Ce texte, écrit en 1964, est inclus dans la deuxième partie d’Ouvriers et Capital intitulé “Une expérience politique d’un type nouveau”.
La première édition d’Operai e capitale, un des grands “classiques” de l’opéraisme italien, a été publiée en 1966 aux éditions Einaudi.
La traduction française, réalisée par Yann Moulier, avec la collaboration de G. Bezza, a été publiée en 1977 chez Christian Bourgois.
Le problème est le suivant: comment rendre immédiatement praticable un discours qui a et qui veut avoir en cette phase le caractère d’une théorie politique ? Comment appliquer tactiquement et de façon nouvelle une nouvelle stratégie ? Nous avons voulu reprendre en termes modernes la lutte contre le réformisme. Il faut maintenant éviter de se borner à en faire un sujet d’étude. Bref trouver l’articulation actuelle qui démontre la possibilité de sa réalisation concrète.
Un exemple suffit. Et l’exemple qui nous est offert, c’est l’occasion politique sur laquelle débouche la crise conjoncturelle actuelle du capitalisme italien. L’application purement stratégique de notre discours reviendrait à sauver le centre-gauche, stabiliser la conjoncture, repartir avec le réformisme d’un côté et avec l’utilisation révolutionnaire qui peut en être faite de l’autre. Avant même de la discuter, nous refusons cette utilisation purement théorique de l’alternative politique. Disons même plus: c’est cette direction que prend aujourd’hui la lutte spontanée de la classe ouvrière dans ses pôles de développement les plus avancés; et il faut comprendre, critiquer et battre ce type de spontanéité. Les différents niveaux de la lutte de classe réapparaissent ouvertement lorsque le développement capitaliste traverse des phases critiques. Les secteurs les plus arriérés de la classe ouvrière ont tendance aujourd’hui à mener activement un genre de lutte traditionnelle: lutte générale mais défensive. Les secteurs les plus avancés manifestent la tendance contraire: en l’absence d’une capacité offensive de la part du mouvement ouvrier organisé, leur réponse consiste de nouveau à renoncer à la lutte ouverte. Ces choix favorisent spontanément tous les deux le processus de stabilisation de la conjoncture. En fait c’est exactement ces deux types de ripostes que les patrons sont en train de provoquer. S’ils attaquent le niveau avancé de la classe ouvrière, c’est qu’ils s’attendent à y rencontrer une réponse passive qui, en laissant s’installer dans l’usine un pouvoir capitaliste plus fort, brisera et démoralisera la poussée ouvrière trop forte de ces dernières années. D’autre part, il leur faut ailleurs des luttes actives mais arriérées pour faire reculer le niveau de développement que connaît la lutte de classe actuellement, et faire progresser l’homogénéité de la force de travail dans son ensemble et par conséquent la possibilité de la contrôler à niveau social. Voilà quelles sont les véritables difficultés conjoncturelles. C’est elles qu’il faudra résoudre avant de programmer quoi que ce soit.
