Majeure 15. Art contemporain : la recherche du dehors

Machines de resymbolisation : Réflexions à partir du travail d’Öyvind Fahlström

Partagez —> /

Cartographier les rapports de force constitutifs du capitalisme mondial, en donnant une tournure figurative à des informations précises : ces ambitions rapprochent le travail d’Öyvind Fahlström, dans les années 60-70, de celui de Bureau d’Études aujourd’hui. Dans les deux cas il s’agit de renforcer des mouvements de contestation. Mais le projet d’Université populaire ou de Parlement alternatif contenu implicitement dans la démarche de Fahlström n’a pas abouti. Déconstruire l’ordre symbolique actuel et le resymboliser autrement suppose l’invention de nouveaux agencements sociaux avec une efficacité pragmatique. À l’horizon de son travail de cartographie Bureau d’Études voit non seulement la critique en actes du « gouvernement mondial », mais également la constitution d’une « république d’individus » productive et coopérative, s’auto-organisant à l’échelle planétaire, en exode par rapport à toute souveraineté étatique.

Dans les années 60-70, l’artiste Oyvind Fahlström a réalisé des tableaux, des cartes et des jeux à haute teneur en information analysant les situations sociales, économiques et politiques du présent. Ces objets esthétiques et cognitifs d’abord produits pour le musée ou les collectionneurs ont progressivement mis leur nez dehors et gagné en autonomie. Il fallait pour cela que la reproduction technique et la distribution soient incluses dans la conception des objets et que le public associé se mette soudain à bouger et à parler. Cet exode des artistes en dehors du système de l’art est aujourd’hui réprimé par des critiques d’art s’érigeant en législateurs (et recruteurs) des artistes. Ces critiques en effet, dotés d’une philosophie étriquée des formes, réduisent les artistes à l’état de fournisseurs dont les produits répondent à la demande du marché et des institutions culturelles. Mais les artistes ont su parfois excéder le contrôle des experts, mettant en œuvre leur autonomie en dehors des rives autorisées par les gardiens du temple.
Fahlström fait éclater l’ordre saint-simonien (« les artistes en tête, ensuite les savants, et les industriels seulement après les deux premières classes ») par la coopération d’acteurs autonomes du savoir, de l’art, de la production et de la distribution, de la réception critique aussi. D’abord, il a ouvert la création esthétique vers la création savante (et vice-versa) avec ses cartes et tableaux représentant des situations sociales, économiques et politiques. Ensuite il amorce une sortie du système féodal de l’art, en envisageant de produire et distribuer de façon autonome. « La peinture et la sculpture sont aujourd’hui des formes archaïques de l’art, en ce qu’elles dépendent de protecteurs féodaux achetant à des prix extravagants l’unicité. Il est temps de faire appel aux ressources de la technologie moderne pour obtenir une production de masse des œuvres d’art accessibles aux riches comme aux autres » (Fahlström, Take care of the World, 1966([[Oyvind Fahlström, catalogue d’exposition, Centre George Pompidou, Paris, 1980, pp. 50-53.)). Enfin il envisage la création d’un « système de distribution alternatif autonome » et travaille avec différents mouvements politiques.
Sans doute Fahlström n’est-il pas arrivé au bout de son projet. En voyant ses travaux, on voit bien qu’il n’a pas réalisé ce qu’il voulait faire : il n’y a pas eu de production massive de ses images (qui sont restées la plupart du temps des prototypes) et les œuvres n’ont pas opéré la critique des moyens (industrialisés et rationalisés aujourd’hui) de l’expression. Le grouillement imaginaire et narratif de ses œuvres, échappé à toutes jambes de la censure disciplinaire de la culture d’avant 68, ne résiste plus aujourd’hui à la normalisation forcenée de l’inconscient lui-même, à l’industrialisation des désirs et des affects, à la consommation massive d’êtres fictifs qui a été mise en place depuis les années 70. Le point de jonction entre art, connaissance, pratiques et luttes, production et distribution, autrement dit le projet d’université populaire ou de parlement (moment d’élaboration collective des récits, des représentations et des règles communes) contenu implicitement dans sa démarche, n’a pas trouvé de forme aboutie et durable. Il n’y a pas eu de montages techniques et politiques entre les différents acteurs de la symbolisation (de la conception à la réception). Et surtout, Fahlström maintient la catégorie « artiste », alors même que son projet brise le corporatisme des producteurs de symboles.

