La liste électronique Multitudes-infos publie très régulièrement des informations sur la situation en Palestine/Israël. De nombreux membres de la liste nous ont manifesté leur intérêt pour ces chroniques, ce qui nous a donné l’idée d’en faire connaître certaines dans la revue.
Les morceaux de textes que nous avons choisis traitent de ce qui est au cœur des conditions de paix : le Mur construit par Israël et les « Accords de Genève » ; s’y ajoutent des analyses de la société israélienne par des opposants Israéliens.
La liste électronique Multitudes-infos publie très régulièrement des informations sur la situation en Palestine/Israël. De nombreux membres de la liste nous ont manifesté leur intérêt pour ces chroniques, ce qui nous a donné l’idée d’en faire connaître certaines dans la revue.
Les morceaux de textes que nous avons choisis traitent de ce qui est au cœur des conditions de paix : le Mur construit par Israël et les « Accords de Genève » ; s’y ajoutent des analyses de la société israélienne par des opposants Israéliens.
Giselle Donnard et Anne Querrien
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Une famille palestinienne dans Abu Dis
(Jérusalem redessinée par le Mur ; Abu Dis faubourg de Jérusalem-Est palestinien va être divisé par Le Mur entre une partie désormais « annexée » comme Jérusalem et une autre restant en Cisjordanie)
Claire Pâques, lundi 19 janvier 2004
Salah a un statut de « West Bank », de Cisjordanien, et ne peut donc se rendre du côté israélien, sauf à disposer d’un permis long à obtenir et de courte validité. Terry dirige une école privée très moderne et très pimpante, située au cœur d’Abu Dis, qu’elle a créée il y a deux ans. Son mari Salah dirige un garage, d’où il a une vue imprenable sur la colonie israélienne de Maalé Adumim (les colons sont donc souvent ses clients, car tout est moins cher chez les Palestiniens…). Leurs deux filles sont scolarisées à Beit Hanina, à la sortie de Jérusalem sur la route de Ramallah, et prennent des cours de musique dans Jérusalem-Est…
Ils sont locataires d’un appartement, dans une maison à deux étages dont le propriétaire occupe le rez-de-chaussée avec la dizaine de membres de sa famille, tous Cisjordaniens, comme Salah. Du toit, on a une vue extraordinaire de la Vieille Ville, où luit le dôme du Rocher. La maison est au bout de cette petite côte, le long du Mur, en remontant à droite de la station-service, et le Mur les a tous placés du côté de Jérusalem. Le Mur, qui n’avait depuis plusieurs mois “que” deux mètres de haut environ – on pouvait donc le franchir relativement aisément quoique de façon acrobatique entre ou par-dessus deux blocs de béton – est en voie de passer à huit mètres de haut. Des bulldozers et des grues gigantesques s’acharnent à le fixer au sol. En attendant, les habitants ont reçu instruction de ne plus sortir de chez eux : en effet, cela ralentirait les travaux!
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Le texte et le contexte des Accords de Genève
Shiko Behar et Michael Warschawski (Alternative Information Center, une organisation Palestino-Israélienne basée à Jérusalem et Beit Sahour.)
24 Novembre 2003
…L’initiative de Genève exige un sérieux examen critique pour ceux qui s’intéressent à une paix durable – la plus juste possible – entre Israéliens et Palestiniens….
Selon l’accord, Israël est autorisé à légaliser et garder les implantations de la West Bank occupée rassemblant à peu prés 300 00 colons, y compris les implantations juives postérieures à 1967 dans la partie arabe de Jérusalem-Est; en échange, les Palestiniens reçoivent des compensations territoriales équivalentes de la part d’Israël. Les Palestiniens se voient garantie la souveraineté dans le territoire acquis par l’échange et dans les parties restantes de la West Bank et de Gaza, y compris les faubourgs arabes de Jérusalem-Est. Cette entité palestinienne souveraine sera démilitarisée. La Sécurité sur le Mont du Temple/ Haram al-Sharif, les lieux saints de Jérusalem, est assurée par une force internationale permanente de contrôle tandis que le site hors zone de sécurité passe sous contrôle palestinien ; le libre accès au site est garanti aux juifs. Tandis que les réfugiés palestiniens de 48 se voient attribuer des compensations, le nombre d’entre eux qui sera autorisé à retourner chez eux en Israël – sur un total de 4,1 millions enregistré par l’ONU – reste à la discrétion d’Israël.
Cette clause constitue une concession de poids de la part des Palestiniens en regard du droit au retour des réfugiés – bien qu’il ne s’agisse pas d’un abandon total. À cet égard, l’opposition à ce document chez les Palestiniens est légitime non seulement du point de vue moral et politique mais aussi du point de vue du droit humanitaire international. La partie Palestine des Accords de Genève a justifié cette concession par une double urgence qui pour elle prend le pas sur les autres questions.
