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Majeure 84. Lignes décoloniales

Parce que la colonialité est partout, la décolonialité est inévitable, par

Parce que la colonialité est partout, la décolonialité est inévitable
Dans ce texte, Walter D. Mignolo, l’un des membres-fondateurs du groupe modernité/colonialité aux côtés d’Aníbal Quijano, revient sur la définition de la colonialité comme « face sombre de la modernité » et sur les formes non seulement politiques et économiques mais encore épistémiques et esthéSiques que doivent prendre les enquêtes et les luttes décoloniales. Renommant les ancêtres de ces luttes et dénonçant le « management colonial du savoir » qui a tenté de les faire disparaître, le texte de Mignolo célèbre les travaux de Ottobah Cuogano, Felipe Guamán Poma et M. K. Gandhi comme autant d’appuis pour une pensée décoloniale et pluriverselle de la frontière.

Because Coloniality is Everywhere, Decoloniality is Unavoidable
In this text, Walter D. Mignolo, one of the founding members of the modernity/coloniality group along with his friend and colleague Aníbal Quijano, returns to the definition of coloniality as the “dark side of modernity” and the forms, not only political and economic but also epistemic and aestheSic, that decolonial investigations and struggles must take. Acknowledging the forebearers of these struggles and denouncing the “colonial management of knowledge” that has attempted to eradicate their memories, Mignolo’s text celebrates those of Ottobah Cuogano, Felipe Guamán Poma, and M. K. Gandhi as supports for a decolonial and pluralistic thinking of the border.

Généalogies du féminisme décolonial
En femmage à María Lugones, par

Généalogies du féminisme décolonial
Cet article restitue le mouvement décolonial à sa lignée améfricaine et féministe. Prenant pour point de départ les contestations que soulèvent les célébrations des 500 ans de l’arrivée de Colomb en Abya Yala, le féminisme décolonial prend racine dans une critique anti-impérialiste des institutions internationales, mais il est aussi une dénonciation des impasses des pensées décoloniales qui négligent la « colonialité du genre ». S’appuyant sur les travaux de María Lugones, l’article montre comment la binarité de genre et l’hétérosexualité obligatoire fonctionnent comme des technologies coloniales/racialisantes, et comment la lutte anti-capitaliste pour la justice sociale ne peut faire l’économie d’une critique intersectionnelle des oppressions.

Genealogies of Decolonial Feminism
This article returns the decolonial to its Amefrican and feminist lineages. Taking as its starting point the protests raised by the celebrations of the 500th anniversary of Columbus’arrival in Abya Yala, decolonial feminism is rooted in an anti-imperialist critique of international institutions, but it is also a denunciation of the impasses of decolonial thinking that neglects the “coloniality of gender”. Drawing on the work of María Lugones, the article shows how gender binarity and compulsory heterosexuality function as colonial/racializing technologies, and how the anti-capitalist struggle for social justice cannot do without an intersectional critique of oppressions.

Le féminisme décolonial en Abya Yala, par

Le féminisme décolonial en Abya Yala
Les rapports sociaux de race, de genre, de sexe sont inextricablement mêlés : telle est une idée centrale du féminisme décolonial tel qu’il se déploie depuis Abya Yala, du nom que le peuple kuna donnait au continent américain. L’article situe l’importance de renommer les femmes et féministes d’origine autochtone, une manière de défaire les discours coloniaux (parfois tenus par des universitaires féministes) sur les pratiques de genre avant la colonialité/modernité. Ochy Curiel illustre cette idée à partir de l’expérience du GLEFAS (Groupe latino-américain de formation et d’action féministe) : le décolonial n’y est pas seulement une critique du savoir académique, il est profondément ancré dans des pratiques autogestionnaires de luttes anticapitalistes, dans le lesbianisme politique, dans la rue, dans les associations, dans les organisations communautaires.

