Autour de la pétition sur les examens de l’égalité 2003Hervé :

” Vous est-il venu à l’idée qu’en notant les copies au min. 15/20, vous ne feriez que favoriser pour la rentrée, l’admission dans les écoles etc… QUE les candidats qui ont ce qu’on appelle “un bon dossier” ?
N’est-il pas trop fréquent de ce côté-ci du Rio Grande de camper sur les principes sans trop se préoccuper des conséquences ??? ”

Yann :

” Cher Hervé
Pardonne moi, mais le raisonnement que tu tiens n’a que l’apparence de la rigueur, car si un certain nombre de cas de cet ordre peuvent se présenter:
a) Systématiquement plus nombreux seront les élèves auxquels cette note entre 15 et 19 ( 20 n’étant pas exclu mais il faut un rapport la justifiant ce qui reviendrait pour les grévistes perlés (et perlant) de se signaler obligeamment à l’administration qui pourrait essayer d’organiser une double correction encore que pour un examen aussi massif que le bac n’a guère de sens) permettra soit d’avoir leur bac de justesse, soit d’avoir diverses mention dont la très bien.
Et alors ?
b) les élèves qui ne peuvent pas être rattrapés par une ou des notes entre 15-et 20 auraient été de toutes façon recalés.
C’est l’exemple d’un jeu où les gains pour un très grand bnombre sont aisément démontrables.
En plus il y a d’autres effets très plaisants:
c) Les professeurs non grévistes ( en ce sens) verront leurs notes dévaluées, ce qui n’est pas mauvais, car les prurits de sélection ne sont guère soutenables en dehors d’une mystérieuse alchimie interne de l’ego de l’enseignement qui pense se dévaluer en mettant des bonnes notes. Il leur restera deux solutions: soit la solution imitative ( réévaluer leurs notes et c’est tant mieux) soit se singulariser dans la protestation anti-grève en faisant preuve d’une sur-sévérité pour essayer de compenser ce qu'”il estiment être une tricherie et dans ce cas ils prendront le risque de saborder l’épreuve, avec en plus des protestations des parents. ”

Hervé :

” Je n’appartiens à aucune des deux catégories de professeurs susceptibles de réagir comme en c). Deux attitudes aussi risibles l’une que l’autre…
Je n’aime pas du tout l’idée de faire prendre des risques aux élèves. Que nous combattions le gouvernement pour ses “réformes” ineptes, c’est une chose, que nous nous servions des élèves pour cela, NON !
Lyotard disait dans Au juste qu’un conflit qui oppose deux parties est une forme de guerre qui a ou non sa justification. Dès qu’une des deux parties se sert d’un tiers pour faire pression sur l’autre, c’est du terrorisme…
J’accepte d’utiliser des moyens de combat qui peuvent le cas échéant se retourner contre moi, je ne veux pas mettre en danger un tiers. Or si comme le dit le message du Vendredi 13 juin (Bac de l’égalité : RV aux réunions d’entente des c orrecteurs de philo), une notation massive entre 15 et 20 menace” le gouvernement d’une rentrée ingérable dans le supérieur comme le secondaire” , il est à craindre que les élèves et les familles les moins friqués en pâtissent.
Les autres comme d’hab’ s’en sortiront. Comme s’en sont sortis après 68, les leaders de bonne famille qu’on a retrouvés plus tard dans des cabinets ministériels, des agences de pub, ou à la direction de journaux. Suivez mon regard… ”

Didier :

” “Le bac est quelque chose d’important, il en va de l’avenir des élèves, merci de le respecter !”
Au fond à écouter tout ce type d’argument, on en vient à se dire que toute la politique du gouvernement, l’avenir des gens que ça met en jeu, à côté du bac, c’est de la rigolade, du pipi de chat.
Une question jamais dite, c’est que ce qui se met en place ce ne serait que pour les profs (prenant que le projet sur l’école) les parents et les élèves eux ça ne les concerne pas, ça engage pas leur avenir, drôle de façon de penser la situation.Les parents, les élèves, les retraites, ce que sera ce pays demain, c’est pas à eux que ça s’adresse aussi ?Après moi le bac, quoi ? ”

Yann :