Examinons en effet la façon dont le camp bourgeois dresse le tableau de sa conjoncture. On entend dire: les déséquilibres se situent dans le marché, et avant tout dans le marché monétaire. La demande a dépassé l’offre non seulement pour les articles de consommation mais également pour les biens d’investissement. Le taux de croissance des investissements par rapport à celui de la consommation s’est renversé : la consommation productive est en péril. De là toute la politique économique du gouvernement qui entend ramener ces processus rigoureusement au niveau de la simple circulation de capitaux. Avec comme conséquences: le gaspillage des réserves monétaires, un déficit de la balance commerciale et de la balance des paiements, un gel des liquidités et un endettement à l’étranger. Toutes ces mesures, dans l’optique Carli[[Guido Carli : Homme politique italien, spécialiste des problèmes économiques et monétaires. Il a occupé jusqu’en 1975 l’un des postes les plus importants de l’État italien, celui de Gouverneur de la Banque d’Italie. (NDT) , étant le seul moyen de ne pas grever, et même de maintenir le taux de progression de la production industrielle au haut niveau qui a été le sien récemment. Rien de plus par conséquent qu’un exemple capitaliste typique de décharge de difficultés productives sur le marché. Mais quelles sont ces difficultés ? Les nouveaux déséquilibres intervenus sur le marché des capitaux sont la conséquence évidente de nouvelles contradictions qui se sont produites au niveau de la production de capital. Demandons~nous alors quelles sont ces contradictions ? Nous répondons: l’augmentation des salaires a largement dépassé l’augmentation de la productivité. C’est-à-dire que la productivité du travail n’a pas diminué en valeur absolue; mais la masse salariale a crû en valeur relative. Les revenus du travail ont augmenté plus rapidement que les revenus du capital. Cela a eu deux conséquences fondamentales : une inflation “ par les coûts ”, et avant tout celui de la force de travail; et une contraction relative des profits par rapport aux salaires. Il faut reconnaître que la science du capital a bien su voir les causes de la crise conjoncturelle actuelle : de façon claire déjà, au niveau technique et économique, obscurément encore au niveau politique et institutionnel. C’est en fonction de cela et des exigences qui en découlent qu’elle commet l’erreur de faire précéder la stratégie de la programmation d’une tactique de stabilisation. Entre ces deux temps, s’ouvre actuellement pour la lutte de classe une formidable occasion.
En effet sur le terrain de l’affrontement direct, cette séparation devra être acceptée et renversée. Il est inutile de nier les faits par peur de leurs conséquences. Ce qui se produit dans la structure de la production capitaliste il ne faudra pas le nier du point de vue économique, mais au contraire l’affirmer du point de vue politique. C’est vrai: durant ces dernières années, les augmentations de salaires ont dépassé celles de la productivité. C’est là que se trouve la racine de tout. Le revenu national s’est trouvé redistribué en partie, le profit attaqué, les marges d’autofinancement des grandes entreprises entamées et les investissements directs sont demeurés bloqués. Et tout cela tandis que les coûts de production s’élevaient et que le rendement du travail baissait du fait de la permanence des luttes ouvrières, de la mobilité excessive de la force de travail et de l’absence de sauts technologiques. La réponse capitaliste, face à l’augmentation subie du salaire nominal, a consisté en général à attaquer le salaire réel en amorçant la spirale inflationniste des prix, seul moyen d’éviter des répercussions immédiates sur le niveau de la production. En ce sens on ne peut même pas parler aujourd’hui d’un goulot d’étranglement du développement; on a seulement affaire à un mécanisme de réajustement à un même niveau des divers compartiments de la structure capitaliste. Le goulot d’étranglement, le blocage, la crise du développement sont des choses à découvrir, à construire, à imposer subjectivement et par la force. Les conditions matérielles sont là. Le moment est exemplaire. Le cours nouveau pris ces dernières années par les luttes ouvrières indiquent la tendance du mouvement.
C’est durant les années cinquante, immédiatement après l’année 53 sans doute, à la suite d’une bataille politique, gagnée et perdue presque en même temps, que la classe ouvrière découvre en Italie, spontanément (ce n’est pas la première fois du reste) un nouveau terrain de lutte politique: le terrain syndical lié tout d’abord à une foule de revendications particulières, et qui s’est confondu de plus en plus avec les occasions offertes par le renouvellement des contrats. A partir de ce moment-là le terrain formel de la politique, le niveau de la lutte traditionnelle qui se situait totalement à l’intérieur de l’État, ont été complètement grillés: ils ont été abandonnés entièrement aux mains des partis “ historiques ” de la classe ouvrière. Les ouvriers découvrent que la lutte économique, sous le manteau syndical, est seule capable d’attaquer à la base le pouvoir capitaliste, et constitue donc la seule lutte politique qui soit praticable actuellement. Et qui se greffe aussi sur les exigences objectives d’un capital qui veut faire faire à l’Italie un saut de développement, sous la nécessité pressante où il est d’éliminer ses vieux déséquilibres internes pour répondre adéquatement aux nouveaux équilibres internationaux qui sont en train de se créer. Ce nouveau genre de luttes ouvrières a été imposé au syndicat et a attaqué directement la sphère de la production à travers le syndicat. Il a fait repartir du bon pied le mécanisme de développement capitaliste pour introduire en son sein l’exigence grandissante d’un pouvoir ouvrier plus lourd. Il est faux de dire que les événements de juillet 60[[ Il luglio 60 : En juillet 60, à l’appel des partis “ historiques ”, les ouvriers descendent dans la rue et mettent fin à la tentative de coup d’État de la part de l’extrême droite et au gouvernement Zamboni. Telle est du moins la Version historique traditionnelle et “ antifasciste ”, celle que voulait ranimer Lotta Continua durant l’année 72-73. L’analyse très rapide qu’en donne Tronti est bien différente comme on peut le voir! (N.D.T.)
