé, notamment, le rapport entre les transformations des formes d’exercice et de légitimation du pouvoir et la production du vivant dans tous ses aspects (brevetage du génome, manipulations génétiques, biotechnologies…). D’où l’idée de renverser la notion de ” biopolitique ” – quand politique, gestion et spectacle seraient en passe de devenir synonymes – pour la rendre ” opératoire dans le champ politique ” ; d’où aussi l’idée que les luttes politiques d’aujourd’hui (mouvement de 1995, action des chômeurs et des précaires, lutte contre le sida…) conduisent à repenser ” l’agir en bas “. L’alternative, soulignent les artisans de Multitudes (qui revendiquent une certaine filiation avec la communauté de pensée constituée un temps autour de la revue Futur antérieur) ” est le pouvoir constituant de la transformation en acte : dans la culture, dans la théorie, dans la politique “. À suivre…

Monferran, Jean Paul, L’Humanité, 30 mars 2000