La Situation au Brésil

Suite du débat sur les grèves Lula et le pouvoir

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Greta :

Moi ce qui me gène le plus dans ton analyse, Beppo, c’est que tu persistes à ne
faire aucune différence entre les GROS avantages d’une minorité de
travailleurs publics des TRES PODERES (trois pouvoirs : justice, exécutif,
législatif) et les salaires et pensions des autres travailleurs.
Un petit exemple personnel : retour au Brésil, mon mari qui était prof avant
de quitter le Brésil, ne trouve pas de place comme prof à UFRGS dans son
domaine (il est docteur en sociologie) et passe donc technicien. Salaire
brut : +/-1.580 reais pm.( +/- 1.185 euros je crois )
Ce salaire c’est celui de la majorité des travailleurs à UFRGS ou moins
encore.
Pas vraiment mirobolant. En compensation il a une sécurité d’emploi et la
possibilité de faire reconnaître son temps de travail dans le privé pour les
années nécessaires pour accéder à terme à la pension, ce qui me semble quand
même tout à fait légitime. Il a toujours cotisé, comme tous, par le système
normal dans le public, c’est à dire au trésor public, impôts et cotisation
pension.
Ainsi que je l’ai dit précédemment, il est clair que le système doit changer
et qu’un VRAI SYSTEME DE PREVOYANCE ET DE PENSION SOIT ETABLI pour les
travailleurs du public, mais c’est l’ETAT qui n’a jamais voulu le faire, à
mon avis parce que cela donnait tous ces avantages aux TROIS POUVOIRS, c’est
à dire à eux-mêmes entre autres.
De plus, les contributions des travailleurs du public pour leurs pensions
sont soumis au régime Fiscal et entrent, ainsi que leurs impôts, directement
dans les caisses de l’état. C’est donc l’ETAT qui paie les salaires et les
pensions et pas un Fond ou une caisse spécifique. L’ETAT, donc la
collectivité. Et c’est cela qu’on passe son temps à reprocher aux
travailleurs publics, alors que c’est le système imposé par l’ETAT qui est
responsable de cette situation .
Maintenant que tout à coup l’ETAT décide de changer le système (parce que le
FMI l’exige), ce sont à nouveau les mêmes qui vont en subir les plus graves
conséquences : ceux qui ont les moins bons salaires dans le public.
C’est toujours ainsi au Brésil !!!!! Tu sais cela. Tu sais aussi bien que
moi ce que gagne un médecin dans le public. Il est clair que pour vivre bien
il doit avoir une clientèle privée aussi. Cumul inacceptable ?
Il y a une chose pas du tout logique au Brésil :
– d’une part on s’offusque que des individus ayant pu faire des études,
médecins, profs, intellos etc… travaillant dans le public, défendent leurs
salaires qui, entre nous, ne leur permettent souvent pas de sortir du
Brésil, ni même parfois de voyager au Brésil. Avec l’argument que parce que
les 70% de la société vit dans la merde il faudrait quand même qu’ils soient
solidaires pour érradiquer la pauvreté.
– d’autre part l’ETAT accorde des privilèges et des salaires mirobolants à
tous ceux qui sont au pouvoir c’est à dire les 3 POUVOIRS et ça on trouve
cela normal. Pas question de solidarité chez eux. Sans parler des autres
gros revenus.
Que penses-tu du manque de sévérité de la part de l’ETAT et même de sa
complicité dans les AFFAIRES, de détournement de fonds vers l’étranger comme
p.ex l’affaire Banesta (des millions de $). La cour des comptes et la
justice ont enquêté sur cette affaire. Mais le gouvernement (FHC) a empêché
le contrôle des documents originaux (qui se trouvent à Foz D’Iguaçu)
prouvant les mouvements d’argent du Brésil vers une banque à New-York.
Lula, maintenant qu’il en a le pouvoir, n’a pas encore fait mine de décider
de permettre la poursuite cette enquête? Pourquoi ? Ce serait une preuve
claire que ce nouveau gouvernement a la ferme intention de combattre toutes
les grosses corruptions et ira chercher l’argent là où il se trouve et pas
perpétuellement dans la poche des travailleurs.
Toujours 2 poids 2 mesures.

> Je rappelle: 900.000 fonctionnaires coutent presque le double de
> 20.000.000 de retraites du privé (…)

C’est la faute au système que l’ETAT n’a pas voulu changer, parce que cela
l’arrangeait bien, cela arrangeait bien les 3 POUVOIRS et leurs privilèges.
Cela arrange bien l’ETAT aussi de pouvoir faire ce qu’il veut avec l’argent
des contribuables.C’est bien plus difficile de ponctionner de l’argent sur
la caisse de pension des travailleurs du privé !!!!! pour payer la dette
entre autres.

> une analyse des rapports de pouvoir au Bresil (…)
> neo-liberalisme !!!!!!

Avec quel argent à t’on construit Brasilia ??? Les fonds de pension des
travailleurs du privé. Et les grands barrages pendant la dictature ? Des
emprunts.
Mais tu dois quand même admettre que la dette a explosé durant la période
Néolibérale grâce au Plan Real, aux exigences du FMI et autres. J’ai les
chiffres quelque part….
Je répète que les magistrats font partie des 3 POUVOIRS et qu’effectivement
ils ont des salaires et des pensions mirobolants comparés aux autres
travailleurs, du public ou du privé, sans parler des gens qui vivent avec 2$
par jour.
Et j’ajoute : mirobolants comparés aux salaires pour les mêmes fonctions en
Europe !
Mais je ne vois pas pourquoi la majorité des travailleurs publics, qui n’ont
pas ces avantages, devraient subir des baisses de salaire et de pensions
sans même résister à ce nouveau système qui ne leur rendra certainement pas
la vie plus facile, qui tire tout le monde vers le bas, et qui de plus aura
inévitablement un impact négatif sur tous les autres citoyens plus pauvres
si la totalité des grands privilèges ne sont pas éliminés dans toute la
société.
Si les travailleurs du public étaient convaincus qu’un système nouveau et
JUSTE était établi, ils y adhèreraient, j’en suis certaine. Mais ils
connaissent la chanson: Les privilèges, les corruptions, les mensonges, la
fuite des capitaux, les bénéfices de banques, les taux d’intérêt
astronomiques qui profitent bien entendu à ceux qui peuvent placer de
l’argent, tout cela va persister.
Je répète la déclaration cynique de FHC, qui connaît par coeur la société
brésilienne : “Le Brésil n’est pas un pays sous-developpé, c’est un pays
injuste”. Tires-en les conclusions que tu veux.
53% ont voté Lula, justement parce qu’ils pensaient qu’il travaillerait à
changer tout cela petit à petit. Ils attendent des preuves tangibles qui,
pour l’instant ne sont pas là, c’est le moins qu’on puisse dire.

Beppo :

Je demande à voir ce que fait Chavez et, de toute manière, la
question c est Chavez et Lula et kirchner. Que je saches, Chavez s en
est sorti, dernièrement, grâce a Lula (au Brésil, en fait) et n a pas
arrêté de vendre son pétrole aux States.Je ne sais pas sur quelles forces Chavez peut
compter (j avoue que de toute manière je n ai pas de sympathie pour
aucune sorte de milico). Mais Lula, de quelles forces dispose-t-il
pour faire face aux dramatiques pbs du Brésil ? Des syndicats des
profs et des fonctionnaires qui ne savent rien dire d autre que
“touche a rien de mes privilèges” ??? Le problème au Brésil ce sont
les gens qui crèvent la dalle et crèvent tout court, qui n ont
droit a l éducation (selon des données officielles, 16 millions de
brésiliens ne savent lire et écrire alors que 35 % des analphabètes
ont fréquente les écoles) ni a la santé. C est dans ce sens qu il
faut aller: universaliser (distribuer) comme condition de la
croissance.
Quand Greta (c est pas elle, mais toute une énorme littérature de
gauche) dit qu il faut attaquer les banques et non pas les
universités, elle a raison, mais – sans compter que la reforme ne
constitue aucune attaque a l université – il faut pas penser que ce
sont deux pbs sépares: vous pensez que les cadres des multinationales
et des banques et de l ETAT se forment ou ? Justement dans les facs
publiques gratuites !!!!!!!!
(En passant: l élite brésilienne -qui s autodéfinit comme classe
moyenne- sait très bien défendre ses intérêts. Par exemple, elle a
pratiquement interdit, et le ministère du travail vient de le
renforcer- le travail des cadres et des techniciens étrangers avec l’excuse de se défendre des détachés de multinationales, alors que le
Brésil – justement a cause de salaires qui ne sont pas complètement
dérisoires – aurait la possibilité d importer des bons contingents de
travail intellectuel qualifie … surtout de l’Argentine..