ont ouvert la voie à l’insurrection ouvrière. L’insurrection, elle, avait déjà eu lieu, et la lutte dans la rue n’a été que le dernier maillon d’une longue chaîne d’affrontements dans les usines sur le terrain de la production contre le patron direct. Juillet 60 a constitué une relance de la lutte ouverte à un niveau général en démontrant que les ouvriers étaient disponibles à bien d’autres objectifs et possédaient une force tout à fait capable de les atteindre. C’est alors que les institutions du pouvoir capitaliste s’adaptent à la situation de classe nouvelle. C’est de là que partent et le “ nouveau syndicat ” et l’opération réformiste du capital italien. On voit naître tout d’abord le miracle, puis le miracle se “ ternir ” quand les ouvriers continuent à lutter au-delà de ce que consentait un développement équilibré et obtiennent effectivement plus que ce que les capitalistes étaient capables de leur offrir à ce moment-là. Tous les économistes vous diront que ce qui était à l’origine du boom c’était la main-d’œuvre bon marché, et que ce qui en a constitué le plafond c’est le coût trop élevé du travail. Faire monter le prix de la force de travail, ç’a été là un coup de force des ouvriers, qui a coïncidé un temps avec une nécessité capitaliste pour la dénaturer ensuite, la dépasser et la retourner contre le capital. Le déséquilibre entre salaire et productivité constitue un fait politique qui doit être compris comme un fait politique dont il faut faire une utilisation politique.
Durant toutes ces années nous nous trouvons en présence d’un exemple d’utilisation politique sur une grande échelle de la lutte syndicale. Avec toutes les perspectives et aussi toutes les limites que celle-ci comporte: lutte au niveau des structures productives, affrontement immédiat avec le patron, possibilité d’entamer immédiatement le profit, mais aussi illusions syndicalistes, erreurs dues au spontanéisme, sous-évaluation de l’organisation. Telles sont les conditions dans lesquelles se produit, d’un côté un renforcement du concept de “ parti de masse ”, et de l’autre pour lui répondre, l’organisation de “ groupes ” minoritaires d’intervention dans les luttes. Néanmoins le facteur décisif au sein de ce processus, c’est que l’usine, est redevenue, du point de vue ouvrier, le guide effectif du mouvement de classe, des deux classes en lutte. Et qu’au sein de cette lutte le syndicat a fini par se retrouver à la gauche du parti, retaillant la courroie de transmission et la faisant fonctionner en sens inverse. En cela il n’a fait que subir la pression ouvrière. Ces dernières années, l’utilisation ouvrière de la lutte syndicale a dépassé et vaincu l’utilisation capitaliste du syndicat. Demandez à un syndicaliste s’il a eu jamais l’impression d’avoir obligé les ouvriers à lutter; quand les directions syndicales lancent l’agitation, cela fait toujours plusieurs mois que les ouvriers exercent leur pression, et luttent pour leur propre compte. L’ouverture officielle de l’agitation n’est que l’occasion de la lutte ouverte: et c’est la seule puisqu’il n’y a pas d’organisation de classe globale dans l’usine et dans la société. Il est vrai aussi qu’il y a eu et qu’il y a encore refus de saisir ces occasions dans les secteurs de la classe ouvrière dont le développement politique est le plus avancé. Durant des années les ouvriers de la FIAT ont dit non au “ syndicat de classe ”. A ce niveau il n’était pas possible d’en faire une arme politique. Ça n’a été le cas qu’une seule fois, l’été 62, quand l’affrontement de classe est devenu brutalement plus aigu, général, direct, frontal: cette occasion n’a pas été perdue. C’est une loi du développement : plus le niveau politique de la classe ouvrière ainsi que l’unification économique du capital s’élèvent, plus le syndicat tend à se séparer de l’intérêt immédiat de l’ouvrier pour s’intégrer complètement à l’intérêt capitaliste en tant que médiation