” Cher Hervé
je ne vois pas le risque que les professeurs font prendre aux élèves ; je vois en revanche très bien le risque qu’ils prennent eux.
Je ne voudrais pas revenir à la philosophie mais quand vous écrivez : ” Que nous combattions le gouvernement pour ses “réformes” ineptes, c’est une chose, que nous nous servions des élèves pour cela, NON ! ”
Vous supposez que les professeurs en sur-notant les élèves se serviraient des élèves.
Puis-je vous suggérer autre chose ( me référant à Kant et à son deuxième impératif catégorique : traiter l’autre non en moyen mais en fin ).
Qui se sert des élèves le plus, et le plus bassement ( les traitant comme des moyens et non comme des fins) ?
Est-ce le professeur qui tout en menant un combat important non seulement pour lui mais pour les autres catégories de salariés (privé inclus), pour éviter justement que les élèves pâtissent de sa grève se refuse à boycotter activement les examens (en les empêchant), ou bien retient les notes. Et qui de la sorte réduit l’élève et son examen à un simple instrument de chantage pour renforcer sa position et celle de son camp ( non sans justesse sur le plan des moyens purs; on a vu que le gouvernement se fichait éperdument de la grève pendant des mois mais pas du bac, comme de la rentrée d’ailleurs) ?
Est-ce le professeur qui tous les trimestres, tous les ans, tous les jury ( sous le couvert de servir la science, la société ou sa propre carrière) assume aisément, sans remord aucun la responsabilité de recaler un grand nombre de candidats (je ne parle pas de ceux qui ont entre 0 et 5) je parle de ceux qui ont des notes “médiocres”, qui refont leur année etc.. Non ceux-là bien-sûr ne se servent pas des élèves, ne les prennent pas en otages !!! parce qu’à mon avis ils vivent sur eux, les élèves sont leur gagne-pain, leur prétexte.
Je corrige beaucoup de copies ( j’en ai fait dans le secondaire, j’en fais beaucoup aujourd’hui dans l’enseignement universitaire) et voici ce que j’ai constaté : quasiment tous les collègues que j’ai rencontrés et qui notaient durement, sévèrement, “justement” avec une forte dose d'”esprit de sérieux” avaient quelque chose à se prouver à eux-mêmes beaucoup plus qu’aux élèves.
Quelque chose qui relève de la psychanalyse !
La note est politique; statistiquement, elle est décidée à l’avance; à Sciences Po où l’on est cynique et franc, la direction indique à chaque nouvel enseignant les notes obtenues l’années précédentes et le pourcentage de reçus ( entre 75 % et 80 %). Cette norme est inscrite d’avance et la notation s’y plie ( on corrige les notes de contrôle continu des connaissances ) sur la base de ces critères.
Étudier de façon sociologique les notes, les comprendre comme un mécanisme de filtre (et pas comme une échelle objective) c’est important quand on est amené si souvent à juger, à noter dans sa carrière de prof. L’analyse de la “posture” de notation, est une excellente antidote à votre discours “moraliste”.
Votre allusion au “terrorisme” flaire bon les couloirs de l’actuelle majorité de l’Assemblée introuvable que nous avons au Palais Bourbon (il porte bien son nom celui-là) .
Votre invocation de Jean-François Lyotard que j’ai connu ainsi que sa fille Corinne (du temps de ma jeunesse folle quand nous contestions fortement l’université, l’école avec la compréhension immense, profonde, bienveillante, intelligente de Lyotard ) montre une connaissance bien superficielle de l’autorité que vous invoquez. Lorsque nous discutions avec lui de “Nanterre partout” (1970 : incidents extrêmement violents sur le campus envahi par les CRS qui avaient à ce point perdu les pédales qu’il avait fallu deux compagnies de gendarmerie pour les calmer et éviter des morts ) on était loin de vos propos de “salon”. D’abord quelle guerre ?! Comment pouvez-vous mélanger ce dont parle J.F. Lyotard dans son livre et qui concerne une vraie guerre, un vrai conflit armé, meurtrier, terrible, avec un différend en politique intérieur sur les retraites, qui pour l’instant à ce que je sache n’est pas une guerre civile ( même si la morgue, la suffisance, le mépris de ce gouvernements et des parlementaires qui gagnent eux entre 5000 et 10000 euros de retraite, qui sont à 89 % des bonhommes ( seule la Grèce nous bat dans ce triste record d’avoir quasiment éliminé les femmes de la représentation nationale), relève de la lanterne )

Hervé :

J’accepte d’utiliser des moyens de combat qui peuvent le cas échéant se retourner contre moi, je ne veux pas mettre en danger un tiers.

