Paris – Décembre 2000 – Rencontre européenne des contre-cultures digitalesÀ Seattle, le 30 novembre 1999, alors que se réunissait l’OMC, la mobilisation globale d’une multitude de luttes et mouvements « locaux » et « spécifiques » des quatre coins de la planète réussissait à tenir en échec une des instances majeures du nouvel ordre mondial. Dans ce scénario inattendu, une fois de plus, la capacité des acteurs de la mobilisation à utiliser l’arme de la communication, et en particulier de l’Internet, a joué un rôle déterminant. Et les forces de police de Seattle ne s’y sont pas trompées, puisque, une fois la stupeur passée, c’est bien les locaux de l’Independant Media Center qu’elles sont venues encercler au petit matin, cherchant à priver la contestation de sa puissante arme de coordination et de coopération.
Autour des pratiques en réseau, et sur les réseaux, se sont constitués ces dernières années toute une série de sujets collectifs, acteurs de pratiques, d’initiatives, de confrontations qui marquent les territoires de la communication d’une forte présence alternative. Qu’il s’agisse des expériences liées à des luttes ou des mouvements sociaux (sans papiers, chômeurs et précaires, centres sociaux occupés, etc.), des embryons de réseaux alternatifs (Nodo 50, Sindominio, ECN, Sherwood, Samizdat), des agrégations théoriques et culturelles autour d’espaces virtuels d’élaboration et de réflexion (nettime, syndicate), des initiatives d’innovation éditoriale on line (Sherwood Tribune, Agenzia di communicazione territoriale, Agencia en construcción permanente, Hacktivist news service) ou encore de l’effervescence autour du logiciel libre, il se dégage une véritable richesse de pratiques, de contenus et d’analyses que nous voulons considérer comme un patrimoine commun et collectif.
Dans le même temps, force est de constater, que les rencontres qui ont eut lieu ici où là (HIP97 et Next Five Minutes à Amsterdam, ZPK dans diverses métropoles d’Europe centrale, Hack It à Florence et Milan), tout comme les circuits informels de contact et de coopération qui se sont peu à peu constituées, tout en jouant un rôle déterminant de circulation, reproduisent malgré tout des séparations géographiques et culturelles entre diverses zones du vieux continent, mais aussi entre diverses sensibilités. La richesse cognitive et l’intelligence collective qui se constituent autour de ces rencontres – comme prolongement de celles qui parcourent les réseaux – se trouvent ainsi d’une certaine façon bridées par les vieilles frontières des Etats-nations, alors même que s’ouvrent à nous les territoires infinis du cyberspace, alors même que l’Internet nous donne les moyens de nous constituer à l’échelle continentale et transnationale, alors même que les luttes et les mouvements se globalisent de plus en plus face à la puissance de l’Empire.
À l’heure justement où le Net en général, et le Web en particulier, sont en voie d’« amazonisation » rapide, soumis aux appétits croissants des prédateurs financiers, des entrepreneurs du spectacle et des oligarchies de l’information, l’enjeu de la construction de niveaux de coopération élargie entre les multitudes du contre-réseau devient déterminant. Nous croyons aujourd’hui possible et nécessaire de confronter nos expériences, mais surtout d’envisager la formalisation de niveaux effectifs d’initiative commune, d’échange de savoirs et de compétences, de débats et d’élaborations théoriques. En d’autres termes, conquérir les moyens d’être acteurs de notre communication, la capacité d’êtres producteurs libres de services d’information, de faire écho à la richesse des initiatives de la société civile contre le néo-libéralisme.
Pour cet ensemble de raisons, nous voulons provoquer en décembre 2000, à Paris, une rencontre européenne des contre-cultures digitales. Un espace-temps de convergences – au-delà des séparations nationales, subjectives ou de fait – qui suggère de nouvelles possibilités d’actions collectives entre les différentes âmes des cultures des réseaux. Nous voulons construire une zone autonome temporaire de coopération productive où puissent converger et se combiner les cultures de l’activisme et celle du hack, les pratiques de contre-information et le génie productif du logiciel libre, la créativité des acteurs des mouvements sociaux et celle des communautés des réseaux.
26 mars 2000
Avant-programme
La rencontre s’articulera principalement autour d’une série de débats et d’ateliers, de moments de confrontation et d’élaboration, tout comme de «travaux pratiques». Il s’agit ici de premiers éléments de programme qui seront précisés et enrichis ultérieurement.
1) LES DEBATS
• Contre l’information, la communication
Parcours possibles de la communication et de l’intelligence collective.
• Propriété intellectuelle et savoirs numériques
De la nécessité d’une offensive contre la privatisation de la production intellectuelle.
• La coopération productive dans le logiciel libre
Hypothèses sur l’innovation sociale et le travail immatériel.
2) LES ATELIERS
• Introduction au système GNU/Linux
Présentations des principes généraux de fonctionnement d’un système de type Unix et tour d’horizon des principales distributions GNU/Linux.
• Install party
Installation de systèmes d’exploitation libres (GNU/Linux ou BSD) sur des ordinateurs PC ou Mac.
• Initiations à la cryptographie
Utilisation de PGPi (et GNU/Private Guard) sur divers systèmes d’exploitations et présentations des fonctions de base du logiciel. D’autres systèmes cryptographiques (steganographie) pourront aussi être abordés.
• Pour un réseau d’échange de savoirs techno-scientifiques
Il s’agira d’envisager les modalités d’une circulation des expériences et des expertises en matière de programmation de services sur les serveurs alternatifs : sécurisation, filtres anti-spam, CGI, PHP3, Python, Sendmail, etc.
3) LIBRAIRIE ET LOGITHEQUE
La rencontre doit aussi être une occasion de circulation de matériel écrit imprimé et de logiciels libres. Nous demanderons donc à diverses distributions GNU/Linux (Debian, Mandrake, Red Hat, Yellow Dog), à des éditeurs et à des associations de venir présenter leurs productions et leurs activités.