Archives par mot-clé : subjectivité

Le travail des lignes, par et

Le travail des lignes
Cet article est à la fois l’aboutissement de quelques lignes de réflexion sur la mondialisation et l’ébauche encore précaire d’un projet plus ambitieux de recherche sur le travail des lignes. La question centrale est celle du travail des lignes. Dans une première partie on discute les lignes mobilisées par Carl Schmitt pour saisir le nomos de la terre. À partir des lignes du souverain, on déplace l’attention sur les lignes non étatiques dessinées par la liberté des mers et la liberté des commerces maritimes. Cela nous amène aux lignes mouvantes de déterritorialisation et de reterritorialisation pour appréhender le nomos obscur qui perce toute sorte de murs, un désert qui se propage à l’intérieur du nomos dominant. Pour terminer, on revient sur les dynamiques de la globalisation pour mettre en son centre non plus les océans d’eaux, mais le novissimo nomos de la terre déterritorialisée qui gouverne les océans d’argent. Les lignes de ce novissimo nomos se dessinent entre l’émergence incontournable de la Chine et le rythme des algorithmes.

The labour of lines
This article is both the culmination of some lines of reflection on globalization and the still precarious draft of a more ambitious project of research on the labour of the lines. The central question is that of the labour of the lines. In a first part we discuss the lines mobilized by Carl Schmitt to seize the nomos of the earth. From the lines of the sovereign, attention is shifted to the non-state lines drawn by the freedom of the seas and the freedom of the maritime trades. This brings us to the moving lines of deterritorialization and reterritorialization to apprehend the obscure nomos that pierces all kinds of walls, a desert that spreads within the dominant nomos. Finally, we return to the dynamics of globalization to put in its center no longer the oceans of waters but the novissimo nomos of the deterritorialized land which governs the oceans of money. The lines of this novissimo nomos are drawn between the inevitable emergence of China and the rythm of the algorithms.

Externalités africaines, par et

Externalités africaines
Cet article d’ouverture donne les clés de la métaphore de l’externalité qui résume les formes et forces de la réinvention de l’Afrique contemporaine. Elle s’élabore par des techniques politiques, financières, juridiques, numériques, socio-culturelles particulières, innovantes ou régressives, qui relèvent tout à la fois de la sédimentation historique et de la projection dans le futur. L’extraction coloniale, l’extraversion mondiale riment avec le désir d’externalité des multitudes africaines pour se projeter vers l’extérieur, pour s’exiler vers l’ailleurs et l’au-delà et pour conquérir l’autonomie, l’émancipation et la liberté. Alors le politique devient en Afrique un champ d’expérimentation où se mêlent douloureusement l’imaginaire et le concret, la mémoire et le progrès, le local et le transnational, l’État et le coutumier, le pré-colonial et le numérique.

African Externalities
This introductory article provides the keys to the metaphor of externality which summarizes the forms and forces of reinvention in contemporary Africa. This reinvention comes through political, financial, judicial, digital and socio-cultural techniques, innovating or regressive, which simultaneously illustrate historical sedimentations and projections in the future. Colonial extraction and global extraversion accompany a desire for externality among African multitudes eager to project themselves outwards, in direction of exile, to coquer autonomy, emancipation and freedom. In Africa, politics becomes a field of experimentation where the imaginary and concrete reality, the local and the transnational, the State and common law, the pre-colonial and the digital painfully intermingle.

Précarité africaine, par

Précarité africaine
Pour une généalogie et une critique
La norme du travail salarié à plein temps n’a jamais réussi à s’imposer en Afrique, pas plus que l’éthique du consumérisme fondée sur l’épargne à long terme. Elle sert pourtant de référence aux projections économiques des leaders nationalistes et aux gouvernements postcoloniaux, ainsi qu’aux politiques d’ajustement structurel de la Banque Mondiale. Il en résulte un maintien des modalités d’exploitation coloniale et une incapacité à proposer une vision de l’économie originale, fondée sur les réalités du continent. La précarité représente de ce point de vue une modalité de résistance, une fuite potentiellement émancipatrice. Cependant, la récente théorisation de la précarité en Europe échoue à proposer un modèle alternatif parce qu’elle s’ancre dans l’impératif du travail. Seuls les discours religieux autorisent d’autres représentations et ils sont dès lors largement mobilisés en Afrique.

