Quelles sont les formes amérindiennes de lutte ? Quel est l’univers cosmopolitique d’une Amérique du Sud marquée par la multiplication des conflits entre, d’une part, les constructions autonomes des communautés des peuples de la forêt et, d’autre part, l’État, l’agriculture et les orpailleurs ? Nous en examinerons deux qui traversent le moment politique sud-américain, où se mêlent à la fois les victoires électorales de gouvernements progressistes, l’intensification de l’extraction des ressources des territoires indigènes et une ouverture sans précédents à la différence dans la sensibilité politique urbaine. Le « moment sud-américain » se caractérise ainsi par l’affirmation paradoxale d’un consensus politique (et étatique) néo-développementiste avec une multiplication concomitante de voix qui défient l’unification moderne de la nature par l’État.
Soit le double mouvement des innombrables grands travaux du néo-développementiste et en même temps des luttes amérindiennes pour la défense, la reconnaissance et l’ampliation des ressources autochtones. Des centaines de territoires sont livrées en concession pour l’extraction des sous-sols, des routes transocéaniques visant le marché chinois ou l’expansion des monocultures d’exportation (soja), transformant des vastes territoires en déserts. En même temps, les conflits se diffusent : contre le gigantesque barrage hydroélectrique de Belo Monte, cas emblématique de centaines d’autres en construction dans les fleuves amazoniens, contre aussi l’avancée de l’exploitation agricole des terres Guarani au Paraguay, en Bolivie et au Brésil, contre la route traversant le Territoire Indigène et Parc National Isiboro Sécure en Bolivie, enfin, partout, contre l’intensification de l’extraction des ressources de la terre.
C’est que de nouveaux acteurs apparaissent, tels que les entreprises minières canadiennes, les logisticiens chinois, les groupes brésiliens du BTP, les juges qui valident des grands travaux pourtant inconstitutionnels. Ces conflits font aussi apparaître les peuples indigènes contestant que l’exploitation de ressources naturelles aurait lieu dans des territoires inhabités. L’actuel consensus autour du « développementisme » autour de la nécessité pragmatique d’accumuler des devises que l’État convertira en programmes sociaux et politiques d’inclusion a succédé à la défense néolibérale d’une libéralisation à outrance de l’économie des années 1990. Mais l’éviction des idéologies assimilationniste ou de supériorité raciale laisse intacte le délaissement des territoires indigènes par des forces centripètes analogues à celles de l’ère coloniale. Pour la sociologue Maristella Svampa (2013) : « par-delà les différences entre les régimes politiques d’aujourd’hui, le « consensus » sur le caractère irréversible des activités d’extraction empêche la production d’alternatives et la possibilité même d’un débat, dans un nouveau scepticisme de la résignation. Tout discours critique ou opposition radicale sont classés dans le champ de l’anti-modernité irrationnelle ou du fondamentalisme écologiste ».
Mais face à cette hégémonie de l’économie de marché et son discours créateur de dichotomies, des brèches s’ouvrent et des témoignages de résistances des civilisations autochtones s’amplifient. Des Andes aux côtes océaniques en passant par les forêts, la revitalisation de formes ancestrales d’organisation devient possible. Certains débats intellectuels et politiques (Acosta et Gudynas, 2011) influencent notamment la conception biologique de la nouvelle Constitution d’Équateur (2008) où la nature devient un sujet de droit. Michael Löwy (2005a, 2005b), Giuseppe Cocco (2009) et Raúl Zibechi (2012) participent également à cet espace théorique et pratique de nouvelles dissidences. Ils se centrent autour des peuples indigènes qui constituent le dehors de ce consensus, une opposition politique différente de ses cadres prédominants au xxe siècle. La chute du ciel (Kopenawa & Albert 2010) exprime cette nouvelle résistance différente des traditions socialistes et libérales grâce à ses liens avec les civilisations non occidentales. De même, une anthropologie immanentiste sensible à ces nouvelles compositions et voix en dissidence fournit une tentative de langue distincte de celle de l’accumulation capitaliste et de l’État (e.g Viveiros de Castro 2009, de la Cadena 2006).
