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L’urbanisation du Capital : l’évolution récente de l’immobilier d’entreprise en France

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Durant la décennie 1985-1995, l’urbanisation en France s’est effectuée selon des modalités et a revêtu des formes particulières. Dans le cadre général d’une construction de logements stagnante puis régressive, l’évolution des surfaces bâties a été marqué par une forte croissance suivie d’un brutal fléchissement de l’immobilier d’entreprise.
Dans toutes ses composantes cette urbanisation reflète une irrésistible poussée de libéralisme, réaffirmant la priorité de l’économique sur le social pour faciliter la mutation du système productif exigée par la globalisation.
Comme dans tous les pays industriels, mais avec une remarquable intensité, l’immobilier d’entreprise s’est imposé en France comme produit, comme marché, comme filière de production.
Ce succès résulte de la capacité qu’ont eu ses concepteurs, ses réalisateurs et ses commercialisateurs de répondre à une demande complexe provenant des entreprises les plus engagées dans la mutation du système productif des collectivités locales les plus dynamiques et les plus puissantes, des investisseurs à la recherche de placements avantageux.
Les difficultés et l’effondrement qui ont suivi son exceptionnelle affirmation s’expliquent moins par la crise économique générale que par la trop grande dépendance d’un comportement excessivement spéculatif qui a transformé l’immobilier d’entreprise d’un produit répondant d’abord à la logique des entreprises utilisatrices finales, en un produit suivant une logique immobilière et finalement en un produit dépendant prioritairement d’une logique financière : celle d’un capital national et international avide de rendements élevés et rapides.
Composante essentielle et formelle de la transformation du système productif et de l’évolution sociale qu’elle suscite, l’immobilier d’entreprise est impliqué dans la mise en place du mode de production flexible. Facteur de concentration et de différenciation spatiale à toutes les échelles géographiques, l’immobilier d’entreprise joue un rôle important dans la reprise du phénomène de métropolisation et dans l’accentuation de la dualisation des lieux, c’est-à-dire dans le renforcement des contrastes entre des lieux concentrant les constructions, les activités et les hommes les plus qualifiés, voire les plus sophistiqués, et les lieux condamnés à la dévalorisation voire à la dégradation.
L’immobilier d’entreprise a été en France durant une période courte mais très intense, l’élément actif et représentatif’ de l’urbanisation du capital : une urbanisation à la fois puissante et d’une certaine élégance, à la fois excessive et fragile, reflet d’un capital fluctuant et futile, du capital issu de la financiarisation accentuée de la nouvelle économie mondiale capitaliste.

