Archives par mot-clé : sociologie

Émotions privées, émotions publiques
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L’article examine le privilège accordé par les principales analyses sociologiques des émotions aux émotions et sentiments « collectifs », ou rattachables à des règles sociales de cadrage ou d’interprétation des situations. Il soutient que la pertinence sociologique des émotions réside aussi dans l’identification et la compréhension de ces émotions et sentiments dits « particuliers », « individuels », « personnels », « privés », en décalage avec « la situation ». Les travaux sur les émotions issus de perspectives féministes reconsidèrent ces qualifications – « particulières », « personnelles » – comme un produit de relations sociales, i.e. de domination. Une analyse des émotions, à partir d’une position subordonnée ou dominée, emprunte d’autres chemins dégageant une dimension politique des émotions. Une vision restrictive de la moralité et une vision extensive et conformiste du social font obstacle à un compte rendu sociologiquement acceptable de la moralité des émotions.

Emotions, public and private
Mainstream sociological analysis deals mainly with collective emotions. In this perspective, “individual”, “personal”, “partial” or “private” emotions are devoided of social significance. This paper argues that such a conception misses the sociological relevance of these phenomena. Differentiating emotions along the collective/individual line, seeing the former as socially meaningful and the latter as “particular”, “private”, or “personal” can also be understood as a product of power relationships. An alternative –feminist and gendered– analysis of emotions could be developped, shedding light on a political dimension of emotional phenomena, and the complex morality of emotions.

Les plis du capitalisme cognitif
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Soin de l’apparence, travail émotionnel et service au client
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autour du travail émotionnel des professionnel-le-s de la coiffure et de la manucure, à partir d’une enquête réalisée à Bogotá (Colombie). L’article examine certains des effets de la commercialisation et de la professionnalisation du soin de l’apparence tels que la configuration d’une division sexuelle des occupations qui place au sommet de la hiérarchie la coiffure de prestige réalisée par des hommes de diverses orientations sexuelles, et à la base, la manucure, assumée entièrement par des femmes. Il montre les contrastes du travail émotionnel dans ce secteur où il varie en fonction de la position sociale de la clientèle, le degré de formalisation des règles émotionnelles et l’impératif managérial du service au client.

Appearance care, emotion work and customer service
The article proposes some reflections on emotion work accomplished by men and women who work as hair dressers and nail dressers in Bogotá (Colombia). Placed between ornamentation and hygiene, professional work on hair and nails can be associated with care as much as it deals with people’s bodies and well-being. The article examines how the commodification and professionalization of appearance care have an effect on the sexual division of labor in this branch, placing on the top prestigious hair dressing performed by men (of any sexual orientation) and at the bottom nail dressing, performed almost exclusively by women. It shows some of the contrasts that characterize emotional work in these occupations, exposing how it overlaps with managerial ideology of customer service and how it differs according to client social position and specific emotional rules.

Les ONG mexicaines de genre, par

Après deux décennies de globalisation politique, normative et économique, les pratiques des ONG mexicaines, ont connu un mouvement centripète puis un retour centrifuge sur le local, presque obligé. Leur projection dans des enjeux planétaires n’est pas contestable vu le nombre de militant-e-s qui ont participé aux conférences onusiennes pivotales du Caire (1994) et de Pékin (1995). Cependant elle a été suivie d’un «retour» au local brutal pour des dizaines, voire centaines d’organisations qui ont vu se tarirent la masse de grants des fondations étasuniennes et de l’USAID. Pour les grandes ONG de la capitale, il a été possible de dégager 20 à 25 % des revenus de services payants et de donner ainsi des gages de «bonne conduite» économique aux bailleurs philanthropiques. Pour l’immense majorité des ONG du pays qui participèrent à ce mouvement, le repli sur des situations précaires de sous-traitances n’a fait qu’ancrer toujours plus les militant-e-s dans les jeux politiques partisans locaux et les ont d’autant plus éloignées de l’idéal de gouvernance démocratique nord-américaine.

Mexican Gender NGOs

Following two decades of political, normative and economic globalization, the practices of Mexican NGOs went through a period of centripetal and then, almost against their will, back to centrifugal, local-centered, movement. Their role in planetary issues is undeniable, considering the number of activists who took part in the pivotal UN conferences in Cairo (1994) and Beijing (1995). But this was followed by a “return” to local affairs that was brutal for tens, or even hundreds of organizations who saw the bulk of the grants they received from American foundations and USAID dwindle. The larger NGOs, based in the capital, were able to draw 20 to 25% income from paid services and therefore give their philanthropic donors proof of “good economic behavior”. For the overwhelming majority of the country’s NGOs drawn into this movement, having to go back to precarious sub-contracting situations anchored the activists ever more in local partisan political games, and brought them even further away from the North American ideal of democratic government.

Multitudes