Invention de communaux

Imaginons un Fahlström qui serait sorti du XIXe siècle et de ses postures romantiques. Imaginons la réalisation pratique de cette université populaire ou de ce parlement, à la croisée de l’esthétique et du cognitif, de la pratique et des luttes, de la production et de la distribution.
Il y aurait, par exemple, la question de la diffusion/distribution. Sorti des féodalités artisanales du système de l’art (avec ses châteaux institutionnels, ses barons privés et publics, ses artisans culturels obséquieux, son exploitation des subjectivités, sa critique intégrée), la production symbolique autonome se heurterait aux châteaux bien gardés de l’industrie culturelle. Lagardère – pour ne citer que lui – avec ses Payot, Fayard, Elle, Marie-Claire, Bourrelier, NMPP ou Relais H, ses Hatier, Bordas, Belin, Nathan, ses Europe 1, RFM, Canal Satellite et autre Club Internet (infime partie de l’empire de ce fabricant d’armes !), possède, outre la quasi-totalité des grands éditeurs en France, les machines de diffusion et distribution qui les font tourner. La tâche paraîtrait impossible : pour s’autonomiser de cette baronnie, il ne faudrait rien moins, pour un producteur collectif de symboles, qu’assembler des machines d’édition, de diffusion et de distribution. Des médias indépendants, des publics, des libraires. Des bombardes (syndicats) devraient aussi être créées pour s’opposer à la force des bombardes adverses ou protéger l’exode des machines autonomes.
Un tel agencement de machines d’édition, diffusion et distribution, avec la création de syndicats de protection/opposition aux féodalités culturelles serait, à part entière, une machine de resymbolisation. Ce serait un lieu de transmission sociale et de mutualisation d’expressions, de savoirs ou de compétences. Cette machine se différencierait de son ennemie féodale par sa façon de sentir, de coordonner ses forces et de produire du sens. Elle s’en différencierait aussi par son éthique, son esthétique voire son épistémologie.
En regardant autour de nous on voit quantité de machines autonomes de cette sorte. Tantôt elles sont très petites, tantôt plus complexes, plus articulées, donnant bon espoir que le double refus (de l’industrie culturelle et du système de l’art) survive et croisse durablement. Nous avons rencontré une de ces machines, particulièrement intéressante, qui nous a invités à nous associer à elle. Souhaitant gagner en autonomie, notre groupe d’artistes est ainsi devenu membre de la coopérative de diffusion/distribution Co-errances.
Une telle coopérative est une des pièces essentielles d’un agencement autonome : cette pièce permet d’articuler des éditeurs, des revues, des réalisateurs et producteurs de films symbolisant chacun à sa manière, en dehors des féodalités culturelles. Elle articule également des libraires, des salles d’art & d’essai, et d’autres salles de projection autoproclamées, des associations. Pour fonctionner durablement, la coopérative Co-errances ne doit pas seulement assurer sa tâche (la diffusion). Elle doit aussi susciter ou créer des pièces complémentaires, essentielles à la vie et à la survie du système de machines autonomes.

Les sociétés de distribution appartiennent aux barons ? Créons un groupe d’intérêt économique de distribution indépendant.
Les petits et moyens éditeurs ne valent rien et sont promis à la disparition ? Qu’à cela ne tienne, il faut créer un syndicat des petits et moyens éditeurs, très nombreux en France et très proches de ce qu’on pourrait qualifier de « créativité des multitudes ». Il faut organiser une rencontre de ces éditeurs avant le Salon du livre, monopolisé à 75% par le fabricant d’armes et d’infotainment Lagardère.
Les publics sont sous hypnose ? Les mutuelles de publics (il y en a 7 en cours de formation) permettent de sortir ces derniers du rôle passif, désocialisé et dépolitisé de consommateur culturel.
Les salles de cinéma indépendantes ayant une projection singulière sont en voie de disparition ? Non. Il existe quantité de salles de projection informelles qu’il faut soutenir en y participant, qui doivent se rencontrer pour prendre conscience de leur force.

