Ce texte est inclus dans le chapitre d’Ouvriers et Capital intitulé “Premières thèses”, dont il constitue le cinqième point.
La première édition d’Operai e capitale a été publiée en 1966 aux éditions Einaudi.
La traduction française, réalisée par Yann Moulier, avec la collaboration de G. Bezza, a été publiée en 1977 chez Christian Bourgois.
Quand il veut vraiment cerner le processus de transformation de l’argent en capital, Marx prend le temps de dire : “ Il nous faut considérer de plus près cette marchandise particulière qu’est la force de travail. ” Au paragraphe décisif qui traite de “l’achat et de la vente de la force de travail” et qui conclut la deuxième section du premier livre du Capital on retrouve en note – et rien de fortuit là-dedans ! – Ricardo et Hegel. Marx explique que le changement de valeur de l’argent, et donc sa transformation en capital, ne peut pas se produire dans l’argent lui-même; il faut donc qu’il se produise dans la marchandise; non pas dans sa valeur, mais dans sa valeur d’usage, et donc dans la consommation d’une marchandise qui s’échange contre de l’argent. Ricardo avait déjà dit à ce propos: “ Sous la forme de monnaie… le capital ne produit aucun profit ”[[Principles of Pol. Economy, p. 267.
Marx dit que la vente de la marchandise force de travail ne peut pas se faire d’un seul coup et une fois pour toutes; elle ne se produit toujours que pour un temps donné; le possesseur de cette marchandise en concède la consommation provisoire, non la propriété; autrement, de libre qu’il était, il deviendrait esclave. Hegel avait déjà écrit: “ Je peux… aliéner à autrui… l’emploi de mes capacités et facultés particulières d’activité corporelle et mentale, pour un temps limité parce que cette limitation leur confère une relation d’extériorité à ma totalité et à mon universalité. Par l’aliénation de tout mon temps réalisé dans le travail et de la totalité de ma production, je rendrais un autre propriétaire de ce qu’il y a de substantiel en ceux-ci, de toute ma réalité et de toute mon activité universelle, de ma personnalité ”[[Principes de la Philosophie du Droit, § 67. L’argent n’est pas du capital, il ne devient pas du capital, il lui faut se transformer en capital. Si cette transformation se produit dans la marchandise, il faut que la valeur d’usage de cette marchandise possède une qualité particulière: celle d’être une source de valeur. Sa consommation réelle doit être, elle-même, une objectivation du travail, et donc une création de valeur. Et l’on trouve déjà sur le marché, une marchandise douée de cette vertu spécifique: elle s’appelle travail en puissance, force de travail. “ Par force de travail (Arbeitskraft) ou travail en puissance (Arbeitsvermögen) il faut comprendre l’ensemble des facultés physiques et intellectuelles qui existent dans le corps d’un homme, dans sa personnalité vivante, et qu’il doit mettre en mouvement pour produire toutes sortes de valeurs d’usage”[[Le Capital, Livre I, 2e section, ch. VI, Éd. Soc., p. 170.
La présence de la marchandise, force de travail sur le marché, présuppose l’existence du vendeur de la force de travail. Qui dit vendeur, dit possesseur. Et que le possesseur vende, cela présuppose la liberté de posséder cette marchandise. Et encore ! il s’agit d’une liberté bien particulière: celle de vendre une marchandise unique, d’être dans l’impossibilité de ne pas la vendre, bref une contrainte librement acceptée, la liberté qui, précisément, fonde le capital. C’est en ce sens seulement que l’on est en droit de dire que la condition préalable, d’où découlent toutes les autres conditions qui rendent possible la transformation de l’argent en capital, c’est l’existence de la figure historiquement déterminée de l’ouvrier libre: “ Libre à un double point de vue: premièrement le travailleur doit être une personne libre, disposant à son gré de sa force de travail comme de sa marchandise à lui; deuxièmement, il doit n’avoir pas d’autre marchandise à vendre; être, pour ainsi dire, libre de tout, complètement dépourvu (los und ledig) de toutes les choses nécessaires à la réalisation de sa puissance de travail ”[[Ibidem, p. 172.