Mais revenons a la question des retraites (qui, soit dit en passant,
n’est pas mon rayon, comme Greta le prétend) pour essayer de faire un
bilan:
On a donc découvert (Greta aussi le reconnaît) une série de choses
que les critiques de la reforme ne voulaient pas faire voir:
1) qu il s agit des retraites publiques et non pas des retraites en général
2) que, en fait, le système est très injuste 900.000 retraites
publiques de la fédération coûtent presque le double que 20.000.000
de retraites du secteur prive. JE DIS BIEN GRETA, 1 MILLION COUTE PLUS
QUE 20 MILLIONS !
3) que ce système profondément injuste a été produit par l ETAT
4) que les corporations d ETAT ne veulent pas le changer.
Ces éléments confirment:
5) qu il n y a pas que les banques et le FMI (qui certainement
constituent un problème et des intérêts contre lesquels il faut
réunir nos forces pour réussir effectivement), mais des rapports
internes a la société Brésilienne dans la distribution du revenu (de
la richesse) et que ce sont ces rapports qu il faut (aussi) toucher
et modifier.
6) que ces rapports de forces et d intérêts sont étroitement lies a l
Etat, a une forme déterminée de l ETAT: developpementiste (de ce
point de vue très proche de certaines expériences de planification
autoritaire et centralisée) et colonial-estamentario: cf. R.
Faoro. (ce qui ne signifie pas ignorer l effet néfaste des politiques
neo-liberales, des privatisations….: cela signifie au contraire
mieux comprendre de quelle manière réduire les bases sociales de ces
politiques et comment aller au delà sans revenir en arrière dans la
construction d un public qui soit commun).
7) que le refus pur et simple de la reforme est corporatiste: il n a
comme horizon que la Conservation de la situation actuelle: a savoir
d un système de distribution de privilèges destiné a permettre une
base de reproduction de l Etat et des rapports de pouvoir qu il
défend. Voila pourquoi, les syndicats des fonctionnaires de l
université se retrouvent à côté magistrats etc etc.
Ce n est pas une lutte pour défendre des acquis sociaux, mais des
privilèges hérités. On veut conserver les miettes que l Etat
(justement pour créer cet effet d illusion optique) a bien voulu
octroyer a des segments (les facs par exemple) ou a certains
travailleurs (qui touchent très peu, mais ont droit a ce système
privilégie de retraites…)
CE QUI EST ABERRANT, C’EST QUE POUR DEFENDRE CE QUI DEVRAIT ETRE UN
DROIT UNIVERSEL (droit a un revenu digne, droit aux retraites, droit
a l éducation etc etc) ON DEFENDE LES DISPOSITIFS QUI DETRUISENT CE
DROIT ET, PIRE, HYPOTEQUENT, DEPUIS DES SIECLES LE DEVELOPPEMENT DU
PAYS….
Venons en au cas (apparemment personnel) évoqué par Greta.

Laissons d a cote les questions sur le passage de prof a technicien
(je fais des commentaires dans le post scriptum car les choses ne
marchent pas comme ça dans les universités fédérales). Restons-en au
cas financier: il touche peu (eu Euro, bcp moins du calcul que fait
Greta: a peu pres 580 euros nets), mais au moins il a droit a la
sécurité de l emploi et a faire reconnaître le temps de travail dans
le prive et donc avoir sa retraite.
Greta ne comprend donc pas pourquoi moi j insiste a ne “faire aucune
différence entre les GROS avantages d’une minorité de travailleurs
publics des TRES PODERES (trois pouvoirs : justice,
exécutif, législatif) et les salaires et pensions des autres
travailleur”.
Mais ce raisonnement est biaisé et, enfin, cache une bonne dose de mauvaise foi.
8) mais pourquoi les travailleurs qui travaillent dans le prive, qui
gagnent la même chose (ou bcp moins !!!, cotisent au trésor public
etc etc.) n ont pas droit a qq chose de semblable (sans compter la
sécurité de l emploi) ?????
9) la majorité des brésiliens qui ont un emploi formel gagnent bcp
moins que ça, sans compter que 50 % du marche du travail brésilien
est informel et le taux de chômage cache est énorme ! Ce qu il faut
proposer c est un système effectivement universel et la retraite est
une forme de revenu universel.
10) peu importe qu ensuite se multiplient les phénomènes comme les
cas suivants:
– un prof travaille dans le prive pendant toute sa carrière
académique et gagne bien plus que s il travaillait dans le public.
Quand il manque qqs années a la retraite, passe un concours et
devient, par exemple, titulaire d une fédérale. Fait reconnaître ses
années de travail dans le prive et prend sa retraite intégrale et
paritaire. Quand c était un des économistes neo-liberaux de FHC
(bacha), tous les syndicats ont dénoncé. Mais c’est une pratique
courante !!!!
– autre cas très répandu: un prof. assistant (sans doctorat) prend un
conge paye pour faire son doctorat (parfois a l étranger). Apres 4 –
parfois on arrive a 5 voire 6 ans – voila la thèse pondue et le prof.
revient as ses activités. Mais, tout de suite, il fait reconnaître
cette période, la période de sa formation, ses différents conges
sabbatiques etc etc et le voila prêt pour se mettre a service de la
communauté qui a généreusement paye sa qualification: il prend sa
retraite. Bien sur, il est toujours dispo a travailler, moyennant un
autre concours, éventuellement dans la même fac d ou il vient de
prendre sa retraite (ce qui va doubler son salaire).
etc etc.

MAIS QUI PAYE TOUT CA ???
Le 50 % des informels, des sans droits !
La dette n est pas seulement énorme, elle improductive (la question
n est pas de ne pas faire du déficit – ça c est le FMI – c’est de le
faire pourquoi et pour qui !) car elle ne va jamais engendrer les
ressources qui peuvent permettre de la payer!
La dette est doublement improductive:
– parce que elle multiplie et maintien l inégalité
– parce que elle reproduit des rapports de pouvoir qui excluent la
grande majorité de la population. Voyons un exemple évident de tout
ça, l’UFRJ (la fédérale de Rio):
3.300 profs + 12.000 fonctionnaires pour environ 30.000 étudiants
(si on compte l évasion, 22.000). Ca veut dire quoi ? Que, en plus,
ces privilèges ne sont même pas le gage d une mobilisation pour la
popularisation de l accès et de la production de la
connaissance……On pleure sur le manque d’effectifs mais on les
justifie sur la base du nombre de disciplines et non pas sur le
nombre d élèves !!!!!!!!
Entre temps, tous les jours, nous avons sous les yeux une situation
de guerre (cf. les nouvelles du front que je donnais il y a qqs
jours)…

PS: au Brésil on rentre a la FAC par concours public (et ça marche
mieux qu en France du point de vue de la transparence). Donc si ton
mec n a pas retrouve son poste, c est qu il n était pas parti avec un
conge (sans ou avec solde) mais avait quitte son emploi et en
revenant il n y avait pas de concours.
PS1: c est faux de dire qu un prof au Brésil (dans le public) gagne
très peu (c est peu si on fait une comparaison avec l Europe en
fonction du taux de change). Mais c est quand même pas mal par
rapport a la richesse du pays (je veux dire très concrètement qu il
se trouve parmi les 10 a 20 % les plus riches du pays!!!!). C est
quand même curieux que les mêmes personnes qui disent que Lula
devrait faire défaut ne veuillent pas admettre qu ils gagnent pas
mal. Mais vous croyez quoi ? Si on appliquait les recettes de
certains conseillers du MST ou de certains économistes, les valeurs
monétaires de nos salaires n auraient aucun sens: je suis certain que
90% des grévistes contre la reforme participeraient des mouvements
sociaux du même type que ceux qui réclament le départ de Chavez…
PS2: c est faux de dire qu il ne peut pas voyager. Il a au moins
trois options pour financer ses voyages a l étranger ou au Brésil: le
CNPQ, la CAPES et les institutions des Etat federes. Sans compter les
financements publics qui permettent a presque toutes les associations
de disciplines ou interdisciplinaires d organiser des symposium
annuels ou biannuels avec financements a la clés des passages….

Akis :

J’avoue ne pas avoir la moindre idée sur la situation exacte au Brésil. Mais,
si quelqu’un me dit que, dans n’importe quel pays, les retraité(e)s du secteur
public sont dans une position meilleure que ceux/celles du secteur privé,
(comme c’est souvent le cas, d’ailleurs), moi je dirais qu’il faut reformer LE
PRIVE pour l’amener au même niveau que le public, et non pas éliminer les
éventuels avantages de celui-ci.

