Archives par mot-clé : numéro

Les routes euro-méditerranéennes discrètes de l’exode moyen-oriental, par

Camp et campements, par , , et

Camps et campements
Des économies aux principes opposés

Les camps fournissent du travail forcé aux pouvoirs qui les constituent alors que les campements autogèrent des opportunités et des hasards productifs. L’article recense plusieurs cas actuels de camps de travail forcé dans le monde et plusieurs cas historiques d’enfermement de main-d’œuvre qualifiée, utilisée dans l’économie locale. Le recours actuel à l’internement de masse pour contrôler les migrations implique des grandes entreprises et des associations qui en emportent les marchés. Dans les campements au contraire les ressources matérielles mobilisées et monétaires sont limitées mais l’installation est dépendante de ressources sociales et relationnelles suffisantes. Les frontières entre les formes camp et campement, économie formelle et économie informelle sont poreuses, comme l’illustrent quelques exemples en région Île de France.

Camps and Encampments
Two Economies with Contrary Principles

Camps provide forced labor to the powers that institute them, while encampments self-manage productive opportunities and chance meetings. This article surveys several current cases of forced labor camps around the world, as well as several historical examples of locking up qualified workforce, exploited within a local economy. The current management of migrations by mass incarceration involves large firms and associations struggling to win new markets. In encampments, on the other hand, the material and monetary resources mobilized are limited, but the installation depends on available social and relational resources. The distinction between camps and encampments, formal and informal economies, are porous, as illustrated, with a few examples from the Paris region.

Pour un revenu d’existence de pollinisation contributive. Financé par une taxe pollen, par

Subjectivations computationnelles à l’erre numérique, par

La raison instrumentale, le capitalisme algorithmique et l’incomputable, par

La raison instrumentale, le capitalisme algorithmique et l’incomputable

La cognition algorithmique joue un rôle central dans le capitalisme contemporain. Depuis la rationalisation du travail industriel et des relations sociales jusqu’à la finance, les algorithmes fondent un nouveau mode de pensée et de contrôle. Dans cette phase du tout-machinique dans l’évolution du capitalisme numérique, il ne suffit plus de se mettre du côté de la théorie critique pour accuser la computation de réduire la pensée humaine à des opérations mécaniques. Comme le théoricien de l’information Gregory Chaitin l’a démontré ; l’incomputabilité et l’aléatoire doivent être conçus comme les conditions de bases de la computation. Si le technocapitalisme est contaminé par l’aléatoire computationnel et le chaos, la critique traditionnelle de la rationalité instrumentale doit elle aussi être remise en question : l’incomputable ne pleut plus être réduit au statut de contraire de la raison.

Instrumental Reason, Algorithmic Capitalism, and the Incomputable

Algorithmic cognition is central to today’s capitalism. From the rationalization of labor and social relations to the financial sector, algorithms are grounding a new mode of thought and control. Within the context of this all-machine phase transition of digital capitalism, it is no longer sufficient to side with the critical theory that accuses computation to be reducing human thought to mere mechanical operations. As information theorist Gregory Chaitin has demonstrated, incomputability and randomness are to be conceived as very condition of computation. If technocapitalism is infected by computational randomness and chaos, the traditional critique of instrumental rationality therefore also has to be put into question: the incomputable cannot be simply understood as being opposed to reason.

Le féminisme islamique et l’ambiguïté de l’engagement politique. « Le beau est affreux et l’affreux est beau », par

Le féminisme islamique et l’ambiguïté de l’engagement politique
« Le beau est affreux et l’affreux est beau »

L’ascension et la chute récentes de la loi islamiste en Égypte appellent une réflexion, non seulement sur le rôle social des idées féministes islamiques, mais aussi sur les raisons des changements politiques, ainsi que sur les questions d’opposition éthique et de principe. Mon approche de ce sujet ne reprend pas l’opposition habituelle entre laïc et islamique, ni la critique du libéralisme laïc, mais propose une critique de tout mouvement féministe, qu’il soit laïc ou islamique, qui s’autorise de lui-même à coopérer ou à être réduit au silence par des régimes politiques corrompus. La première partie de l’article traite de la question des relations fragiles entre les féministes et l’État plus particulièrement dans le contexte égyptien contemporain. La deuxième partie examine les ambiguïtés morales des positions du féminisme islamique.