institutionnelle. De l’anti-étatisme du vieux syndicalisme à l’intégration au sein de l’État du syndicalisme moderne; de l’“ anarcho-syndicalisme ” à la “ participation conflictuelle ”, toute cette histoire a déjà été faite. Et pour ce qui est de nous aujourd’hui, il ne s’agit pas d’arrêter un développement en cours, mais au contraire de l’utiliser. C’est dans l’usine, où justement se produit cette utilisation de la lutte syndicale, que vous trouverez un mépris ouvrier à l’égard du syndicaliste qui a presque atteint le niveau de la haine de classe à l’égard des petits chefs, des gardiens, des techniciens et des ingénieurs. Dans le futur il en sera de plus en plus ainsi. Mais, cette situation, comment réussir à l’organiser aujourd’hui contre le patron social ?
En fait c’est précisément à niveau social que le capital a compris tout cela. Il veut avant tout bloquer cette dynamique ouvrière dont il a eu besoin jusqu’à un certain point pour remettre en marche le mécanisme de son développement. Le centre-gauche n’est pas venu trop tôt, il est venu trop tard. Le capital est traditionnellement lent dans ses réflexes politiques; il l’est d’autant plus en Italie où il lui faut, tandis que les ouvriers l’attaquent, continuer à converser avec tous les amis qu’il a en son sein: les paysans, les commerçants, les prêtres, les épargnants, les étudiants, les intellectuels, les spéculateurs fonciers et les fonctionnaires. Ainsi, tandis que le gouvernement annonce de minables mesures anti-conjoncturelles et définit comme alarmante la situation économique, ne réussissant à le faire croire qu’aux partis de gauche, les capitalistes attaquent eux, directement et pour leur propre compte, le facteur décisif, c’est-à-dire le niveau ouvrier , avec des objectifs précis: réajustement du plein-emploi, reconstitution d’une soupape de sûreté par l’armée de réserve, restructuration interne de la journée de travail, redéfinition de la force de travail à des niveaux plus élevés en contrôlant davantage sa mobilité et en réduisant les coûts de production ; tout cela pour obtenir sans le demander explicitement une trêve salariale de fait. C’est sur ce terrain qu’il faut relancer l’attaque. C’est là-dessus précisément qu’un programme de lutte immédiate s’avère la chose la plus simple à mettre en pratique. Ce n’est pas l’affaire des ouvriers de résoudre les problèmes conjoncturels du capitalisme. Les patrons le font tout seuls. C’est leur système: qu’ils se débrouillent. C’est sur ce terrain qu’une stratégie de refus total de la société capitaliste doit découvrir les formes tactiques positives qui agresseront le plus efficacement le pouvoir réel des capitalistes. Il ne suffit pas alors de refuser de collaborer à la résolution des difficultés conjoncturelles: ce qu’il faut, c’est ramener ces difficultés à leur lieu d’origine c’est-à-dire dans la structure productive, éviter qu’elles ne soient résolues au niveau du marché en entravant d’emblée les diverses possibilités de politique anticonjoncturelle, et empêcher la stabilisation en déchaînant partout les luttes ouvrières en réponse à l’invite à la trêve. Actuellement le blocage même temporaire de la production ne serait pas supportable! Très bien, il faut donc bloquer la production dans ses secteurs stratégiques. Le patron lance son offensive dans l’usine pour casser les reins à la poussée ouvrière: c’est dans l’usine qu’il faut se servir de cette offensive comme d’un multiplicateur de cette poussée. Le gouvernement propose au nom des capitalistes une pause des salaires pour réfléchir: il faut mettre de côté toutes les autres revendications et demander des augmentations de salaire immédiates. Aujourd’hui il faut intervenir dans le sens suivant: forcer sur les niveaux de lutte les plus élevés, y battre la spontanéité ouvrière, imposer à l’affrontement un caractère ouvert, retourner ce culte de la passivité en lutte offensive, faire ainsi violence