Si la force de travail est une marchandise, elle a une valeur comme toutes les autres marchandises. C’est dans la mesure précisément où l’on ne peut pas parler “ de la valeur du travail ” qu’on peut par contre parler “ de la valeur de la force de travail ”. Le travail n’est pas une marchandise: il est seulement la valeur d’usage d’une marchandise, et en particulier de la marchandise qu’est la force de travail. Et une valeur d’usage n’a pas de valeur en tant que telle, mais simplement dans la mesure où elle est valeur d’échange. La force de travail, en tant qu’elle est une marchandise, aune valeur d’échange et une valeur d’usage. Sa valeur d’échange n’a rien de particulier : comme celle de toute autre marchandise, elle est déterminée par le temps de travail nécessaire à sa production, qui se résume à la production de moyens nécessaires à la survie et à la reproduction du possesseur de la force de travail. La particularité de cette espèce de marchandise qu’est la force de travail se cache dans sa valeur d’usage. Bien qu’elle ne sorte pas de la sphère de la circulation des marchandises, la force de travail révèle sa nature particulière dans le fait que, lorsque le contrat entre l’acheteur et le vendeur est conclu, sa valeur d’usage n’est pas encore passée réellement entre les mains de l’acheteur. La valeur de cette marchandise, comme la valeur de toute autre marchandise, est déjà déterminée quand elle entre dans la circulation de la marchandise; mais sa valeur d’usage, à la différence de la valeur d’usage des autres marchandises, n’est pas objectivement contenue dans son existence, mais naît après seulement, comme extériorisation d’une possibilité, d’une capacité, d’une potentialité. La vente de la force de travail, et donc le fait qu’elle soit valeur d’échange, et la consommation de la force de travail, c’est-à-dire son caractère de valeur d’usage, sont deux moments distincts. Dans le cas particulier de la force de travail, comme dans tous les autres cas identiques, l’argent est moyen de paiement; et la marchandise est payée non pas lorsqu’elle est vendue mais lorsqu’elle a été consommée. “ Dans tous les pays où règne la mode de production capitaliste, la force de travail n’est donc payée que lorsqu’elle a déjà fonctionné pendant un certain temps fixé par le contrat… Le travailleur fait donc partout, au capitaliste, l’avance de la valeur d’usage de sa force; il la laisse consommer par l’acheteur avant d’en obtenir le prix: en un mot il lui fait partout crédit (Kreditiert). ”[[Éd. Soc. p. 177.
Mais ce crédit n’est que simple reflet de la particularité que recèle la valeur d’usage de la force de travail. Pour bien la comprendre, il faut la référer à sa particularité originaire : celle-ci apparaît seulement au sein du procès de production et dans la partie spécifique de ce procès qui est le seul véritable procès de valorisation: à savoir le procès de production de plus-value, et donc de capital. On ramène toujours le concept de plus-value chez Marx, à la théorie classique de la valeur; pour procéder correctement, il faut au contraire le ramener au concept marxien de la force de travail, au moment où ce dernier opère sa jonction avec le concept de travail productif. Seul ceci peut permettre de traiter la plus-value dans sa forme générale, autonome, originaire, en laissant de côté ses formes particulières que sont le profit, l’intérêt, la rente, etc. : c’est cela précisément l’autre découverte fondamentale du Capital.
