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Majeure 89. Contre-enquêtes en open source

Les défis de l’investigation journalistique en sources ouvertes

et

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« The truth will out »

Shakespeare,
Le Marchand de Venise

La guerre en Ukraine a propulsé au centre de l’attention le terme OSINT (Open Source Intelligence) jusque-là réservé aux seuls spécialistes de l’enquête en sources ouvertes. Née dans le champ du renseignement militaire avant de se déployer dans d’autres secteurs comme ceux de l’intelligence économique, de la veille informationnelle ou du journalisme, cette méthode d’investigation repose sur des techniques de repérage, de collecte et d’analyse d’informations caractérisées par leur accessibilité1. Elle a récemment été mise en lumière par les médias au travers d’enquêtes sur l’origine et la signification d’images et de documents en provenance des zones d’affrontement. De la localisation de chars russes à la frontière ukrainienne, la veille de l’assaut, à l’examen minutieux des images de corps inanimés dans une rue de Butcha ou à la reconnaissance visuelle de l’identité de personnes impliquées dans de possibles crimes de guerre, les investigations de type OSINT se sont multipliées et ont eu un écho considérable dans la presse et sur les réseaux sociaux.

Plusieurs médias ont d’ailleurs mis en place des opérations spéciales de vérification d’information en provenance d’Ukraine comme France Télévision avec l’émission Vrai ou fake qui a multiplié les enquêtes de type OSINT depuis le déclenchement de la guerre, ou l’AFP, France 24 et Le Monde qui se sont appuyés sur des services dédiés à l’investigation visuelle en sources ouvertes lancés quelques années auparavant. À l’international, Reuters, le New York Times, et le Guardian ont été particulièrement actifs sur ce terrain et ont permis, entre autres, d’apporter des preuves de l’implication de la Russie dans des crimes de guerre. Et sur Twitter, le hashtag OSINT qui générait au mieux quelques milliers de tweets par jour, essentiellement parmi les professionnels du milieu ou dans la communauté d’amateurs rompus à ces techniques de renseignement et aux défis d’identification qui les accompagnent2, a été relayé des dizaines de milliers de fois ces derniers mois, souvent au-delà des premiers cercles d’initiés. Un pic à 12 000 messages a même été enregistré au début des opérations militaires russes en Ukraine, le 24 février 2022.3 Comment expliquer cet engouement, surtout parmi les journalistes ? Et quelles leçons tirer de la généralisation d’une pratique qui renferme autant de potentiel que de pièges techniques et analytiques ?

Aux origines d’un engouement

Commençons par signaler que l’intégration de l’OSINT dans la pratique journalistique est à la fois inattendue et évidente. C’est d’ailleurs dans cette apparente contradiction qu’il est possible d’identifier les premières pistes d’explication de son succès auprès des professionnels de l’information.

Inattendue parce que les techniques d’investigation en sources ouvertes sont nées dans un champ que tout oppose au journalisme, à savoir le renseignement militaire caractérisé par le secret et conditionné par le processus décisionnel qu’il informe, alors que l’éthos journalistique repose sur la divulgation d’information dans l’intérêt du public, en dehors de toute vocation judiciaire ou d’une quelconque logique d’action. D’ailleurs, l’usage de ce terme à connotation militaire a entraîné, et entraîne toujours, des résistances dans le milieu journalistique alors même que des médias de renom comme le New York Times, Reuters, l’AFP, Le Monde ou France Télévision ont adopté l’OSINT dans leurs démarches d’enquêtes. D’un autre côté, l’apparition de ces méthodes dans la pratique journalistique revêt un caractère d’évidence parce qu’elles apportent à ce champ un complément d’expertise et d’outils lui permettant de s’affranchir de deux contraintes majeures : celle de l’espace, lié à un enjeu d’accessibilité et celle du temps, déterminé par le rythme de l’actualité. En effet, les méthodes OSINT permettent aux journalistes qui en ont la maîtrise d’enquêter rapidement, et parfois en continu, sur des zones difficiles d’accès, voire inaccessibles. C’est d’ailleurs sur un autre terrain de guerre que l’OSINT a gagné ses lettres de noblesse auprès des journalistes, bien avant le conflit en Ukraine. Il s’agit de la guerre en Syrie où Eliot Higgins, journaliste autodidacte, a expérimenté, dès 2012, différentes techniques de vérification et d’analyse d’images disponibles sur internet avant de créer, en 2014, Bellingcat, site de référence en matière d’investigation à partir de sources ouvertes4.