Yann :

Quel tiers ? Les élèves ? non le gouvernement !

Hervé :

Or si comme le dit le message du Vendredi 13 juin (Bac de l’égalité : RV aux réunions d’entente des correcteurs de philo), une notation massive entre 15 et 20 menace” le gouvernement d’une rentrée ingérable dans le supérieur comme le secondaire” , il est à craindre que les élèves et les familles les moins friqués en pâtissent.
Yann : Et maintenant un argument digne des véteros staliniens qui en Mai 68 rejetaient les critiques de l’école et le refus de la sélection en expliquant que la sélection républicaine des concours, des diplômes nationaux était la meilleure garantie pour les fils de prolos, que tout ce mouvement était petit-bourgeois.
On a vu en effet combien les examens, la sélection (celle du bac est particulièrement stupide et meurtrière par rapport à un certificat de fin d’études secondaires), et férocement meurtrière chez les classes les plus ouvrières de la population, car cette sélection mirifique qui-ne-prend-pas-les -élèves-en-otage aboutit au brillant nombre de fils d’ouvriers dans les universités que nous avons avec quelques boursiers méritant de la république qui permettent au système de se dédouaner à bon compte).
La vérité est que le bac de l’égalité replace le problème de la sélection sur le tapis.
Et surtout n’allez pas me dire qu’un bac ainsi noté qui améliorerait les résultats globaux de 5 à 10 % de plus de reçu ( au lieu d’en avoir entre 62 et 83 % de reçus on aurait sans doute si tous les profs s’y mettaient entre 75 et 90 % de reçus.
Et alors !! Et alors !! Cela vous fait mal au cœur ! Qu’est-ce qui se passe dans votre fors intérieur à cette horrifique possibilité ? On ne ferait que retrouver ce que devrait être tous les examens; au delà de 10 % de recalé, c’est l’institution scolaire et les profs qui clochent pas les élèves).

Hervé :

Les autres comme d’hab’ s’en sortiront. Comme s’en sont sortis après 68, les leaders de bonne famille qu’on a retrouvés plus tard dans des cabinets ministériels, des agences de pub, ou à la direction de journaux. Suivez mon regard…

Yann :

J’ai l’impression de lire du Marianne et de la démagogie de très moyenne tenue. Grâce à mai 68, grâce au fait que ce sale principe réactionnaire, archaïque, manipulateur, prédateur a sauté, la société française s’est démocratisée; les mandarins ont cessé de regarder de haut de leur résultat aux examens sérieux, la populace vile, la multitude incompétente. Et plus de fils des classes “laborieuses” ont pu pénétrer dans ces temple “où l’on venait, tel Jézabel, adorer l’éternel” !. Et ce ne sont pas les nouveaux lévites qui veulent garder les rouleaux pour le petit nombre qui améliorent le “sort des masses” !
Une note de bac n’est pas une vie, elle n’a pas le droit de s’arroger le pouvoir de gâcher des vies, des désirs de connaissance. Oui la sélection est une saloperie et qui l’exerce devrait tel l’auteur d’un projet de loi dans l’Athènes de Solon, se présenter la corde au cou !! avec beaucoup d’humilité et pas ces insupportables rodomontades sarkoziennes sur le terrorisme, la prise d’otage.
Il y a trop d’institutions scolaires qui prennent en otages les élèves tous les jours que le calendrier fait !
Traitez les gens, les jeunes comme des fins non comme le moyen de vos moyennes. Et si, demandez-vous le bien, vos précieuses moyennes sont pour vous une fin, alors je vous plains de ” tomber en ces mains redoutables” ! ”

Hervé :