La mise en scène urbaine de la flexibilité productive

La réalité que désigne le terme d’immobilier d’entreprise n’est pas nouvelle puisqu’elle consiste en l’ensemble, bâtiment et espace, construit et aménagé pour accueillir un établissement, d’entreprise secondaire ou tertiaire, pour l’exercice d’une ou plusieurs fonctions liées à la production des biens et des services ; mais elle a changé de statut : au bâti, conçu, réalisé et approprié par l’entreprise utilisatrice s’est de plus en plus ajouté l’ensemble des aménagements fonciers et immobiliers qu’un nombre sans cesse croissant d’entreprises utilisent en les louant dans le cadre d’un contrat simple ou d’accession différée. Là est la nouveauté : l’immobilier d’entreprise est moins le fait des entreprises utilisatrices que celui d’un ensemble d’acteurs, firmes spécialisées ou polyvalentes, organisé en une filière particulière, la filière de production d’immobilier d’entreprise, le promouvant comme produit autonome sur un marché spécifique. L’immobilier d’entreprise, à l’exception notable de celui répondant à des contraintes très particulières, est de plus en plus disjoint de l’entreprise utilisatrice qui confie la responsabilité des fonctions qu’il remplit à des sociétés de services indépendantes. Dans ces conditions il est souvent réalisé sans être affecté à un destinataire précis, “en blanc” c’est-à-dire offert à des clients potentiels qu’il importe de séduire.
Comme produit architectural et urbanistique, l’immobilier d’entreprise affiche des formes de plus en plus variées et complexes. Aux éléments simples – bureaux – entrepôts – laboratoires – ateliers – ont été ajoutés les locaux d’activités, proposés dans des bâtiments extensibles, divisibles, modulables, le plus souvent polyvalents, capables d’accueillir une ou plusieurs entreprises, pour une ou plusieurs fonctions différentes. Ces éléments ont été associés dans des ensembles composites parfois de très grande taille, se présentant dans les localisations intra-urbaines sous forme de centres d’affaires ou de centres d’activités, voire d’hôtels industriels et dans les sites périurbains le plus souvent sous forme de parcs d’activités ou de parcs d’affaires, de villages d’entreprises ou de technopôles.
Durant la période considérée l’immobilier d’entreprise a, d’une façon générale, connu une évolution évidente : sa qualification fonctionnelle et formelle n’a pas cessé de s’accentuer. La construction a davantage concerné les bureaux que les entrepôts, les locaux commerciaux que les ateliers ; les locaux polyvalents eux mêmes ont été affectés aux fonctions péri-productives plutôt qu’à la fabrication.
Dans chaque catégorie la prétention a été d’attirer les activités, les fonctions, les entreprises marquées du sceau du dynamisme, de la puissance ou de la modernité. Pour ce faire, l’esthétique et l’équipement ont été sans cesse améliorés, jusqu’à une véritable sophistication, souvent plus artificielle que réelle, en recherche constante de médiatisation.
Les effets de mode dans l’architecture et la décoration ont été définis et se sont rapidement diffusés. L’inspiration a souvent trouvé ses références dans le monde anglo-saxon et les grands cabinets internationaux ont défini des modèles prégnants. Un style qualifié high-tech s’est généralisé : lignes épurées, volumes simplifiés, emploi croissant des verres reflets ou transparents, mise en valeur progressive des structures métalliques, utilisation des couleurs grises… décliné dans toutes les catégories de construction : des immeubles-tours des centres d’affaires les plus prestigieux de la métropole nationale aux modules les plus réduits des parcs scientifiques et techniques des petites villes provinciales. Les propositions originales se référant aux traditions régionales n’ont joué qu’un rôle d’estompe et de nuance par rapport à la tonalité dominante qui marque également les réalisations monumentales et spectaculaires de la capitale et des métropoles régionales : gares, hôpitaux, musées, bâtiments administratifs publics… La même recherche de qualité d’aspect s’est appliquée à l’environnement du bâti : environnement proche et limité dans les centres d’affaires, intégrant le mobilier urbain et différentes formes sculpturales ; environnement plus étendu dans les parcs d’activités où le traitement paysager, par le modelage du relief, l’utilisation des eaux stagnantes ou courantes et surtout le fleurissement et le boisement, a souvent été l’objet d’un soin attentif.
Sous ses différents aspects, l’immobilier d’entreprise est devenu un élément fort de composition urbaine. L’apparence a été particulièrement soignée pour qu’il se détache dans son milieu d’insertion, que celui-ci soit le plus raffiné des quartiers d’affaires centraux ou qu’il soit l’espace banal d’une périphérie de petite ville provinciale ou l’espace dégradé d’une banlieue industrielle en crise. Ce souci général de l’apparence n’a pas remis en cause une hiérarchisation qualitative liée à la localisation ; en fonction de la position entre centre et périphérie, en fonction des aptitudes en matière de communication. Les lieux communicants se sont imposés : à l’échelle du pays, selon les villes les plus dynamiques ; à l’échelle des agglomérations selon leurs performances dans la circulation des matières, des biens, des personnes, des informations et surtout des images.
A la fin des années 80, l’essentiel de la dynamique urbaine française réside dans la croissance accélérée et ostentatoire de l’immobilier d’entreprise.

