Extrait. Publié en 1980 chez Feltrinelli Editeur, Milan. A paraître aux Editions Noël Blandin, Paris.des feux de joie dans les rues une explosion de vitalité afro-latine une retraite aux flambeaux qui descend la partie haute de Broadway
la musique fut étouffée par les hurlements des sirènes d’alarme et par le bruit des vitres brisées
pour la grande majorité c’est une fête une nuit de Noël et de Jour de l’An en juillet
en quelques minutes la nuit fut illuminée par les incendies le pavé fut envahi par les pilleurs
les prix ont trop monté maintenant il n’y aura plus de prix quand on aura fini il n’y aura plus de Broadway
une femme m’a téléphoné pour me dire ils passent dans Bushwick Avenue on dirait des bisons
mais comme dans un jeu où on risque sa vie
chaque jour on lui lave complètement son sang
comme si une fièvre s’était emparée d’eux ils sont sortis avec camions fourgonnettes caravanes n’importe quels engins capables de rouler
une femme m’a téléphoné pour me dire ils passent dans Bushwick avenue on dirait des bisons
à 21 heures 30 les lumières se sont éteintes à 21 heures 40 ils étaient déjà en train de dévaster les magasins
nous avons l’intention de prendre ce que nous voulons et ce que nous voulons c’est ce dont nous avons besoin
dans le Bronx chez un concessionnaire Ace Pontiac ils abattent une porte d’acier prennent 50 voitures ils démarrent tous ensemble et partent
en quelques minutes la nuit fut illuminée par les incendies le pavé envahi par les pilleurs
les grilles métalliques de protection des vitrines sont dégondées avec des pieds-de-biche abattues avec des automobiles et arrachées par la force brute
une femme de cinquante ans son panier à provisions au bras entre dans le magasin en disant aujourd’hui on fait son marché gratis
la troisième rue est démolie c’est comme si une bombe lui était tombée dessus rapporte un officier de police
la musique fut étouffée par les hurlements des sirènes d’alarme et par le bruit des vitres brisées
ils garaient des camions de location devant le magasin et chargeaient calmement des divans-lits des armoires des frigos des téléviseurs
nous avons l’intention de prendre ce que nous voulons et ce que nous voulons c’est ce dont nous avons besoin
qui veut des téléviseurs a crié quelqu’un en découvrant un stock à la lumière faiblarde des bougies ici en haut il y a des guitares et des saxos annonce un autre
la musique fut étouffé par les hurlements des sirènes d’alarme et par le bruit des vitres brisées
dans la troisième rue une foule de gens grouille dans les ruines d’un supermarché et emporte les marchandises pareils à des centaines de fourmis
quand j’ai quitté le quartier tout brûlait et les flammes prenaient le peu que les pilleurs avaient laissé derrière eux
dans ce quartier ont été détruits des bijouteries des monts-de-piété des supermarchés et des magasins de liqueurs c’est comme la guerre
une femme m’a téléphoné pour me dire ils passent dans Bushwick Avenue on dirait des bisons
une jeune femme qui s’était présentée sous le nom d’Afreeka Omfrees a dit vraiment c’est quelque chose de merveilleux tout le monde est rassemblé dans les rues il y a une atmosphère de party
une femme de cinquante ans son panier à provisions au bras entre dans le magasin en disant aujourd’hui on fait son marché gratis
à cette interrogation ils répondent oui
c’est une conception qui se fait jour c’est la conception du contrepouvoir direct
tu me demandes la loi qu’est-ce que j’en ai à foutre de la loi
une femme de cinquante ans son panier à provisions au bras entre dans le magasin en disant aujourd’hui on fait son marché gratis
les étagères du nouveau supermarché Fedco brillaient blanches et vides tandis que par terre s’étalaient plusieurs centimètres de produits alimentaires variés en bouillie
quand j’ai quitté le quartier tout brûlait et les flammes prenaient le peu que les pilleurs avaient laissé derrière eux
des jets d’eau noire sortant des lances à incendie déchirées balayaient ce qui restait du pillage jusqu’au milieu des rues
nous avons l’intention de prendre ce que nous voulons et ce que nous voulons c’est ce dont nous avons besoin
alors au point où nous en sommes la question que tu me posais pourrait être formulée en ces termes
en premier lieu la chute définitive de l’état de droit comme arbitre entre les pouvoirs
si la recomposition au niveau de l’ouvrier social est une recomposition qui a effectivement la force de porter en elle le problème du politique
c’est une conception nouvelle qui se fait jour c’est la conception du contre-pouvoir direct
la force du mouvement sa continuité sa détermination à établir à chaque étape des niveaux d’analyse qui sont l’équivalent de niveaux d’activité politique
le rapport est devenu un rapport de pouvoir
un jeune homme deux saxos sous le bras m’a arrêté et m’a dit il y a cinq ans à Brooklyn j’ai été obligé de mettre en gage mon sax et maintenant je vais me remettre à jouer encore
quand j’ai quitté le quartier tout brûlait et les flammes prenaient le peu que les pilleurs avaient laissé derrière eux
c’est-à-dire le problème du pouvoir comme élément fondamental le rapport est devenu un rapport de pouvoir