Ce moment fondateur a permis à plusieurs journalistes intéressés par l’investigation et familiers des outils numériques, de repérer les points forts d’une méthode composée d’une série de gestes distincts dont certains anodins et d’autres plus décisifs : observer, repérer, collecter, classer, hiérarchiser, décrypter, induire, schématiser, modéliser, narrer et visualiser des données accessibles en ligne.

Aucun de ces gestes n’est complètement inédit pour un journaliste d’investigation puisque sa pratique repose sur une progression similaire, mais tous sont voués au traitement d’une matière première que la presse a longuement négligée : celle composée de vidéos amateur, de photos prises par des témoins, d’images satellitaires ou encore de publications éclatées sur les réseaux sociaux. Jugées toxiques parce que difficiles à évaluer par les méthodes d’enquête classiques, ces documents forment aujourd’hui le cœur de l’enquête OSINT et offrent aux journalistes qui savent les manipuler la possibilité de produire des démonstrations édifiantes5. Ils leur permettent aussi de s’extraire d’un alignement presque obligatoire aux sources officielles pour appréhender les évènements dans toute leur complexité. Si, comme le précise Thierry Watine, les médias sont le plus souvent démunis face à la tâche de décodage-réencodage qui leur incombe, préférant le traitement superficiel de l’actualité à la navigation en profondeur et en nuance6, ceux qui optent pour l’OSINT parviennent à inverser cette tendance en investissant pleinement le terrain, aussi virtuel soit-il. Suivant cette logique, l’OSINT cesse d’être une méthode d’enquête exogène pour former un prolongement naturel de l’arsenal des journalistes d’investigation. Pour les médias qui l’adoptent, elle constitue un atout dans la couverture d’un terrain de guerre, d’autant plus qu’elle ouvre la voie à trois approches complémentaires.

Vérifier, enquêter, documenter

Les combats qui font rage en Ukraine sont aujourd’hui scrutés par les journalistes du monde entier dans le but de rendre compte de l’évolution des affrontements et de leurs conséquences sur le plan humain, économique et géopolitique. Pour les spécialistes de l’OSINT, il s’agit avant tout de vérifier les informations en provenance des zones de conflit, surtout que leurs sources et leur qualité sont souvent douteuses. Cette approche est complétée par deux autres visées, selon Eliot Higgins : celle de produire des enquêtes minutieuses sur les faits dans l’optique de construire un appareil de preuves irréfutables, et celle de documenter les crimes de guerre7.

La première approche OSINT se traduit par un sous-genre spécifique d’enquêtes dites « réactives » que l’on associe, généralement, au fact-checking. Plusieurs enquêtes de ce type ont été réalisées par les cellules OSINT des médias avec pour objectif de démêler le vrai du faux et de faire la lumière sur des informations controversées, souvent disséminées par la propagande russe ou ukrainienne. On songe bien sûr à l’enquête du New York Times qui a permis d’établir l’implication de la Russie dans le massacre de civiles à Butcha8 ou à l’enquête de CNN qui a fourni les preuves d’une frappe russe sur une maternité de Marioupol le 9 mars 20229.

Plus rares que ces enquêtes-éclair qui visent à déterminer la provenance et la validité d’une information, des enquêtes OSINT dites « proactives » ont également été menées par les médias. Elles permettent de composer des récits documentés sur des évènements qui se sont déroulés sur le sol ukrainien. Les journalistes d’Associated Press ont, par exemple, enquêté sur les pertes humaines consécutives au bombardement du théâtre de Marioupol. Leur investigation basée sur des images satellitaires, des vidéos amateur et des témoignages de survivants a donné naissance à un long-format multimédia qui démontre l’ampleur de la catastrophe dans laquelle 600 personnes ont péri10.