Beppo :

Il ne s’agit pas d une situation meilleure, génériquement
privilégiée, il s agit d une situation scandaleuse d une chose qui s’appelle publique mais qui en fait est étatique et participe très
précisément du processus d appropriation privée de ce qui devrait
être public.
JE REPETE,
900.000 FONCTIONNAIRES retraites RECOIVENT 2,3% du PIB
20.000.000 de RETRAités du prive reçoivent 1,3% du PIB.
(sans compter le coûts des fonctionnaires des états fédérés)
AVANT LA PRIVATISATION DES TELECOMS
UNE LIGNE DE TELEPHONE FIXE COUTAIT PLUS CHER QU UN ORDINNATEUR !!!!!

Akis :

Je pense que ces arguments n’ajoutent vraiment rien; ils ne conduisent qu’à la
même conclusion qu’avant, à savoir, qu’un groupe de travailleurs est dans une
position meilleure qu’un autre groupe. Substituer le terme moraliste
“scandaleuse” au terme “meilleure” ne change pas grand’chose, de mon avis.
Dire qu’il faut améliorer la position du deuxième groupe n’est pas très
original, je l’admets; mais dire l’inverse n’est pas plus original.
En Grèce, chaque fois qu’on avait des grèves et des
revendications, le patronat et le gouvernement parlaient toujours de
“privilèges scandaleux” de ceux qui les organisaient, pour les isoler de la
solidarité des autres travailleurs et mettre les uns contre les autres. Donc je
suis assez réservé vis-à-vis de tels arguments.

Beppo :

Je ne comprends pas pourquoi la réserve n empêche pas l émission d
une solution passe partout: reformer la retraite du secteur prive pour
l amener au niveau du public et du coup l application au Brésil des
sensations que l on avait, dans ce cas, en Grèce.
Je comprends encore moins lorsqu on ne sait quoi dire de la dette et
d une chose qui s appelle contrainte extérieure.
Encore moins l abstention dans l analyse des rapports entre la
structure des dépenses publiques et la production et le maintient des
rapports de pouvoir: d une chose qui s appelle ETAT. Voyons, les
dépenses pour la police, les centre de rétention des immigres, les
prisons, les retraites des députés, les subventions aux
agriculteurs… sont des dépenses publiques, ou non ????
C est pas pour ça qu on ne peut pas les critiquer ?????
Le Brésil est pris dans une tenaille.
Dette et taux d intérêts.

Vincent :

Beppo : bien comprendre ce que Akis, Jean ou moi-même essayons de
te dire. Quelque part, même si j’ai bien conscience que les conflits
sociaux dans un pays du Nord ne sont pas identiques que dans les Pays du
Sud en raison d’un contexte économique différent, il n’empêche que tes
propos récurrents sur les “privilèges” des fonctionnaires au regard de
la misère des personnes du secteur informel, ou des sans travail, ou des
analphabètes ne me semblent pas les bons arguments pour défendre ton
propre point de vue. Il y a selon moi une logique globale qui pousse, de l’Inde au Brésil, en passant par
la France et l’Autriche à, dans le même temps, casser la contestation et
promouvoir des politiques sociales dont le but n’est pas de rendre
égalitaire le système des pensions et de l’améliorer, mais bien de
casser les systèmes de retraite ou au moins faire des économies
dessus… Raffarin et ses ministres n’ont eu de cesse de proposer ce
type d’analyse auprès de l’opinion publique pour délégitimer l’action
syndicale des travailleurs du système public. Tu ne vas pas t’y mettre à
ton tour ???

Tatiana :

Je suis obligée d’intervenir puisque j’ai l’impression vraiment que
vous parlez de grève sans avoir la moindre idée de ce qu’est une
grève des fonctionnaires publiques au Brésil: il n’y a pas de grève!
Il s’agit d’une manipulation honteuse de la gauche traditionnelle,
élitiste, contre le projet de Lula, qui coupe autrement les rapports
des forces au Brésil. La majorité des profs des universités
publiques sont contre la grève….Mais on n’arrive pas à intervenir
dans les pratiques de la structure syndicale pour finir la grève.
Dans mon Université, qui a 3000 profs, la grève a été maintenue hier
par une assemblée qui a été manipulée pour entreprendre un
vote avec 30 personnes!!!!!
Quant aux juges : il n’y a que les
juges qui ne pensent qu’à l’entretien de leurs privilèges qui font
grève. Exemple concret: la grève est contre le toit de 13.000 reais
pour les juges régionaux. 13.000 reais est déjà une fortune ici!!!,
mais ils gagnent 20.000 actuellement. Les juges fédéraux ne font
pas de grève et sont contre les autres….

Vincent :

OK, si je comprends bien, il n’y a pas de grève (singulier déni), puis
des grévistes corporatistes, nantis, puis la manipulation, puis les
activités anti-grèves, carrément. Avant d’entrer en grève massivement,
on entendait les mêmes argumentations à propos des enseignants en France
qui dès le mois d’octobre s’opposaient aux projets de décentralisation,
de suppression des maîtres d’internat/assistants d’éducation, de
suppression des emplois-jeunes et de réforme des retraites…
Je crois de plus en plus qu’on assiste simplement de la part des
partisans de Lula, dont tu sembles faire partie, à un effet panique de
voir leur chef charismatique débordé par un conflit social. Et pour tout
te dire, l’effet Lula me fait penser à l’effet Walesa: grosse côte
internationale au début, côté “tendance” du syndicaliste au grand coeur
qui arrive au pouvoir, et au final, un immonde réac catholique qui
faisait la gigue avec Jean-Paul II, qui c’est bien connu, est un grand
progressiste et un révolutionnaire patenté.

Beppo :

Vincent, Je ne peux que continuer a constater que toi (et bcp d autres) tu
continues a utiliser les mêmes schémas.
Tu dis, oui, oui je comprends…. mais en fait c est la même
chose….en Autriche en France et au Brésil…
Et ben, non !!! Non !!!! Et non !!!!!!!!
Comme ce serait simple si c était la même chose.
La question c est pas de savoir qu il y a un grand méchant loup (le
FMi e tutti quanti), mais comment on peut le chopper et pourquoi,
malgré la fin du projet neo-lib., ses politiques continuent, y
compris avec et malgré Lula.

Mais tu ne veux y voir que ce que tu avais déjà dans ta tête, j y
peux vraiment rien…..car je pense qu en réalité ce tu voulais faire
des le départ c était renforcer ton analyse de ce qui se passe en
Europe et ce qui se passe au Brésil c est gênant ( d ailleurs,
personne ne commente les vraies questions et les contradictions qu’elles posent: la dette, les subventions aux agriculteurs, les
ambiguïtés de certaine pratiques syndicales qui – au fond – évitent
tjrs la question du revenu universel… ).

Enfin, que ce que tu dis sur les juges, la banque centrale et leur
grève est simplement ridicule, je te le dis avec toute sincérité. On
dirait que tu vis dans la lune…..
Ce sont les juges qui non seulement font grève, mais font de menaces
de crise institutionnelle: il défendent le droit de ne pas avoir de
limites sur ce qu ils gagnent et ils gagnent qq chose comme 20.000
reais par mois (cela signifie 7.000 euros). On est au Brésil… Mais
qui est ce qui paye tout ça ??????? La dette, une dette improductive
que personne ne payera et qui se transformera en quoi: des taux d
intérêts astronomique que toute la société payera.
Mon chéri, le secteur informel représente 50 % (as tu une idée de que
cela signifie ????????) de la population économiquement active (as tu
un idée du rapport entre population active et le total de la
population en age de travail???

Sans compter, enfin, la clivage gigantesque entre ce qu est le
fonctionnalisme en Europe et qu il est au Brésil ( c est a dire l
Etat) et que apparemment tu veux pas voir (c est de l apure idéologie,
très gentille, mais c est de l idéologie), je ne peux que constater
que toi (et les autres) vous refusez de voir le rapport entre l Etat,
sa hiérarchie, ses appareils et le pouvoir qui soutient cette société
brésilienne (mais aussi européenne: avec ses politiques de l
immigration).
CE N EST PAS VRAI QUE TOUT QUI EST ETATIQUE EST PUBLIQUE ET ENCORE
MOINS QUE TOUTE DEPENSE PUBLIQUE DOIT ETRE DEFENDUE EN QUE TELLE

Toi et les autres, ou bien vous défendez des questions de principe
idéologiques et, pire, a partir d un point de vue européen qui ne
saurait être mitige par les incursions exotiques dans la presse
étrangère ou bien, vous avez des compromis avec le corporatisme, y
compris européen, bcp plus importants de ce que vous voulez bien
reconnaître. Ce n est pas parce que la presse bourgeoise et les
patrons essayent de tout tâcher de corporatisme que, du coup, il n
existe pas.

