La Situation au Brésil

Le Lulisme et le Pouvoir

Partagez —> /

Les obligations politiques de la transition et de la gouvernabilité et la
conséquente transformation idéologique du PT (Luliste)

Les représentants du “marché” ont divulgué dans la presse que le
gouvernement Lula, en adoptant des mesures de politique financière
orthodoxes impopulaires, a administré avec succès le premier semestre et
atteint pleinement les objectifs fixés par le FMI (…) le Brésil devait
rétablir la crédibilité envers les banques étrangères, en respectant les
contrats, les obligations de la dette et la flexibilité du change (…)

Maintenant, le Ministre Palocci (finances) – chaque fois plus sollicité car
considéré par les médias comme l’artifice du succès de Lula et du retour du
capital (spéculatif) – a annoncé (sans l’accord préalable des directeurs du
FMI) que la croissance était la priorité centrale du second semestre.

Il s’en est fallu de peu que le pdt de la FIESP (fed des entrepreneurs de
SP) ne le traîte de crétin dans l’ITW qu’il a donné à Folha de Sao Paulo
dans lequel il lui rappella qu’avec des intérêts à 26% l’an il n’y avait pas
vraiment les conditions pour parler de croissance dans le secteur
industriel.

Le Vice-président José Alencar a été plus énergique (et plus electoraliste)
en rappellant que les seules qui avaient “gagné” c’étaient les banques en
accordant des prêts avec des intérêts mensuels stratosphériques entre 10,5%
et 17,8% par mois. Le Vice pdt de Lula révélait que le supéravit fût plus
important tout simplement parce que le gouvernement avait effectué des
coupes dans les investissements et que l’onde recessive avait beaucoup
réduit les importations. Voilà pourquoi les exportations donnaient
l’impression d’avoir doublé.

Dans le monde du travail, ces six mois ont été vécus comme un poids
terrible, mais ont été considérés par certains comme un passage obligatoire
pour parvenir à la réalisation des nombreuses promesses.
Pourtant, nombreux sont ceux qui commencent à suspecter que l’élection de
Luiz Marinho à la présidence de la CUT était un “arrangement” que Lula a
imaginé afin que la centrale des travailleurs se transforme en une
silencieuse courroie de transmission du gouvernement, chaque fois plus
engagé à réaliser les réformes impopulaires de FHC (la prévoyance, la
fiscale et la réforme du travail)

Dans ce contexte la DIEESE (departement intersyndical des études
socio-économiques) a informé le gouvernement de la baisse de 10% du revenu
moyen du travailleur en avril 2003 (comparé à celui d’avril de 2002). Cela
signifie que la valeur enregistrée en avril 2003 a atteint l’indice le plus
bas depuis 1985 quand le revenu moyen était de 1.682 reais contre 889 reais
aujourd’hui.

Gouvernabilité et élections municipales en 2004

Il semble que dans le groupe au pouvoir Luliste il y aurait de sérieuses
divergences d’opinion quant à la nécessité pour le gouvernement Lula de
continuer à agir comme s’il était encore en campagne.
De fait, cette question est déterminante pour permettre au gouvernement Lula
de parvenir jusqu’à Mai 2004 sans défaite significative et sans déchirures
internes et pour que l’agence Duda Mendonça (directeur de campagne) puisse
commencer la course électorale dans les principales métropoles brésiliennes
avec de nouveaux factoides (fabrications) petistes.
D’après le roi du marketing électoral, Duda Mendonça, il est possible de
“travailler” l’imaginaire populaire avec de nouveaux personnages politiques
qui, dans les municipalités, représentent la vision salvatrice de Lula, sans
oublier l’option stratégique de faire avancer l’idée de la réélection de
Lula en 2006.

A part ça, Duda Mendonça sait que l’épine dorsale de l’élection de Lula en
2006 ne se trouvera pas dans les secteurs politisés de l’éducation ou du
fonctionalisme public – les victimes par excellence de la réforme de la
prévoyance luliste- mais bien dans les secteurs super-pauvres et les exclus
de la consommation.
C’est à dire, les 20 million d’électeurs déconnectés de la politique, qui se
faisaient taxer de “descamisados” par Collor, qui ont crû aux promesses de
FHC et qui, facilement, pourraient être amenés à penser qu’il n’y aura de
bénéfices pour eux qu’avec Lula.