Islamic feminism and the Equivocation of Political Engagement
“Fair is foul, and foul is fair”

The recent rise and fall of the Islamist rule in Egypt calls for reflection, not just on the role of Islamic feminist ideas in society, but also on the shifting political grounds and questions of ethical and principled opposition. The presentation of this subject does not take the approach of the usual secular/Islamist binary or a criticism of secular liberalism, but is rather focused on a critique of any feminist movement, be it secular or Islamic, that allows itself to be co-opted and silenced by corrupt political regimes. This article, in its first part, discusses the general issue of the precarious relationship between feminists and the state, especially in the modern Egyptian context, and, in its second part, looks into the moral ambiguities associated with Islamic feminism’s political stands.

Humanités numériques. Une médiapolitique des savoirs encore à inventer, par

Humanités numériques
Une médiapolitique des savoirs encore à inventer

Cet article essaie de distinguer trois strates au sein de ce qu’il est convenu d’appeler « humanités numériques » (hum num) ou « humanités digitales ». Les hum num 1.0 font le travail concret de numérisation, balisage, reformatage, design d’interfaces en reprenant le plus souvent des corpus déjà identifiés et circonscrits. Les hum num 2.0 tirent de ce travail de numérisation l’opportunité de constituer de nouveaux corpus et d’expérimenter de nouvelles procédures et de nouvelles formes de collaboration, qui débordent et érodent les frontières entre les disciplines, comme entre l’université et ses dehors. Les hum num 3.0 essaient de comprendre comment les pratiques et savoirs constitués depuis des siècles autour des humanités peuvent nous aider à comprendre et à nous repérer dans les façons dont le numérique informe de plus en plus profondément nos modes de subjectivation.

Digital Humanities
Three Strata of a Mediapolitical Approach

This article attempts to articulate a mediapolitical approach of Digital Humanities (DH), based on three different (but complementary) layers. DH1 digitalizes pre-defined corpuses inherited from the traditional disciplines. DH2 takes advantage of the digitalization to generate new corpuses, new forms of analysis and of collaborations which erode the borders between pre-existing disciplines, as well as between academia and the outside world. DH3 mobilizes the Humanities to better understand and reappropriate the computational subjectivations induced by the digital media.

« Doit-on réformer l’islam ? ». Brève histoire d’une injonction, par

Penser le sécularisme, par

Penser le sécularisme

Ce texte, écrit à la suite des attentats du 11 septembre 2001, tente de redéfinir les notions de laïcité et de sécularisme en marge des grands récits de sécularisation. La modernité laïque n’est ni la simple séparation du politique et du religieux, ni ce qui reste lorsque la religion décline ou s’efface. Dès lors que le concept de « religion » renvoie lui-même à une construction historique qui diffère selon les espaces politiques, l’on doit affirmer que la modernité laïque est la production d’un nouveau partage entre le religieux et le politique, d’une redéfinition de ce qu’est censé être la « religion » et, avec elle, l’éthique et la politique. Le texte discute ensuite le libéralisme politique de Charles Taylor de façon critique. L’unité de la modernité politique n’est pas factuelle, c’est l’unité d’un projet moderne : elle a un but politique dont l’hégémonie se lit dans le fait que les peuples extra-européens sont perpétuellement invités à s’y mesurer. Cette analyse dessine enfin la voie d’une anthropologie du sécularisme défini comme une doctrine qui cherche à émanciper la sphère publique d’un religieux oppressif, mais aussi et surtout comme une forme de vie laïque : un ensemble d’attitudes spécifiques, un certain rapport au corps et à la souffrance ainsi qu’un modèle de subjectivité.

Thinking about secularism

The text was written at the aftermath of 9/11. It tries to redefine secularism without presupposing any narrative of the decline of religion. Secular modernity is neither the mere separation of politics and religion nor what remains after religion has withered away. Insofar that the concept of “religion” is itself a historical construction, secularism can be seen as the production of a new binary division between the secular and the religious, as a redefinition of what religion, ethics and politics are supposed to be. The text critically engages with Charles Taylor’s political liberalism. It then asserts that modernity is a hegemonic political project forcing non-European people to measure themselves to it. It eventually paves the way for an anthropology of secularism defined as both a political doctrine and a form of life – a set of attitudes, a specific relationship to the body and pain, and a mode of subjectivity.