Akis :

Et alors? Quel est le problème?
Tant mieux: le fait que des employés reçoivent un salaire digne qui leur permet
de vivre, est positif et non pas négatif pour le reste tes travailleurs, parce
qu’il constitue un précédent et un argument pour eux/elles; il leur permet d’en
revendiquer autant pour eux aussi. Par contre, si on commence à diminuer les
salaires, ceci donne le feu vert pour la diminution des salaires des moins
“privilégiés” aussi.
Les 20.000 que reçoivent les juges, ne sont pas volés, et ne sont pas ôtés du
reste des travailleurs ; ils sont versés par l’Etat. Le seul fait qu’un salaire
soit versé, sous le mode de production capitaliste, est preuve suffisante
-mieux, est la seule preuve possible- que ce salaire n’est pas excessif. Ce
n’est pas le boulot de la gauche -même « non traditionnelle », « non élitiste »
et tout ce que vous voulez- de parler de « salaires excessifs ». Laissons ça au
patronat.
Personne n’a pas dit qu’il faut défendre « tout ce qui est public ». Il faut
défendre tout ce qui permet aux gens de vivre mieux et dans la dignité, que
leur patron soit un capitaliste privé, (« formel » ou « informel »), ou le
capitaliste collectif qu’est l’Etat bourgeois.

Beppo :

Sans rentre dans le débat, puisqu on ne se comprend pas du tout (et
je dis même du tout: le capitalisme sans l ETAT NE MACRHE PAS MON
POTE).
(Heureusement que tu parles de moralisme: ta logique est une logique
complètement abstraite, elle na rien de politique: pas de rapports de
forces: que des principes, qui ne sauraient être que moraux,
justement).
Ce que les juges reçoivent n est pas vole. Mais les dividende non
plus ne sont pas voles, qu il s agisse de ceux de bill Gates ou des
retraites belges qui placent leurs épargnent sur des titres de la
dette brésilienne (et le sachant ou non).

Essayes d au moins de ne pas falsifier les choses:
– personne ne réduit le salaire de personne !
Il s agit d une reforme qui veut en finir avec la parité entre le
salaire des juges (dans ce cas) et leur retraite (intégralité) et les
cumuls des primes e tutti quanti.
Dis moi si en Belgique ou Grèce ou France il existe une telle parité !!!!!
Si c était pas le cas, on pourrait voir combien le système des
retraites d état au Brésil était plus avancé, car ici nous sommes
dans un pays très avancé en termes de conquêtes sociales, surtout
universelles.

Akis

Très bien. Tout à fait d’accord; je n’ai pas dit le contraire. Mais “Etat” ne
signifie pas “employés des services publics”. Donc si on en “finit avec la
parité entre le
salaire des juges et leur retraite”, ceci ne constitue pas vraiment un coup
contre l’Etat capitaliste, mais bien le contraire: un coup contre ses employés.

Tu dis :
« Ce que les juges reçoivent n est pas vole. Mais les dividende non
plus ne sont pas voles, qu il s agisse de ceux de bill Gates ou des
retraites belges qui placent leurs épargnent sur des titres de la
dette brésilienne (et le sachant ou non). »

Les dividendes sont du profit. Ce que les serviteurs publics touchent, c’est du
salaire. (C’est là une distinction assez politique, je pense).

Et puis :
« Il s agit d’une reforme qui veut en finir avec la parité entre le
salaire des juges (dans ce cas) et leur retraite (intégralité) »

Donc il s’agit d’une reforme néolibérale.

« Dis moi si en Belgique ou Grèce ou France il existe une telle parité !!!!! »

Malheureusement pas; mais je la trouveuneexcellente idée.
Le fait qu’elle n’existe pas ailleurs, n’est pas une raison de l’abolir là où
elle existe.

Beppo :

Je rêve ou Quoi ?
Alors Greta enclenche sur des questions plus générales (les
privatisations etc etc…ça c est pas spécifique du Brésil, on peu y
revenir), Akis répond avec une assurance aussi sure qu absurde.
Voyons voir, si les juges ne sont pas l Etat mais des employés, dis
mois ce qu est l Etat…c est qui ?
Et le pouvoir, alors la…. ah, mais oui, c est le méchant loup, le
capital. Mais c est qui le capital ???? Pas ses employés ???

Et les flics ? Il t es jamais arrive de mettre un pavé sur un peloton de CRS ?
Tu as attaqué les sacrés intérêts des employés de l Etat, pas l Etat !
Les étudiants de mai 68 étaient des petits bourgeois qui tabassaient
les employés de l Etat. Ces deniers, lorsqu ils demandent aux juges d
être sévères avec ceux qui attaquent leurs casquettes (voire
boucliers, voire aussi privilèges) sont souvent très écoutes !

ET dis moi, cher ami, c est quoi le néolibéralisme, le super méchant loup ?

Tatiana :

Akis et Vincent : Je n’ai pas donné l’argument sur les salaires des juges “sans
autres argumentations” comme vous dites, je n’ai pas pu me taire
face à l’argumentation de Vincent qui citait la grève des juges
comme un indice de la plausibilité de cette grève…..franchement!
Je voudrais donc montrer à quel point elle est absurde et
heureusement Greta a tout dit: un salaire de 20000 au Brésil
n’est pas digne!!!!!Et a tout a voir, en plus, avec les problèmes des
favelas….Et je n’en ai parlé sur la liste parce que, comme Greta,
je n’ai pas pu me taire face a une telle incompréhension de la
réalité d’ici…..D’ailleurs ce n’est pas la première fois: on a toujours
fait des incroyables illusions sur le Brésil!

Greta :

Le débat sur le Brésil devient ce que je craignais. J’avais espéré que nous
n’entrerions pas dans l’incompréhension, les reproches d’ethnocentrisme
etc…
Depuis un moment déjà je me demandais pourquoi Beppo me donnait l’impression
de ne pas être contre les privatisations, il me semble même qu’il l’a
exprimé dans un de ses mails.
Tout au long de nos échanges j’ai tenté de mettre en avant que les vrais
privilèges dans le secteur public concernent principalement les 3 pouvoirs
(judiciaire, exécutif et législatif) et qu’il était idiot de rendre
responsables les 3/4 des travailleurs du secteur public d’un soi-disant
déficit de la prévoyance, alors qu’il est clair que ce que veut le
gouvernement c’est privatiser à terme le système, ce qui est dans le seul
avantage de ceux qui baignent déjà dans le fric les banques et autres et qui
rencontre les diktats du FMI.
J’ai dit aussi, et cela a été mieux dit encore par Akis, qu’il n’était pas
intéressant de tirer la société vers le bas en diminuant les salaires et
pensions etc…

Il est de plus en plus difficile de croire que Lula va faire changer
les choses, va avoir une attitude radicale quant à sa mission première : le
social, soit parce qu’il ne parvient pas à trouver le moyen ou le courage de
sortir du piège FMI, ALCA et autres, soit parce qu’il a déjà abandonné et
qu’il ne fera que tenter de rester au pouvoir pendant les 4 ans de son
mandat. C’est triste, mais c’est classique quand on parvient au pouvoir.

Beppo :

Je suis contre TOUTE FORME DE PRIVATISATION.

Et il y en a deux, de privatisations possibles:
– par le contrôle de l Etat et de son appareil
– par le marché.

Les effets sont néfastes dans les deux cas et le capital passe de l’un a l’autre en fonction de la qualité du travail et de la coopération
qu il faut qu il capte et contrôle.

Face a ça, la question est: comment peut construire le public et faire
de manière que ce qui est public soit aussi en même temps commun ?
Liberté et égalité !!!!

Je me permets de vous renvoyer a mon article (mis sur la liste par
François) pour voir les mécanismes de privatisation par l Etat.

Vincent :

L’impopularité actuelle de Lula auprès des fonctionnaires est-elle une réaction de
privilégiés ? On voit bien que c’est sur ce thème que porte les
divergences dans les messages sur la liste… Contrairement à ce que
croit Beppo, je n’ai pas d’avis tranché là-dessus: je conteste
simplement les arguments faisant d’une contestation sociale n’allant pas
dans son sens pro-Lula un truc de réacs. Je n’ai jamais dit ni écrit que
ce qui se passe en Europe et dans les pays du sud était identique: mais
si Beppo pense qu’il s’agit d’une coïncidence en l’espace de quelques
semaines que de voir en Inde, au Brésil, en France et en Autriche
apparaître des réformes des systèmes de retraite et une contestation
sociale sur le sujet, alors je ne sais qui est le plus dans la lune
entre lui et moi.