Nous proposons ici l’exploration de deux versants de cette actuelle expérimentation politique. D’abord, le projet étatique alternatif des majorités indiennes de Bolivie interrogera les limites de la forme républicaine par une proposition plurinationale communautaire. Ensuite, les Yanomami représenteront à la fois un discours chamanique et une organisation politique au Venezuela et au Brésil. D’un côté une matrice communautaire avec ses forts liens avec la terre et le territoire, de l’autre une organisation, nomade, décentralisée et autonome, constituent à elles deux le terrain innovant d’une politique amérindienne en mouvement.
La critique décolonisatrice des Indiens et paysans autochtones boliviens à partir de l’État
L’arrivée en 2006 d’Evo Morales à la tête de l’État bolivien a permis, pour la première fois, à la majorité démographique (62 %) de devenir majorité politique : le visage, les mains, les gestes et la façon de parler du président étaient aussi physiquement ceux de cette majorité indienne. Des mots, héros, et hommes politiques nouveaux sont apparus au premier plan de l’État. À la télévision, les autorités ne parlent plus la langue de bois de la stabilité des marchés ou des investissements mais de la feuille de coca sacrée, de la décolonisation et de la Pachamama, c’est-à-dire des forces de la communauté.
La conjonction et la mobilisation d’éléments divers peuvent jaillir sans un contrôle vertical visant à les hiérarchiser. La demande de nationalisation des ressources naturelles, liée à la guerre du gaz après la découverte d’un énorme gisement et la fuite du président Sánchez de Lozada en 2003, correspond à la force communautaire. Dans la favela d’El Alto, les mobilisations de syndicats paysans se mêlent aussi à la reconstruction de formes ancestrales de l’Altiplano pour dépasser l’institution traditionnelle par l’adoption de la rotation des charges représentatives entre les familles, dans le cadre du système de conseils et de réciprocité du Vivir Bien (Bien Vivre). Ce concept andin est entré dans la nouvelle Constitution car la communauté permet de penser une alternative à l’accumulation de capital et à la destruction de la nature. L’affirmation du dehors dans ce contexte constituant rencontre les demandes nationalistes et populaires pour traverser l’État et ses institutions. Pour ceux qui pensaient le gouvernement comme instrument de décolonisation, la communauté s’affirmait dans l’État. Pour ceux qui pensaient au-delà de l’horizon étatique, l’ « indianisation » était nécessaire à la société. Ainsi s’affirme également la communauté contre l’État et la proposition d’un pays à deux justices, deux économies, deux entités autonomes entretenant des relations égales : une sorte d’interculturalité visant à produire une hybridation entre libéralisme, socialisme et communautarisme.
Le parti d’Evo Morales (le Mouvement Au Socialisme, MAS) s’est construit à partir d’un dialogue entre différentes organisations sociales articulées autour du Pacte d’unité. D’un côté, le projet des syndicats paysans nationalistes d’une souveraineté populaire pour récupérer les ressources naturelles ; de l’autre, des tentatives plurielles de dépasser le multiculturalisme de la Constitution des années 1990. Mais l’insuffisance numérique du MAS dans l’arithmétique du forum a nui, du point de vue des Indiens, à la rédaction des revendications dans la Constitution, même si le résultat est bien loin des précédentes d’inspiration libérale. La critique de l’État Nation monoculturel, de la République libérale, tous deux associés au colonialisme, y est inscrite par différents concepts de plurinationalité, autonomie indigène, Bien Vivre ou démocratie communautaire. Avec d’autres éléments comme la représentation directe, l’officialisation des langues indiennes, la parité entre les justices indigène et de l’État, la constitution abandonne autant le cadre monoculturel que multiculturel, ce dernier n’étant qu’une inversion en pleine continuité. Il ne s’agit pas de reconnaître seulement les droits et la pluralité des Indiens, mais aussi la construction de leur territorialité et leur autodétermination politiques. Ces éléments ont été souvent découpés ou amoindris dans la Constitution (Schavelzon 2012), mais la force de la communauté, de la différence de l’Indien paysan dépassent ces coupures.
