Compléments de Multitudes 15

On va voir ce qu’on va voir

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Si l’on commençait par une conclusion définitive – avec
Olivier Nottellet, le dessin devient monde pour
redevenir dessin – on pourrait s’arrêter de suite. Ou
au moins souffler.

Souffler sur les attendus, tant il est sûr que les
dessins de Nottellet n’ont rien de préparatoire,
qu’ils n’annoncent pas l’avènement d’une oeuvre dont
ils seraient les forceps graphiques. Intrinsèquement,
ce sont des inattendus, d‚ailleurs un peu encombrants,
satisfaits d’être là, prêts à proliférer. Ils
s’installent, font comme chez eux, diables au paradis,
déplient les carnets comme des transats, narguent
lecteurs et visiteurs qui se demandent si ces exquises
esquisses sont des esquifs ou des esquives

Souffler dans la foulée la politesse, ces dessins sont
plutôt mal polis, fiers de ne pas être finis,
revendiquant à la fois l’‚infini et la fragilité, car
ils paraissent peu solides, plutôt liquides, un peu
débordés d’eux-mêmes, en somme encombrés, ils
comprennent bien qu‚ils dérangent, mais ne peuvent pas
s‚en empêcher. Nos objurgations restent de pure forme

Il faudra donc aussi souffler sur la forme comme sur
une bougie qui refuse de s‚éteindre. Ce pourrait être
amusant et instructif, ces ombres qui dansent en
ronde. Sages et bien élevés, les dessins auraient
adoré la lanterne magique. Préfèrent la télé.
S’enchaînent un peu, beaucoup, à la folie. Ne savent
pas s’arrêter, naturellement. Saccagent l’image,
pompent les couleurs, transforment l’écran
millionnaire en couleurs en vieux poste noir et blanc
piraté par des interludes rebelles.

Auraient pu se rendre utiles, ces dessins, avoir la
reconnaissance de l’encre, révéler l’espace, permettre
à chacun de voir ce qu’il voit, transformer la
tautologie en ontologie, où à la rigueur l’inverse, on
n’est pas regardant quand on voit ce qu’on voit

Assez soufflé. Chacun gagne sa place, sa vie, son
oeuvre. En piste pour la répétition de l’introduction :
avec Olivier Nottellet, le dessin  sans fin inaugure
un monde où tout pourrait débuter.

 

 

Olivier Nottellet est né en 1963. Après des études à
l’école supérieure des beaux-arts de Metz, il débute
sa carrière artistique à l’orée des années 90. Il
utilise le dessin comme moyen d’expression à part
entière, mais le croise volontiers avec la vidéo ou
les objets de sa fantaisie. Il est actuellement
directeur des études de l’École supérieure des
beaux-arts de Toulouse.

Du 16 janvier au 6 février 2004, il a exposé à Sagace,
Salle d’Art GrAphique et de Création Electronique de
l’Ecole Supérieure des Arts et de la Communication de
Pau, cinq dessins de très grand format, réalisé avec
les étudiants une installation de carton et de papiers
journaux évidés, « la ville fantôme » (qui donnait son
titre à l’exposition) et tapissé la véranda de papier
jaune phosphorescent, orné d’un dessin éphémère.

Olivier Nottellet  a conçu ce huitième Carnet sagace
comme une oeuvre autonome, avec l’assistance d’Emmanuelle Rey et selon la maquette de Ingrid Robinet.
L’avant-propos d’après-expo est signé  de Jacques
Norigeon.

 

 

« Je mets un tableau sur un mur. Ensuite j’oublie
qu’il y a un mur. Je ne sais plus ce qu’il y a
derrière ce mur, je ne sais plus qu’il y a un mur, je
ne sais plus que ce mur est un mur, je ne sais plus ce
que c’est qu’un mur. » Georges Perec