http://www.ideesdefrance.fr/Communautes-en-rupture.html
Depuis cinq à dix ans, des mouvements identitaires sexuels ou culturels, longtemps marginalisés en France au nom de la lutte contre le « communautarisme », et une nébuleuse d’organisations anti- ou alter-mondialistes déploient chacune à leur façon une théorie nouvelle de la rupture avec l’ordre existant – universalisme mâle et occidental pour ceux-là, capitalisme mondialisé pour celles-ci. Dans la mesure où ils défendent la condition minoritaire en tant que telle, les jeunes penseurs qui participent d’un tel mouvement sont aussi, indissociablement, des militants.
Luttes mineures
Du côté des minorités sexuelles, on peut citer le travail de Marie-Hélène Bourcier, qui promeut sur le mode « queer » une polysexualité radicale contre « l’hétérosexisme républicain », et contribue à faire mieux connaître sur ces questions l’approche des théoricien(ne)s américain(e)s. Marcela Iacub, de son côté, fait moins l’apologie de la minorité en tant que telle, mais elle attaque de front, avec des arguments empruntés eux aussi à la perspective de Michel Foucault, les conformismes nés de la « libération » sexuelle – notamment en matière de pédagogie du corps et de normalisation juridique des déviances sexuelles. Le sociologue Eric Fassin, lui, importe l’approche minoritariste américaine pour comprendre les modifications actuelles de « l’ordre sexuel » en France.
Parmi le réseau profus, et souvent très divisé, de publications et d’associations qui se consacrent à une critique renouvelée du capitalisme (et où la génération précédente est aussi très présente, d’Ignacio Ramonet du Monde diplomatique à Bernard Cassen au comité directeur d’Attac), on peut citer les exemples suivants.
Multitudes et Vacarme
La revue et la plateforme Internet Multitudes ont été lancées en février 2000 par Yann Moulier-Boutang, avec la collaboration d’un réseau intellectuel international (Eric Alliez ou Barbara Cassin en France, Michael Hardt aux Etats-Unis, Judith Revel à Rome ou Yoshihido Ichida à Tokyo) et souvent composé de jeunes militants et universitaires (Frédéric Neyrat, Yves Citton, Laurent Guilloteau). S’intéressant à Deleuze aussi bien qu’aux marxismes du Tiers-Monde, Multitudes se place dans la lignée des théories du philosophe italien Antonio Negri sur « l’empire » et « les multitudes ».
Désormais publié par les éditions Verticales (Seuil), la revue Vacarme, plus littéraire, travaille les mêmes questions de la guerre généralisée, de la « grève humaine » et des résistances au pouvoir à Buenos Aires ou à Gaza, cette fois plutôt du côté de Michel Foucault, de la tradition anarchiste ou de l’activisme d’Act Up. Créée en 1997 et animée notamment par Philippe Mangeot, Pierre Zaoui, Mathieu Potte-Bonneville et Michel Féher, ce trimestriel « culturel et politique » rencontre son public au croisement des mondes militant, artistique et universitaire.
D’Arlix à Renault
Et du côté des nombreux jeunes sociologues, philosophes et écrivains qui défendent chacun de leur côté ce réveil critique du politique, on peut citer à titre d’exemple les noms suivants : Philippe Corcuff, Laurent Jeanpierre ou Pascal Blanchard pour les sociologues, Frédéric Neyrat, Emmanuel Renault ou Bruce Bégout chez les philosophes, et Eric Arlix ou Mehdi Belhaj Kacem du côté des auteurs qui mettent au service d’une telle mobilisation critique d’autres formes d’écriture, plus littéraires ou même ludiques.
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