La constitution d’une filière de valorisation du capital financier

La montée en puissance, quantitative et qualitative, de la production d’immobilier d’entreprise a été l’œuvre d’une filière de production spécialisée et au sein d’elle-même d’un segment particulièrement actif capable de définir et d’imposer sa logique spécifique. Cette filière s’est constituée en associant les entreprises qui assurent l’ensemble des activités requises pour la production et la valorisation de ce bien particulier : la conception, le financement, les études techniques, la construction, la commercialisation et la gestion – Des sociétés spécialisées, des entreprises associant plusieurs activités, des groupes intégrateurs se sont crées et développés le plus souvent en s’adossant à des groupes financiers puissants.
Cette filière s’est progressivement détachée du monde des entreprises utilisatrices et s’est individualisée dans le secteur de la construction en général, en constituant une entité autonome se resserrant sur sa cohérence interne. Certes, beaucoup d’entreprises exerçant dans les domaines de l’immobilier sont restées généralistes ou diversifiées, intervenant dans le logement, l’urbanisme commercial, l’immobilier du tourisme et des loisirs…, mais une tendance forte a prévalu de spécialisation poussée sur l’immobilier d’entreprise comme produit capable de répondre à quatre fonctions distinctes qui ont élargi structurellement son marché : – la fonction immobilière que les entreprises des secteurs
secondaires et tertiaires ont externalisée ;
– la fonction d’accueil des garanties réglementaires pour les sociétés d’assurances et les mutuelles ;
– la fonction financière pour les sociétés de placement financier ,
– la fonction de développement économique et de promotion territoriale pour les pouvoirs publics et les collectivités locales.
Une conjoncture favorable, faite de la correspondance chronologique entre mutation du système productif et phase ascendante du cycle économique, permet alors, en même temps que la définition du nouveau produit et l’explosion de son marché, l’amplification rapide et forte de la filière sous la direction de ses acteurs les plus entreprenants. Les créations d’entreprises se sont multipliées, à la fois dans les secteurs traditionnels et dans les secteurs nouveaux d’un domaine continuellement élargi. Elles ont été à la fois créations originelles et créations par succursalisation ou filialisation, avec une intervention croissante mais restant limitée des sociétés étrangères. Une foule d’entreprises, aux activités les plus diverses, s’est constituée sur la base des fonctions, des produits ou des opérations.
La puissance des entreprises s’est accrue par l’agrandissement de leur taille et surtout par l’intensification des intégrations fonctionnelles et financières. Elle s’exprime alors par la hausse des chiffres d’affaires et des résultats, par l’augmentation des effectifs, par l’éclat publicitaire, par l’affirmation spectaculaire des sièges sociaux et des directions commerciales, par l’ampleur des réalisations, par l’implication de certains dirigeants dans quelques scandales retentissants…
L’élargissement du domaine d’intervention s’est effectué sectoriellement et spatialement. Les entreprises se sont étendues vers l’amont et vers l’aval, par la définition ou la prise de contrôle d’activités nouvelles ou existantes requises par le perfectionnement du produit et des services qui lui sont attachés dans tous les domaines, de son fonctionnement à son utilisation : conseil en organisation, conseil en stratégie spatiale, expertises… Elles ont cherché à élargir leurs espaces d’influence de Paris vers l’Angleterre et l’Espagne, vers l’Allemagne et les pays de l’Europe de l’Est.
La filière s’est organisée par la mise en cohérence accrue des logiques des différents intervenants, n’excluant pas les concurrences internes mais renforçant les solidarités externes : tenue de salons professionnels, de colloques et de conférences, multiplication d’organisations professionnelles, conception et diffusion d’études et de revues spécialisées, mise en relation formelle des acteurs directs et indirects : les investisseurs, les promoteurs, les commercialisateurs, les gestionnaires… mais aussi les autorités publiques et les entreprises.
La croissance de l’ensemble de la filière et surtout celle de son segment le plus actif s’expliquent par deux ensembles de facteurs, organiquement liés au niveau de la composante financière. Le premier est fondamental: il réside dans la demande, et prioritairement dans la demande finale, celle des entreprises utilisatrices d’un immobilier d’entreprise répondant aux exigences nouvelles d’un mode de production en transformation. Cette demande est accentuée par celles des autorités publiques ou de leurs représentations de l’État aux collectivités locales – L’immobilier d’entreprise s’est imposé comme le moyen le plus efficace d’assurer le développement économique, de promouvoir la modernisation des espaces et de prouver le bien fondé des actions d’aménagement territorial.
