Lectures

Au fil des nouveautés critiques

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AKOUN André, La communication démocratique et son destin, PUF, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 1994, 151 p., 128 FF.

ALLIEZ Eric, La signature du monde ; ou qu’est-ce que la philosophie de Deleuze et Guattari ? Les Éditions du Cerf, coll. « Passages », Paris, 1993, 105 p., 75 FF. Réflexions ontologiques à partir du dernier livre à porter la signature Deleuze-Guattari.

BAYART Jean-François (sous la direction de), La réinvention du capitalisme. Les trajectoires du politique I, Éditions Karthala, Paris, 1994, 254 p. Premier volume d’une série de trois (La greffe de l’État, 1994 ; L’économie de la démocratie, à paraître prochainement), préparé dans le cadre du Centre d’études et de recherches internationales de la Fondation nationale des sciences politiques. En tenant pour synonymes le capitalisme et l’économie de marché, les auteurs de cet excellent ouvrage montrent – à partir des exemples de la Chine, de l’Asie centrale ex-soviétique, de l’Inde, de l’Iran, de la Russie et du Cameroun – que la galaxie du « capitalisme pauvre » est loin d’être homogène ou fermée. Renouant avec la sociologie historique d’inspiration weberienne, ils soulignent le fait que la permanence ou la réinvention contemporaine de la modernité économique emprunte souvent des chemins plus insolites que ceux de la « réforme », de telle sorte que « des phénomènes qui paraissent contrarier l’expansion du capitalisme, et dont l’Occident s’effarouche, peuvent avec le temps se révéler propices à l’accommodement de ce mode de production et de pensée dans des sociétés auxquelles il était étranger ».

BIDET Jacques et TEXIER Jacques (sous la direction de), La crise du travail, PUF, coll. « Actuel Marx Confrontation », 1995, 266 p., 198 FF. Peut-on parler d’une crise du travail ? Qu’en est-il des nouvelles figures productives, des nouvelles stratégies du management, voire des nouveaux « sujets » du travail ? Sommes-nous au seuil d’une nouvelle époque qui serait en train de dépasser « la forme-travail moderne » ? Cet ouvrage, issu d’un colloque organisé en 1994 par l’université de Paris X-Nanterre, l’URA 1394 du CNRS et la revue Actuel Marx, réunit des contributions d’économistes, de sociologues et de philosophes qui présentent le bilan croisé de leurs recherches. Étude des conditions sociales, économiques et politiques du travail en cette fin de siècle, investigation philosophique des concepts de production, de besoin, de citoyenneté et de justice, analyse des projets alternatifs dans l’articulation de leurs dimensions multiples. Articles de Tony Andréani, Jacques Bidet, Benjamin Coriat, Michel Freyssenet, Helena Hirata, Jean Lojkine, Danièle Linhart, Yves Schwartz, Jean-Marie Vincent, Jacques Texier, André Tosel, Philippe Zarifian et al.

BIHR Alain et PFEFFERKORN Roland, Déchiffrer les inégalités, Syros, coll. « Alternatives économiques », Paris, 1995, 576 p., 95 FF. Déchiffrement (de l’aggravation récente) des inégalités en matière de prélèvements obligatoires, de revenus disponibles, de patrimoines, face à la santé, à l’école, à la justice, au logement, aux pratiques culturelles et aux usages sociaux du temps. Regroupant les statistiques les plus récentes en 180 tableaux, cette étude fort utile synthétise des données souvent éparses et peu accessibles. « Entre 1982 et 1992, le produit intérieur brut (PIB) de la France, qui mesure la totalité de la richesse produite par le travail rémunéré, a augmenté de plus d’un quart en francs constants (déduction faite de l’inflation), en passant de 5559 milliards à 6987 milliards de francs (francs 1992). Soit environ l’équivalent de 2000 F par habitant et par mois ». Qui a profité des milliards de la croissance ?

BOUGNOUX Daniel, Sciences de l’information et de la communication, Larousse, coll. « Textes essentiels », Paris, 1993, 809 p. Plus de quatre-vingts textes dans cette collection qui propose d’aborder un sujet dans sa « globalité » et son évolution (parmi les volumes parus : La pensée politique ; La philosophie ; La psychanalyse ; La sociologie ; Histoire économique- XVIIIe-XXe siècle). Naissance d’une interdiscipline ou quête obstinée d’une science introuvable ? Approches philosophiques et sémiotiques, ouvertures « médiologiques » et stratégies discursives, logique de la communication et critique de l’économie politique du signe. Mérites et inconvénients d’un bon manuel.

