La pensée réactionnaire aujourd'hui

Finkielkraut, philosophe de l’ordre

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Il est indéniable que l’«ancien nouveau philosophe» Finkielkraut défend une société de l’ordre : de l’ordre bourgeois. Il fait partie d’une tradition bien française d’écrivains qui, plongés dans un profond désespoir, abandonnent les idéaux humanistes.

Comme de nombreux intellectuels anticommunards, il veut le rétablissement ou le maintien d’une justice et d’une égalité bourgeoises : une République qui considère le peuple comme un élément mineur et les classes populaires, «infâmes et ignorantes», comme dangereuses surtout si elles sont arabes ou africaines.

Quand Finkielkraut dit qu’il «faut en finir avec l’angélisme et le sentimentalisme», on croit relire Renan, Littré ou d’autres, qui au fond ne rêvaient que d’un gouvernement de savants, de technocrates et peut-être de «nouveaux philosophes». Il a l’air de trouver révoltant que les «gueux» aient pu croire à la «blague» (Flaubert) républicaine : tous égaux.

Les rancoeurs citoyennes et la misère dans un monde globalisé qui alimentent toutes sortes de frustrations n’expliquent pas suffisamment, de son point de vue, la rage, le ras-le-bol et le soulèvement.

Sous couvert de dénoncer le gaspillage, la violence, la gabegie et le désordre, il laisse libre court au dégoût que lui inspirent les «faces stupides, abjectes et viles, où le triomphe et l’ivresse, la drogue et la bêtise mettent comme une crapulerie rayonnante».

Pour le «philosophe» Finkielkraut, les émeutiers «veulent le fric, les marques et les femmes». Instincts primaires bien entendu, qui ne sont pas sans rappeler la sauvagerie de leurs parents, d’ailleurs incapables de les éduquer !

La répression ne le trouble pas et les lois qui rappellent les défaites colonialistes ne le gênent pas, bien au contraire : ces paresseux excités lui font dire, comme Daudet, qu’«il faut rétablir le travail et l’obéissance dans le peuple…» sauf que du travail, il n’y en a pas pour tout le monde.

Le discours du vieux dandy philosophe Finkielkraut a décidément des relents arabophobes et négrophobes, passons sur ses propos concernant l’équipe de France, indignes d’un intellectuel et qui ne sont pas sans rappeler les tristement célèbres Jeux olympiques de 1936. Il fustige les rappeurs en citant vaguement des paroles incertaines qui éveillent en lui un patriotisme réactionnaire, sans songer que le rap est avant tout l’expression d’un état et revêt parfois une fonction cathartique… Des paroles pourtant sans commune mesure avec les chansons coloniales de la «France civilisatrice» qui comparaient la «négresse» à une «chienne pour régiment».

Tout cela trahit bien sa peur face à l’avènement d’une société pluriculturelle et non plus seulement judéo-chrétienne , et à un combat pour la reconnaissance d’un passé douloureux qui pourrait faire de l’ombre à un autre combat : mais il n’y a pas de marché de la douleur, M. Finkielkraut, et pas de concurrence… Juste la nécessité d’admettre que l’Histoire est entachée d’injustices qui se prolongent et qui, lorsqu’elles sont niées, font jaillir la violence.