” Je crois que nous ne serons absolument pas d’accord sur cette question du “au moins 15 au bac”. Il serait toutefois infondé de penser que ma position implique une idôlatrie des examens “républicains” sur lesquels je n’ai pas plus d’illusions que vous. Simplement, j’ai eu suffisamment de dialogues avec les élèves et leurs familles en cette fin d’année pour estimer qu’avec cette stratégie inadaptée nous allons au casse-pipe…
J’espère seulement que nous nous retrouverons en accord lorsqu’il faudra mener des actions éventuellement plus rudes contre le Ministère. Nous avons encore tous les mois à venir pour continuer à expliquer notre position aux élèves et aux parents. Il faudra de toute façon re-situer la question des retraites et de la décentralisation dans le contexte plus global et plus décisif du démantèlement de l’éducation qu’envisage ce gouvernement. ”

François :

” J’aimerais bien, quand même, que vous nous expliquiez pourquoi cette solution est inadaptée. L’argument que vous donnez est très sujet à caution. Vous dites avoir suffisamment discuté avec les élèves et leurs parents pour en tirer cette conclusion. Du même type de discussions, j’ai quant à moi retiré l’impression inverse. Donc impression versus impression : nous n’avançons pas beaucoup.
Ce qui me paraît sûr, c’est que si la notation est “normale” aux examens, les élèves dont les établissements ont été fortement grévistes (= globalement, ceux qui éprouvent les plus grandes difficultés scolaires) iront, pour reprendre votre expression, “au casse pipe”. Et alors ils nous en voudront terriblement : et qui pourra dire qu’ils auront tort ?
J’ai donc plutôt l’impression que cette stratégie est très adaptée à la situation. Vraiment très adaptée ”

Jérome-Alexandre :

” Salut,
Et si l’on se plaçait pour réfléchir à la question de la pertinence d’une telle action dans le rapport de force engagé entre le gouvernement et le mouvement des enseignants, non pas du point de vue de Sirius, mais en essayant de s’avancer disons d’une trentaine d’années dans le temps. Quel poids aurait alors la mésestime des élèves et de parents, si cela fait oblige le gouvernement à revoir ses positions et à (ré ?)-entamer des négociations ? ”

Alain :

” Cher Yann,
Bravo et mille mercis pour cette vigoureuse réponse j’adhère approuve sous-signe et recopie dans mon cahier cette phrase injonction maxime clarissime : “Traitez les gens, les jeunes comme des fins non comme le moyen de vos moyennes. Et si, demandez-vous le bien, vos précieuses moyennes sont pour vous une fin, alors je vous plains de ” tomber en ces mains redoutables” !” ”

Hervé :

” OK ! Si vous souhaitez que vos élèves ne vous tiennent pas rigueur de vos journées de grève, vous déplacez l’argumentation. Ce n’est plus la même que celle qui tendait à dire qu’il fallait une rentrée ingérable pour le gouvernement, ou celle qui refusait l’idôlatrie des examens.
S’il vous plaît, je vous ai donné les raisons pour lesquelles je suivrai pas la consigne du “au moins 15”. Nous verrons très prochainement ce qui se passera, ce qu’il en résultera.
Préparons-nous plutôt à la suite. Les retraites et la décentralisation ne sont qu’une partie du problème. On aura beaucoup de travail lorsque la prochaine étape de libéralisation massive de l’enseignement arrivera…
Ah ! Au fait ! Expliquez-moi pendant que vous y êtes pourquoi cet appel ne concernait que le bac’ ! Permettez à quelqu’un qui travaille aussi en CFA de vous rappeler qu’il y a d’autres examens. Essayons de ne pas nous enfermer lors des prochaines luttes dans des corporations à l’intérieur de la corporation.
Je n’ai pas vu beaucoup de collègues de certaines disciplines générales se mobiliser lorsque les enseignants du technique ont été les premiers concernés par des suppressions de poste ou des “déplacements” de fonction…”

Mick :

” Je reprends au vol la discussion. Le coeur de notre argumentation s’est appuyé sur l’idée d’un rééquilibrage positif des élèves “ayant subi” les grèves. Notre argumentaire simplifié “Le petit manuel pratique du parfait surnoteur” a beaucoup circulé et est à l’adresse suivante :
http://perso.club-internet.fr/debrie/Examens_de_l’egalite/Documents.htm
L’appel n’est pas réservé au Bac, mais concerne l’ensemble des examens et, je dirais même toutes les évaluations de cette fin d’année.
Les résultats de notre action commencent à se faire sentir, mais il faudra effectivement attendre le Bac pour faire le point.
Enfin, nous sommes parfaitement conscients qu’une grande bataille s’est engagée, dans laquelle ils faudra être tous ensembles. ”