Surtout la demande a été renforcée par celle des investisseurs qui ont acheté pour s’assurer sécurité et rentabilité : les investisseurs institutionnels (compagnie d’assurance, caisses de retraite, sociétés mutualistes, Caisse des Dépôts et Consignations…), les sociétés financières spécialisées telles que les Sociétés Immobilières pour le Commerce et l’Industrie (SICOMI), les Sociétés Civiles de Placements Immobiliers (SCPI), les Sociétés Immobilières d’Investissement (SII) et des sociétés financières et immobilières où l’on retrouve sous forme d’actionnaires, les institutionnels, dont les banques ; les investisseurs étrangers ; sans oublier les marchands de biens dont le rôle accélérateur fut réel. Le second ensemble de facteurs est essentiel : il réside dans le fait que sur les bases précédemment évoquées, l’immobilier d’entreprise s’est révélé être un gigantesque gisement de profit, que la totalité des intervenants se sont efforcés de valoriser au maximum, avec l’appui d’un système bancaire s’engageant sans réserve en considérant l’immobilier comme la principale source de croissance. La poussée d’exception trouve son origine dans une financiarisation extrême où les promoteurs indépendants n’ont guère de place face aux grands groupes de construction, et surtout aux grands groupes financiers de la banque et de l’assurance. C’est l’ensemble du secteur financier qui s’est associé au processus spéculatif. Alors même que la bulle financière éclatait au Japon, au Canada aux États-Unis, à Londres… le gonflement se poursuivait en France, principalement à Paris et dans les principales métropoles.
A l’affirmation des produits, à la croissance de la production et à la montée en puissance de la filière correspond une profonde transformation du marché de l’immobilier d’entreprise. D’abord et pour l’essentiel dirigé par la demande des entreprises utilisatrices, il est devenu progressivement un marché orienté, déterminé puis dominé par l’offre, particulièrement là où l’investisseur s’est imposé comme intervenant principal. Offreur, le marché pouvait devenir spéculatif à la condition qu’il soit segmenté sectoriellement et spatialement et que soient créées et entretenues une hiérarchisation et une concurrence de valeur et de prix. La hausse des valeurs et des loyers a été continuelle ; exponentielle dans l’hyper-centre parisien, elle a été modulée jusque dans les périphéries provinciales, selon le jeu du rendement et de la sécurité. 1989 représente un sommet où les achats et les prix de vente estimés d’immeubles haussmaniens voués à la réhabilitation dans le Triangle d’or de Paris défient toutes logique.
La logique financière a non seulement gonflé le marché mais elle l’a défini sectoriellement et spatialement. C’est elle qui également a conduit au renforcement des processus de concentration générale et locale dans des opérations dont le prestige a été soigneusement valorisé.
Cyclique par nature le marché se renverse en 1990 révélant, par les modalités d’expression de la crise qui s’accentue, ses faiblesses structurelles, sa grande fragilité d’ensemble due à la perversion de fonctionnement de son système. La propagation de la crise respecte la segmentation et la hiérarchie sectorielle et spatiale, elle se module en gravité selon l’intensité spéculative : elle concerne davantage les bureaux que les entrepôts et les locaux d’activités ; davantage les opérations de l’Ouest parisien que celles des villes bretonnes… Certes la demande finale s’est affaiblie, car les entreprises utilisatrices sont influencées par le ralentissement économique général et par une perception plus dubitative de leur immobilier au regard des graves problèmes affectant ce domaine dans bon nombre de capitales mondiales, mais surtout l’offre s’est révélée excessive : trop ! trop beau ! trop cher ! L’investissement se dérobe, chez tous les participants, mais sans grande débandade grâce aux spécificités du financement français ; les engagements de programmes et les demandes d’autorisation diminuent ; l’offre continuant d’augmenter par la terminaison des opérations engagées, les prix baissent. Nombre de promoteurs se trouvent placés en situation difficile, les faillites se multiplient. Les fonds propres des entreprises se trouvent laminés. Les cours de bourse se sont anémiés. Les sociétés de financement se restructurent. Les banques doivent intervenir par un considérable provisionnement et la multiplication de montages financiers complexes qui ne font qu’estomper des menaces plus lourdes. La filière se contracte dans toutes les composantes, dans la crainte d’un effondrement des prix qui mettrait en cause son existence même.
La poussée d’urbanisation par explosion de l’immobilier d’entreprise s’arrête pour plusieurs années tant les stocks sont importants dans les endroits stratégiques, tant la baisse des prix rend la rentabilité problématique, tant la crise générale accentue la crise spécifique.