De leur côté, Bellingcat 11 et Le Monde 12 ont enquêté sur les armes utilisées par l’armée russe. Leur recherche a apporté la preuve de l’emploi, par la Russie, d’armes à sous-munition, interdites par la convention d’Oslo.

Une troisième démarche consiste à utiliser l’OSINT pour documenter les atrocités commises par les belligérants. Il s’agit de repérer, collecter et vérifier des documents issus du terrain pour les publier sous forme d’archive dans un espace numérique susceptible d’être mobilisé lors d’un procès. Ce sont essentiellement les médias étrangers qui ont investi ce terrain comme Bellingcat 13, le New York Times14 ou le Guardian15, rappelant, au passage, les convergences récentes entre la logique journalistique et la logique militante dans la presse anglophone16. En France, en revanche, cette approche reste très marginale17.

Le triptyque que nous venons de décrire porte en lui une promesse éditoriale qui s’appuie aussi bien sur des compétences techniques que sur un engagement professionnel qui entend combattre, d’un côté, l’inflation informationnelle par un réinvestissement journalistique dans les efforts de médiation, et accroître, de l’autre, la crédibilité de la presse en amplifiant son rôle de contre-pouvoir. Il n’est, de ce fait, pas étonnant de voir émerger autour de l’OSINT un discours teinté d’optimisme très proche de celui qui a accompagné l’émergence, dans les années 2010, du datajournalisme18. Pour autant, cette démarche est confrontée à des difficultés d’ordre aussi bien techniques qu’épistémologiques, c’est-à-dire relatives à un potentiel de dévoilement de la vérité et de production de connaissances.

Enjeux de détectabilité et désir de vérité

D’un point de technique, la principale limite d’une enquête en sources ouvertes se résume à ce que Eyal Weizman appelle le « seuil de détectabilité » d’un objet, c’est-à-dire, l’état de l’objet qui peut osciller entre l’identifiable ou le non identifiable19. Dans le cadre d’une enquête journalistique de type OSINT, l’objet en question peut être une ombre repérée sur une image satellitaire et correspondant, après analyse, à un cadavre, comme une trace sonore ou un éclat lumineux sur une vidéo indiquant la provenance d’un tir ou le type d’arme utilisé. Il peut aussi s’agir d’un signe distinctif arboré par un belligérant ou d’une silhouette, d’un visage, d’une cicatrice, etc., permettant aux enquêteurs d’identifier son propriétaire. Pour que la correspondance entre la réalité et son interprétation soit suffisamment convaincante, toutes ces traces doivent exister au-dessus du seuil de détectabilité qui dépend aussi bien de la qualité de l’objet observé que de l’instrument qui sert à son analyse et des compétences de la personne qui s’engage dans le travail d’interprétation.

Prenons l’exemple de l’imagerie satellitaire. Dans la mesure où le niveau de précision des images captées par des satellites postés à plusieurs centaines de kilomètres de la Terre est généralement bas, un fossé se crée entre le réel et son interprétation que seul un regard expert est en mesure de réduire. De ce point de vue, l’imagerie satellitaire n’est pas sans rappeler l’imagerie médicale qui exige un regard initié pour déceler des indices essentiels à partir d’ombres mal définies sur une surface artificielle. L’analyse de l’expert n’est pas pour autant infaillible. Elle est conditionnée par la qualité de l’image et par la rigueur de la démarche analytique qu’il adopte pour fonder son diagnostic. Dans les enquêtes OSINT comme dans la recherche médicale, la production de connaissances dépend d’un travail d’interprétation sujet à erreur. Elle suit une approche de type hypothético-déductive qui consiste à élaborer des hypothèses susceptibles d’être infirmées ou confirmées selon un protocole d’observation, de recoupement et d’analyse rigoureux.

