Mineure 15. La créativité au travail

Créer des mondes : Capitalisme contemporain et guerres « esthétiques »

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L’entreprise multinationale tend à abandonner l’usine, en gardant uniquement les fonctions, services et employés qui lui permettent de créer le monde où la marchandise existe. Les agences de publicité inventent la dimension spirituelle de l’événement, qui doit s’incarner dans les corps, motiver les comportements. Mais cette relation sociale est contradictoire avec la logique des biens communs (connaissance, langage, œuvre d’art, science, etc.). Ceux-ci résultent de la coopération, ils sont indivisibles, infinis, inappropriables : le bien commun assimilé par celui qui l’acquiert ne devient pas sa « propriété exclusive ». La résistance à l’appropriation capitaliste des biens communs sera efficace si elle assume le primat de la coopération entre cerveaux sur la relation capital-travail. C’est ici que pourront se définir des nouveaux objectifs et des nouveaux terrains de lutte.
Dans[[Extraits d’un livre à paraître prochainement aux Empêcheurs de Penser en Rond. le capitalisme contemporain, il faut d’abord distinguer l’entreprise de l’usine. En 2001, Alcatel, une grande multinationale française, a annoncé qu’elle allait se séparer de ses onze usines de fabrication. Ce projet est certainement un cas limite, mais il est très cohérent avec ce qu’est devenu le capitalisme contemporain. Dans la grande majorité des cas, la fonction « entreprise » et la fonction « usine » sont intégrées l’une dans l’autre. Leur séparation est emblématique d’une profonde transformation dans la production capitaliste. Qu’est-ce que cette multinationale va garder sous le concept d’entreprise ?
Toutes les fonctions, tous les services et tous les employés qui lui permettent de créer un monde : services de recherche, de marketing, de conception, de communication, etc. L’entreprise ne crée pas l’objet (la marchandise), mais le monde où l’objet existe. Elle ne crée pas non plus le sujet (travailleur et consommateur), mais le monde où le sujet existe.
Le service ou le produit de l’entreprise, de même que le consommateur et le producteur, doivent correspondre à ce monde. Ce dernier doit être inclus dans les âmes et les corps des travailleurs et des consommateurs. L’inclusion se fait avec des techniques qui ne sont plus exclusivement disciplinaires. Dans le capitalisme contemporain l’entreprise n’existe pas hors du producteur et du consommateur qui l’expriment. Le monde de l’entreprise, son objectivité, sa réalité se confondent avec les rapports que l’entreprise, les travailleurs et les consommateurs entretiennent entre eux. L’entreprise essaye ainsi de construire la correspondance, l’entrelacs, le chiasme entre les consommateur et les travailleur et son monde.
L’effectuation des mondes et des subjectivités qui y sont incluses, la création et l’actualisation du sensible (désirs, croyances, intelligences) précèdent la production économique. La guerre qui se joue à niveau planétaire est une guerre « esthétique » à plusieurs titres.