Greta :

« On ne change jamais les choses en combattant la réalité existante.
Pour changer quelque chose, construisez un nouveau modèle qui rendra inutile
l’ancien.»
– Buckminster Fuller

Comme elle est vraie cette pensée ! N’est-ce pas ce que nous attendions après
l’élection de Lula, du PT. N’est-ce pas horrible ce qui se passe maintenant
entre des personnes qui luttaient ensemble avant l’arrivée de Lula au
pouvoir ? Nous étions TOUS pleins d’espoir. C’est d’ailleurs ce qui fait
TENIR le peuple brésilien depuis des siècles : l’ESPOIR. Tout en disant de
temps en temps une phrase que j’ai aussi entendue en Angola : « A vida é dura,
Nè. »

Durant mes années passées au Brésil, j’étais émerveillée par la force et la
conviction et aussi l’indignation de tous ceux qui m’entouraient. Je
participais avec eux aux multiples manifs, à des tas de mobilisations, dans
tous les domaines, j’ai vu et participé aux rassemblements des sem Teto, sem
Terra, sem Tudo, j’ai senti l’odeur particulière, un peu sucrée des gens qui
vivent sem Nada. Tous des gens formidables capables de se mobiliser devant
le parlement à Porto Alegre parce qu’on inondait leur terres et qu’on ne les
relogeait pas et ne leur donnait pas de terres ailleurs. J’ai participé
entre autres aux cours sur les droits de l’homme données aux policiers de
Porto Alegre afin qu’ils comprennent qu’une autre attitude envers les
habitants (les sans droits) était absolument nécessaire, qu’ils ne pouvaient
plus se comporter d’une manière violente parce qu’ils avaient un “petit
pouvoir”.
J’ai assisté à des scènes de flics en pleurs lors des ‘mises en scènes”
qu’ils devaient effectuer : certains “jouaient les flics, d’autres les
“pauvres”.

Qu’il est immense le travail accompli durant toutes ces années depuis la fin
de la dictature par les assoc, les syndicats, le PT et tous les autres
mouvements qui sont sortis de l’ombre depuis 1988 pour tenter de
conscientiser un maximum de gens, leur dire qu’ils ont des droits. Quel
travail aussi pour tenter d’en finir avec les privilèges, les corruptions et
autres mazellas.
Mais ce n’est pas en montant les gens les uns contre les autres que le
Brésil parviendra à sortir de cette situation qui perdure. Ca arrange bien
ceux qui ont toujours eu le pouvoir et les privilèges : “diviser pour
règner”. Vous feriez mieux d’adopter notre devise à nous les petits belges :
“l’Union fait la force” ( c’est pas la réalité ici mais bon….)

Probablement que toi et tes collègues qui nous ont écrit pensent que nous ne
comprenons rien, que nous ne savons rien sur le Brésil, ni la faim, ni la
merde des favellas, ni le Nordeste, que tout ça c’est exotique.
Ce n’est pas vrai et tu le sais.

Entre nous, j’ai vu Cidade de Deus et j’ai beaucoup aimé, la réalité est
comme elle est dans ce film. Mon fils, lui n’a jamais mis les pieds au
Brésil, mais il a tout compris. Bon c’est un poète, donc sensible, mais
cette sensibilité est universelle. Certains comprennent, d’autres pas. C’est
ainsi.

Tatiana :

Le ton de votre mail m’a motivée à donner suite à la discussion
parce que je pense qu’il touche à quelque chose qu’est vraiment
essentiel dans cette histoire.
Vous parles d’un projet de théâtre dans les prisions, pour discuter
des droits de l’homme avec des flics. Bien, je ne sais pas s’il s’agit
du même groupe mais il y a une ONG anglaise, coordonnée par
Paul Heritage, qui s’appelle People’s Palace, qui a beaucoup de
projets comme celui-là par tout le Brésil, ils travaillent dernièrement
avec le Théâtre de L’Opprimée. Eh bien, une personne très spéciale,
qui travaillait avec ce groupe, très proche de Paul et tous les
autres, vient d’être assassinée en sortant du travail dans une
prison d’ici. Et vous savez pourquoi? Parce que la voiture où il était
à freinée brusquement, le Monsieur de la voiture derrière est vite
sortie de la sienne et lui a fait deux coups de revolver dans le
visage….
Je vous raconte tout ça non pas pour expliquer ce qu’est le Brésil
en admettant que vous ne le savez pas, je vous le dis parce que je
ne vois pas d’espace dans votre mail pour la question suivante:

Quoi faire avec la rage?

Je n’arrive pas à m’engager dans un discours d’amour et d’espoir,
sincèrement, cela ne suffit pas: c’est le cri du coeur!

Beppo :

Greta la phrase que tu cites est tout a fait adéquate, mais encore une fois
dans le sens oppose.
Le désarrois de ceux qui ont vote Lula et maintenant découvrent qu il
n y avait pas de potion magique est justement la déception de ceux
qui, au lieu de penser et travailler a changer la réalité, pensent a
un modèle qu il faudrait appliquer pour substituer a la réalité une
autre. Il y aurait une transcendance.

Les critiques du néolibéralisme en tant que telles sont aussi
idéologiques et dangereuses (la situation actuelle de Lula le montre,
qu on aime ou pas ce qu il fait) que les modèles d ajustement des
neo-liberaux.
(Une fois pour toutes: moi – et Tatiana – ne disons pas ça pour
défendre coûte que coûte Lula. Ce n’est pas ça la question. Pas du tout).

Ca ne sert a rien de dire: ça c est neo-liberal, pas bon. Ce qu il faut voir, c’est comment on change ça. La preuve: nous sommes au milieu de la
crise du néolibéralisme (Bush, la guerre etc etc). Mais ce n est pas
pour ça qu on en sort automatiquement dans la bonne direction. Il n y
a pas de direction sans transformation. La direction est immanente a
la transformation.

Pourquoi la lutte ouvrière y compris la lutte salariale a été porteuse
d un changement ? Parce qu elle changeait les rapports sociaux et,
avec eux, la monnaie, la consommation, le travail….
Ce n était pas le principe de l anti-capitalisme, mais la production
de l égalité dans la liberté qui était puissant dans les années 1970.
Pensons a la révolution de revendiquer des augmentations salariales
égales pour tous en valeur !
Sans ces luttes qui transforment en conquérant, ce qu on a c’est
rien (la monnaie est tjrs la même : qu allons nous faire de nos
retraites si pour défendre la valeur de la monnaie il faut des taux d
intérêts aux étoiles – et donc la stagnation de le économie – et si
on le défendait pas elles s évaporeraient sous les coups de l
inflation – au tournant entre 2002 e 2003 elle avait atteint 50%).
Sans la production, par les luttes, d une subjectivité adéquate, qui
est ce qui décide quel est le bon modèle ? L état ? Le parti ? Les
corps sociaux ? Et lorsque il y a qq’un qui n est pas du même avis,
que fait on ? On l envoie en Sibérie ???? Je ne veux pas faire de la
provoc “barata”, mais le mécanisme est a peu près celui-la (et tous
ceux qui ont une expérience militante, n importe laquelle, savent
très bien comment ça marche, par la logique même des modèles et des
appareils qui les entretiennent).

Vincent, sans vouloir limiter ton plaisir de trancher (ce que je voulais dire
c était cette chose, que a un moment tu vas trancher) et, permets moi
de le dire, de pontifier sur le Brésil, le corporatisme ou non…..
réponds moi sur la France :
– une lutte des x ponts pour défendre le système de leur rémunération
est corporatiste ou non ?
– une lutte des profs qui ensuite se refusent de surnoter les élèves,
n est pas ambiguë ?
– la défense des statuts spécifiques (sacro-saints) comme les
retraites, les intermittents n échoue tjrs sur la question des
chômeurs, rmistes et des immigres et plus en général sur la qualité
générale et universelle du travail ???

Greta :

Hier, le gouvernement français a adopté la réforme des retraites en France.
Pendant les vacances évidemment…. Adoptée…
Tu réagis comme si tu n’étais pas conscient de ce qui se passe dans le
restant du monde. La politique suivie par Lula est exactement la même, elle
suit le même modèle : “Ces gens n’ont rien à voir avec les “escualidos” vénézuéliens et la défense des pensions des profs n’est pas la défense d’un privilège, mais un
mouvement de résistance contre une politique orchestrée au niveau mondial
par la gouvernance FMI/BM/OMC et en Europe par les institutions de l’UE (âge
de la retraite augmenté de cinq ans au Conseil européen de Barcelone,
offensive pour la privatisation des pensions…)”.
Comment pouvez-vous être aussi aveugles ? Tu es d’accord avec les fonds de
pension ? Si j’ai bien compris, les fonds de pensions qui devront être crées
au Brésil, seront “gérés” par les banques. Pourquoi les travailleurs du
public (et du privé) devraient-ils faire confiance à un système qui a déjà
prouvé son inefficacité et sa dangerosité (ex : ENRON et autres). Ils savent
très bien que leur fond de pension pourra être “capté” pour payer la dette
et enrichira encore les banques. Et ils ont raison car la transparence n’est
pas, c’est le moins qu’on puisse dire, une des qualités des gouvts
brésiliens…

> Les critiques du néolibéralisme (…). La direction est immanente a
> la transformation.

