En tête

Sur les Tute Bianche

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Extrait d’une interview de Luca Casarini, porte-parole des Tute Bianche, par Benedetto Vecchi, parue dans Il Manifesto du 3 août 2001.B.V. : Gênes semble aussi la fin des Tute Bianche ?

Luca Casarini : La fin ? Le terme est un peu fort. L’épuisement, peut-être la fin d’un cycle, très certainement. Les Tute Bianche ont été une expérience qui cherchait à rendre de nouveau légitime l’idée du conflit. Regarde le Forum Social de Gênes. Il y a des Catholiques et nous, l’Arci et les Cobas, la Rete Liliput et Drop the Debt ou la Fiom. Un mélange puissant. Nous avons fonctionné comme un centre propulseur sans chercher l’hégémonie, mais en donnant des indications sur les priorités à atteindre (…)
Cela ne veut pas dire que tout marche comme sur des roulettes. Nous nous
trouvons face à une réalité difficile, dure, qui doit être analysée en termes nouveaux. Il ne s’agit pas de fascisme, mais d’un changement dans la forme de l’Etat qui ratifie une transformation profonde du mode de production des richesses et des subjectivités. Et cela à une échelle globale. Je pense à ce qui s’est passé dans les rues de Gênes : c’était une émeute plus que des affrontements de rue. (…) Je ne parle pas ici des Black Blocs, bien sûr, mais bien de tous ceux qui ont résisté. Les “Tute Ner”comme on dit sont cependant un phénomène qui ne doit pas être criminalisé. Il s’agit de personnes qui croient que pour combattre le capitalisme il suffit de détruire une vitrine. Leur «Smash Capitalism !» est entièrement là. Pour notre part nous voyons les choses autrement. Nous pensons à un processus social de transformation où le “réseau des réseaux” se transforme en un pôle d’attraction qui s’élargit et favorise la naissance d’autres réseaux sociaux.

B.V. : Après Gênes “rien n’est plus comme avant”. Ton avis ?

Luca Casarini : Bien longtemps avant que Carlo soit assassiné, les carabiniers avaient sorti leurs armes pour les pointer contre nous. Cela témoigne d’une logique militaire dans la façon dont le gouvernement a affronté les mobilisations contre le G8. Les carabiniers ont chargé avec violence. Nous avons résisté et je revendique cette résistance comme un acte politique. Cependant, accepter la logique militaire de l’affrontement serait une pure folie et un suicide politique. À Gênes, étaient présentes l’ensemble des différents corps des forces de l’ordre, l’armée, les services secrets des huit principales puissances en termes économiques et militaires de la planète. Notre mouvement ne peut se mesurer avec une telle puissance militaire. Nous serions écrasés en trois mois. Nous devons donc trouver une troisième voie, entre ceux qui parlent du refus de la globalisation économique et ceux qui optent pour le geste symbolique, comme celui de casser la vitrine d’une banque.
(…)
Lorsque l’on baigne dans la réalité moléculaire comme celle de ce mouvement,
l’élément important n’est jamais l’affirmation d’une appartenance mais la “contamination” entre réalités différentes qui tendent malgré tout vers un objectif commun. (…).

Traduit de l’italien par Aris Papathéodorou.