African Precariousness
For a Genealogy and a Critique
The norm of full-time wage labor never imposed itself on Africa, nor did a consumer esthics based on long-term savings. It remains nevertheless as the main reference within economic projections of African political leaders, postcolonial governments and structural adjustment policies promoted by the World Bank. The result is a continuation of colonial modes of exploitation and an incapacity to envisage a vision of economics truthful to African realities. Precariousness can thus be seen as a mode of resistance, a potentially emancipatory line of flight. However, the European theorizations of precariousness fail to propose a truly alternative model, since they hang on to the imperative of wage labor. Only religious discourses foster alternative representations, and they are massively mobilized in Africa.

Afrocomputation, par et

Afrocomputation
L’explosion des usages des techniques de communication en Afrique puise ses racines dans l’imaginaire pré-colonial, qui portait sur l’extension du monde au-delà du perceptible, du corporel, du conscient. Dans cette cosmogonie, les objets techniques et artefacts étaient doués d’une vitalité qui en faisaient des interfaces, des seuils à transgresser pour accéder aux horizons infinis de l’univers, dans une sorte de transmutation. Le téléphone portable et Internet parlent à l’inconscient archaïque et aux mémoires techniques des sociétés africaines, leur permettant de passer sans transition de l’âge de pierre à l’âge numérique. L’Afrique était déjà numérique à une époque pré-numérique, car les sociétés africaines se sont constituées par la circulation et le mouvement, inscrits dans les mythes africains de l’origine. Qui dit migration dit expérience de la nouveauté, plasticité permanente, extension du possible. Cette souplesse et cette aptitude à l’innovation constante, c’est aussi l’esprit d’Internet et du numérique.

Afrocomputation
The explosion of uses of communication techniques throughout Africa has roots that go deep into the pre-colonial imaginary, which extended its world beyond the perceptible, the corporeal, the conscious. In this cosmogony, technical objects and artefacts were endowed with a vitality generating interfaces, thresholds to transgress in order to reach the universe’s infinite horizons. Smartphones and the Internet speak to this archaic unconscious as well as to the technical memories of African societies, allowing them to move without transition from the stone age to the digital age.Africa was digital before the digital age, as African societies were constituted by circulation and movement, written in the myths of origins. Migration means a readiness to experience novelty, permanent plasticity, extension of the possible. This subtle aptitude constantly to innovate also animates the spirit of the Internet and of the digital.

Politisations du temps à l’ère de l’instabilité, par

Politisation du temps à l’ère de l’instabilité
L’accélération de l’instabilité du monde est patente. Elle concerne aussi bien la désorganisation croissante des échelles du vivant, la raréfaction des ressources, la numérisation de nos moyens et conditions d’existences, un nouvel âge géologique communément dit « Anthropocène » – quelque critique soit l’emploi de ce terme qui convertit l’approche chronotopique en stade paradigmatique, millénariste, alors que la manière dont nous voyons le monde, nous mêlons à lui, est déjà le signe d’une hybridation entre technosphère et biosphère. Cet essai porte sur les manières de répondre aux instabilités dans un monde qui semble s’être accéléré, mais qui s’est avant tout pluralisé. Cependant, cette pluralité ne doit pas faire oublier la destruction accélérée des mondes sociaux-environnementaux, et la grande difficulté de la construction de résistances.

The Politization of Time in the Age of Instability
The acceleration of the instability of the world is obvious. It concerns the increasing disorganization of life-scales, the scarcity of resources, the digitization of our means and conditions of existence, a new geological age commonly known as the “Anthropocene”, a problematic term which converts the chronotopic approach in a paradigmatic, millenarian stage, whereas the way we see the world and mingle with it is already the sign of a hybridization between technosphere and biosphere. This essay focuses on various ways to respond to instabilities in a world that seems to have accelerated, but which has become more pluralistic. However, this plurality must not blind us to the accelerated destruction of the social-environmental worlds, nor to the great difficulty of the construction of resistances.