Apparemment TOI tu SAIS comment on change ça. Ce que tu préconises c’est
l’allocation universelle ? Moi je suis absolument pour, mais bonne chance
pour y parvenir. Les gouvernements non occidentaux ne parviennent même pas à
dire MERDE à la dette, alors que ce serait tout à fait légitime.

En attendant la direction prise par le gouvt Lula n’est absolument pas une
transformation, elle poursuit ce qu’a commencé le gouvt de FHC. Et le
comble, elle s’attaque d’abord à ses propres travailleurs au lieu de
s’attaquer d’abord p ex à ce qui rend exsangue la plupart des pays non
occidentaux : la dette. Ca ce serait un changement de direction, une
“transformation”.
Puisque tu as accès aux chiffres, je suis curieuse de connaître le nombre de
travailleurs du public qui gagnent plus de 10.000 reais. (Tatiana va encore
dire que c’est indécent). Je m’en tape de ceux qui veulent faire grève alors
qu’ils gagnent 20.000 reais, ils sont une minorité et là effectivement le
gouvt n’a qu’à imposer le Teto. Mais mon petit doigt me dit que CA ils
n’osent pas le faire. Alors QUI est lâche dans cette histoire, qui ne VEUT
pas de transformation !
Crise du neolib ? On est en plein dans les réformes qui pleuvent de tous les
côtés, la convention européenne (qui n’est pas un modèle pour la justice
sociale), l’augmentation de la pauvreté partout. Crise du neolib ???? On
n’est pas au bout de nos peines, je peux te l’assurer.

> Pourquoi la (…) en valeur !

On en est bien loin, plus question de lutte salariale ni de revendiquer des
augmentations salariales égales pour tous en valeur, CA C’EST LA REALITE
PARTOUT DANS LE MONDE. Et toi tu veux enlever aux travailleurs du public ce
qu’ils ont, au nom de l’égalité. “Soyez égaux dans la pauvreté”, ça c’est le
credo des neolibs ! hahahaha.

> Sans ces luttes (…) modeles et des
> appareils qui les entretiennent.

Ben justement, puisqu’il y est Lula à l’Etat, qu’il commence par ne pas
exclure (envoyer en Sibérie) de son propre parti ceux qui résistent, Heloïsa
etc, qu’il commence par la lutte qui transforme en conquérant la
souveraineté du Brésil, en refusant le diktat du FMI et consort, en ralliant
tous les pays du Mercosul autour de ce projet, en refusant de négocier
l’ALCA etc etc.

Que faire avec la rage ? C’est bien cela aussi la question. Mais les raisons
de la rage sont là depuis des lunes et qu’est-ce qu’elles ont produit ? Les
luttes, les mouvements, les assoc etc… Tout ce que je dis ci-dessus.
Pourquoi ne pas continuer dans ce sens ? Ce que d’ailleurs ceux qui ont voté
pour Lula attendaient : un gouvernement qui perpétuerait ces luttes.
Et que va produire la rage maintenant ? Monter les gens, pas les grands
privilégiés, les uns contre les autres. C’est malin !!!! Au grand bénéfice
de ceux qui n’attendent que cela.

Juan Domingo :

Gagner les élections à tout prix: tel aurait été le pari de Lula. Or le prix
devient extrêmement lourd pour son propre électorat. A remarquer que les
critiques contre Lula ne portent pas contre les mesures “progressistes” du
gouvernement, qui, elles, se font toujours attendre, mais contre
l’orthodoxie néolibérale qu’il pratique. Ce n’est pas du tout le Venezuela
de Chávez, mais plutôt l’Espagne de Felipe González qui se profile là-bas.
Quant aux “privilèges” des fonctionnaires, Thatcher et Reagan avaient déjà
employé ce même argumentaire. Il serait naïf de l’accepter quand il provient
de la “gauche”.

Beppo :

Lula représentait (pour
bcp de monde) la solution, un nouveau modèle, la potion
magique, le lider maximo.

Je travaille dans une institution (universitaire) complètement
dominée par cette sorte d idéologisme messianique, stupide et surtout
AVEUGLE: le fait de dire (comme j essayais de faire) que Lula n’allait pas tout changer, que l état est en crise non pas a cause des
neo-liberaux mais la crise de l état est la cause de la force des
neo-liberaux, que la mondialisation avait des éléments irréversibles,
que les choses n allaient pas changer aussi vite car les rapports de
forces sociaux qui caractérisent la société brésilienne – d ou la
rage – ne changeraient pas par l enchantement d une élection …

Quelle surprise ! Qqs semaines seulement après l élection de Lula,
les mêmes inconditionnels idéologiques (Emir Sader ne le faisait pas
publiquement mais par des circuits internes) décrétaient que Lula était
un traître a la cause. Au départ ils ont essaye de dire que Lula
était victime de Palocci (le ministre du Trésor) et après ils disent
que c est vraiment lula. Que des débats organisés, tjrs par les mêmes
qui avant appuyaient Lula et qui maintenant le condamnent sans appel.
Et nous voila, le fait de dire que Lula n est pas un magicien, que
les élections ne changent pas en soi les rapports de forces, que la
question de la contrainte externe est plus complexe…de dire même,
“regardez qu on l avait dit, ça va pas changer aussi vite… la crise
de l état est la pour durer longtemps “….nous voila accuses de
complicité avec Lula (leur candidat d’il y a qqs mois) et, encore
une fois, on est des neo-liberaux (ça rappelle bcp les pratiques
staliniennes, si t avais un doute, tu étais le complice du
capitalisme du fascisme et je ne sais quoi.. Voila la Sibérie pour
toi ou directo le peloton).

Naturellement, ces gens là continuent a discuter (maintenant contre
Lula) entre eux. Pas le moindre doute de dire, bon si on a appuyé un
candidat qui nous déçoit autant en seulement qqs mois, on s est
trompé, on vous a trompé !! La même assurance sur Chavez. Tjrs le
messie, le modèle, le lider maximo a suivre aveuglement. C est Chavez
et pas lula. Peut être bien… mais c est pas la question (je le
disais, c est pas un match de foot).

Quand je vous dis corporatisme, je vais vous joindre (en portugais), un extrait d un mail très
violent qui m a été adresse personnellement par un collègue,
apparemment outré par ma position contre la grève actuelle des profs
et pour ne pas être contre la reforme des retraites (ce qui ne veut
pas dire que je suis pour CETTE reforme).

Apres des longues références personnelles “mafiose” et “maldosas”,
voila le fond intime du système qu il défend:

“Quanto as lutas corporativas, sempre foi simples: quem e contra, se recuse a receber
os ganhos de greve. Coisas que nunca os contra fizeram. Quer
trabalhar mais tempo e ganhar menos, quem te impede? Quem te impede
de recusar parte do salario na aposentadoria? Ha sempre a
possibilidade de fazer doacoes, como a Xuxa”.

La traduction du sens est, touche pas a mon intérêt personnel sinon je touche au tien. Mais
c est exactement le même raisonnement que font les propriétaires
fonciers (os fazendeiros), ceux qui ne veulent pas payer plus d’impôts…..CE QUI VEULENT CONSERVER UN SYSTEME NON PAS CONQUIS PAR
LES LUTTES MAIS BATI (pour parler seulement de l histoire récente)
PAR LES MILITAIRES, de la même manière que, en Belgique France ou
ailleurs on veut bien dire (dans la presse) que Lula est un vendu au
FMI et aux amerlocs, mais on ne saurait attaquer les intérêts de ceux
(in primis les états, mais pas seulement) qui ont un crédit sur le
Brésil et le tiers monde, de ceux qui continuent a fermer les
frontières des marches agricoles et a continuer (sous d autres
formes) a renouveler l’héritage de l’esclavagisme…

PS: Cher Akis, dans la mesure ou le capital est un rapport social il
faut voir comment on change les rapports de forces et de pouvoir qui
le constituent et le reproduisent et ça ne sert a rien (au
contraire) d appeler pour un modèle manichéen auto proclamé plus
juste. De la même manière que, pour moi étudiant, certains profs
représentaient le pouvoir, les chefs représentait le pouvoir pour les
ouvriers: et une des grandes conquêtes des luttes égalitaires issues
de 68 (69 en Italie), lutte autonomes (contre et au delà des
syndicats) a été justement de réduire le « spread » entre les salaires
(privilégiés) des chefs, des contremaîtres et les salaires ouvriers.
Quand les sans droit se sont lancés contre le début des politiques
neo-liberale (en 1977, en Italie), ce sont les syndicats des
travailleurs qui ont ouvert le chemin a ces politiques et quand ils n
arrivaient pas a venir a bout de la résistance des informels, des
étudiants chômeurs, des jeunes désœuvrés, ils ont appelé la police,
les juges et les journalistes qui, avec leurs bons salaires (payes
par nous) nous ont mis tous en cage !!! Voila, mon cher ami pourquoi
je ne suis pas du tout, PAS DU TOUT, de ton avis sur les employés de l’Etat (et toute sorte de larbin).