Toutes ces machines n’ont pas le même plan de montage ni le même fonctionnement que les machines féodales. Elles refusent l’impératif du « dernier cri », la discrimination « in/out » : cette avant-garde consumériste est trop coûteuse et asservissante. La production autonome de symboles regarde à deux fois sur l’autonomie qu’une forme permet et le coût qu’elle impose à un producteur/récepteur : une machine-outil est plus autonome qu’une machine à commande numérique, comme on a pu le voir avec l’autogestion de Lip en France ou les entreprises autogérées d’Argentine. En ce sens, elle casse certaines machines qui, en se développant, détruisent (sans la déplacer ailleurs) l’autonomie. Elle récupère aussi des inventions mises au rebut pas l’avancée technique (semences non industrialisées, réactivation de brevets tombés dans le domaine public).
La production autonome de symboles requiert donc une écologie des machines. Mais elle requiert aussi une écologie de l’information. Car l’éjaculation permanente d’informations et d’avatars nouveaux fascine et obnubile le cerveau qui ne cesse d’appuyer sur la pédale. Dans le pire des cas, elle le désoriente tout à fait. Il y a donc un problème de vision, une question écologique propre aux sociétés de l’information. Cette écologie nécessite notamment de pouvoir situer la trajectoire et les points d’origine industrielle des informations et des figures du désir. Pourquoi elles sont produites en masse et par qui. Autrement dit, des cartes doivent permettre de se repérer, d’identifier les nuages d’informations industrialisées, les machines de guerre de l’information ou les tuyaux de déjection qui les émettent dans l’infosphère. Mais des disjoncteurs doivent aussi être créés pour permettre d’arrêter la marche de ces véritables rouleaux compresseurs psychiques (on pense ici aux retournements des avatars publicitaires par des collectifs anti-pubs ou à ces actions écologiques consistant à recouvrir de peinture noire tous les panneaux publicitaires d’une ville).
De telles cartes et de tels disjoncteurs ne suffisent pourtant pas. Ils ne sont pas à l’échelle. Les grandes entreprises et les grandes administrations publiques possèdent des organes de perception supplémentaires grâce à leurs mégamachines d’invention, de collecte, de raffinage, de synthèse, de transformation ou de destruction sélective des informations existantes. Ces mégamachines aident ces entreprises ou ces gouvernements à prendre des décisions. Elles permettent également de manipuler les représentations collectives en falsifiant la mémoire, en implantant de faux souvenirs ou de fausses informations, des rumeurs ou des pseudo-arguments (système Protagoras, etc). À côté de ces machines de guerre psychologiques, il existe d’autres machines de symbolisation créant du désir de soumission, des prisons narcissiques, de l’adhésion sénile, de la coercition par le biais des figures du désir. Il faut donc aussi penser des mégamachines qui renforcent l’autonomie.

