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Lettre ouverte à madame la ministre Tasca

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Lettre ouverte des artistes et théoriciens – A & T – à Madame la Ministre, Catherine Tasca, lue lors de la réunion du 6 décembre 2000 sur les écoles nationales d’art.
Madame la Ministre,

Nous nous permettons de vous rappeler ici, Madame la Ministre (car nous ne savons pas si vous en avez été informée) que les A & T se sont créés, artistiquement, en mai 2000 par l’occupation de la DAP et qu’ils ont fait prendre, depuis lors, un tournant nouveau aux revendications concernant les écoles nationales d’art.

Les A & T sont composés d’artistes et de théoriciens non syndiqués, engagés par leurs expositions, leurs écrits, dans le monde de l’art régional, national et international. Ils exposent, publient, mettent en place des évènements, des colloques. Ils représentent aussi la culture française à l’étranger. Les A & T ont été dans l’obligation de se rassembler car, si leurs revendications étaient prises en compte par les syndicats d’un point de vue statutaire, elles ne l’étaient pas d’un point de vue artistique. En effet, les attentes des A & T sont liées à la recherche artistique, et à sa transmission à l’extérieur des écoles d’art, ainsi qu’à ses rapports spécifiques au monde de l’art.

Les A & T se battent pour l’application du protocole de fin de grève qu’ils ont signé le 11 mai 2000. Ils représentent maintenant une part importante des artistes et théoriciens des 7 écoles nationales d’art. Ils ont créé un site sur l’Internet, très visité, et reçoivent périodiquement des soutiens venant du monde de la culture.
Les A & T redisent l’urgence de repenser la place des écoles d’art françaises dans le contexte européen ainsi que leur rôle dans le contexte de l’art contemporain. Rien, pour les A & T, ne peut être dissocié. Ils s’étonnent Madame la Ministre, que ce protocole, que vous avez signé, ne soit respecté ni dans ses dates, ni dans ses échéances. Ni dans son impact symbolique : un statut et un salaire décent pour les techniciens vacataires des écoles nationales d’art.
Nous tenons à vous rappeler, Madame la Ministre, que le statut du supérieur, qui a été gagné très difficilement pour les diplômes des étudiants (à ce jour non inscrit au J.O.) doit être aussi appliqué au fonctionnement des écoles nationales d’art en France. Il s’agit en fait pour les A & T de la reconnaissance « du statut de recherche » de la création artistique. Nous nous battons pour ce qui doit être le corollaire d’un statut de recherche, c’est-à-dire la collégialité administrative et la responsabilité partagée. En fait la démocratie. C’est-à-dire :

– L’engagement à la recherche.
– L’avancement fait sur des critères artistiques identifiables et légaux et non le résultat de passe-droits et de décisions arbitraires prises par de petits comités non qualifiés.
– La reconnaissance des niveaux de recherches des artistes et théoriciens et l’arrêt des inspections basées sur des critères non identifiables ou la délation administrative (on n’est plus au temps de Vichy…).
– La consultation de tous pour la nomination des directeurs et le recrutement des nouveaux intervenants et non des nominations arbitraires pouvant parfois réduire totalement la pédagogie d’une école.
– La concertation de tous pour les budgets qui engagent l’avenir d’une école et de son enseignement et non des décisions occultes réduisant toutes possibilités de projets non soumis.
– La réactualisation de l’organisation des études, trop ancienne, et notamment la réduction à 4 années du cursus.
– L’autorisation pour les artistes à poursuivre leurs recherches à l’intérieur des écoles, sur le matériel spécialisé dont celles-ci bénéficient pour les nouvelles technologies.

Nous nous battons de fait pour l’arrêt de l’infantilisation du corps enseignant des écoles nationales d’art, devenu la caractéristique dominante du système de l’enseignement de l’art en France. En effet, les pratiques artistiques et théoriques ne peuvent plus s’accommoder du régime actuel d’inspection, de notations arbitraires, de chasses gardées, d’autorité féodale qui prévalent dans les écoles nationales d’art, par manque aux droits les plus élémentaires. Le système, basé encore et toujours sur le vieux système de l’Académie, reproduit et conforte les travers les plus sclérosants et les plus spécifiques au milieu de l’art français, forçant les artistes à des comportements de soumission et d’allégeance plutôt qu’à des réactions créatrices.
Tout le monde se plaint du retard des arts plastiques sur la scène internationale, mais personne ne veut prendre le courage de dire que les structures qui régissent les arts plastiques et notamment les écoles d’art en France sont d’un autre siècle. Il semble surréaliste de devoir à nouveau vous faire remarquer, Madame la Ministre, que la seule école d’art reconnue comme enseignement supérieur à la fin de l’an 2000 est encore et toujours l’école des Beaux-Arts de Paris.
Les A & T dureront le temps que cet immobilisme sévira dans les mentalités et que l’enseignement de l’art ne sera pas reconnu comme faisant partie du monde contemporain avec des règles et des devoirs dignes du siècle qui s’ouvre.

– Site des Artistes & Théoriciens
http://superieure.online.fr