Michel :

” S’il est vrai que “cette question du “au moins 15 au bac”” a un côté “escarmouche pédestre”, nous sommes bien d’accord que ce n’est pas retraites et décentralisations qui sont fondamentales, mais le contenu et le résultat de l'”éducation nationale” ou de “l’instruction publique” : je ne sais laquelle choisir, ni s’il faut choisir. Je dis seulement que si le résultat de l’œuvre des enseignants qui sont les piliers, parfois accablés, de la formation des enfants, est conforme à l’objectif, les autres problèmes se règlent d’eux-mêmes.
Ce sont bien les déficits de formation qui engendrent les tares de nos sociétés.
On peut faire l’ENA sans jamais entendre parler de “Bien Public” et d'”Intérêt Général”, on peut sortir d’une grande école de commerce après n’avoir appris qu’à s’aiguiser des dents de requins. J’ai les exemples précis.
La faute n’est pas aux élèves, en ces cas. Le problème fondamental est bien l’éducation et il est bien principalement entre les mains des enseignants.

Anne :

” J’avais déjà suggéré il y a longtemps à François que la plus juste et la plus égale des surnotations pour les pénalisés, et des sousnotations pour “ceux qui se la ramènent”, était 13: assez bien peut mieux faire, ce que pensent les profs de tout élève, et ce que tout élève pense de lui même. Une note nationale qui donne un coup de pouce à ceux qui en ont besoin, et un coup de semonce vers la modestie à ceux qui croient être plus forts. Cela n’empêche pas de corriger les copies en détail. Cela peut s’appliquer à toutes les matières.
Cela n’entraîne pas de spéculations sur les coefficients.
J’ai rencontré plusieurs jeunes qui m’ont proposé la même solution avant que je leur dise que j’y avais pensé toute seule, persuadés que le 15 à 20 fera annuler l’épreuve et obligera à la repasser car l’excellence n’est pas pour tout le monde, (et ne devrait être autorisée à personne tant elle rend puant).
13 plutôt que 12 et parce que en France c’est le chiffre de la chance, bonne ou mauvaise. ”

Jean-Christian :

” Et dire qu’on était à 20 pour tout-le-monde au début lointain de cette intéréssante discussion ! Heureusement que j’ai passé mon bac en 68 !

Mick :

” Ce que tu suggères semble en effet plus près de la perception subjective des profs en général. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est fait “spontanément” à Lunel avec les section science renforcée. Les moyennes, ce qui est exceptionnel, y vont cette année de 12.5 à 15 en passant par 13.5.
Mais l’appel a un autre sens. S’il a mis délibérément la barre très haut, et nous, nous avons dû pourtant l’abaisser par “réalisme politique”, c’est parce ce qu’il vise au fond à atteindre la clé de voûte idéologique du mérite et du travail qui se manifeste de façon parfaite dans tout cet édifice politico-institutionnel et intellectuel des examens. Il cherche à ébranler (choquer ?) la bonne conscience des hypocrites, des poliquement corrects, des moralistes et des glandeurs de gôche qui évitent soigneusement de regarder la vérité en face : celle de l’apartheid, des gamins qui rament sans espoir de réussir parce qu’il sont “mal nés”, pas dans la bonne famille”, pas dans le bon bahut. Il cherche, en creux, à démontrer que ce système de validation ne valide rien d’autre, le plus souvent, que la soumission et le conformisme et que de notre point de vue, il n’a ainsi pas de valeur. Et surtout, mais est-il temps de le dire, qu’il passe en grande partie à côté d’autre chose… Cet autre chose, on l’appelle comme on veut, Multitudes, intelligence collective, jeune prolétaire ou autre.
D’ailleurs, personne ne s’y est trompé en face! Si tu savais à quel point cette initiative peut faire peur et suscite la haine chez certains ! Renégats, nous livrerions la cité de la science et de la réussite aux barbares !. Même notre première ligne de défense argumentaire, la discrimination positive envers les gamins qui ont “souffert” de nos luttes, n’a pas retenu grand chose. Et si les réactions sont si disproportionnées c’est, je crois, parce que notre appel en mettant la barre si haut, rappelle tout simplement que le Roi est nu. ”