Communication/consommation

Partons de la consommation, puisque le rapport entre offre et demande est renversé : les clients sont les pivots de la stratégie d’entreprise. Penchons-nous sur la montée en puissance, le rôle stratégique joué par la machine d’expression (par l’opinion, la communication, le marketing) dans le capitalisme contemporain.
Consommer ne se réduit pas à acheter et à « détruire » un service ou un produit comme l’économie politique et sa critique l’enseignent, mais d’abord, consommer c’est appartenir à un monde, adhérer à un univers. De quel monde s’agit-il ? Il suffit d’allumer la télévision ou la radio, de se promener dans une ville, d’acheter un hebdomadaire ou un quotidien pour savoir que ce monde est constitué par des agencements d’énonciation, par des régimes de signes dont l’expression s’appelle publicité et dont l’exprimé constitue une sollicitation, un commandement qui sont, en soi, une évaluation, un jugement, une croyance portés sur le monde, sur soi et les autres. L’exprimé n’est pas une évaluation idéologique, mais une incitation (il fait signe), une sollicitation à épouser une forme de vie, c’est-à-dire à épouser une manière de s’habiller, une manière d’avoir un corps, une manière de manger, une manière de communiquer, une manière d’habiter, une manière de se déplacer, une manière d’avoir un genre, une manière de parler, etc.
La télévision est un flux de publicité régulièrement entrecoupé par des films, des variétés et des journaux télévisés. La radio est un flux ininterrompu d’émissions et de publicités où il devient de plus en plus difficile de savoir où commencent les unes et où finissent les autres. D’après Jean-Luc Godard, si, à un magazine de presse, vous enlevez toutes les pages qui contiennent une publicité, il ne reste que l’éditorial du rédacteur en chef.
Il faut malheureusement reconnaître que Deleuze avait raison d’affirmer que l’entreprise a une âme, que le marketing est devenu son centre stratégique et que les publicitaires sont des « créatifs ». L’entreprise exploite à son compte, en la dénaturant et en la faisant dépendre de la valorisation, la dynamique de l’événement et le processus de constitution de la différence et de la répétition. En utilisant la logique de l’événement, elle travaille en réalité à sa neutralisation. L’ « événement » pour l’entreprise s’appelle publicité (ou communication, ou marketing). Même une industrie traditionnelle comme l’automobile produit seulement les voitures qu’elle a déjà vendues. Et les vendre signifie construire d’abord un consommateur, une clientèle.
Les entreprises investissent jusqu’à 40 % de leur chiffre d’affaires en marketing, publicité, styling, design, etc. (dans l’industrie audio-visuelle américaine 50% du budget d’un film est investi dans sa promotion et son lancement). Aujourd’hui les investissements dans la machine d’expression peuvent largement dépasser les investissements en « travail ».
La publicité, comme tout événement, distribue d’abord des manières de sentir pour solliciter des manières de vivre ; elle actualise des manières d’affecter et d’être affecté dans les âmes, pour les incarner dans les corps. L’entreprise opère ainsi des transformations incorporelles (les mots d’ordre de la pub), qui se disent et ne se disent que des corps. Les transformations incorporelles produisent (ou voudraient produire) d’abord un changement de sensibilité, un changement dans notre manière d’évaluer.
Les transformations incorporelles n’ont pas de référent, puisqu’elles sont auto-référentielles. Il n’y a pas de besoins préalables, il n’y a pas de nécessités naturelles que la production satisferait. Les transformations incorporelles posent les évaluations et leur objet, en même temps qu’elles les créent.
La publicité constitue la dimension spirituelle de l’événement que l’entreprise et les agences de publicités inventent, qui doit s’incarner dans les corps. La dimension matérielle de l’événement, son effectuatiion, se fait lorsque les manières de vivre, de manger, d’avoir un corps, de s’habiller, d’habiter, etc., s’incarnent dans des corps : on vit matériellement parmi les marchandises et les services qu’on achète, dans les maisons, parmi les meubles, avec les objets et les services qu’on a saisis, comme « possibles », dans les flux d’informations et de communication dans lesquels nous sommes immergés. Nous allons nous coucher, nous nous activons, nous faisons ceci et cela, pendant que ces exprimés continuent à circuler (ils « insistent ») dans les flux hertziens, dans les réseaux télématiques, dans les journaux, etc. Ils doublent le monde et notre existence comme un « possible » qui est déjà, en réalité, un commandement, une parole autoritaire même si elle s’exprime par la séduction.
On pourrait pousser encore plus loin l’utilisation de la boîte à outils de Tarde pour expliquer ce processus. Sous quelle forme le marketing produit-il l’actualisation dans l’âme ? Quel type de subjectivation est mobilisée par la publicité ?
La conception d’une publicité, l’enchaînement et le rythme des images, la bande sonore, sont construits sur le mode de la « ritournelle » ou du « tourbillon ». Il y a des publicités qui résonnent en nous, comme des motifs, des refrains des musiques. Il vous est arrivé sûrement de vous surprendre à siffloter des motifs de la publicité.