Si les hommes du PT Luliste étaient plus compétents du point de vue
technique dans le cadre du programme FOME ZERO (ce qui est très difficile
connaissant ceux qui entourent Graziano) et s’ils étaient moins liés au
marketing de la dernière heure de Frei Betto (ami de Lula), ils pourraient
déjà aujourd’hui dépolariser l’électorat et sacrifier la fonction publique
sans craindre pour les conséquences.
Ainsi, après avoir ‘brûlé” FOME ZERO, les quelques programmes sociaux que le
gouvernement peut encore financer seront redirectionnés pour gagner la
confiance des “nouveaux descamisados”. Finalement, qui mieux que le
gouvernement a la possibilité d’acheter des votes ?
Prenons p.ex le programme “financement” pour les micro-entreprises ou le
programme “premier emploi” qui durant un an (jusqu’aux élection municipales)
offre la stabilité exclusivement pour un emploi au salaire minimum.
Mais le reste ? Et la recherche industrielle ? Et la Réforme Agraire ?

La transition politique du gouvernement et la transformation idéologique du
PT.

Après ce qui s’est passé au sein du PT ces derniers six mois, il est
difficile de croire que le PT est encore un parti qui est en” dispute” du
point de vue idéologique. Peut-être que la dite dispute ressurgira pour
empêcher l’approbation des lois dictées par le FMI (comme la réforme de la
prévoyance que le pdt Lula défend tellement) ou pour mettre en question les
orientations du “companheiro” Bush et de son chancelier Blair.

La vérité, c’est qu’au sein du PT le débat idéologique a été réduit au
silence de la même manière qu’a été violé le concept de démocratie interne,
pour garantir l’affirmation d’un pouvoir interne, nécessairement autoritaire
pour devenir majoritaire.
De cette manière, afin de défendre la réincarnation du programme libéral du
FMI en icône populiste du libéralisme-social tropical, il a suffi de
“coller” aux fauteuils du Planalto (exécutif) les représentants sans
couleurs de cette majorité-autoritaire qui considère déjà “l’antique PT”
comme un désagréable contrepoint au gouvernement et au concept de pouvoir
centralisé du PT Luliste.

L’éternelle transition du gouvernement a pratiquement empêché la dispute
politique et idéologique avec la gauche petiste. Avec art, Dirceu a organisé
une majorité qui a centralisé le gouvernement et en conséquence le Parti.
L’option de “gouvernabilité” impliquait le maintien des règles du programme
neolibéral, qui furent présentées par Dirceu et Lula comme étant la solution
obligatoire face à la double menace représentée, d’une part par la possible
intervention de groupes financiers de la spéculation internationale juste
après la victoire de Lula et, d’autre part, par “l’inévitable” intervention
militaire après le chaos financier provoqué par les spéculateurs dans le
premier mois du gouvernement PT.

Il est possible qu’au sein du PT quelques-uns aient crû à ces histoires. Et
il est aussi logique que la majorité Luliste ait fait semblant de croire aux
contes de fée de Dirceu afin de ne pas renoncer aux privilèges des charges
et des nominations.

Ce qui est certain c’est que “en off” on a tenté de sataniser l’armée, à la
vieille manière du PCB (parti communiste brésilien)- l’impliquant dans un
coup d’état que, techniquement et physiquement, elle n’aurait pas eu les
conditions d’exécuter – et qu’après six mois de “fidelité” elle a été promue
à l’aventure amazonienne, comme l’a indiqué la ministre de la défense de la
Colombie, Marta Lucia Ramirez lors de la réunion qu’elle eût le 27 juin le
long de la frontière avec le ministre de la défense du Brésil José Viegas
Filho.