BOURDIEU Pierre, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Éditions du Seuil, 1994, 256 p., 120 FF. Il s’agit d’un recueil de conférences et de cours prononcés entre 1986 et 1994 en France et à l’étranger. Une utile introduction qui condense les grandes lignes de l’œuvre du sociologue. Ce livre a le mérite de présenter, formulés par l’auteur lui-même, les principes théoriques qui fondent la démarche de Bourdieu, principes qui prennent à revers les présupposés anthropologiques des philosophies du « sujet » ainsi que les visions d’un certain « structuralisme » selon lesquelles les agents sont totalement soumis aux contraintes des structures objectives.

BURGI Noëlle (sous la direction de), Fractures de l’Étatnation, Éditions Kimé, coll. « Essais-Poche », Paris, 1994, 223 p., 69 FF. Deuxième édition, revue et corrigée, d’un ouvrage qui propose une réflexion sur la crise institutionnelle des sociétés contemporaines, la perte généralisée des repères anciens, les fractures de la souveraineté nationale ainsi que les nouvelles dynamiques de repli et d’éclatement qui caractérisent les configurations géopolitiques après la fin de la guerre froide.

ÉCONOMIES ET SOCIÉTÉS, Série « Études de marxologie », S, n°30-31, 6-7/1994, 372 p., 240 FF. On trouvera dans cet excellent numéro de la revue dirigée par Maximilien Rubel un premier dossier sur Marx et la fin de la préhistoire. L’intérêt de cette partie est tel que nous allons y revenir prochainement. Dans le Dossier d’actualité on trouvera les articles de Henri Desroche («De marxologie en « marxopathies ». Un événement médiatique »), Rosan Girard («Une société postcapitaliste au XXIe siècle »), Lucien Calvié («L’effondrement du système soviétique signifie-t-il la fin du marxisme comme pensée critique ? »), Eustache Kouvélakis («Du « retour de l’individu » à une politique de l’individualité »), Thi-Minh-Hoang Ngô («Léon Blum et le marxisme »), Jean-Pierre Garnier («L’écologisme ou la fétichisation de l’espace-temps ») et de Louis Janover («Malaise dans l’intelligentsia ? »). Sont reproduits aussi deux documents rédigés par Marx, d’après la Marx-Engels Gesamtausgabe (MEGA), t. 1/20, 1992, p. 613-625 («Manifeste de l’Association Internationale des Travailleurs » ; « Règlement provisoire de l’Association Internationale des Travailleurs »).

ECONOMY AND SOCIETY, Vol. 23, n° 3, 1994 (Routledge Journals, 11 New Fetter Lane, London EC4P4EE). William Walters, « The discovery of « unemployment » : new forms for the government of poverty ». John Frow, « Timeshif technologies of reproduction and intellectual property ». Peer Hull Kristensen, « Strategies in a volatile world ». Jill Rubery, « The British production regime : a societal-specific system ? » A lire également le compte rendu détaillé du livre d’Anthony Giddens, The transformation of Intimacy : Sexuality, Love and Erotism in modern societies (Cambridge, Polity Press, 1992), par Biancamaria Fontana.

JOURNAL M, n° 74, Allemagne An V, Décembre 1994Janvier 1995, 86 p., 40 FF. Cinq ans après la chute du mur de Berlin, faut-il avoir peur de l’Allemagne ? Patrizia Nanz et Yves Sintomer qui ont coordonné ce numéro ont cherché à donner la parole à un certain nombre d’intellectuels et de responsables politiques de la gauche allemande pour qu’ils fassent le point sur la situation de leur pays. L’évolution récente de la conception légale de la citoyenneté en Allemagne, les deux « transitions » vers la démocratie (l’Allemagne de l’Ouest après 1945 et l’Allemagne de l’Est après 1989), l’Allemagne face à son passé et face à l’Europe, le syndicalisme des travailleurs de la métallurgie confronté à la récession et à l’unification figurent parmi les questions abordées dans ce riche et stimulant dossier. Contributions de Jürgen Habermas, Claus Offe, Jens Bastian, et al.

LA GRASSA Gianfranco, Saggi di critica dell’economia politica, Vangelista, Milano, 1994, 189p., 25000 L. L’auteur revisite une série de « lieux » théoriques classiques du marxisme et, surtout, de la pensée marxienne, avec l’objectif de mettre en valeur les points fondamentaux de la conceptualisation du mode de production capitaliste chez Marx (soumission formelle et réelle du travail au capital, abstraction du travail, la question de la transformation, etc.). La Grassa a par ailleurs publié récemment, en collaboration avec Costanzo Preve, Oltre la gabbia d’acciaio. Saggio su capitalismo e filosofia (Vangelista, Milano, 1994, 206p., 25000L).