La distinction leibnizienne entre « actualisation dans les âmes » et « réalisation dans les corps » est très importante, puisque ces deux processus ne coïncident pas et peuvent avoir des effets absolument imprévisibles sur la subjectivité des monades.
Les réseaux de télévision ne connaissent pas les frontières des nations, des classes, des statuts, des revenus, etc. Leurs images sont reçues dans les pays non occidentaux ou dans les couches les plus pauvres de la population occidentale qui ont un faible pouvoir d’achat ou même pas de pouvoir d’achat du tout. Les transformations incorporelles agissent bien dans l’âme des téléspectateurs en créant une nouvelle sensibilité : un possible existe bien, même s’il n’existe pas en dehors de son expression (les images de la télé). Comme Deleuze l’a montré, pour que ce possible ait une certaine réalité, il suffit qu’il soit exprimé par un signe.
Mais l’incarnation dans les corps, la possibilité d’acheter, de vivre avec son corps parmi les services et les marchandises que les signes expriment comme mondes possibles, ne suit pas toujours (et, pour la plus grande partie de la population mondiale, ne suit pas du tout !), donnant lieu à des attentes, des frustrations, des refus.
Suely Rolnik[[Voir, en plus de l’article dans ce numéro, S. Rolnik, « La Vida na Berlinda », in Giuseppe Cocco, O trabalho da multidão : Império e Resistência vida na Berlinda, Rio de Janeiro, Editora Griphus, 2002, pp. 109-120., observant ces phénomènes au Brésil, parle des deux figures subjectives qui constituent les deux extrêmes à l’intérieur desquels s’articulent les modulations de l’âme et du corps produites par la logique que nous venons de décrire : le glamour de la « subjectivité de luxe » et la misère de la « subjectivité déchet ».
L’occident est effrayé par les nouvelles subjectivités islamiques. Mais le monstre, c’est lui-même qui l’a créé avec ses techniques les plus pacifiques et les plus séduisantes. Nous ne sommes pas confrontés à des restes de sociétés traditionnelles qu’il faudrait continuer à moderniser, mais à de véritables cyborgs qui agencent ce qu’il y a de plus ancien avec ce qu’il y a de plus moderne.
Les transformations incorporelles arrivent en premier, et beaucoup plus vite que les transformations corporelles. Les trois quarts de l’humanité sont exclus de ces dernières, alors qu’ils ont accès facilement aux premières (d’abord et surtout par la télévision). Le capitalisme contemporain n’arrive pas d’abord avec les usines. Elles suivent, quand elles suivent… Le capitalisme arrive d’abord avec des mots, des signes, des images.

