Dans ce numéro, la revue Multitudes présente dix-sept photographies inédites de la série Tennis Courts – Tennis Courts, Giasco Bertoli, Nieves, Zurich, 2009. de l’artiste Giasco Bertoli. Il a débuté cette série en 1999 dans le Sud de la Suisse, sa région d’origine, et l’a poursuivie jusqu’à aujourd’hui au gré de ses voyages.
Si le corps est l’un des thèmes récurrents de la pratique photographique de Bertoli, qui comprend de nombreux portraits, nus et photographies de mode, il s’en détourne ici totalement, en choisissant uniquement des lieux déserts, désertés.
Le traitement sériel opéré par Bertoli avec ces terrains de tennis n’induit aucune systématisation du cadrage, l’angle de vue se renouvelle à chaque photographie. Son approche consiste littéralement à tourner autour du sujet, à l’embrasser de façon plus ou moins large pour toujours laisser apparaître des indices contextuels. La forme même de l’objet a dicté la marche à suivre : une aire de jeu n’est pas une construction architecturale massive, ce n’est pas un objet opaque sur lequel bute le regard, mais une délimitation ou un aménagement d’espace qui interrompt autant qu’il laisse voir le paysage. C’est via l’appareil photographique et le grillage que le regard de l’artiste a traversé ces zones vides. Cette souplesse du regard, des points de vue, permet de souligner l’intégration de l’aire de jeu dans le paysage, elle devient un élément du décor qui participe par contraste à la composition du paysage.
Le terrain de tennis, rencontré dans de nombreux pays et dans des environnements variés, devient un témoin exposé systématiquement au passage du temps. Cet état de contemplation du photographe face au paysage, au rythme des saisons, à la géographie des différentes régions et des éventuelles constructions environnantes transparaît à travers de nombreux détails. Le degré d’altération des terrains, parfois laissés en friche, le filet pendant ou bien tendu, les haies bien taillées, la nature qui reprend le dessus, le court masqué par la neige sont autant d’éléments qui rappellent que : « le passage des saisons se fait l’écho de nos passions, de nos joies, de nos tristesses et de nos fantasmes »[[Extrait d’un entretien réalisé par mail en juin 2011 entre Giasco Bertoli et Caroline Soyez-Petithomme..
C’est bien sous le prisme du caractère pseudo-universel de l’activité sportive que le photographe nous donne à voir un trou dans notre environnement. Zone urbaine aisée ou populaire, semi-urbanisée, zone de villégiature, espace à l’abandon, campagne accueillent tous chacun à sa manière cette surface de 23,77 mètres par 8,23 mètres, entourée d’un grillage pour arrêter les balles.
Ces images offrent un décor, celui d’un court vide, à partir duquel s’organise un tableau qui peut être empreint de nostalgie, celle de l’absence de corps, du bruit régulier des échanges, mais qui ouvre aussi à une réflexion sur la banalité des lieux propices au mouvement dès lors qu’il se veut visible, dicible, évaluable. Ce n’est pas tant la présence humaine qui persiste dans cette vision que l’idée qu’elle ne peut pas se maintenir sans organisation : règles, tournois, occasions de rencontres sont indispensables pour habiter ces lieux.