Inconscient technologique et connaissances positionnelles, par

Inconscient technologique et connaissances positionnelles

Cet article donne une première description de notre « inconscient technologique », terme qui désigne les formes basiques de positionnement et de juxtapositionnement qui rendent possible la « structure atomique » de base de la vie contemporaine en Amérique du Nord et en Europe. Il montre comment, au cours des dernières années, la mise en pratique de ces grilles de repérage ont évolué au fil d’une standardisation considérable de nos espaces, standardisation qui a conduit graduellement à la cristallisation d’un nouveau type d’inconscient technologique. L’article analyse l’émergence de quelques-uns des appareils à travers lesquels cet « inconscient technologique » structure aujourd’hui notre expérience du quotidien : l’adressage postal, le code-barres, la carte SIM, la puce RFID.

The Technological Unconscious

This paper provides a description and preliminary analysis of the current “technological unconscious”. I use this term to signify the basic forms of positioning and juxtapositioning which make up the basic “atomic structure” of contemporary Euro-American life. I argue that in recent years the practice of these templates has been changing as a full-blown standardisation of space has taken hold. This standardisation is gradually leading to the crystallisation of a new kind of technological unconscious. I further argue that the traces of this new kind of unconscious are taking hold in social theory as well, leading to the assumption of a quite different event horizon which can be thought of as a different kind of materiality.

Les robots oscillent entre vivant et inerte, par

Les robots oscillent entre vivant et inerte

Il est impossible d’ouvrir un dossier consacré à la robotique sans rencontrer de multiples prophéties annonçant dans un futur proche que nous vivrons entourés de robots anthropomorphes ou zoomorphes et que nous nous machinerons par des voies que nous ne pouvons pour le moment qu’entrevoir. Peut-on envisager une approche de la robotique un peu moins prophétique et donc décevante, un peu plus pragmatique et donc plus surprenante, un peu plus réflexive et donc habitée par un principe de précaution ? Faut-il continuer à faire passer les machines pour autre chose que ce qu’elles sont ou doit-on arrêter de les prendre pour ce qu’elles ne sont pas (des animaux, des humains) ? Faut-il considérer qu’elles constituent un « règne » à part entière, à côté du minéral et du végétal, ou bien faut-il continuer de les reléguer dans l’instrumental, ce grand bazar ? Ce « manifeste » reprend quelques-unes des observations faites par ceux qui, dans le champ de l’anthropologie principalement, observent la « révolution robotique », suivent ses essais d’expérimentation/implémentation et abordent la diversité des interactions homme-machine avec les outils de l’enquête de terrain.

Robots Oscillate Between the Inert and the Living

Impossible to discuss about robotics without stiring many prophecies announcing that we will live surrounded by zoomorphic or anthropomorphic robots and transform ourselves in ways we can not yet imagine. Is it possible to adopt a slightly less prophetic approach, a little more pragmatic and therefore more surprising, a bit more reflective and thus inhabited by a precautionary principle? Should we continue comparing or assimilating machines with other kinds of beings (animals, humans) ? Should we accept that they are a « reign » in itself, next to the mineral, the vegetal or should we continue to relegate them into the instrumental, this big bazaar ? This manifesto summarises some of the observations made by anthropologists who observe the « robot revolution » with ethnographic tools, following experimental processes/implementation tests and the very concrete situations of interaction in which robots can be experienced.

Les robots sont des personnes comme les autres. Changer notre regard pour ne pas subir l’automatisation, par

Les robots sont des personnes comme les autres

Tout un symbole : Vital est le sixième membre du conseil d’administration de la société hongkongaise Deep Knowledge Ventures, alors qu’il n’est qu’un simple algorithme. Qu’il s’agisse de logiciels et d’objets dits intelligents ou de robots humanoïdes comme Pepper, Romeo et Nao, nous allons devoir apprendre à travailler bien sûr, nous amuser, être soignés mais aussi dialoguer avec ce genre de machines. Gare à ne pas les sous-estimer ! Qu’elles aient été conçues par un être d’os et de chair ne les empêchent pas d’être nos interlocuteurs. Certaines d’entre elles ne devraient-elles pas être considérées demain comme de vraies « personnes non humaines », selon le terme auquel a droit, depuis un procès de fin décembre 2014, l’orang-outan Sandra du zoo de Buenos Aires ?

Robots are People like You and Me

Vital, an algorithm, was elected as the sixth board member of the Honk Kong firm Deep Knowledge Ventures. Software, « intelligent objects », humanoid robots like pepper, Romeo and Nao: we will have to learn to work, talk and play with them, but also to be treated and cared for by this new type of machine. Let’s not underestimate them ! The may have been designed by humans, but they are nevertheless called to become our daily partners – and some of them may have to be considered as true « non-human persons », following the legal category crafted in 2014 for Sandra, the orangutan living in Buenos Aires zoo.