L’AVENTURE HUMAINE. REVUE DE LA NOUVELLE ENCYCLOPÉDIE DIDEROT, n° 1, L’homme dans la nature, 1995, 96 p., 58 FF (Abonnements et adresse provisoire Christian Ruby, 24, rue Yves Toudic, 75010 Paris, Fax 43.43.32.43). On lira dans le numéro inaugural de cette revue trimestrielle dirigée par Dominique Lecourt un dossier sur la place de l’homme dans la nature, question qui s’impose au monde actuel « avec une virulence sans précédent ». Ses rédacteurs partagent la conviction qu’un espace s’est réouvert de nos jours, qui appelle une réflexion philosophique exigeante sur les rapports entre les pouvoirs, les savoirs et les libertés.

LES TEMPS MODERNES, n° 580, Algérie, la guerre des frères, Janvier-Février 1995, 285 p., 80 FF. Premier numéro spécial de l’année de cette prestigieuse revue qui modifie sa périodicité, en devenant désormais bimestrielle. On lira dans ce dossier rassemblé et préfacé par Michel Kail («Questions de méthode ») les contributions, entre autres, de Mohamed Harbi («Violence, nationalisme, islamisme »), René Gallissot («La purification communautaire »), Ahmed Rouadjia («Du nationalisme du FLN à l’islamisme du FIS »), Khalida Messaoudi («La nouvelle Inquisition »), Jacques Derrida («Parti pris pour l’Algérie ») et de Benjamin Stora («Deuxième guerre algérienne ? »). Comme le souligne Sami Naïr («Le peuple exclu »), la crise algérienne est d’abord « une crise d’identité. Elle doit être rapportée, pour être comprise dans sa portée historique, non pas seulement à la distribution actuelle des pouvoirs, mais aussi au mouvement qui prit son essor en 1954 contre la colonisation. Un paradoxe dramatique se déploie sous nos yeux : si ce peuple s’est battu dans l’espoir d’une libération totale, il se retrouve dans des fers aussi contraignants que ceux du passé. Il voulait se libérer par lui-même et pour lui-même – il se débat aujourd’hui dans un monde cauchemardesque. [… Mais qu’on ne s’y trompe pas : si la rhétorique a changé, c’est
cependant la même révolte, la même quête de dignité, la même soif d’égalité qui le mobilisent aujourd’hui. Car aucun des grands problèmes liés à la colonisation n’a été résolu par le mouvement national algérien ».

LINHART Virginie, Volontaires d’usine. Vies d’établis 1967-1977, Éditions du Seuil, coll. « L’épreuve des faits », Paris, 1994, 247 p., 120 FF. Vingt ans après, la fille de Robert Linhart, ancien chef de file des intellectuels maoïstes et auteur de L’établi (Paris, Éditions de Minuit, 1978), part à la recherche de quelqu’ (es) un (e)(s) parmi les centaines de militant(e)(s) de la « ligne de l’établissement », prêt(e)(s) à « descendre de cheval pour cueillir les fleurs » – selon la célèbre métaphore, prêtée à Mao Tsé-toung et popularisée par les gardes rouges au cours de la Révolution culturelle chinoise. Nostalgie et désenchantement de récits vécus, riches de significations politiques et personnelles.

LE GOFF Jean-Pierre, Le mythe de l’entreprise, La Découverte, coll. « Cahiers libres/essais », 1995, 308 p., 149 FF. Deuxième édition de cet excellent ouvrage paru pour la première fois en 1992. Jean-Pierre Le Goff critique « en temps réel » la douce barbarie de la nouvelle idéologie managériale et les pratiques modernisatrices de mise au travail qu’elle induit. Critique menée avec vigueur de ton, bonheur du style et souci de replacer cette idéologie dans l’évolution historique des sociétés industrielles. Une percutante démonstration qui libère la capacité d’analyse et met à mal les nouvelles mythologies du « projet d’entreprise ». Selon l’auteur, la tentative « communautaire » de l’entreprise constitue une utopie antidémocratique : « L’idéologie managériale déstructure le langage, les significations ; sa référence à l’éthique en est un des exemples les plus flagrants. Elle est une nouvelle expression d’une tentative d’homogénéisation de l’entreprise et de la société dont on aurait tort de penser que les totalitarismes passés en constituent nécessairement la figure achevée. Il importe, à notre sens, que soient fermement combattues les folles prétentions du management moderniste à normaliser les individus et à instituer l’entreprise en nouveau pôle de légitimité sociale. Il en va de l’avenir de la démocratie et de la culture ».