L’usage de la force de travail, dit Marx, c’est le travail même. Pour consommer la force de travail, l’acheteur doit faire travailler celui qui a vendu cette force de travail. Ce procès de consommation est en même temps procès de production de marchandise et de plus-value. C’est dans ce procès que le vendeur de la force de travail devient en acte ce qu’il n’était avant qu’en puissance, qu’il se fait force de travail en acte, qu’il se transforme en ouvrier. La valeur de la force de travail ne sera payée précisément qu’après, sous forme de salaire: l’ouvrier devient ouvrier salarié. Mais dans le salaire, ne se trouve rétribué a posteriori que ce qui avait déjà été négocié auparavant. La forme salariale n’ajoute à la qualité de l’ouvrier aucune spécification qui ne soit déjà contenue, dans sa qualité de vendeur de force de travail. Dans la consommation de la force de travail, dans le travail, s’ajoute l’acte concret de la production dans le procès de valorisation, sous des conditions bien déterminées. La valeur d’usage spécifique de la marchandise force de travail, son originalité, sa particularité historique, surgit du fait suivant: qu’elle est, non pas source de la valeur, car ceci découle de la valeur d’échange de la force de travail, mais source d’une valeur plus grande que celle qu’elle ne possède par elle-même. Dans la marchandise force de travail, valeur et valorisation ne coïncident pas. Et de plus, la force de travail est la seule marchandise qui, dans son procès de consommation, produit une valorisation plus grande que sa valeur, produit de la plus-value, bref du capital. La force de travail est donc non seulement du travail en puissance, mais aussi du capital en puissance. L’utilisation de la force de travail n’est pas seulement du travail, mais aussi du sur-travail; elle ne se borne pas à produire de la valeur, elle produit aussi de la plus-value; donc l’utilisation de la force de travail n’est pas simplement du travail, c’est aussi du capital. Mais l’utilisation de la force de travail n’est pas séparable de la figure globale de l’ouvrier, devenu désormais producteur. De même que, dans l’acte d’achat~vente de la force de travail, se trouve contenu le rapport entre deux classes antagonistes qui fonde tout le véritable déroulement de l’histoire du capital, dans le procès de consommation de la force de travail, au moment de la production, le terrain est déjà tout prêt pour la lutte directe entre deux classes qui déterminera, successivement, la naissance, le développement et le déclin de la société capitaliste. C’est donc avant tout du point de vue ouvrier que doit être considéré le procès de production du capital. Il apparaît alors comme le lieu naturel où s’exprime l’antagonisme, comme le terrain spécifique de la lutte de classe. La force de travail – nous l’avons vu – se trouve insérée, et doit l’être, dans le procès de production comme classe et comme classe antagoniste. Du seul fait qu’elle est une force productive sociale, elle possède la faculté de produire du capital, mais aussi celle d’appartenir au capital, de devenir partie intérieure à lui-même. Et dès lors le procès de production capitaliste se présente en fait comme procès d’appropriation capitaliste de la force de travail ouvrière. Ce qui ne constitue plus un simple achat de cette marchandise, mais qui veut dire en réduire à sa merci la nature particulière. Il ne s’agit plus alors d’un acte d’échange individuel, mais d’un processus de violence sociale. Il ne s’agit plus seulement d’exploitation, mais aussi de contrôle sur l’exploitation. La consommation de la marchandise force de travail dans la production, l’utilisation productive de l’ouvrier par le capitaliste, devient ainsi, et doit devenir obligatoirement, utilisation capitaliste de la classe ouvrière. C’est à l’intérieur de ce processus qu’il faut découvrir la naissance historique d’une classe des capitalistes.
Or l’utilisation capitaliste des ouvriers, en tant que classe, n’est possible qu’à partir du moment où les capitalistes se sont organisés en classe: et le modèle ne pourra être que celui qu’offre la seule classe déjà constituée, la classe des ouvriers. C’est de là que part toute l’histoire des mouvements de classe des ouvriers. Mais le passage – logique et historique à la fois – du prolétariat vendeur de sa force de travail, à la classe ouvrière productrice de plus-value, marque le début de l’histoire ouvrière du capital, seule véritable histoire de la société capitaliste, et seule conception matérialiste de l’histoire qu’on puisse admettre aujourd’hui du côté marxiste. Nous reviendrons là-dessus. Il nous faut maintenant apporter des conclusions à la question restée en suspens: que le caractère particulier de la marchandise force de travail soit d’être en puissance, classe ouvrière. Les ouvriers en général sont précisément cette valeur d’usage particulière, “ cette race – dit Marx – de possesseurs de marchandise très spéciaux!!! ” La valeur réalisée par la force de travail, sous forme de salaire, est à son tour du capital, une partie de ce dernier, à savoir le capital variable. Ce n’est pas en cela que réside la spécificité ouvrière de cette marchandise, pour la bonne raison que ce n’est pas à partir de là que naît le capital. Ce n’est donc pas dans sa valeur, mais dans sa valeur d’usage que réside toute la particularité de la marchandise force de travail. C’est sa valeur d’usage qui produit de la plus-value, et cela parce que l’usage, l’utilisation de la force de travail, contient et présuppose le sur-travail et pas du sur-travail en général, mais du sur-travail de l’ouvrier. Tout comme le travail, l’utilisation de la force de travail, est du travail ouvrier, un déploiement concret, une concrétisation du travail abstrait – travail abstrait qui se trouve déjà à son tour réduit au rang de marchandise, et qui réalise sa valeur dans le salaire. Donc l’étape où le travail abstrait se retourne et prend la forme concrète de l’ouvrier, c’est le procès de consommation de la force de travail, le moment où elle devient en acte ce qu’elle n’était qu’én puissance, le stade de la réalisation de la valeur d’usage de la force de travail, si l’on peut dire. Ce qui était déjà présent dans l’opération d’achat-vente comme un rapport de classe pur et simple, élémentaire et général, a acquis désormais définitivement son caractère spécifique, complexe et total. La particularité de la force de travail par rapport aux autres marchandises, coïncide donc avec le caractère spécifiquement ouvrier que possède le procès de production du capital; et à l’intérieur de ce dernier, elle coïncide avec l’apparition matérielle de l’initiative ouvrière dans le rapport de classe, qui la mène à un saut dans son propre développement, et qui aboutit à la naissance, par contrecoup, de la classe des capitalistes.