Decolonial Feminism in Abya Yala
Social relations of race, gender, and sex are inextricably intertwined : this is a central idea of decolonial feminism as it has unfolded from Abya Yala, the name the Kuna people gave to the American continent. The article locates the importance of celebrating women and feminists of indigenous origin, a way of undoing colonial discourses (sometimes held by feminist scholars) on gender practices before coloniality/modernity. Ochy Curiel illustrates this idea from the experience of GLEFAS (Grupo Latinoamericano de Estudio, Formación y Acción Feminista) : the decolonial is not only a critique of academic knowledge, it is deeply rooted in autonomous practices characteristic of anti-capitalist struggles, in political lesbianism, in the street, in associations, in grass-root organizations.

Subalternité et invention politique dans les quartiers populaires
À partir des travaux de Daho Djerbal, par

Peut-on décolonialiser le rêve de la valeur, rêve du Blanc en Afrodystopie ?, par

Peut-on décolonialiser le rêve de la valeur, rêve du Blanc en Afrodystopie ?
L’article interroge la radicalité de la pensée décoloniale, en la mettant en perspective avec les figures du Blanc, de l’Africain paradigmatique, du Noir idéologique, du continent noir qui ressortissent d’une configuration idéologique organisée selon le principe de la violence de l’imaginaire onirique de la valeur, le sujet automate du capitalisme et de l’Argent, son représentant, c’est-à-dire son fétiche. Aussi, à la question de savoir si la radicalité de la pensée décoloniale est en mesure de décolonialiser le rêve de la valeur en Afrodystopie, la réponse suggérée à partir des exemples de terrain est négative, et s’explique par le fait que le système de la valeur, système du Blanc, système de l’Africain paradigmatique est profondément ancré dans la vie psychique des sociétés dites noires, africaines ou afrodescendantes, créations du rêve d’Autrui, rêve de la valeur.

Can one Decolonize the Dream of Value, Dream of the White in Afrodystopia ?
This article questions the radicality of decolonial thought, putting it in perspective with the figures of the White, the paradigmatic African, the ideological Black, and the Black continent, which are part of an ideological configuration organized according to the principial violence of the dreamlike imaginary of value—the automaton subject of capitalism—and Money—its representative, that is to say its fetish. Also, to the question of whether the radicality of decolonial thought is able to decolonize the dream of value in Afrodystopia, the answer suggested from the examples in the field is negative, and is explained by the fact that the system of value, the system of the White, the system of the paradigmatic African, is deeply rooted in the psychic life of the so-called Black, African or Afrodescendant societies, creations of the dream of the Other, which is the dream of value.

Ouvertures du décolonial à l’âge du Plantationocène, par et

Ouvertures du décolonial à l’âge du Plantationocène
Les leçons du décolonial sont multiples pour celleux qui avaient cru aux récits de la fin des Empires : aux côtés des luttes anticoloniales qui nous ont appris à rejeter les formes les plus directes d’oppression politique et économique, avec les impasses du post-colonialisme et des pensées de l’hybridation, le décolonial fait le jour sur la saisie des imaginaires, des sensibilités et des rationalités par la logique coloniale. À l’ère de la sixième extinction, l’Anthropocène prend le visage d’un âge de la Plantation, où la logique d’appauvrissement et de simplification des naturecultures est partout à l’œuvre. Parce que cette « oxydentalisation » qui coupe le souffle n’épargne personne, il est urgent d’entendre les ouvertures contre-plantationnelle du décolonial.

Decolonial Openings in the Age of Plantationocene
The lessons of the decolonial are multiple for those who believed in the narratives of the end of the Empires : alongside the anti-colonial struggles that taught us to reject the most direct forms of political and economic oppression, with the impasses of post-colonialism and hybridization, the decolonial brings to light the seizure of imaginaries, sensibilities and rationalities by the colonial logic. In the era of the sixth extinction, the Anthropocene takes on the face of an age of the Plantation, where the logic of impoverishment and simplification of naturecultures is at work everywhere. Because this breathtaking “oxidization” spares no one, it is urgent to hear the counter-plantational openings of the decolonial.