C’est dans ce sens que l’on peut dire que les investigations journalistiques de type OSINT empruntent à la démarche scientifique ses codes, mais adhèrent-elles pour autant à sa conception d’une vérité qui « vit à crédit », selon la belle formule de William James20 ? Si l’on considère que pour la science, l’enjeu n’est pas tant d’aboutir à une vérité absolue, mais de composer un savoir raisonnable ouvert à la discussion, le propos journalistique peut-il emprunter le même chemin ? Patrick Charaudeau rappelle, à juste titre, qu’il existe une frontière entre le propos savant et le propos journalistique. Si le premier tire sa légitimité de la prudence qu’il manifeste dans ses efforts pour réduire le doute, le second ne peut employer une rhétorique similaire au risque de produire « un effet d’incertitude, de doute, contradictoire avec les attentes (une fois de plus supposées) des lecteurs »21. Aussi rigoureuse soit-elle, la méthode employée par les journalistes dans le cadre d’une investigation OSINT reste donc tributaire d’un contrat de communication qui lui impose des limites épistémologiques évidentes.

Pour illustrer cette limite, prenons l’exemple des enquêtes sur les cadavres de civils découverts à Butcha ou sur le bombardement de la maternité de Marioupol. Dans les deux cas, les enquêteurs du New York Times et de CNN suivent une méthode d’investigation comparable à la méthode scientifique pour élaborer un appareil de preuves solides démontrant l’implication de l’armée russe dans ces deux crimes de guerre. La différence intervient au niveau de la présentation des preuves qui répond à une logique de mise en récit caractérisée par un double enjeu informatif et persuasif. En effet, dans ces deux longs-formats multimédia, plusieurs procédés narratifs sont employés pour rendre compte de la réalité, mais aussi pour avancer une démonstration qui se veut irréfutable. Ainsi, si le récit se fait l’écho d’une histoire factuelle, il la présente selon un cadrage journalistique marqué par un schéma explicatif totalisant et univoque, le tout renforcé par une grande virtuosité technique.

Ceci étant, la démarche OSINT utilisée dans ces deux cas, comme dans la majorité des enquêtes de ce type, entraîne aussi un dépassement qu’il convient de signaler. Contrairement aux productions journalistiques classiques, mais conformément à une tendance portée, entre autres, par le journalisme d’investigation et plus récemment par le datajournalisme, les productions de type OSINT accordent une place de choix aux coulisses de l’enquête. L’ambition est ici double : il s’agit, d’une part, de faire acte de transparence à des fins déontologiques et, d’autre part, d’inciter les lecteurs à se saisir de l’objet d’étude, dans une optique participative et analytique.

En outre, et il s’agit là d’une vraie rupture avec les modes classiques de couverture de l’actualité, l’approche OSINT entend inscrire l’évènement dans une durée qui dépasse le seul temps de la consultation. Elle privilégie en grande partie une temporalité historique et parfois même juridique en produisant des preuves recevables lors d’un procès. Dans ces cadres, l’enjeu pour les journalistes consiste à dépasser le seul moment documentaire pour faire entrer l’évènement dans un processus temporel permettant de saisir ses racines comme ses ramifications. Un ante et un post évènement22 se dessinent alors grâce à la constitution de ce que Weizman appelle une « maquette virtuelle » composée d’informations spartiates23.

Si l’on reprend les exemples de Butcha et de Marioupol, ce travail consiste à rassembler des éléments textuels, auditifs et visuels épars, ainsi que des témoignages et des documents officiels pour recomposer le récit visuel des évènements. Un travail de mise à niveau et de synchronisation des documents est alors entrepris pour replacer les faits dans leur contexte, mais aussi dans leur linéarité. Là où des données sont inexploitables ou manquantes, des procédés techniques et narratifs sont employés pour combler le vide comme les reconstitutions 3D ou les commentaires en voix off. L’ensemble correspond, en fin de parcours, à un « hyperdocument »24 qui transcende les limites de l’évènement via une construction documentaire dont la particularité est de s’appuyer sur les potentialités numériques pour prétendre à une dimension historique et mémorielle.

En définitive, comme le précise Weizman, l’enquête OSINT, surtout lorsqu’elle s’appuie sur une démarche de type forensique, c’est-à-dire une démarche scientifique qui entend répondre à des questions légales ou judiciaires, est en mesure d’exploiter, en les associant, les trois théâtres d’opérations d’une guerre : le terrain physique d’abord, là où la violence laisse des traces ; celui du laboratoire ensuite, là où les matériaux sont transformés en preuves ; et celui du forum, enfin, cette scène où les preuves sont présentées, débattues, acceptées ou contestées25.