Dans la présentation que donne Marx de la transformation de l’argent en capital qu’on trouve dans l’“ Urtext ”[[. Éd. Anthropos. t. II, p. 652. Toutes les citations faites par Tronti du Fragment de la Version Primitive à la “ Contribution… ” peuvent être consultées en français dans les Fondements de la Critique de l’Économie Politique, trad. Dangeville, Éd. Anthropos, Paris, 68, t. II ; pp. 652-657 (et sa réédition en 10/18 qui reprend la même traduction). Nous nous sommes écartés de sa traduction, lorsque celle qui était citée par Tronti en italien en différait très sensiblement. En effet, la traduction italienne, toujours explicitement référée à l’allemand, constitue un moment essentiel de la démarche suivie par l’auteur. A choisir une autre traduction on risque de rompre le fil de la pensée et de multiplier les obscurités.
(Fragment de la Version primitive) à la Contribution à la Critique de l’Économie Politique, de 1858, tout cela se trouve formulé de façon définitive. En tant qu’il est issu de la circulation simple, le capital existe tout d’abord sous la simple forme de l’argent. Son existence monétaire ne tient qu’à la forme adéquate de sa valeur d’échange, qui peut indifféremment se métamorphoser en n’importe quelle marchandise: il est donc valeur d’échange devenue autonome. Et son caractère autonome consiste en ceci: que la valeur d’échange se maintient en tant que telle, sous forme d’argent aussi bien que de marchandise, et ne prend la forme marchandise que pour se valoriser. L’argent n’est qu’une simple forme d’existence du capital, en tant que ce dernier est à présent du travail objectivé. Aucun mode d’existence objectif du travail ne fait face à ce capital, au contraire, tous se présentent comme un mode possible de son existence. “ Le seul élément qui s’oppose au travail objectivé (vergegenständlichte ) c’est le travail non objectif (ungegenständlichte), c’est-à-dire que la seule antithèse du travail objectivé (objektivierten) c’est le travail subjectif (subjektive). En d’autres termes, au travail passé dans le temps et présent dans l’espace, s’oppose le travail vivant et présent dans le temps. Mais celui-ci, en tant qu’il est du travail présent dans le temps, du travail non objectif (et donc pas encore objectivé), ne peut exister que comme faculté, possibilité, disposition, bref comme capacité de travail du sujet vivant. Au capital-travail objectivé, autonome et existant pour lui-même, ne peut s’opposer que la force de travail vivante le seul échange grâce auquel l’argent puisse devenir du capital, et donc celui qu’effectue le possesseur de capital avec le possesseur de la force de travail vivante, c’est-à-dire l’ouvrier. ” Dans l’argent, la valeur d’échange ne pouvait garder son indépendance qu’en s’abstrayant de la valeur d’usage. Désormais au contraire, la valeur d’échange, dans son existence réelle et non pas formelle de valeur d’usage précisément, doit se conserver comme valeur d’échange; il lui faut, non seulement se conserver comme valeur d’échange dans la valeur d’usage, mais aussi se produire à partir de celle-ci. “ Or les valeurs d’usage n’existent véritablement qu’en étant niées et consommées, c’est-à-dire en étant détruites dans la consommation. ” Ce n’est plus maintenant dans le fait de s’abstraire de la valeur d’usage, mais dans celui de consommer la valeur d’usage que se trouve la véritable réalité de la valeur d’échange. “ Cette négation réelle est en même temps sa réalisation comme valeur d’usage; elle doit donc être un acte où la valeur d’échange s’affirme et se manifeste elle-même. ” Or ce n’est possible que si la marchandise est consommée par le travail, si sa consommation signifie objectivation du travail et donc création de valeur. “ L’argent n’a plus pour valeur d’usage un article de consommation où il se perd; il se conserve et s’accroît