Dans l’Assemblée constituante, la résistance au changement de l’élite raciste anti-indigène et patronale de la capitale encouragea le Pacte de l’unité entre paysans et Indiens. Non pas une cohésion homogénéisante et égalitaire, mais plutôt la coopération de territoires. Paysans et Indiens se sont accordés pour que les majorités paysannes favorables à l’État ne nient pas les minorités indiennes. La définition de peuple bolivien de la Constitution est emblématique : « La nation bolivienne est composée par la totalité des Boliviennes et Boliviens, nations et paysans autochtones, communautés interculturelles et afroboliviennes qui, dans leur ensemble, constituent le peuple bolivien. »
Cette idée de « nations et paysans autochtones » défie, de plusieurs façons, le sens commun étatique. Elle constitue une catégorie générique qui inclut tous les Indiens, y compris ceux « transformés » en paysans ou qui se sont éloignés des formes traditionnelles communautaires comme les migrants, en même temps que saisissant la spécificité des différents peuples des terres hautes et basses. Il fallait un concept réunissant sans exclure les différences, à l’opposé de l’idée traditionnelle de peuple ou de nation qui fond en un seul corps tous les citoyens de toutes cultures. Une rencontre sans précédents de minorités et majorités pour la première fois mentionnées par un État qui pouvait seulement maintenant être adopté par tous.
Mais cette incertitude d’expérimentations de peuples autonomes fait peur aux défenseurs de l’État de droit. Par exemple, les paysans qui contrôlent municipalités et syndicats agraires des vallées et de l’Altiplano pourraient former de nouveaux territoires autonomes, rompre avec les formes républicaines établies liées à une territorialité coloniale.
L’organisation Yanomami et la politique cosmique
Dans les années 1990, le département de l’Amazonas, auparavant soumis à l’administration centrale vénézuélienne à Caracas, s’institua en État de l’Amazonas. Le nouveau gouvernement régional soutint un processus de municipalisation et l’Assemblée – dans laquelle les Indiens ne sont pas représentés – a voté une dénaturation des territoires de dix-neuf groupes indigènes en sept municipalités dont les notables sont élus par vote secret.
L’Organisation régionale des peuples indigènes de l’Amazonas (ORPIA) des dix-neuf peuples indigènes dénonce en justice l’illégalité de mesures qui exigent la consultation des peuples indiens et la Cour suprême leur donne raison (Alès, 2007). L’ORPIA obtient la mission de proposer une nouvelle division politico-territoriale de l’Amazonas, mais une division s’instaure en son sein. Ceux liés aux partis politiques défendent le système municipal qui donne accès à certaines aides étatiques et plus de consommation, d’autres veulent adapter l’ancien système politique par l’auto-gouvernement indien d’une ou deux municipalités autonomes pouvant même aller jusqu’à l’idée d’un État de l’Amazonas comme « territoire indien ».
Face à l’impossibilité de penser une association indienne en Amazonas, les Yanomami proposent à l’ORPIA la création alternative de municipalités indiennes. Chaque secteur ou communauté élirait ses propres délégués réunis dans un conseil avec représentation proportionnelle qui n’aurait pas de maire mais des coordinateurs tournants. La capitale administrative ne serait pas non plus permanente, mais itinérante (Alès, 2007). C’est la thèse de Pierre Clastres sur la précarité du pouvoir du chef, puisque « le leader ne constitue pas un chef de plein pouvoir puisqu’il ne dispose pas d’une force coercitive, […] il s’agit plus d’une question d’autorité sociale et politique liée à l’intérêt commun » (Alès, 2006). Mais cette « mairie itinérante », même pour les alliés non-autochtones de l’ORPIA, parut trop éloignée du modèle démocratique national.
De l’autre côté de la frontière, au Brésil, d’autres tensions existaient, cette fois entre aspirations Yanomami et expansion capitaliste. À partir de l’Amazonie, le leader Yanomami au Brésil, Davi Kopenawa, formule une critique cosmopolitique. Il conjugue dans son discours les catégories blanches (territoire, culture, environnement) avec une ré-élaboration cosmologique, facilitée par son insertion dans les deux mondes. Son groupe d’origine décimé par un choc microbien, il a appris le portugais par des missionnaires et devient fonctionnaire des questions indigènes avant de réintégrer par la suite un autre groupe Yanomami.