Greta :

Mon cher Beppo, tu sembles oublier le discours d’intronisation de Lula durant lequel il
criait haut et fort que l’assemblée nationale était l’assemblée du Peuple et
qu’elle serait toujours ouverte au Peuple. Le Peuple l’a pris au mot. Voilà
tout.

Quelqu’un que j’apprécie et qui se reconnaîtra m’a dit ceci :

” Donc la question du problème de la distance à l’Etat, comme on dit dans
le jargon, m’apparaît très concrètement dans ce que vous dites.
Bien sûr l’Etat est une condensation de rapports de force mais c’est une
sorte de gestionnaire spécifique, pas un reflet.
Comme le dit un certain Marx : il est une partie autonome du tout dont il
prétend être la représentation générale, et cette partie développe ses
propres contraintes et surtout sa logique de reproduction propre au niveau
mondial et dans les rapports entre les états et de la gestion du capital.”

Lula et son gouvt, maintenant qu’ils sont au pouvoir et qu’ils
font partie de ces “privilégiés” n’ont absolument pas la volonté d’affronter
les néolibéraux brésiliens, c’est à dire les grands propriétaires, les
grands entrepreneurs, LES MEDIAS qui sont tous à leur botte, ceux qui ont la
force (du fric) comme tu le dis si bien et qui sont représentés au Congrès.

Ta phrase :”L’état est en crise, non pas a cause des neo-liberaux mais la
crise de l’état est la cause de la force des neo-liberaux.” Pour moi c’est
chou vert et vert chou.

Je re-cite la personne que j’apprécie et qui se reconnaîtra :
“Vous partez du point d’une subjectivation politique et de ce que les gens
peuvent contraindre l’Etat ou les autres Etats à faire, et pas de la
“nécessité dite objective” de céder aux instances mondiales et autres.
Aussi le constat que plus tu cèdes moins on a de raison de t’épargner.
Logique imparable du FMI et de la dette.”

On ne demandait à Lula qu’une chose après les élections : mettre en place un
gouvernement qui ne cède pas, qui change les rapports de force par des
mesures qui ne feraient certainement pas plaisir aux neolib, qu’il enlève de
la force aux néolibéraux brésiliens, à tous ces véritables privilégiés.
Evidemment il sait que dans ce cas là il aurait eu intérêt à porter un
gilet pare-balles parce qu’au Brésil (et ailleurs aussi d’ailleurs) on
assassine pour un oui ou pour un non (cf. Tancredes).
Evidemment, il n’aurait peut-être pas eu non plus le soutien de l’armée
comme Chavez. Problème …. L’armée.
Lula sait probablement qu’il risque le bordel intégral parce que la minorité
des privilégiés ont toujours eu le dessus au Brésil. 2/3 versus 1/3 au
Congrès, je l’ai déjà dit. Alors, oui il trahit, c’est plus confortable.
Après moi les mouches….

Jean :

J’ai écrit en janvier 2003 “Le Brésil devant l’illusion du pouvoir”. Je pose des questions simples, et un diagnostic : Lula ne peut réformer la société brésilienne mais il
peut, peut-être, lui faire accepter des réformes imposées par le FMI.
Analogie, uniquement sur ce point, avec la présidence de Mitterrand à
partir de 1983 et qui est tout l’objet de la contestation.

Je ne soutiens pas les grévistes brésiliens et leurs “privilèges”. Je ne
vois pas, du côté de Lula, une dynamique des réformes, seulement un
équilibre des comptes, la nécessité de durer. Il me semble que presque
toujours, lorsque la gauche est au pouvoir et que “Robin des bois
travaille pour le Roi”, on prend spontanément le point de vue du pouvoir
au lieu rester dans une position d’initiative, de résistance et de
contestation. C’est cela qu’il faut interroger. Moi je ne me prends pas
pour Lula et je ne prétends pas qu’un autre ferait mieux que lui à sa
place, je pense au contraire qu’il faut se délivrer de cette illusion et
qu’il faut que les populations s’organisent à la base plutôt que
d’attendre leur salut du sommet ou de se focaliser sur le financement
des retraites.

Il est certain que des revendications corporatistes dans le contexte des
inégalités brésiliennes c’est obscène, mais tout est un privilège même
de survivre ! En France aussi le corporatisme des différents mouvements
(retraite, lycées, intermittents) est insupportable au regard d’une
misère et d’une précarité qu’on a laissées se développer, même si ce
n’est pas du tout au même niveau. Seulement ce n’est pas aussi simple.
Il faut être suffisamment intéressé pour se bouger, être dérangé dans sa
vie, attaqué dans son revenu. L’important, c’est de bouger. Rien ne se
fait sans passion mais la ruse de la raison c’est, qu’à s’exprimer,
cette passion passe par la raison et s’universalise, se politise.
L’important c’est la prise de conscience des solidarités sociales que
permettent ces mouvements, ce n’est pas leur point de départ sordide
mais cela peut être leur point d’arrivée politique.
Admettons que les grévistes sont des salauds, et même que ce n’est
qu’une poignée d’asociaux sans aucune représentativité, voire quelques
syndicalistes attardés. Tout cela ne suffit pas à faire de la réforme
des retraites un projet de société, un espoir pour qui que ce soit.
C’est juste une mesure financière. De loin je trouve plutôt raisonnables
les mesures prises mais on ne peut dire que ce soit un progrès social et
je ne m’intéresse pas à la “gestion des populations”, les propositions
que je défends vont bien au-delà et même jusqu’à la suppression de la
retraite comme telle… Bien sûr on prétend à chaque fois qu’il faut
d’abord durer pour pouvoir changer les rapports sociaux et diminuer les
inégalités, mais on a le bâton jamais la carotte. La gauche doit passer
son temps à mériter la confiance des banquiers.
Surtout, je trouve que parler de l’égalité entre le public et le privé
cela ne veut rien dire. C’est ce qu’on nous a sorti pour les retraites.
Présenté ainsi, tout le monde réclame l’égalité mais c’est une arnaque.
Il n’y a pas d’égalité entre salariés, pas d’égalité entre entreprises,
comment pourrait-il y avoir une égalité entre public et privé ? On nous
livre en bouc émissaire les abus les plus notoires pour faire passer la
diminution de petites retraites en bien plus grand nombre. Certes c’est
déjà un privilège d’avoir une retraite mais c’est tout de même beaucoup
plus difficile de faire passer la diminution des petites retraites pour
un progrès social. On peut espérer que le thème de l’égalité en sorte
renforcé mais c’est plus qu’incertain, les véritables inégalités sont
bien ailleurs. Je veux bien que ce soit ces salauds de fonctionnaire qui
défendent ce régime mais on verra bien si ça change quoi que ce soit sur
ce point…
Encore une fois, je ne suis pas contre cette réforme. Je ne pense pas
que je serais parmi les grévistes si j’étais concerné mais je n’attends
aucun progrès de la lutte contre les inégalités grâce à ces mesures
d’ajustement monétaire et si j’avais cru à Lula, je serais bien
désappointé. Je persiste à croire que la présidence Lula n’est pas
positive pour les luttes des plus pauvres et la transformation du Brésil
mais encore une fois, je serais ravi d’être démenti par les faits.

Beppo :

Personne n a commente les données relatives a l’inégalité dans les
retraites et dans la distribution du revenu.
D’après l’IPEA (institut public de statistique et analyse
économique), être riche au Brésil signifie gagner plus de 2.200 Reais
p/tête d habitant (données 1999). Il s agit de 1% de la population
(1.700.000) face a 170.000.000 !!!!!!!!
Si on qualifie de néolibéral la proposition de faire un seuil, dans
la reforme des retraites publiques (qui coûtent pour même pas un
million de personnes presque deux fois ce que coûtent les retraites
des 20 millions qui sont issus du secteur prive), pour faire de
manière que a partir de 2.400 par mois l intégralité doit être
assurée par un fond de pension, je me dis : C EST PAS LE FMI, C EST
LA STRUCTURE SOCIALE NEO-ESCLAVAGISTE QU IL FAUT COMBATTRE POUR
COMBATTRE AUSSI (et de manière efficace) LE FMI.
PORQUOI, EN APPLIQUANT AU BRESIL LES SCHEMA EUROPEENS, ON CONTINUE A
DIRE QU IL FAUT CONSERVER CETTE STRUCTURE POUR COMBATTRE LE FMI ????
Je ne le sais pas !
Mais c est ce que vous finissez par dire !!!!!