NEVEU Erik, Une société de communication ?, Montchrestien, coll. « Clefs politiques », Paris, 1994, 158 p., 60 FF. Parmi les innombrables avatars sociologiques de la « condition postmoderne » qui exorcisent, au moyen des réflexions consolantes, l’ère de l’« incertitude » et de la « complexité », la société de communication occupe une place privilégiée : légende dorée de la modernisation technologique nimbée de mystères et d’impensés, mythe mobilisateur fortement objectivé dans les dispositifs quotidiens qui captent et dominent la praxis des agents sociaux, illusion bien fondée et régie par la logique de la prophétie autocréatrice. Les thèses esquissées à cette occasion par Erik Neveu s’inscrivent en faux contre ce régime (de mobilisation) idéologique, ses contes initiatiques, ses promesses alléchantes de transparence, d’échange interindividuel, de démocratisation culturelle. Interrogation critique sur l’émergence et le contenu des discours relatifs à la société de communication et analyse sociologique des causes de leur succès social. Relevons au passage le commentaire de l’auteur sur l’agir communicationnel habermassien : « Habermas plaide dans ses derniers travaux pour une « éthique de la communication », pour le triomphe d’un monde où la seule force rationnelle des arguments en présence – et non les contraintes de l’autorité et de l’intimidation – trancherait les débats. L’objectif est séduisant. Mais est-il sociologiquement très réaliste, en prétendant établir une césure absolue entre rapports de force et rapports de sens ? Et l’idée que des arguments logiques puissent trancher sans réserve des enjeux sociaux ne recèle-t-elle pas quelque secrète connivence avec la fiction d’une fin du politique ? ».

OUVRY-VIAL Brigitte, BON-SALIBA Brigitte, SALIBA Jacques, Les infirmières, ni bonnes, ni nonnes, Éditions Syros, coll. « Des gens », Paris, 1993, 251 p., 145 FF. Les représentations héritées d’un passé séculaire (Histoire d’une vocation), le mouvement social d’une profession encore à la recherche de sa cohérence et de sa légitimité (Les temps de la reconnaissance), la multitude d’impressions, de gestes, de figures et de mots au-delà du « portrait-type » de l’infirmière (Les unes et les autres).

PEUPLES MÉDITERRANÉENS, L’Italie postmoderne, n° 67, L’Harmattan, 1994, 214 p., 95 FF. Livraison dirigée par Alisa Del Re et Monique Gadant. Le passage de la Première à la Deuxième République et le bouleversement de l’ensemble de la structure sociale de la formation italienne constituent ce pays en laboratoire d’une nouvelle politisation, d’une « accumulation politique postmoderne » qui renforce la domination capitaliste du monde social. Dans la figure de Berlusconi, ce héros des temps de crise identitaire, politique et sociale, se condensent à la fois l’entrepreneur (qui assure la production de la survaleur), le patron des médias (qui produit l’opinion publique) et l’homme politique (qui organise l’espace public). L’émergence du Parti-surprise berlusconien et les « effets spéciaux » de sa machine électorale, loin de confirmer le triomphe du paradigme de la communication en train de phagocyter le politique, doivent être analysés dans le contexte d’une restructuration globale de la machine sociale, de l’ordre productif et du champ de pouvoir politique. Les inconsistances de la gauche postfordiste s’accrochant de manière suicidaire au socle minimaliste de la défense des droits de l’homme, de l’antiracisme et de l’antifascisme, favorisent la percée de la politisation post-moderne, politisation dont l’aspect subjectif renvoie à l’identification subalterne à l’« affairisme » comme réponse imaginaire à la vraie misère.

RADICAL PHILOSOPHY, n° 68, Automn 1994, 64 p., £ 2.95, $ 7.00, (Central Books, RP Subscriptions, 99 Wallis Road, London E95LN). Peter Osborne, « The politics of Time ». Susan Buck-Morss, « Fashion in tains : history after the cold war ». Nick Smith, « Charles Taylor, strong hermeneutics and the politics of difference. Reviews ». On trouvera également dans ce numéro un entretien avec Jacques Derrida, déjà paru en français dans la revue mensuelle Passages (septembre 1993).