Selon Kopenawa, tous les êtres de la forêt possèdent une image utupë et les esprits auxiliaires xapiripë sont responsables « par l’ordre cosmologique des phénomènes écologiques et météorologiques : migration de chasse, fertilité des plantes sylvestres, contrôle de la pluie, alternance des saisons… » (Albert, 2002). Les xapiripë sont les images des ancêtres animaux Yanomami du temps des origines (Kopenawa & Albert, 2003) qui habitent le sommet des collines et des montagnes en montrant l’inexistence d’une forêt « vide ». Ces esprits passent et se multiplient de chaman en chaman.
La forêt est urihi a, c’est-à-dire la terre-forêt dont l’image peut seulement être vue par les chamans. Les esprits de la forêt sont les images des arbres, feuilles, lianes, mais aussi de la chasse, des poissons, abeilles, tortues, limaces, en somme de toute la « population » de cet espace. Ce sont les esprits qui les maintiennent en vie. L’image da fertilité de la forêt, në roperi, se rapproche de ce que les Blancs nomment nature, mais « les esprits xapiripë sont les véritables possesseurs de la nature et non pas les humains » (Kopenawa & Albert, op. cit.). « Le concept d’« environnement » indique une extériorité et présuppose donc le point de vue d’un sujet dominant : la société industrielle globale », étant, pour Kopenawa, « ce qui reste de ce qu’il a détruit » (Albert, op. cit.).
L’écologie a toujours existé pour Omama, démiurge des Yanomami. Il s’agit d’un perspectivisme : la forêt est intelligente, capable d’occuper un point de vue et de penser : « C’est pourquoi elle sait se défendre avec ses xapiripë ». La forêt subsiste grâce au travail des grands chamans faisant danser ses esprits pour la protéger. Néanmoins, « les xapiripë en colère sont de plus en plus nombreux à mesure que leurs pères sont dévorés par l’épidémie xawara ». Les Blancs ne comprennent pas du tout la forêt, sa fertilité et sa sensibilité : « Ils ne l’entendent pas se plaindre alors qu’elle ressent la douleur comme les humains. Ses grands arbres gémissent en tombant et elle pleure de souffrance quand elle est incendiée » (Kopenawa & Albert, 2010).
Les Yanomami sont « les habitants de la forêt », ce qui constitue leur « manière d’être ». Leur discours et leur lutte s’expriment ainsi en termes cosmopolitiques par-delà la division moderne entre nature et culture – c’est ainsi que Kopenawa pense l’invasion des orpailleurs et l’épidémie déclenchée par eux. Il existe un lien, pour les Yanomami, entre les épidémies et les infections des voies respiratoires par la fumée du métal. « Lorsqu’il est conservé dans le froid de la terre, l’or est inoffensif », mais les orpailleurs « le brûlent et l’exposent au soleil dans des boîtes d’un métal qui « tue » l’or et le fait « exhaler » une fumée fétide. » (Albert, 2002), qui effraie les esprits chamaniques de la forêt. Aujourd’hui, une multiplication de ces esprits de l’épidémie xawarari atteint jusqu’au « «ciel-espace cosmologique » (hutukara) » (Albert, 2002).
Symbolisée localement par les orpailleurs, Kopenawa considère l’activité économique des Blancs comme une prédation générale avec la pollution industrielle et le réchauffement global. « Si les Blancs pouvaient, comme nous, entendre d’autres paroles que celles de la marchandise, celles des xapiripë, ils sauraient se montrer généreux et seraient moins hostiles envers nous ». Kopenawa craint que « cette euphorie de la marchandise n’ait jamais fin » (Kopenawa & Albert, 2010).
Les résistances Yanomami pratiquent une « ambivalence » vis-à-vis de la gauche et des gouvernements progressistes. « Contemporains du xxie siècle, les Yanomami font partie des sociétés qui ignorent l’État », selon Catherine Alès (2006), leur ethnographe au Venezuela. Ils subvertissent la politique conventionnelle tout comme certaines expériences prolétaires. Les révoltes continues et les organisations créées à partir de l’expérience inaugurale des conseils (la Commune de Paris) indiquent qu’il existe chez Marx et surtout dans les pratiques concrètes et créatives des sujets sociaux une permanence de la forme-conseil, contre l’État. Avec notamment la constante révocabilité des mandats. Les élections auraient un autre rôle avec une participation populaire massive ; non plus le moment, mais un moment, de la critique marxienne – et amérindienne – de la représentation (Tible, 2012).