Debout avec la terre. Cosmopolitiques aborigènes et solidarités autochtones., par

Debout avec la terre
Cosmopolitiques aborigènes et solidarités autochtones
De plus en plus de mouvements activistes luttant contre la destruction des milieux de vie, notamment par les industries extractives qui précipitent les transformations climatiques et empoisonnent les eaux et l’air, cherchent des alliances et des sources d’inspiration auprès de peuples autochtones, tels les Aborigènes d’Australie, qui n’ont pas la même vision de la Terre que celle consistant à nier la nature sous prétexte qu’elle aurait succombé aux technologies humaines. Il est proposé ici de répondre à la réduction des ontologies en anthropologie par une « slow anthropology » qui soit « Debout avec la terre », fondée sur une expérience de terrain écosophiquement inspirée des visions et de la créativité des peuples autochtones et de leurs alliés en passant par la SF selon Haraway, Stengers et Meillassoux.

Standing with the Earth
Aboriginal Cosmopolitics and Autochthon Solidarities
More and more activist movements struggling against the destruction of their living environments – especially because of the extractive industries that accelerate the climate change and poison the water and the air, – look for alliance and inspiration in the autochthon people, such as the Aborigines of Australia, whose vision of the Earth is not to deny nature on the pretext that it would have succumbed to human technologies. This article proposes to respond to the reduction of ontologies in anthropology with a “slow anthropology” that would be “standing with the Earth”, a slow anthropology based on a field experience, ecosophically inspired by visions and creativity of the autochthon people and of their allies, and by the Science Fiction according to Haraway, Stengers and Meillassoux.

La réalité du revenu d’existence dans le Brésil post-Lula, par et

La réalité du revenu d’existence dans le Brésil post-Lula

Cet article vise à évaluer la portée des politiques sociales réellement existantes dans le Brésil de la période Lula, du point de vue du débat général sur le revenu d’existence. Soit deux questions : ces politiques sociales – notamment les transferts monétaires – ont-elles été pensées dans la perspective d’un revenu d’existence ? Le revenu d’existence pourrait-il fonctionner comme angle privilégié de réorganisation et d’intégration de ces politiques sociales ? L’histoire de Bolsa Família, instauré dans le Brésil de Lula, montre qu’il est d’origine néolibérale et que le véritable enjeu est d’appréhender les lignes de conflit qui séparent sa précaire existence empirique actuelle de sa constitution comme base d’une nouvelle démocratie.

The Realities of Basic Income Policies in Post-Lula Brazil

This paper evaluates the realities of the social policies set in place during under Lula govern-ments. It raises two questions about the implementation of the basic income scheme entitled Bolsa Familia : was is really devised as a form of basic income ? Could it provide leverage to a reorganization of social policies ? The study tends to show that Bolsa familia originated as a neoliberal reform and that the deeper stakes of its implementation raise the question of a depar-ture from its current form towards another conception of a new form of democracy.

Subjectivations computationnelles à l’erre numérique, par

Décomposition et recombinaison à l’âge de la précarité, par

Décomposition et recombinaison à l’âge de la précarité

Cet article analyse l’« automation cognitive », c’est-à-dire l’uniformisation des procédures de perception, d’imagination et d’énonciation. La transformation digitale de l’info-travail est une condition de la précarisation finale, et l’info-travail est ainsi le point d’arrivée d’un processus d’abstraction de l’activité humaine cognitive dé-singularisée et dé-corporalisée. Le temps dé-singularisé et la cognition dé-personnalisée sont les agents ultimes du processus de valorisation : ils ne tombent pas malades, n’ont pas de revendication syndicale ni de droit politique ; ils sont là, pulsatoires et disponibles, comme une étendue cérébrale jamais hors d’atteinte. Des cellules de temps productif pré-formaté peuvent ainsi être mobilisées et recombinées grâce à la sonnerie du smartphone, qui permet d’agencer le cerveau individuel selon les flux du réseau.