L’immobilier d’entreprise composante d’une urbanisation duale

Les conditions d’affirmation de l’immobilier d’entreprise – du produit, de la filière de production et de son marché – expliquent que par delà sa diffusion générale à l’ensemble du territoire français, le phénomène se caractérise par sa concentration au sein d’un monde restreint de régions et de départements et à l’intérieur d’eux-mêmes au sein d’un nombre restreints d’agglomérations – Cette concentration se traduit au niveau national et au niveau régional par la reprise de la métropolisation et au niveau local par l’accentuation de la dualisation spatiale.
La prééminence de l’Ile-de-France est évidente ; si les régions Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Aquitaine sont dans un rang conforme à leur importance, la place de la Bretagne et des Pays de Loire est remarquable. La confrontation entre dynamique immobilière et dynamique démographique y est particulièrement positive alors qu’elle s’inverse en Provence – Côte d’Azur et Languedoc – Roussillon. L’analyse de la destination des constructions permet de souligner la place écrasante des bureaux dans la dynamique immobilière de l’Ile-de-France alors que les locaux (ateliers – stockage) l’emportent en Bretagne, Pays de Loire et Aquitaine. Une répartition plus équilibrée caractérise Rhône Alpes, Midi-Pyrénées et Provence Côte d’Azur. En fait, cette distribution est intimement liée à celle des agglomérations les plus dynamiques. Hors de l’agglomération parisienne, s’imposent les principales métropoles régionales et quelques centres urbains dont l’active politique de développement s’est révélée efficace. Tout autant que le renforcement de la puissance parisienne, la progression de Toulouse est remarquable surtout en matière de bureaux. Après Paris et devant Nice, elle est une des rares métropoles où les bureaux l’emportent sur les autres types de locaux, reflétant l’accentuation du secteur des services. Lyon conforte sa position par une forte croissance des locaux d’activité et de stockage ; Bordeaux, Lille, Nantes et dans une moindre mesure Marseille s’assurent une croissance plus équilibrée – Grenoble, Strasbourg, Orléans affichent une réelle vitalité.
La croissance de l’immobilier d’entreprise est intimement liée à la reprise du phénomène de métropolisation. Dans sa nature même l’immobilier d’entreprise est d’essence métropolitaine. C’est aux niveaux supérieurs de la hiérarchie urbaine que se localisent préférentiellement les fonctions de commandement et de gestion et surtout que s’opère prioritairement la mutation du système productif par l’affirmation du mode de production flexible. L’immobilier d’entreprise est d’abord une réponse à la tertiairisation et à la financiarisation, à la flexibilisation et à l’internationalisation de l’économie. Surtout, les métropoles sont apparues comme les localisations privilégiées où la filière pouvait maximiser ses profits en minimisant les risques. Investisseurs, promoteurs, commercialisateurs, gestionnaires ont trouvé le plus grand intérêt à focaliser leurs interventions : réalisation d’économies d’échelle et d’économies externes, garantie de la valeur patrimoniale et assurance de rentabilité sur le moyen et le long terme, facilité de commercialisation et de gestion, organisation et maîtrise du marché. Seules les grandes métropoles ont permis de tirer au mieux parti du jeu spéculatif basé sur la concurrence des produits et leur sophistication, sur la concurrence des lieux et leur utilisation, sur la disponibilité des capitaux, en particulier des capitaux flottants à l’échelle internationale.
Enfin, seules les métropoles ont pu offrir à la filière de production d’immobilier d’entreprise tant d’exceptionnelles opportunités. L’aide des autorités administratives chargées d’assurer leur développement économique, et leur promotion dans les compétitions régionales, nationales et internationales y a été maximale. C’est là que se sont ajoutés les effets de l’action conjointe du gouvernement cherchant à tirer parti pour le pays de l’internationalisation croissante des économies et qui a investi des sommes considérables dans la réalisation de grands équipements autoroutiers, ferroviaires et aéroportuaires ; des responsables régionaux conscients du rôle croissant joué par leur ville principale dans le développement d’ensemble de leur circonscription ; des responsables locaux enfin qui cherchent à attirer sur leur territoire les opérations susceptibles d’engendrer richesses et emplois, les constructions modernes rénovatrices des paysages urbains.