Intelligibilité versus rigueur

Dans le champ journalistique, l’OSINT se présente aujourd’hui comme une méthode d’enquête basée sur des savoirs remédiés ainsi que des compétences et des usages inédits. Elle repose sur un socle de pratiques professionnelles normalisées ainsi que sur des approches empruntées aux mondes de la recherche scientifique et de l’enquête forensique qui jouissent, tous les deux, d’une légitimité technique, épistémologique et déontologique.

Mais pour que la démarche d’enquête en source ouverte parvienne à renforcer durablement la place et la crédibilité du journalisme, elle doit s’accompagner de compétences informationnelles, numériques et scientifiques chez les producteurs de l’information comme chez les récepteurs. Surtout que ces méthodes d’enquête en sources ouvertes nécessitent un investissement certain de la part des lecteurs, appelés parfois à devenir contributeurs, dans la mesure où elles s’inscrivent à rebours des genres journalistiques classiques caractérisés par leur verticalité.

Si la démarche de l’enquête OSINT doit parvenir à atteindre le seuil de détectabilité pour extraire des informations fiables et vérifiables, sa plus grande difficulté réside dans sa capacité à atteindre le seuil d’intelligibilité de son lectorat dans une période où l’économie de l’attention privilégie l’attention de quelques instants à une lecture profonde et réfléchie. La facilité de la monstration s’oppose à la rigueur de la démonstration, alors que la première semble pouvoir toucher le grand public de façon plus efficiente. Les défis apparaissent donc tout autant de nature intellectuelle et éducative qu’informationnelle.

1Le Deuff O., « L’Open Source Intelligence (OSINT) : origine, définitions et portée, entre convergence professionnelle et accessibilité à l’information », I2D – Information, données & documents, vol. 1, no 1, 2021, pp. 14-20.

2Concernant l’engouement d’internautes amateurs pour l’OSINT comme démarche d’enquête sur la guerre en Ukraine, lire le très bon article de Léo Schwartz publié dans le Rest of Fold le 7 mars 2022, restofworld.org/2022/osint-viral ukraine

3D’après un article de David-Julien Rahml publié dans L’ADN le 10 mars 2022, « Nous sommes dans l’ombre de la guerre » : récit de ces fans de renseignement militaire qui œuvrent sur les réseaux, www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/guerre-ukraine-internautes-pratiquent-osint

4Pour un complément d’information sur les origines de Bellingcat, ses enquêtes et les motivations de ses membres, lire l’ouvrage publié par Eliot Higgins en 2021, We Are Bellingcat : An Intelligence Agency for the People. Voir aussi le documentaire réalisé par Hans Pool en 2018 « Bellingcat, les combattants de la liberté ». Il a été diffusé sur Arte le 16 février 2021.

5Interrogée à ce sujet, la journaliste de la cellule d’investigation visuelle du New York Times, Haley Willis, précise qu’« il y a dix ans, avant les premières manifestations du Printemps arabe, la règle professionnelle consistait à douter systématiquement des preuves visuelles apportées par les citoyens. Le consensus était de considérer ces documents comme non fiables parce qu’on n’avait tout simplement pas les moyens de vérifier leur authenticité. Pour qu’une information soit certifiée, il fallait aller sur le terrain. Les choses ont changé depuis grâce à l’OSINT. Cela ne veut pas dire que le terrain soit devenu accessoire. Mais, l’on peut aujourd’hui examiner une information en ligne en appliquant des protocoles d’enquêtes très stricts ». Roumanos Rayya & Haley Willis, « On est considéré comme des outsiders, mais dans le bon sens du terme. Une enquêtrice du New York Times témoigne du rôle de l’Open Source Intelligence (OSINT) », I2D – Information, données & documents, vol. 1, no 1, 2021, pp. 82-86.

6Watine T., « Journalisme et complexité », Les cahiers du journalisme, no 3, 1995, pp.14-25.