aux vieilles organisations pour les entraîner derrière soi. Dans les conditions actuelles, il n’existe aucune forme d’initiative ouvrière qui puisse remplacer la forme de lutte traditionnellement fondamentale: à savoir la grève d’usine, la grève de masse. Si l’on nous demande: et que se passera-t-il après ? nous répondons: à coup sûr ce ne sera pas la crise catastrophique du système. Car il est évident qu’il se produira ensuite une stabilisation de la conjoncture, un rétablissement d’équilibre du développement, que la programmation se mettra en marche et que la structure étatique se modifiera en conséquence; mais on aura un rapport de force différent, une classe ouvrière plus forte que l’affrontement aura aguerrie et renforcée, que l’expérience aura organisée et dont la présence sur le terrain politique comptera. Si la programmation se met en marche, en revanche, sans qu’on ait ce type de lutte ouverte, il commencera à circuler en Italie également, et pour la première fois, dans différentes instances syndicales ou étatiques, la légende bourgeoise selon laquelle la classe ouvrière manifesterait une certaine disponibilité au développement capitaliste. Il y a des moments où l’on doit choisir entre deux types de défaite ouvrière possibles, et contraint à cela non pas en raison de la situation de classe objective, mais à cause d’une terrifiante carence de forces subjectives. En principe et dans les faits se faire battre en luttant réussit mieux à la classe ouvrière.
Nous affirmons donc qu’un programme concret de lutte immédiate s’avère possible aujourd’hui. Et que cela, tout comme son application pratique, doit être rapporté à la vision stratégique d’un capitalisme dont le développement doit passer par un enchaînement de situations conjoncturelles. Nous affirmons que chaque anneau de la chaîne offrira l’occasion d’un affrontement ouvert, d’une lutte directe et d’un coup de force, et que le maillon de la chaîne où se produira la rupture ne sera pas celui où le capital est le plus faible mais celui où la classe ouvrière est la plus forte. De là l’intérêt qu’il y a pour les ouvriers d’éliminer dans le capitalisme toutes les vieilles contradictions qui forment des médiations, des nuances, et qui font perdre à la lutte de classe son caractère direct et sa précision. De là la nécessité primordiale pour la classe ouvrière de donner systématiquement à sa lutte une forme ouverte qui nourrisse organiquement sa croissance politique. De là enfin, pour une organisation politique de la classe, le devoir fondamental de faire le choix subjectif du terrain et du moment de l’offensive générale pour frapper le système à sa base et en faire vaciller plusieurs fois le sommet, construisant ainsi par bonds une continuité du processus révolutionnaire dans son ensemble. Derrière cet effort de découverte et de redécouverte des modes et des méthodes les plus modernes par lesquels la présence des ouvriers dans la société capitaliste s’est exprimée et s’exprime encore, on devra garder la ferme conviction qu’au moment décisif du choc frontal, on retrouvera les formes les plus élémentaires de la lutte et de l’organisation, la grève de masse, la violence dans la rue, l’assemblée permanente des ouvriers. Ainsi la vision théorique qui semble la plus abstraite dans la situation actuelle, resurgit comme la seule capable de jouer un rôle pratique moteur dans une situation donnée, dans ce moment spécifique. La stratégie la plus complexe se révèle être celle qui est la plus facile à appliquer tactiquement; tandis que toutes les voies populaires vers le socialisme sombrent dans la plus ridicule incapacité de saisir la première occasion qui nous est offerte d’attaquer le capital dans son mécanisme social. Cela démontre encore une fois qu’il faut imposer une nouvelle ligne à la base du mouvement si l’on veut faire progresser politiquement, et tout de suite, la lutte de classe des ouvriers.
(Mai 1964)