Cannibaliser le décolonial ?, par

Cannibaliser le décolonial ?
Certaines critiques décoloniales des concepts d’hybridation, de pensée-frontière et de métissage mènent parfois sur le terrain des surenchères identitaires. Certaines analyses affirment que le capitalisme néolibéral ferait son miel des concepts contestataires d’anthropophagie politique qui ont animé la pensée décoloniale brésilienne, d’Oswald de Andrade à Suely Rolnik. Mais, dit Giuseppe Cocco, « le capitalisme contemporain n’est pas anthropophage, il est parasitaire » : s’il aime le métissage, ce n’est pas pour l’assimilation de l’autre, mais pour son extraction sans partage ; il n’est pas une anthropophagie (manger l’autre, et se laisser changer par lui), mais une anthropoémie (le vomir). Ce pourquoi il reste d’actualité de cannibaliser le décolonial.

Cannibalizing the Decolonial ?
Some decolonial critiques of the concepts of hybridization, of border thinking, and of mestizaje sometimes lead to identity-based escalations. These analyses claim that neoliberal capitalism is making its honey with the riotous concept of “political anthropophagy” that animate Brazilian decolonial thinking, from Andrade to Rolnik. But, says Giuseppe Cocco, “contemporary capitalism is not anthropophagic, it is parasitic” : if it loves difference, crossbreeding, it is not for the assimilation of the other, but for its extraction without sharing. It is not an anthropophagy (eating the others, and letting oneself be changed by them), but an anthropoemia (vomiting them), and that is why it is still urgent to cannibalize the decolonial.

Appropriation-réappropriation, délestage, décalage, par

Appropriation-réappropriation, délestage, décalage
Si le décolonial appelle au décentrement, ce ne peut être sur le mode d’une simple multiplication de nouveaux centres : le décentrement est plutôt une pratique de désorientation, de sabotage et de transgression, dont l’article propose une analyse féministe décoloniale selon trois modalités. La transgression-appropriation consiste à accaparer ce qui a été refusé : à penser par exemple la possibilité d’un féminisme dans le monde musulman en dehors (avant, après, au revers) de la modernité/colonialité. La transgression-délestage consiste à refuser ce qui a été refusé : refuser ce qui n’est pas soi (refuser l’efficacité, la concurrence et leurs prétendus bénéfices). La transgression-décalage, enfin, invite à refuser non pas seulement la société coloniale, mais surtout ses cales, son épistémologie, ses imaginaires, ses fondements (et notamment ceux d’un certain féminisme colonial). Un appel détaillé au débranchement décolonial.

Appropriation, Re-appropriation, Offloading, Offsetting
If decolonial feminism calls for decentering, it cannot be in the mode of a simple multiplication of new centers : decentering is rather a practice of disorientation, sabotage and transgression, of which the article proposes a decolonial feminist analysis according to three modalities. Transgression-appropriation consists in appropriating what has been refused : to think, for example, of the possibility of a feminism in the Muslim world outside (before, after, on the reverse side) of modernity/coloniality. Transgression-offloading consists in refusing what has been refused : refusing what is not oneself (refusing efficiency, competition and their alleged benefits). Transgression-offesetting, finally, invites to refuse not only the colonial society, but also its holds, its epistemology, its imaginary, its foundations (and notably those of a certain colonial feminism). A detailed call to decolonial disentanglement.

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Entretien avec Simon BoudvinConsulter l'Icônes 52Icônes 80. ACBE/Johann Hauser/Óscar Fernando Morales/Janko Domsic/Szabolcs  Bozó/Giovanni Bosco/Dwight Mackintosh/José Manuel Egea/Alberto Jorge Cadi/Louis Bec/Guo Fengyi/Davood Koochaki/Mihai Zgondoiu/Echelle inconnueRuti Sela & Maayan AmirDu mouvement en art et en statistiquePrice Seth. OK, just send me the bill