7Lucas Minisini, « Bellingcat, l’ONG pour qui la vérité coule d’open source », Lemonde.fr, 21 mai 2022, www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/05/21/bellingcat-l-ong-pour-qui-la-verite-coule-d-open-source_6127069_4500055.html

8Malachy Browne, David Botti et Haley Willis. « Satellite images show bodies lay in Bucha for weeks, despite Russian claims ». NY Times, 4 avril 2022. www.nytimes.com/2022/04/04/world/europe/bucha-ukraine-bodies.html

9Katie Polglase, Gianluca Mezzofiore, Livvy Doherty et Sarah-Grace Mankarious, « Anatomy of the Mariupol hospital attack » CNN, 17 mars, 2022. edition.cnn.com/interactive/2022/03/europe/mariupol-maternity-hospital-attack/index.html

10Lori Hinnant, Mstyslav Chernov et Vasilisa Stepanenko, « AP evidence points to 600 dead in Mariupol theater airstrike » AP News, 4 mai 2022, apnews.com/article/Russia-ukraine-war-mariupol-theater-c321a196fbd568899841b506afcac7a1

11Bellingcat, « These are the Cluster Munitions Documented by Ukrainian Civilians », Bellingcat.com, 11 mars 2022, www.bellingcat.com/news/rest-of-world/2022/03/11/these-are-the-cluster-munitions-documented-by-ukrainian civilians

12Arthur Carpentier, Émilie Henny, Adrien Vande Casteele et Service vidéo du Monde, « Guerre en Ukraine : les vidéos qui attestent l’usage d’armes à sous-munitions en zone civile », Le Monde, 11 mars 2022, www.lemonde.fr/international/video/2022/03/11/guerre-en-ukraine-les-videos-qui-attestent-l-usage-d-armes-a-sous munitions-en-zone-civile_6117106_3210.html

13Bellingcat a documenté les crimes de guerre avec un site dédié reposant sur le logiciel de Forensic Architecture. Civilian harm in Ukraine : ukraine.bellingcat.com

14« Documenting atrocities in the war in Ukraine », depuis le 24 février 2022, NY Times, www.nytimes.com/interactive/2022/05/22/world/europe/ukraine-war-crimes.html?smid=tw-nytimes&smtyp=cur

15Emma Graham-Harrison & Isobel Koshiw, « Ukraine : a visual diary of horrors in Hostomel », The Guardian, 19 mars 2022, www.theguardian.com/world/2022/mar/19/ukraine-a-visual-diary-of-horrors-in-hostomel?utm_term=Autofeed&CMP=twt_gu&utm_medium&utm_source=Twitter#Echob x=1647722999

16Selon Weizman, cette démarche repose sur des motivations politiques qui « ne sont pas un obstacle à l’acquisition du savoir, mais plutôt une condition préalable », Weizman E., La vérité en ruines. Manifeste pour une architecture forensic, Paris, Éditions Zone, 2011, p. 83.

17Roumanos R., Le Deuff O., « L’enquête OSINT. Des traces ouvertes au récit journalistique fermé », Intelligibilité du numérique, no 2, « Traces, données et preuves en contexte numérique : quelles acceptations disciplinaires ? », 2021, intelligibilite-numerique.numerev.com/numeros/n-2-2021/2621-enquete-osint-des traces-ouvertes-au-recit-journalistique-ferme

18Anderson C. W., Apostles of Certainty. Data Journalism and the Politics of Doubt, Oxford University Press, 2018.

19Weizman E., La vérité en ruines. Manifeste pour une architecture forensic, op. cit.p. 20.

20James W., Le pragmatisme, Paris, Flammarion, 2011.

21Charaudeau P., « Discours journalistique et positionnements énonciatifs. Frontières et dérives », Semenn, no 22, 2006, [en ligne] journals.openedition.org/semen/2793#authors

22Roumanos R., Le Deuff O., « S’extraire de l’immédiateté de l’événement ou la tentation d’un journalisme irréductible ». Communication. Information médias théories pratiques, 2021, 38(1).

23Weizman E., La vérité en ruines. Manifeste pour une architecture forensic, Paris, Éditions Zone, 2021, p.117.

24Balpe J.P., Hyperdocuments, hypertextes, hypermédias, Paris, Eyrolles, 1990.

25Weisman E., op.cit., p. 73.