Ces modalités d’urbanisation expliquent la diversité des formes qu’elle a pu revêtir. La métropole parisienne offre naturellement la palette la plus riche. De La Défense fière de ses dernières extensions aux parcs d’activités artisanales des petites communes de la grande banlieue, la variété est extrême, de l’échelle du bâtiment à celle des opérations les plus complexes. Hôtels particuliers des quartiers les plus prestigieux du Triangle d’Or parisien, centre d’affaires de Marne-La-Vallée ou de Saint-Quentin en Yvelines, opérations de rénovation dans les vieux espaces industriels de la Plaine-Saint-Denis, ont été, parmi beaucoup d’autres réalisations, exemplaires de la porte poussée enregistrée durant la période. Les métropoles provinciales ont connu des engagements comparables.
Les réalisations récentes d’immobilier d’entreprise contribuent incontestablement à la valorisation des nouveaux espaces de production puisqu’ils attirent et concentrent une part essentielle des formes positives de la mutation du système de productif. La tendance bien établie d’amélioration du standing, voire de sophistication des produits, du point de vue de l’architecture, de la décoration, de l’insertion environnementale, des équipements et des services, conduit à la concentration des réalisations. Les acteurs coordonnent leurs actions de médiatisation en se valorisant mutuellement : collectivités locales, aménageurs, promoteurs, commercialisateurs, entreprises… développent une active politique d’image sur la base des lieux communicants. Parfois dans l’hypercentre, le plus souvent dans la périphérie la mieux équipée sur les axes autoroutiers à proximité des gares et des aéroports s’affichent les opérations les plus marquantes.
Mais cette promotion des nouveaux espaces s’effectue aux dépens des anciens espaces de production et d’habitation. L’attractivité accrue entraîne un déclassement des aménagements antérieurs, provoque leur fragilisation et leur décomposition progressive par la multiplication des formes régressives et d’abandon. Le contraste se renforce également avec l’espace résidentiel commun qui, souffrant d’un délaissement de la part des intervenants publics et privés, n’est plus l’espace à partir duquel se définissent les nouveaux constituants de la modernité urbaine.

Quelques chiffres

Collecte de capitaux des SCPI
Sociétés Civiles de Placement Immobilier En milliards de francs

|1985 |1986 |1987 |1988 |1989 |1990 |1991 |1992 |1993 |1994 |
|1,9 |4,8 |9,1 |9,5 |11,4 |11,5 |9,2 |7,3 |5,1 |3,3 |

Source : Institut de l’épargne immobilière et foncière.

Engagement des investisseurs dans l’immobilier d’entreprise
En milliard de francs.

|1987 |1988 |1989 |1990 |1991 |1992 |1993 |1994 |
|25 |24,2 |28,2 |27,8 |15,6 |9,7 |6,0 |10,5 |

Source : Bourdais.

Construction de bureaux en Ile de France

Bureaux mis en chantier – en millier de m2

|1985 |1986 |1987 |1988 |1989 |1990 |1991 |1992 |1993 |1994 |
|1030 |1290 |1670 |1950 |2660 |2360 |1930 |1640 |940 |850 |

Source : Observatoire de l’immobilier d’entreprise – DREIF

Construction de logements en France – Logements commencés –
En milliers de logements

|1980 |1985 |1990 |1991 |1992 |1993 |
|397 |295 |310 |294 |272 |240 |

Source : Développement Construction