D’autres échos entre un anticapitalisme indien et le nôtre existent. La critique de Kopenawa se rapproche de la critique par Marx du fétichisme de la marchandise de même que des liens entre les points de vue Yanomami et marxien sur l’affleurement du commun. Face à une dépossession des savoirs traditionnellement liés au travail, une des tâches de la révolution communiste est de procéder à une « réappropriation de l’intelligence collective » (Renault, 2009). Au-delà de celle des moyens de production classique, Hardt & Negri prône aujourd’hui le « libre accès et contrôle des connaissances, communications et affects » (2001).
Le capitalisme ne détruit pas seulement mode de vie et subsistance des paysans pauvres de différents peuples, mais principalement leur « intelligence collective concrète, liée à ce patrimoine commun de créations collectives dont tous dépendaient ». Isabelle Stengers détourne ainsi la célèbre phrase du Manifeste du Parti communiste sur l’histoire des luttes de classes : nous descendons soit des sorcières, c’est-à-dire des créations collectives de multiples communs pré-capitalistes, soit de leurs chasseurs, c’est-à-dire la pensée dominante et unitaire capitaliste. Ce qui unit des relations sociales aussi distinctes est que l’expansion capitaliste essaye de les détruire toutes (Stengers, 2009b).
Soit un type de défi cosmopolitique lancé au capitalisme, à l’État, mais aussi aux politiques régionales d’une gauche « développementiste ». Malgré la distribution des revenus et des richesses, les gouvernements « progressistes » ignorent les luttes des peuples indigènes. Y a-t-il divorce complet entre ces gouvernements de gauche et les aspirations amérindiennes pour le Bien Vivre ? Kopenawa se montre assez pessimiste envers l’incurable sorcellerie capitaliste des Blancs qui leur interdit d’agir autrement. Néanmoins, quelque brèche subsiste. À la fin de son manifeste cosmopolitique, il cite Chico Mendes, un Blanc qu’il pense avoir grandi comme les Yanomami au milieu de la forêt. Pour cette raison, « il refusait d’abattre et de brûler tous ses arbres pour se contenter de n’extraire qu’un peu de leur sève pour vivre. Il avait pris la forêt en amitié et aimait sa beauté » (Kopenawa & Albert, 2010). Un Blanc ainsi ouvert aux enseignements d’Omama est considéré par Kopenawa comme un précurseur de « certains d’entre eux qui inventent de nouvelles paroles pour protéger la forêt. Inquiets de voir leur terre devenir de plus en plus chaude, ils se disent maintenant gens de l’écologie » (Kopenawa & Albert, 2010). Kopenawa ouvre ainsi une possibilité de rencontre subversive en mentionnant le leader seringueiro avec qui il avait fondé l’Alliance des peuples de la forêt qui réunissait Indiens et non-Indiens.
Dilemmes et lignes de fuite
Un monde semble séparer les Indiens boliviens des peuples Yanomami au Venezuela et au Brésil, les uns subsistant sur leurs terres, les autres envahis dans leurs territoires colonisés. Le paysan indien avec sa Constitution d’un côté, le nomade et son discours chamanique de l’autre. Mais l’expansion développementiste du capital qui rase les montagnes et ouvre routes ou fleuves, rapproche ces différences cosmopolitiques en dehors des consensus. Les natures et cultures indiennes montrent ainsi leurs points communs d’une force communautaire qui dérègle les hiérarchies : leurs conceptions de l’univers ne polarisent pas les mondes humain et non-humain comme l’occident moderne ; et leurs demandes politiques dans les terres hautes et basses sont au-delà des subordination et individualisation des espaces par l’État capitaliste. Loin du folklore, sans s’affirmer en péril d’extinction ou victimes du colonialisme, les peuples indigènes se montrent puissants et vigoureux dans la construction d’alternatives pour un monde commun. Avec des ontologies qui se réinventent, les peuples amérindiens semblent avoir beaucoup plus de sentiers à découvrir que ceux qui résistent au capitalisme ou au développementisme à partir d’une critique désespérée sans confiance dans les possibilités politiques et dans l’attente de la catastrophe à venir.
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