Il y avait encore dans les années 60 le rêve de créer une société idéale et l’avant-garde artistique se prenait parfois pour son prophète. Fahlström rêvait d’un État-providence suédois postindustriel généralisé à la planète, d’un revenu garanti dans la société de contrôle : « logement, communications et nourritures de base sont censés être gratuits pour chacun, qu’il travaille ou non » (2070, notes pour une conférence d’utopie([[Ibid., p. 72-73.)). L’accès généralisé aux produits de consommation dans les démocraties athéniennes d’Europe du Nord et des Etats-Unis, et l’anticipation d’un rétrécissement des ressources allait refroidir l’utopie de l’abondance: il n’y aurait sans doute pas de classe moyenne généralisée. Et encore moins sortie du salariat et libre de ne pas travailler.
La réflexion sur ces modèles possibles de la société planétaire a été développée par différents artistes dans les années 60. Il y a eu le fameux jeu du monde de Buckminster Füller (World Game([[Pour de plus amples informations sur ce jeu de stratégie coopérative, délibérément conçu comme le contraire écologique des jeux militaires, voir Buckminster Fuller, The World Game : Integrative Resource Planning Tool (1971), disponible sur www.bfi.org/worlddesign/WG1_Title.pdf .)) qui permettait, en mélangeant de façon pondérée différents flux d’information, de réfléchir sur les devenirs possibles de la planète, de régions particulières ou de pays. Ces devenirs possibles auraient pris la forme approximative suivante : « Sachant que la région x a un taux de croissance démographique y pour une production agricole z, avec un développement du réseau routier de h kilomètres par an, quel sont les montants d’importations agricoles nécessaires, les impacts écologiques, etc ? » La multiplication des paramètres affinait la qualité des questions qu’on pouvait poser à la machine universelle de symbolisation. Mais cette machine avait l’inconvénient de ses avantages, à savoir ses a priori quantitatifs. Une telle machine de symbolisation, libérée de sa magie (son côté « boule de cristal » dont on sait quels effets peuvent être tirés par les technocrates), mettrait en œuvre pourtant un processus de resymbolisation critique (en visualisant des pouvoirs, des capacités de production, des consommations et leurs effets) et de resymbolisation positive, renforçant de l’autonomie et de la coopération en rendant visibles et manipulables les règles du jeu productif.