Cher Jean Zin, il y a plein de choses que tu dis (ci-dessous) que je
partage. Il est ou le pb ?
Moi je ne le vois pas.

Ce que je vois, par contre:
– les limites (actuelles et/ou annoncées du gvt Lula) ne sauront pas
être appréhendées en fonction de cette reforme, au contraire.
– la critique doit éviter de faire la même opération (mi naïve et mi
stupide) de ceux qui disaient -avant l élection – que Lula était le
messie et maintenant l’ont déjà crucifie (et ils sont du coup
repartis a la recherche d un nouveau: Greta qui ne peut pas rester
sans cette figure l’a déjà trouve: c est CHAVEZ).

IL FAUT JUSTEMENT SE CONCENTRER POUR VOIR CE QUE LULA VA FAIRE DE
CETTE REFORME:
– CE QUE LULA FERA AVEC LA STABILISATION (politique monétaire et
politiques sociales et rapport avec les mouvements).
Reformes agraire, accès à la propriété dans les favela, accès aux
universités pour les noirs et les pauvres….DISTRIBUTION DE REVENU
SOUS TOUTES LES FORMES ET DES MANIERES LES PLUS UNIVERSELLES !!!
C est la qu il faut concentrer les forces et la critique !!!!!!!!!!

Une dernière chose:
– quand on parle d inégalité et de souffrance au Brésil on a
tendance a oublier (ou a méconnaître) les caractéristiques de cette
société. Les références qu on fait a nos expériences quotidiennes ne
sont pas mobilisées pour faire taire ceux qui vivent ailleurs, mais
au contraire pour essayer de les plonger dans cette matérialise selon
des modes qui ne soient pas simplistes et/ou idéologiques.
Quand mon copain Frédéric (prof. français de géographie a l UFRJ va
faire cours il faut qu il fasse attention a sortir avant 17:00 car le
campus devient une zone de guerre. Pour Tatiana c est la même chose
et ca dure depuis des mois. Quand les copains de l’Afro reggae (avec
qui on essaye de faire de la politique transversale: poser la
question de l accès des pauvres a l université dite publique) ils
nous racontent que chez eux, l autre jours (pas il y un siècle) les
trafiquants d une autre favela sont rentres, ont ratisse la favela,
tue au moins (on sait pas combien) 11 jeunes trafiquants (qui ont
autour de 17,18,19 ans)….et que, si les flics n arrivaient pas ils
les auraient horriblement mutiles…et que leurs propres militants
avaient été ratisses et ont passe des dizaines de minutes pour savoir
s ils allaient mourir ou non, être terriblement tortures etc.
etc….vous savez, c est difficile de penser la politique de la même
manière qu on l a tjrs fait (je parles de moi: moi je suis absolument
bouleverse … et ce que je ressens c est leur volonté (des jeunes
noirs des favelas) de s en sortir, d aller a la fac, de dire qu être
noir est un atout et non pas la marque de l exploitation sauvage que
cette société n arrête pas de REPRODUIRE……).
Je ne dis pas ça pour te dire “tu ne peux parler du brésil”. Je te
dis ça pour que te faire partager ma petite “erlebniss” (mon PETIT
vécu)….L inégalité est d un niveau dramatique, littéralement
insupportable.
Comment faire comprendre ça ?
Je ne sais pas…

Vincent :

Beppo, autant te dire que j’approuve les remarques de Jean qui pointe pas mal de tes
ambiguïtés, et je te rappelle que lorsque j’ai évoqué ce qui se passait
au Brésil (relis les archives), d’où est sortie cette discussion,
c’était justement dans une attitude ouverte de recherche de
compréhension d’un phénomène qui me semble important. Or tu me renvoies
une image faussée de la démarche même de cette discussion dès le départ
en accusant à tort et à travers les autres contributeurs de faire de
l’idéologie pour l’idéologie. Et ça finit dans ton dernier message “je
ne comprends pas que vous ne comprenez pas”. (…)
Je crois bien que tu te fourvoies en ne voyant dans les objections de
certains colistiers que des schémas européens décalés et plaqués sur une
réalité que nous ne pourrions et que nous ne saurions connaître, ce qui
est très, très léger. Si un dialogue de sourds s’instaure, c’est bien
parce que tu te refuses obstinément à entendre ce que l’on te dit. (…)
La défense des statuts n’est pas antinomique avec une
revendication/action permanente permettant d’instaurer un revenu minimal
universel pour les “Sans”. Pourquoi continuer à mettre artificiellement
dos à dos des gentils prolos et des méchants fonctionnaires, crispés
sur leurs statuts. En plus une part non négligeable des travailleurs de
l’enseignement, à travers plusieurs dispositifs, n’ont pas un statut de
fonctionnaire, faudrait pas non plus l’oublier, puisque leur situation
rappelle celle des intermittents. Mais, à te lire, on comprend
que tu veux dire aussi que la lutte des intermittents est corporatiste. ..

Beppo :

Ma réponse jean était bcp plus articule de ce que tu veux bien
retenir et, a mon sens, élimine toute insinuation ( qu il a fait)
sur les questions d autorité pour parler d un pays ou de l autre: je
persiste (peut être je me trompe), il ne faut pas penser la reforme
des retraites publiques comme l application des politiques du FMI et
appliquer des schémas européens….
Je notes, encore une fois, que tu ne peux pas commenter les données
brutes de qu est l inégalité au Brésil.
Moi je ne fais (ET JE N AI PAS FAIT) aucun anti-syndicalisme: je
critique cette greve (j ai ma carte au syndicat qui la mene), j ai
été à la CFDT quand j étais employé des services à Paris et délègué
du personnel quand j étais dans un bureaux d’études (tjrs a Paris).
Je critique cette grève et un certain syndicalisme (qui d ailleurs,
encore une fois) ne se compare pas a la France.
D ailleurs j ai insiste sur le fait que la CUT a une position bien
différente des fédérations des fonctionnaires. Si on a pris position
contre cette grève (voir les motions qu on vous a envoyées)
publiquement c est que l on pense que le syndicat doit articuler une
autre perspective: je la répète: IL NE FAUT PAS COMBATTRE LE FMI POUR
CONSERVER CETTE SOCIETE ( c est justement le cas du “mauvais”
syndicat que tu indiques ci-dessous), MAIL IL FAUT TRAMSFORMER CETTE
SOCIETE -INEGALE, INJUSTE, TERRIBLE – POUR COMBATTRE LE FMI ET TOUTES
LES FORMES DE CONTRAINTE EXTERIEURE: dans un pays continental comme
le Brésil, il n y aurait pas de contrainte extérieure aussi puissante
sans sa généalogie endogène, PROFONDEMENT LIEE A LA REPRODUCTION D
UNE SOCIETE RACISTE ET NEO-ESCLAVAGISTE.
3) sur la France, je vais revenir.
Ma question, qui est une provocation, est la suivante: depuis les
années 1980 les politique néolibérales se multiplient. Des
mouvements successifs de résistance (1986, 1994,1995 et j en oublie)
ont brise les vagues néolibérales qui se sont tjrs reformées. Dans
cette dynamique, les politiques néolibérales reviennent tjrs et les
statuts d un travail qui est de plus en plus socialise, se
multiplient au lieu de se généraliser. Face a cette multiplication
des statuts, on ne saurait pas oublier le fait que d autres statuts,
privilégies, se perpétuent: ceux des retraites des députés, des x et
ponts (je parles des énarques, polytechniciens, ponts et chaussées et
tutti quanti). entre temps, après l’offensive contre les
intermittents d il y a au moins dix ans, on y revient, mais les
chômeurs sont tjrs au RMI, les immigres sans papiers etc. etc.: CE QUE
JE VEUX DIRE, CE N EST PAS QUE LES LUTTES SONT “DES MAUVAISES”
LUTTES, mais que si elles ne produisent pas un nouvel élan d’universalisation des statuts elles se feront bouffer (même en France)
par des politiques néolibérales qui, en plus, n’ont plus d’élan. JE
NE SAIS COMMENT LE FAIRE, MAIS JE SUIS CONVAINCU QUE CA PASSE PAR
CETTE PORTE ETROITE…..
Quand est ce qu’AC aura assez de force ? Quand est ce que les
chômeurs auront leur siège dans les Assedic ? Quand est ce qu on
mettra en question la noblesse d Etat ???