La vérité c’est que l’option “gouvernabilité” a obligé le lulisme à se
soumettre à un processus de transition au sein duquel se développent des
mécanismes qui ont rendu effectif le définitif changement de politique du
groupe au pouvoir dans le gouvernement. En conséquence, la transformation
idéologique de la base de soutien politique du gouvernement est elle aussi
devenue nécessaire : le Parti des Travailleurs et la Centrale CUT.

Malheureusement ce scénario a détruit le concept de démocratie interne, a
mené à la professionalisation bureaucratique du parti et de la Centrale CUT
et a creusé le fossé entre les directions et les bases, transformées en
masses de manoeuvre électorales.

Dans ce contexte, il est important d’analyser plus en profondeur ces
changements et chercher à comprendre au service de qui et en fonction de
quoi ces changements ont été opérés, et avant tout quelles sont les
répercussions possibles sur la vie de ces “nouveaux sujets” du Parti des
travailleurs. L’Etat brésilien est encore toujours un Etat
contre-révolutionnaire….Mais pour ceux qui ont renié le socialisme cela ne
fait aucune différence que l’Etat soit contre-révolutionnaire ou
conservateur, l’important c’est le Pouvoir. De fait, le pdt du Congrès, le
député Joao Paulo (PT/SP) a reconnu tranquillement que :” le PT n’avait pas
de projet stratégique, à peine un projet de pouvoir….”

Les expulsions dans le PT et la construction d’une nouvelle majorité

Nombreux sont ceux qui eurent un choc quand le super-ministre, José Dirceu,
dans son désir de compliquer le quotidien des partis qui soutiennent le
gouvernement (le PSB de Arraes et celui de Garotinho), a malicieusement
déclaré qu’il était possible de construire une nouvelle majorité.

Il est clair que cette déclaration était une façon un peu risquée de
vérifier le degré d’unité entre les dirigeants des tendances nationales (du
PT, Articulaçao et Democracia radical) ainsi que des groupes régionaux. Pour
la majorité des Lulistes, l’idée d’un nouveau parti qui représenterait la
majorité du gouvernement est mauvaise car elle devrait affronter
l’opposition de la gauche du parti, syndicale ainsi que celle des mouvements
populaires. Ainsi que l’a rappellé Joao Pedro Stedile : “si la
“gouvernabilité” amène Lula à rompre avec l’histoire du PT et à renoncer aux
engagements politiques auxquels il a souscrit, il sera définitivement
considéré par le mouvement (MST) comme pareil à tant d’autres qui sont
“partis vivre” avec les élites brésiliennes et les représentants du capital
international

Voilà pourquoi la “gauche petiste” est en ce moment l’ennemi principal du
gouvernement. La terrible nouveauté, c’est que en expulsant un député du PT
“élu par le peuple”, la dite Commission d’Ethique du Parti va expulser
également, en termes moraux, politiques et idéologiques, ceux qui ont voté
pour lui, ceux qui ont fait campagne et ceux qui l’ont soutenu.

Expulser Joao Fontes c’est très facile. Expurger le parti de Luciana Genro
et Baba comporte certaines pertes politiques qui seraient compensées par une
certaine “paix ” dans le Parti. Mais expulser Heloisa Helena (sénatrice),
jeter Ivan Valente et Maninha de ‘Force Socialiste” ou Luciano Zica et Lucia
Choinaki de “Articulation de Gauche” ou encore Lindenberg de “Refaisons” de
Rio de Janeiro parce qu’ils ont voté contre la Réforme de la Prévoyance et
contre l’autonomie de la Banque Centrale, c’est autre chose….

Expulser des députés de la gauche petiste signifie provoquer la sortie du
Parti de dizaines de milliers de militants liés à ces dirigeants et
invalider le vote de leurs sympatisants lors des prochaines élections
municipales. Ce n’est pas rien !

Pour le Lulisme cela signifie courrir le risque du “Non Vote”. Le même qui
élimina le social-libéral du PS français, Lionel Jospin

Cela signifie aussi affronter en 2006, Heloisa Helena à la tête d’une
possible et nouvelle “gauche sociale” qui aura certainement beaucoup à dire
sur les changements opérés par Lula, Dirceu et Genuino durant les dernières
années dans le PT et la CUT.