Decomposition and Recombination in the Age of Precariousness

This paper analyzes « cognitive automation », i.e., the uniformization of the processes of perception, imagination and enunciation. The digital transformation of info-labor is a condition of its final precarization, as info-work is the point of arrival of a process of abstraction of human cognitive activity, after it has been de-singularized and dis-embodied. De-singularized time and de-personalized cognition are the ultimate agents in the process of valorization : they never fall sick, do not resist through trade unions nor claim political rights ; they are there available, as a cerebral openness out of reach. Cells of pre-formatted productive time can be mobilized and recombined through the tone of a smartphone, re-assembling the individual brains according to the flows in the network.

Subjectivités computationnelles et consciences appareillées, par

Subjectivités computationnelles et consciences appareillées

Cet article revient sur la notion de « subjectivité computationnelle » formulée par David M. Berry visant à développer une approche critique des technologies numériques. Afin de comprendre les implications philosophiques d’un tel rapprochement entre « subjectivation » et « computation », nous revenons tout d’abord, via Leibniz et Hannah Arendt, sur l’émergence des sciences modernes qui visent à faire du « sujet » classique une entité calculante. Nous voyons ensuite comment les sciences « comportementales » ont influencé la conception des ordinateurs en substituant à la raison humaine des modélisations rationnelles déléguées à des machines. Pour sortir de l’impasse d’une déshumanisation annoncée dès la fin des années 1970 par des auteurs comme Ivan Illich ou Gilles Deleuze, nous envisageons enfin la « subjectivation » comme un processus qui ne nécessite pas qu’il y ait sujet. Le concept d’« appareil », tel que le propose Pierre-Damien Huyghe à propos de la photographie et du cinéma, peut ainsi être étendu aux machines computationnelles pour penser de possibles « consciences appareillées ».

Computational Subjectivities and Apparatus-Consciousness

In continuation with David M. Berry’s considerations on “computational subjectivities”, this paper goes back to the emergence of modern science, via Leibniz to Arendt, questioning the attempt to see the classical “subject” as a calculating machine. After behaviorism had greatly influenced computer science, after Ivan Illich or Gilles Deleuze’s redefinition of the subject, we can now envisage processes of subjectivation without a subject. The concept of apparatus, as theorized by Pierre-Damien Huyghe’s analysis of the photographic camera, can be extended to computation and help us conceive of “apparatus-consciousness”.

Quelle souveraineté monétaire ?, par

Quelle souveraineté monétaire ?

Les grandes difficultés que rencontre aujourd’hui la politique européenne, aussi bien dans ses sommets institutionnels que dans les expériences des mouvements sociaux, sont liées principalement à une incapacité à affronter la crise en posant la nécessité de réformer le système monétaire dans une perspective bottom up. Cela devrait conduire 1) à s’interroger sur le sens de la souveraineté monétaire en Europe et 2) à comprendre ce que signifie « partir d’en bas » lorsqu’il s’agit d’instituer une monnaie. Pour affronter ces problèmes l’article retrace les différentes étapes qui ont mené de la crise financière américaine de 2007 à la crise européenne, en construisant un dialogue entre les thèses avancées par Christian Marazzi dans La Brutalité financière et les analyses produites par des économistes hétérodoxes français (A. Orléan, F. Chesnais, les économistes atterrés).

What Type of Monetary Sovereignty?

The current problems faced by European economic policies, as seen both in European summit and in social movements, result from an incapacity to reform the financial system through a bottom-up approach. This should lead to 1) questioning the meaning of European monetary sovereignty and to 2) understand what a “bottom-up” approach means in terms of monetary institutionalization. This paper discusses the recent financial events, from the subprime crisis in the USA to the European crisis, by confronting the propositions and analyses made by Christian Marazzi in his book on Financial Brutality, and by French heterodox economists like André Orléan, François Chesnais and the Économistes atterrés).

Multitudes