RE Alisa DEL, Les femmes et l’État-providence. Les politiques sociales en France dans les années trente, L’Harmattan, Paris, 1994, 279 p. Cet ouvrage, appuyé sur des entretiens avec des femmes qui étaient dans la fleur de l’âge à Paris dans les années trente, essaye de redéfinir cette période, analysant la condition féminine et intégrant le rôle des rapports sociaux de sexe aux dynamiques du changement. Politiques démographiques et contrôle social, instruction féminine et maternité, modes de vie des ménages et mode, emploi féminin et travail domestique, allocations familiales epolitiques du logement : autant de composantes d’un nouveau mode de reproduction impliquant un investissement dans un « sujet » social – les femmes – qui devient « sujet » politique en raison de son rapport historiquement déterminé avec la reproduction.

RODINSON Maxime, De Pythagore à Lénine Des activismes idéologiques, Fayard, 1993, 242 p., 98F. Ce recueil débute par un essai inédit («Des activismes idéologiques. Esquisse d’une théorie historique générale ») et continue avec sept articles déjà publiés entre 1963 et 1992. Lopécialiste du monde musulman aborde dans ce livre « de très vestes et de très importants problèmes qui concernent les relàons variées qu’entretinrent, de tout temps et partout, le pouvoir des gouvernants ou gestionnaires avec celui des “intellectuels” ». Le grand mérite de Maxime Rodinson est son sourde s’appuyer sur une information solide, son goût deprécision et d’exactitude, sa courageuse prise de parti qui s’inscrit en faux contre le verbiage philosophico-littéraire et l’essayisme de facilité des toutologues français (selon l’expression de Costanzo Preve).

SEIDMAN Steven (édité par), The postmodern turn. New perpectives on social theory, Cambridge University Press, USA, 1994, 312 p. Ce volume rassemble quelques contributions parmi les plus systématiques sur l’appréhension postmoderne de la théorie sociale. En réalité, il n’y a pas qu’un seul paradigme postmoderne du savoir social. Sous la bannière du postmodernisme coexistent une pluralité d’approches et de stratégies conceptuelles. On trouvera dans cette première collection de ce genre des textes de JudithButler, James Clifford, Michel Foucault, Jean-François Lyotard, Richard Rorty, Steven Seidman et al.

WOMEN’S HISTORY REVIEW, Vol. l, n°l, 1992, 187 p. (Triangle Journals Ltd., PO Box 65, Wallingford, Oxfordshire, OX10 OYG, United Kingdom). Éditée par Jue Purvis, cette nouvelle revue qui recouvre le champ de l’histoire des femmes s’ajoute à d’excellentes revues qui existent déjà dans le monde anglo-saxon comme Gender and History ou Journal of women’s history. La publication entend contribuer à la connaissance des expériences des femmes en explorant des thématiques telles que l’histoire du féminisme, l’histoire de la domination de genre, l’histoire des femmes noires ou des lesbiennes, les relations entre la théorie féministe et l’histoire des femmes ou l’histoire des femmes et le postmodernisme. La politique éditoriale vise à encourager des analyses portant sur l’orientation sexuelle, la « race »,l’ethnicité, la classe sociale, la nationalité, l’âge et la religion du point de vue des perspectives féministes et avec le souci méthodologique de la pluridisciplinarité.

YOLTON John, Locke and French materialism, Clarendon Press, Oxford, 1991, 239 p. L’auteur a déjà publié Thinking matter : Materialism in Eighteenth-Century Britain (University of Minnesota Press, Minneapolis ; Basic Blackwell, Oxford, 1984). Le présent ouvrage est un examen approfondi des livres, pamphlets, discours, périodiques et articles de revues concernant la réception et l’usage de la philosophie de John Locke ainsi que les controverses qu’elle a suscitées dans la France du XVIIIe siècle. L’auteur récuse le caractère « unidimensionnel » et « fourvoyé » de l’interprétation de Victor Cousin selon laquelle Locke appartiendrait à « l’école sensualiste » (cf. Victor Cousin, Cours de l’histoire de la philosophie, vol. 11: Histoire de la philosophie du XVIIIe siècle, Paris, Didier, 1841 ; ainsi que Philosophie de Locke, Paris, Didier, 1861). A propos du problème de l’origine des idées, l’auteur soutient que Locke mettait également l’accent sur la réflexion et l’activité mentale. Ce qui est effectivement mentionné par ses critiques et « disciples » français (Giacinto Sigimondo Gerdil, Jean Astruc, Antoine-Martin Roche, etc.) qui discernent deux types de rapports de causalité (causal connexions) entre l’esprit et le corps, tout en rejetant souvent la théorie causale de la perception et de l’action. Une riche bibliographie sur ces sources du XVIIIe siècle est compilée par l’auteur à la fin du volume (p. 213-232). Signalons également l’ouvrage récent de Ross Hutchison, Locke in France, The Voltaire Foundation, Oxford, 1991, 251 p.