Événement et logique de capture

L’événement est une rencontre et même une double rencontre : il rencontre une fois l’âme et une autre fois le corps. Cette double rencontre peut donner lieu à un double décalage, puisque la publicité est seulement une ouverture de possibles sous la modalité du « problématique ».
La publicité n’est qu’un monde possible, un pli qui enveloppe des virtualités. L’explication de ce qui est enveloppé, le développement du pli, peut produire des effets absolument hétérogènes, car les subjectivités sont toutes des singularités autonomes, indépendantes, virtuelles. Un autre monde possible est toujours virtuellement là. La bifurcation des séries divergentes hante le capitalisme contemporain. Des mondes incompossibles se déplient dans le même monde. C’est pour cette raison que le processus d’appropriation capitaliste n’est jamais clos sur lui-même, mais toujours incertain, imprévisible, ouvert. « Exister c’est différer » : mais la différentiation est à chaque fois incertaine, imprévisible, risquée.
Le capitalisme essaie de contrôler ces mondes toujours virtuellement possibles par la variation et la modulation continue. À proprement parler, il ne produit ni sujet ni objet, mais des sujets et des objets en variation continue, gérés par les technologies de la modulation, qui sont à leur tour en variation continue.
Dans les pays occidentaux, le contrôle ne passe pas seulement par la modulation des cerveaux mais aussi par le moulage des corps (prisons, école, hôpital) et la gestion de la vie (État providence). Ce serait donner un trop beau rôle au capitalisme que de penser que tout se passe par la variation continue des sujets et des objets, par la modulation des cerveaux, par la capture de la mémoire et de l’attention. La société de contrôle intègre les vieux dispositifs disciplinaires. Dans les sociétés non occidentales, où les institutions disciplinaires et l’État providence sont plus faibles et moins développées, ce contrôle implique directement une logique de guerre, même en temps de paix.
Le corps paradigmatique dans les sociétés de contrôle n’est plus le corps enfermé de l’ouvrier, du fou, du malade, mais le corps obèse (plein des mondes de l’entreprise) ou anorexique (refus de ce même monde) qui regardent à la télévision les corps meurtris par la faim, la violence, la soif, de la majorité de la population mondiale. Le corps paradigmatique n’est plus le corps muet forgé par les disciplines, mais le corps et l’âme marqués et parlés par des signes, des mots, des images (les logos des entreprises) qui s’inscrivent en nous selon le procédé par lequel la machine de la Colonie pénitentiaire de Kafka greffe ses mots d’ordres à même la peau des condamnés.
Dans les années 70, Pasolini a décrit très précisément comment la télévision a changé l’âme et le corps des italiens, comment elle a été l’instrument principal d’une transformation anthropologique qui a touché d’abord et surtout des jeunes. Il utilise pratiquement le même concept que Tarde pour exprimer les modalités d’action à distance de la télévision : elle agit par l’exemple, plutôt que par discipline, par imitation plutôt que par contrainte. Elle est conduite des conduites, action sur des actions possibles.
Ces transformations incorporelles, qui trottinent dans notre tête comme des ritournelles, qui circulent immédiatement au niveau planétaire, qui rentrent dans chaque foyer, qui constituent la véritable arme de conquête, de capture, de préhension des cerveaux et des corps, sont tout simplement incompréhensibles pour la théorie marxiste et pour les théories économiques.
Ici nous sommes devant un changement de paradigme que nous ne pouvons pas saisir à partir du travail, de la praxis. Au contraire, ce dernier risque de donner une fausse image de ce qu’est la production aujourd’hui, puisque le processus que nous venons de décrire est bien le préalable à toute organisation du travail (et du non travail).