Anne :

” Cher Mick
J’aimerais bien que tu aies raison, mais quand je vois qu’on s’excuse de faire ce bac de l’égalité pour ne pas pénaliser les élèves des profs qui ont fait grève je crois qu’on est tout à fait ailleurs.
Précisément le note de 13 qui permet de passer pratiquement à tout le monde sans prétendre qu’il est excellent correspond à mon sens, et à celui des jeunes avec qui je discute, beaucoup plus à la consitution de ce corps collectif de jeunes qui essaie de passer entre les gouttes sans surinvestir trop l’institution, qui sont les “nouveaux prolétaires” d’aujourd’hui qui veulent surtout passer, pas entrer à Normale Sup ou sciences po, et qui n’ont donc pas besoin de fausse mention.
Je l’ai déjà dit à François sur la liste: mettre vingt à tout le monde, dans le contexte politique actuel, c’est dire aux élèves allez vous faire foutre, foutez le camp du secondaire.
Mettre 15 à 10 c’est s’excusez de le faire.
Le faire dans une matière à gros coeff c’est se donner le pouvoir de donner le bac envers et contre tout, affirmer la puissance de sa discipline.
Je trouve cela complètement condescendant : j’ai un pouvoir et je l’exerce jusqu’au bout.
Bien sûr en 68 cela s’est passé autrement mais le 20 quand il a eu lieu a été arraché par les élèves.
De toute façon il est trop tard pour ergoter sur cette mesure. Il va falloir se défendre contre ses conséquences ou les élargir si par hasard elles sont positives.”

Michel :

” Cher Yann,
Comment ne pas être d’accord avec votre constat consternant et aterrant ! La notion d’examen serait proscrite dans une société de progrès. La nôtre n’en est pas une, puisqu’elle n’est qu’une organisation de mise en coupe réglée des richesses disponibles et des minuscules avancées réalisées depuis cent cinquante ans.
L’instruction est une reproduction des pouvoirs et ne remplit pas son rôle d’être au service de tous.
J’ai eu la chance d’être du “bon” côté de la barrière, et j’ai vu pendant mon demi-siècle d’existence les limitations constamment apportées aux appétits de connaissances de la France qui n’était pas encore d’En-Bas. J’ai vu des patrons empêcher des agents de maîtrise de suivre des formations, pour mieux les dominer.
J’ai vu comme vous, ce gâchis d’établissements d’enseignement supérieur qui ne fonctionne que la moitié de l’année pour des numerus clausus, alors que la pénurie d’effectifs est partout. Les manques de d’enseignants, d’infirmières, de médecins, de kinésithérapeutes vont croître dramatiquement dans les temps à venir. Je ne parle que de ce que je connais. A côté de cela, les médecins sont surmenés, n’ont pas le temps de se former autrement que par les publicités des laboratoires, c’est-à-dire au détriment de la santé de la population.
L’intérêt de l’enseignement est d’être désintéressé, il ne s’agit autrement que de manipulation. Le droit à l’enseignement est un droit à un enseignement désintéressé.
Il est clair que l’entreprise, nouveau veau d’or, ne peut s’accommoder de ce qui n’est pas un conditionnement du travailleur en vue de ce qu’elle croit de ses intérêts.
Combien de patrons ai-je entendu se plaindre que l’on apprenait Robespierre et Trotsky aux élèves, mais qu’on ne leur apprenait pas à dire “merci patron” ?
Il est clair qu’il existe des ombres sur le contenu, l’utilité et la sanction de l’enseignement, au collège ou en faculté. Il est patent que la sélection s’opère sur des critères incohérents avec les activités qui correspondent à l’enseignement suivi. Comme il est patent que le “bachotage” qui est de règle depuis la classe de première jusqu’à… la mort nuit, plus qu’il ne l’encourage, à l’efficacité dans les tâches entreprises.
Je continue à penser que les progrès ne peuvent principalement venir que des enseignants qui ont théoriquement :
– l’intelligence,
– le savoir,
– le temps,
– l’indépendance,
– … et les élèves !
Alors ?”