Cartographier des lignes de production

Nous avons réalisé et continuons de réaliser de façon artisanale, des cartes de données sur les structures du capitalisme, la concentration des médias, l’industrie carcérale, les nouvelles technologies militaires, etc. (cartes en ligne sur [www.universite-tangente.fr.st->http://www.universite-tangente.fr.st/ ). À travers ces cartes, nous cherchons à produire un diagnostic sur le présent en nous appuyant non sur une dénonciation de la soi-disant « dictature des marchés financiers » ou « dictature ultralibérale », mais sur une analyse de l’oligarchie et des oligopoles qui, à travers de petites décisions dans des points dominants et par délégations de responsabilités successives dans l’ensemble des organisations qu’ils contrôlent, mettent en œuvre des stratégies et font avancer des objectifs à l’échelle d’un pays, d’une région et de la planète.
Les insuffisances de notre approche artisanale de l’information et la rencontre avec des cerveaux amicaux nous a poussé à nous associer à eux pour créer un générateur de cartes. Le générateur est (sera) une machine permettant à chacun de générer les cartes dont il a besoin dans ses actions, en entrant des données à propos de l’entreprise ou de l’administration dans laquelle il travaille ou sur laquelle il a trouvé des informations. L’accumulation et la coordination de toutes les informations devrait permettre progressivement de visualiser les immenses lignes de production raccordant – par exemple – des lieux d’extraction de matières premières, des lieux de transformation de produits pétroliers, des lieux de montage de composants électroniques, des lieux de conception de design industriel ou de logiciel, etc. contribuant à la conception/production/distribution/utilisation d’un ordinateur. Le générateur de cartes permettrait de nommer et d’identifier simultanément la répartition spatiale de tous les acteurs d’une ligne de production et, en même temps, les arbres de dépendance réglementaire et propriétaire qui les contrôlent. Il permettrait enfin d’embrasser la communauté des lignes de production d’un domaine d’activité donné. Il dessinerait le « plan de montage » technique, social et politique qui assemble les producteurs entre eux, en même temps que les composants d’un produit. Il ouvrirait à ce double usage possible : repérer les endroits où des coupures peuvent être effectuées dans les réseaux et esquisser le plan de montage potentiel entre des producteurs divers et disséminés. Il dessinerait la souveraineté possible d’une ligne de production, qui regrouperait solidairement, assemblerait et coordonnerait de palier en palier des singularités éparses, de la conception à l’usage. Il constituerait donc la « république » qui existe à l’état latent dans la ligne de production raccordant extraction de cobalt au Zaïre, fabrication de plastiques au Koweit, montage de composants électroniques en Corée, conception de systèmes d’exploitation en Californie, conception de logiciels en Inde, suivi logistique en Hollande, conception de publicité en Suisse, construction d’informations en Angleterre, public de consommateurs en France… autonomie et coopération dans la production de software et esclavage dans la production de hardware.
Un tel générateur pourrait également servir de support à une multiplication irreprésentable de liens ou de coopérations sociales et politiques enserrant la charpente du pouvoir mondial, en travaillant les jointures et les maillons faibles, en métamorphosant les procédures de régulation. Le monde est en effet fini, quoique immense. Et c’est en partant de cette finitude qu’un individu peut prendre connaissance et transformer tout ce qu’il côtoie comme forces d’exploitation et de coercition, s’associant de proche en proche aux autres individus liés eux-mêmes par une classe mondiale dont le pouvoir ne perdure qu’à rester caché ou à se présenter comme inexorable, naturel et nécessaire. En saisissant le grand appareil, un tel générateur de cartes pourrait servir à nourrir une conscience des multitudes, à renforcer ses techniques de capture et ses styles d’exode face à une très réelle et très efficace conscience de classe de la Haute (bourgeoisie et aristocratie) dans son accumulation quotidienne de capital économique, social, symbolique et culturel.
Une resymbolisation à la jonction des composants d’un produit suppose la perte de sens des luttes nationales ayant pour horizon la protection de l’État. La souveraineté de ces luttes est une souveraineté de ligne de production, regroupant toutes ensemble, dans un même processus, des singularités éparses assemblées et coordonnées. Comme pour l’agencement de machines d’édition, diffusion et distribution autonomes, l’enjeu est ici dans la réappropriation des lignes et dans l’association des publics. Une ligne de production est d’emblée très hétérogène et multilinguistique. Elle n’a pas de frontière, bien qu’elle ait des limites relatives. Elle constitue une république d’individus, autrement dit une république non territoriale, qui se construit aujourd’hui face à la perspective – se confirmant de jour en jour, au fur et à mesure de la mise en application de l’AGCS (Accord Général sur le Commerce et les Services de l’OMC) – d’une privatisation de ce qui relève pour quelque temps encore du monopole de l’État (la justice, l’école, le territoire, la police, l’armée). La carte peut servir ici à décrire en creux ces « républiques » potentielles de production mondialisée.
Au XIXe siècle on imagina la pieuvre (pour figurer le pouvoir des firmes transnationales), le vampire, le porc/le gros (le gros porc capitaliste), la pyramide, l’homme à chapeau (dans sa différence avec l’homme à casquette). Dans les années 60, Fahlström imagina des monades obsessionnelles (bite-à-jambes ou argent-à-jambes qui galopent en permanence dans l’obligation d’être toujours en mouvement), des mains (mains sans corps du pouvoir qui se serrent les unes les autres, qui déplacent des signes ou des biens, qui s’accrochent, qui tapent ou qui attrapent), un système hydraulique des sécrétions capitalistes (flux d’argent, flux d’information, flux de matières premières). L’autorité politique s’est longtemps construite sur des symboles permettant de ressouder les communautés politiques : il y a eu les drapeaux, les poings levés, les chants. Ces symboles symétriques aux symboles dominants (le drapeau national, la main qui jure, l’hymne patriotique) ont été éventrés par l’histoire et appartiennent au passé.
En envisageant une ligne de production comme république, chaque objet devient drapeau, agencement social et politique mondial, autrement dit symbole. Mais ce symbole a besoin d’être resymbolisé, son sens doit être extrait, les rapports de production doivent y être visibles. C’est alors que le moindre catalogue de supermarché apparaîtra pour ce qu’il est : un atlas social mondial, un atlas de luttes et d’exodes possibles, une machine de recomposition politique planétaire.

Pour voir des images d’Oyvind Fahlström : [http://www.fahlstrom.com->http://www.fahlstrom.com/