grâce à elle. Pour l’argent, en tant que capital, il n’y a pas d’autre valeur d’usage possible. C’est précisément en ceci que consiste son rapport de valeur d’échange à valeur d’usage. L’unique valeur d’usage susceptible de représenter à la fois l’opposition et le complément (Gegensatz und Ergänzung) de l’argent à titre de capital c’est le travail c’est-à-dire le travail existant dans la force de travail, et la force de travail existant comme sujet. A titre de capital, l’argent n’a de rapport qu’avec le non-capital (Nicht-Kapital), la négation du capital; et c’est seulement en tant qu’il est cette relation qu’il est du capital. Le non-capital, c’est le travail même. ” A la valeur d’échange, sous forme monétaire, s’oppose donc la valeur d’échange sous forme d’une “ valeur d’usage particulière ”. La valeur d’échange ne peut donc se réaliser en tant que telle que parce qu’elle s’oppose, non pas à n’importe quelle valeur d’usage, mais à la “ valeur d’usage qui la concerne ”. Cette valeur d’usage particulière qui concerne la valeur d’échange, tout en étant sa négation, c’est le travail. Dans la circulation simple, le contenu de la valeur d’usage était indifférent et n’entrait pas dans le rapport économique; ici par contre, il en est le moment essentiel. Mais précisément la valeur d’usage spécifique d’au moins une seule des marchandises échangées amène un dépassement des limites de la circulation simple. Ce n’est pas la forme particulière de l’échange qui provoque ce passage; en effet, puisqu’il y a un rapport entre équivalent, l’ensemble des droits sacrés de la liberté et de l’égalité sont respectés. Mais c’est plutôt le contenu particulier de la valeur d’usage de la marchandise force de travail, c’est-à-dire, répétons-le, le travail lui-même, qui provoque ce passage. Or “ au sein de la circulation ou de l’échange entre capital et travail, tel qu’il existe comme simple rapport de circulation, il n’y a point échange entre l’argent et le travail, mais entre l’argent et la force de travail vivante ”. A titre de valeur d’usage, la force de travail ne se réalisera, plus tard, que dans l’activité du travail lui-même. Mais l’activité du travail n’entre pas dans le procès de circulation. S’il est bien vrai que “ l’achat de la force de travail est la disponibilité du travail ”, la consommation de ce travail disponible ne peut se faire que dans la production. La consommation de la force de travail produit du capital. Dans la marchandise force de travail, la contradiction vitale du capitalisme entre production et consommation est résolue: en effet, la consommation de cette marchandise n’est rien d’autre que la consommation productive de sa valeur d’usage. Donc le secret du capital ne se trouve pas dans la valeur, mais dans la valeur d’usage de la force de travail. “ Ainsi la consommation de l’argent correspond maintenant à la consommation de la force de travail, à la production et à l’objectivation (vergegenständlichende) du temps de travail; c’est une consommation productive de valeur d’échange. En d’autres termes, son existence réelle de valeur d’usage consiste à créer de la valeur d’échange. Mais c’est uniquement la spécificité de la valeur d’usage achetée à l’aide de l’argent, qui fait de l’échange de l’argent contre du travail, l’échange spécifique A M A, où le but de l’échange est la valeur d’échange elle-même et où la valeur d’usage achetée est directement une valeur d’usage pour la valeur d’échange, autrement dit une valeur d’usage productive de valeurs (wertsetzender Gebrauchswert) . ”
La valeur d’usage productive de valeur, c’est le travail qui produit de la plus-value. Sur la page qui suit immédiatement celle où s’interrompt le manuscrit de la première exposition marxienne du “ passage au capital ”, on trouve précisément le titre suivant: travail productif et travail improductif.