La première est qu’il n’y a plus beaucoup de temps pour trouver un accord : dans un futur proche, il risque de ne plus y avoir grand chose à négocier, étant donné la poursuite permanente de la construction de colonies dans les territoires occupés et la construction du Mur à l’intérieur même de ces territoires qui renforce en effet le système d’apartheid. La seconde urgence résulte de la conviction grandissante chez les Palestiniens et les Israéliens qu’en face, il n’y a pas de partenaire. Et pour les négociateurs palestiniens il sera peut-être bientôt impossible de convaincre Palestiniens et Israéliens qu’on peut trouver une solution négociée au conflit. Les Israéliens qui participent au processus de Genève partagent ce sentiment de double urgence….
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Parfois la porte jaune ne s’ouvre pas du tout
(Le Mur de l’Apartheid)
Amira Hass
Ha’aretz
20 octobre 2003
C’est par la porte jaune établie dans la clôture de séparation que sont censés passer les 88 enfants du village, qui vont à l’école de l’autre côté de la clôture, dans les villages de A-Ras et Kfar Tsour… « L’armée israélienne est consciente de l’importance de la continuité dans l’activité des écoles palestiniennes », a indiqué le porte-parole de l’armée israélienne.
Le 1er septembre, alors que débutait l’année scolaire et que la porte était fermée, les enfants ont organisé une manifestation. Ils se sont tous rassemblés et ils ont secoué la porte et la clôture qui sont munies de toutes sortes de capteurs – les uns visibles, d’autres cachés. Toute secousse imprimée à la clôture actionne directement une alarme dans la jeep de la patrouille militaire. Des caméras installées sur de hauts poteaux tout le long de la clôture transmettent des images en temps réel aux postes de commandement responsables de la clôture. Les habitants du village sont convaincus que c’est la manifestation de ce jour-là qui a contraint l’armée à parvenir à un accord avec eux, par l’intermédiaire des mécanismes de liaison israélo-palestiniens…
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Comment expliquer l’occupation à l’occupant ?
Amira Hass
Ha’aretz 8 octobre 2003
…Ce qui permet à la société israélienne de se faire à cette situation démente – engloutir des sommes folles dans ce qu’on appelle «défense» puis avoir peur d’une bombe rudimentaire, ambulante, renforcée de quelques kilos de clous -, c’est la foi dans les dispositifs israéliens du renseignement et dans «l’objectivité» de leurs informations. Après tout, les gens des renseignements savent parfaitement l’arabe, ils dissèquent les discours de tous les imams, ils scrutent en permanence toutes les stations de télévision qui diffusent des paroles de provocation, ils mettent la main sur des textes à peine connus de leurs auteurs et de leurs correspondants palestiniens…
Comment peut-on expliquer une occupation à un occupant ? La connaissance au jour le jour de ce que vivent trois millions et demi d’êtres humains – dont l’avenir est un avenir contraint, sans espoir de normalité; l’expérience au jour le jour de la terre du grand-père et du père tombant sous le coup d’un ordre militaire ou d’un autre, d’une confiscation «publique» ou d’une autre, ou d’un avant-poste pirate ? …Comment le document portant les ordres militaires comprendra-t-il ce que c’est que de vivre 37 ans livré à l’arbitraire bureaucratique des représentants de l’occupation étrangère (dont beaucoup habitent des colonies) ?
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Le grand Mur du déni
Gila Svirsky, Les femmes en noir, Jérusalem
28 février 2003
…Je crois que les Israéliens savent la vérité. Ils savent parce que les récits les plus poignants réussissent à passer dans les médias. Il y a un mois, ils ont vu à la télé israélienne un jeune garçon avec des béquilles obligé d’escalader tous les jours un remblai d’un check-point boueux pour aller à l’école. Ils savent parce qu’ils effectuent leur service de réserve dans les territoires – eux ou des proches – et quelques uns racontent même le sale boulot qu’ils ont fait ou qu’ils ont vu faire. Ils savent parce qu’il y en a qui regardent CNN, BBC ou d’autres médias étrangers, même s’ils rejettent ces reportages comme antiisraéliens ou antisémites. Mais il y a suffisamment de récits qui parviennent aux Israéliens, pour qu’il comprennent la brutalité de la réalité. Donc la question, c’est : pourquoi cette indifférence ? Il y a au moins trois raisons à cela.
De la première les médias sont responsables. Bien qu’ils rapportent les faits et les chiffres, les médias ne font jamais état de la souffrance humaine provoquée par cette politique de main de fer. Quand on a détruit 25 maisons à Gaza le mois dernier, laissant 200 Palestiniens à la rue, pas une seule télé ni radio n’a parlé de ces gens avec la moindre compassion.
La seconde, c’est que la violence palestinienne contre les civils israéliens sert aux Israéliens à ne s’obnubiler que sur leurs propres souffrances et à ne considérer la douleur des Palestiniens que comme « un surplus » ou un sous-produit inévitable de notre « lutte contre le terrorisme ». D’autant que des passants innocents ont aussi été tués de notre côté, ce qui rend plus difficile de ressentir de la compassion envers ceux qui sont considérés comme soutenant ces attaques. Jamais, la disproportion des forces et des souffrances n’a pénétré dans la conscience de la société israélienne dans son ensemble…
Troisièmement, nos leaders politiques et religieux ont de lourdes responsabilités dans la manipulation de la peur et la déshumanisation de l’autre, tandis que nos chefs militaires ne cessent de réciter « l’IDF est l’armée la plus morale du monde ».