Création et réalisation des biens publics, collectifs ou communs

La coopération entre cerveaux, à la différence de la coopération de l’usine smithienne et marxienne, produit des biens publics, collectifs ou communs : la connaissance, les langages, la science, la culture, l’art, l’information, les formes de vie, les relations à soi, aux autres, au monde, etc. Nous distinguons les biens publics ou collectifs de l’économie politique et les biens communs. Ces derniers, en effet, ne sont pas seulement comme l’eau, l’air, la nature, etc., des biens de tous, mais ils sont créés et réalisés selon les modalités que Marcel Duchamp utilise pour parler de la création artistique. L’œuvre d’art est, en effet, pour moitié le résultat de l’activité de l’artiste et pour l’autre moitié le résultat de l’activité du public (celui qui regarde, lit, écoute).
C’est cette dynamique « artistique » et non celle du producteur /consommateur qui est à l’œuvre dans la création et réalisation des biens communs. Ces biens, à la différence des biens « tangibles, appropriables, échangeables, consommables » produits par la relation capital-travail, sont, en droit, « intelligibles, inappropriables, inéchangeables, inconsommables » (Tarde). Les biens communs, résultats de la co-création et de la co-réalisation de la coopération des subjectivités quelconques sont, en droit, gratuits et aussi indivisibles qu’infinis. Inappropriable signifie que le bien commun (connaissance, langage, œuvre d’art, science, etc.) assimilé par celui qui l’acquiert ne devient pas pour autant sa « propriété exclusive » et trouve même dans son caractère partagé sa légitimité.
Seuls les biens produits par la relation capital-travail impliquent nécessairement une appropriation individuelle, puisque leur consommation les détruit, ce qui les rend impossibles pour quelqu’un d’autre. Ils ne peuvent être qu’ « à moi ou à toi » et la tentative de les mettre en commun échoue systématiquement face à la nature de l’objet. Qu’un bien commun soit inéchangeable découle de son caractère indivisible et inappropriable. Dans l’échange économique, chacun, comme nous l’enseigne l’économie politique, trouve son compte, mais en aliénant ce qu’il possède. Dans l’ « échange » des biens communs (les connaissances, par exemple), celui qui les transmet ne les perd pas, il ne s’en dépouille pas en les socialisant, au contraire leurs valeurs augmentent en organisant leur diffusion et leur partage.
Les biens communs ne sont pas non plus consommables selon les critères établis par l’économie politique. Seul l’échange de biens produits dans l’usine de Marx et Smith conduit à satisfaire ses désirs par la « consommation destructive » des produits échangés. Au contraire, dans le cas de biens communs, « consomme-t-on ses croyances en y pensant et les chefs-d’œuvre qu’on admire en les regardant ? [[Gabriel Tarde, Psychologie économique, Paris, Félix Alcan, 1902, p. 88. » Toute consommation d’un bien commun peut rentrer immédiatement dans la création d’une nouvelle connaissance ou d’un nouveau chef d’œuvre. La consommation n’est pas destructrice, mais créatrice d’autres connaissances, d’autres chefs d’œuvre. La circulation devient le moment fondamental du processus de production et de consommation.
Les règles de « production, circulation et consommation » des biens communs ne correspondent pas à celles de la coopération d’usine et de son économie. Elles ne renvoient pas aux principes de la « praxis », mais à ceux de l’événement, de l’actualisation et de l’effectuation sociale du sensible.
Le marxisme et l’économie politique entrent en crise parce que, d’une part, la création et réalisation des biens communs, qui occupent dans le capitalisme contemporain la même place que la production matérielle dans le capitalisme industriel, ne sont plus explicables par leur concept de coopération. Et, d’autre part, parce que le partage de la richesse ainsi créée, ne peut plus être mesuré et légitimé par le « travail productif » (qui est toujours travail commandé, qui produit du capital) ou par l’utilité.
La relation capital-travail (l’entreprise) est, au contraire, l’instrument fondamental pour réduire les biens communs à des biens privés, pour méconnaître la nature sociale de la « production », pour transformer les collaborateurs en clients, pour imposer à la coopération entre cerveaux, dont l’action, en droit, est « indivisible et infinie », la logique propre à l’économie politique : la rareté.
L’option théorique contenue dans le marxisme et l’économie politique se révèle être une option politique conservatrice, puisqu’elle légitime une expropriation de la richesse commune de la part de l’entreprise (aux travailleurs restent, d’ailleurs, les miettes). Vouloir appréhender et mesurer la production et la distribution de la richesse sur la base de la relation capital-travail constitue un des obstacles majeurs que les luttes sociales et politiques rencontrent aujourd’hui (voir l’impuissance de syndicats et de la gauche institutionnelle ou gauchiste, qui ne répondent au chantage opéré par les « trous financiers » dans les budgets sociaux – déficit du régime des retraites, déficit du régime des intermittents du spectacle, déficit de l’assurance maladie et ainsi de suite – qu’en défendant les « acquis sociaux » du fordisme, puisqu’ils ne veulent pas et ne peuvent pas assumer le fait que la production de la richesse excède largement la relation capital-travail et l’entreprise).
La résistance à l’appropriation capitaliste des biens communs (appropriation qui constitue, aujourd’hui, l’essentiel de la stratégie néolibérale), aura quelque efficacité seulement si elle assume la primauté de la coopération entre cerveaux sur la relation capital-travail. L’entreprise, d’ailleurs, est obligée d’intégrer les modalités de création et de réalisation de la coopération et les dynamiques de la subjectivité quelconque dans son organisation du travail, pour pouvoir capturer cette « productivité » sociale. Même pour la coopération d’entreprise et d’usine, il est impératif d’assumer la coopération entre cerveaux comme enjeu politique. C’est seulement ici que pourront se définir des nouveaux objectifs et des nouveaux terrains de lutte, qui concernent précisément la multiplicité, dont les « travailleurs » sont une partie. C’est seulement de cette façon que la coopération entre cerveaux pourra être renversée en processus politique de constitution de la multiplicité.