Alain :

” Merci Michel pour cela :
“Je continue à penser que les progrès ne peuvent principalement venir que des enseignants qui ont théoriquement :
– l’intelligence,
– le savoir,
– le temps,
– l’indépendance,
– … et les élèves !
Alors ?”
Je continue moi aussi à penser qu’il y a là du mouvement pour aller plus loin (“progrès” est un mot grillé) : l’intelligence c’est celle qui fait une vie de prof, cette histoire de faire des liens, de mettre en relation, ce qu’est l’intelligere; le savoir c’est celui qui fabrique une vie au cours de laquelle on cherche à savoir et à comprendre des trucs machins que l’ont a aimé se mettre sous les yeux un jour et que l’on continue à se mettre sous les yeux tous les jours (un livre, un texte, une image, une parole); le temps c’est exactement celui qu’on s’autorise à prendre sur l’adversité : c’est ça qui fait le prof, voler du temps; l’indépendance c’est la vie sous le poids des choses et avec la légèreté des obligations d’une vie de prof; les élèves c’est tout le reste… une idée vaguement fixe et précisément floue.
Alors ? Il y a des choses à faire venir de nous… ”

Jean-Christian :

” De la misère en milieu professoral….
Soit vous le faites exprès, et c’est bien joué ; soit vous êtes vraiment cons. Les enseignants qui ont “théoriquement” l’intelligence et le savoir ?
Allons ! ”

Alain :

” cher Jean-Christian
Peut-on sérieusement ne pas toujours chercher à comprendre en quoi notre activité est “intelligente” face au monde et “savante” face aux connaissances ?
quoi “allons !” ?! bien sûr qu’il faut y aller : je ne peux rien faire si je ne me pose pas pensant et agissant en tant que supposé savant et supposé intelligent ceci ne disant rien de mon Intelligence et de mon Savoir !
Avoir l’intelligence de dire et savoir que l’enseignant est un idiot et un ignorant ne mène à rien…
Que faire avec des boulangers qui ne savent rien de la farine et qui ne veulent pas entendre parler d’une belle baguette bien faite… ”

Michel :

” Le savoir et l’intelligence sont aussi relatifs, dirait Albert E.
Considérons, pour répondre ou réagir à Alain et à divers autres, que les enseignants sont supposés détenteurs de savoirs ou de possibilités de savoirs et d’intelligences qui sont hors de portée courante d’un porteur de matraque ou d’un faiseur de baguette (boulanger), disons de la plupart des parents d’élèves, toutes catégories confondues, dirait le professeur référent de Claude Chirac.
Considérons donc que les enseignants sont particulièrement responsables et placés pour l’être : ce qui les place aussi en position d’être particulièrement coupables, et oui ! Dire idiot l’enseignant est affirmer qu’il n’a pas à être enseignant : et oui !
Autant on peut dire que l’élu est un idiot, quelque soit le nombre de voix : la raison et la sanction sont un chiffre (pardon aux mathématiciens croisés qui disent pis de pi= 3,1416), en ce cas un nombre. Ce qui fait l’élu est un nombre de voix, peu importe la qualité ou la débilité de ces voix, mais ce qui fait un enseignant est la détention d’un savoir (notation) et l’aptitude à le transmettre (pas de notation) avec une certaien qualité (toujours pas de notation : sauf à l’époque ou un “Maître” était jugé sur le nombre de ses succès au Certificat d’Etudes ou autre Concours Général – avec les dérives et distorsions que l’on en sut). Parlons plutôt de gratuité : celle d’enseigner, celle d’être enseigné, sans référence autre que l’enrichissement de donner et de recevoir – Philippe Val, lorsqu’il utilise le meilleur de ses aptitudes, proclame parfois de belles choses sur ce thème). ”

Jean-Christian :

” Aux boulangers la farine, aux profs l’intelligence et le savoir ?
Mmmmh…Bizarre…
Cela dit, je n’ai pas dit que tous les profs étaient des idiots. ”