La commission des mots (du latin muttire, produire le son mu : jusqu’au 15ème siècle, on ne disait pas « chut ! », on disait : « mot ! ») s’attache à explorer ce que trimballe la sphère des termes qui nous entourent. Le choix d’un mot est le fruit, le produit de nombreux facteurs, étymologiques, politiques, culturels, philosophiques, hasardeux, etc. Une part de mon cerveau sait tout ça. En neurologie, on dit qu’il existe une aire du cerveau, qu’on appelle le bain de sorcière, qui emmagasinerait tout le savoir de l’humanité depuis les origines. C’est une théorie qui explique, par exemple, les cas de glossolalie : quelqu’un se met, lors d’une crise, à parler une langue qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam. Travailler « sur » nos mots, se souvenir de leurs histoires, de ce qu’ils induisent, consciemment ou pas. Déplier les mots (expliquer, du latin ex-plicare, déplier) : dans cette contribution ce sont les mots expertise, objectivité, indépendance, recherche, concerné, qui sont dépliés.

The Words Commission is involved with the exploration of all the things conveyed by the sphere of terms that surround us. The choice of a word is the fruit or product of many different factors, etymological, political, cultural, philosophical, aleatory, etc. Part of my brain knows all that. In neurology it is said that there exists a region of the brain, called the sorcerer’s pool, which stores all human knowledge since the origin. It’s a theory that explains, for example, the cases of glossalia: someone who, during a fit, begins to speak a language he or she never learned from Adam or Eve. Working « on » our words, remembering their histories and what they lead to, consciously or not. Unfolding words. (To explain, from the Latin ex-plicare, to unfold.) In this contribution the words expertise, objectivity, independence, research, and involved are unfolded.
La commission des mots fait partie de la Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile-de-France. Elle s’est donnée pour « objet » de noter, regarder, déplier, creuser les mots. Ceux d’une coordination, ceux d’un ministre, ceux d’une lettre de l’UNEDIC, ceux d’un chef de l’état, ceux d’un slogan, etc.

Le mot expertise fait déjà l’objet d’un travail de la commission, qui se trouve ici repris en partie, augmenté de deux double tableau :
« DU DEDANS ? » / « DU DEHORS ? »,
et « OB/SUB-JECTIF » / « INDEPENDANCE ».

Le deux premiers sont la transcription « subjective » d’une réunion collective de la commission des mots consacrée à l’expertise. Les deux autres sont des propositions un peu annexes, qui invitent à replacer les mots de l’ob- et de la sub-jectivité d’une part, et de l’indépendance d’autre part, dans leurs contextes étymologiques. Ce dépliage étymologique est un des aspects du travail de la commission des mots. Un pas de côté, un processus de décollage de l’urgence de la situation[[Le mot “protocole” vient du grec “protokollen”, littéralement “ce qui est collé en premier”.

Le 10 avril 2004, Renaud Donnedieu de Varbres a déclaré : « Je ne suis pas un paysan du Danude !. Il s’agissait d’une référence à une fable de La Fontaine, que la commission des mots incite à lire. Cette lecture montre la grossière méprise du ministre, pensant dire « Je ne suis pas un ignare », quand La Fontaine dit l’« expertise » du paysan venant à l’assemblée.
L’expert n’est pas toujours là où un monstre l’imagine.

La commission des mots.

D’abord un regard sur la définition, telle qu’énoncée par le Petit Robert.

« EXPERTISE n.f. (fin XVIIIème, expertice « habileté », 1580 ; de expert). 1° Mesure d’instruction par laquelle des experts sont chargés de procéder à un examen technique et d’en exposer le résultat dans un rapport du juge. Jugement ordonnant l’expertise. Evaluataion d’un dommage par expertise. Nouvelle expertise. V. Contre-expertise. Expertise médico-légale. 2° Estimation de la valeur d’un objet d’art, étude de son authenticité par un expert. L’expertise a établi que ce tableau est une copie. 3° Compétence d’expert. Le laboratoire apportera son expertise à l’industrie. »
(A noter que l’Académie française bannit ce dernier sens).

Trois champs donc. Dans l’ordre : la justice, l’art et la compétence.
Pas mal. Une affaire de justice pour commencer. Du sérieux. Du qui va se prononcer, après lecture. Du qui va envoyer au trou, du qui va innocenter. Du qui va aider le juge à dire. Eventuellement avec la contre. Expertise. Comme quoi l’expertise ne suffit pas forcément. Elle peut être contrôlée par un autre expert. Etre en estime. Estimer quelque chose, estimer quelqu’un. Affaire d’authenticité. Dégoter la copie, le faux, l’arnaque. Donner un prix. De vente. L’art d’accord, mais à quel prix l’œuvre ?? Valeur. Enfin, la compétence. L’expertise, qualité de celui qui est expert. Par l’expérience. A force de faire, on sait. Mais pour savoir, il faut avoir fait.

Le mot expert est resté un adjectif pendant des siècles. Il signifiait juste « alerte, adroit », « qui a acquis par l’expérience une grande habileté ». Juste un qualificatif, notamment d’une partie du corps : un œil expert, une main experte.
Ce n’est qu’au XVIIe qu’il est devenu substantif, « un expert », un spécialiste ; et au début du XVIIIe, qu’il s’est spécialité en droit.

Nous sommes bien les experts. Je suis un expert de ma vie.

Bon Etymologie.
Expert est la réfection (début XIVe) de espert (1252-1262), issu du latin expertus, participe passé adjectivé de experiri. Le verbe est formé de ex- (> ex-) et d’un ancien verbe « periri seulement attesté par le participe passé peritus (> expérience).

Sa racine indo-européenne en est le thème °per- : idée d’aller de l’avant, de pénétrer ; qui a donné bien des choses en somme :
Péril, pirate, pirouette, pore, porosité, proche, port, péroné, importun, opportun, -isme, porter et ses dérivés préfixés, portulan, péricliter, impéritie, empirique, -isme, et d’autres encore. Dont l’expérience donc, et l’expertise.

Quoi fait le lien ? Expérimenter, expertiser, c’est faire l’essai de quelque chose, donc oser, tenter, aller de l’avant.
Rentrer, éventuellement dans le chou. Dans le gras. Dans le vif.
Du sujet.

La Commission des mots note quoi.
Que cette frénésie d’« expertise » aiguë qui caractérise la prise de décision politique depuis une paire d’années, éloigne le mot de son sens. L’expert doit parler « d’expérience », son rapport est sensément une restitution de son expérience, de sa pratique.
En ce sens, nul n’est plus expert que moi en ce qui concerne ma pratique.