Après le bio-politique, la nouvelle économie, l’Europe et l’Empire, la « Majeure » de cette quatrième livraison de la revue, s’attaque à la question de l’art contemporain. Ou plus exactement Eric Alliez et Jean-Philippe Antoine, responsables de ce dossier, avec les artistes qu’ils ont interrogés et invités, s’attaquent aux raisons de la furieuse dénonciation dont l’art contemporain est devenu l’objet et l’enjeu. Qu’un Jean Clair ait proposé depuis longtemps déjà de liquider l’art moderne, renvoyant le contemporain à un simple codicille du premier, de cette usurpation originaire dont il se voudrait le pourfendeur à la triste figure, quoi de plus attendu ? Après tout, d’autres que lui, ayant psalmodié le désenchantement, palinodié la révolution, Lénine ou Foucault, se font les hérauts de la démocratie de l’assurance et du risque, confondant la refondation du monde avec un conseil d’administration dont ils toucheraient les jetons de présence.
Voyez, pour en apprécier le caractère bouffon, mais aussi tout le sel, la Mineure sur le PARE et autres “inventions sociales” de nos grands bâtisseurs de la Conservation Finale. Mais qui ne sait, pour en revenir à l’art contemporain, que la querelle esthétique et muséale est alimentée par un autre contentieux, qui s’est ouvert à l’intérieur même des mouvements artistiques – le contentieux post-moderne ? Et Baudrillard et Virilio de redécouvrir les vertus de la critique du marché et du spectacle, non sans se livrer au passage à une inquiétante négation du moderne, très en phase avec le néoconservatisme ambiant. Dans cette « Majeure » entrez donc, en modernes-contemporains vous sortirez, avec raisons supplémentaires de chercher querelle à la méchante querelle des négationnistes de l’art contemporain.
Libre à vous de suivre le subtil parallèle tracé par Stanislas Breton autour d’un livre de Barbara Cassin, entre Hélène de Troie et Marie-Madeleine. Le débat ouvert sur le rôle des ONG dans les nouveaux pouvoirs impériaux, dans notre troisième livraison, se poursuit dans « Liens ». Avec la réjouissante chronique de la zeligConf, Multitudes anticipe aussi un grand débat sur le cybercommunisme, repoussé faute de place au prochain numéro. Y interviendront parmi d’autres Richard Barbrook, Franco Berardi, Pierre Levy.
Un an après son coup d’envoi, Multitudes continue d’ouvrir des chantiers (dans nos cartons, la propriété intellectuelle, la raison métisse, la philosophie politique). Avec méthode et nécessaire improvisation. La rédaction s’y emploie. Mais elle ne saurait tout faire. Il appartient à ses lecteurs de transformer l’essai. En écrivant, en proposant des contributions, et surtout en s’abonnant, en faisant connaître la revue autour d’eux et chez les libraires.