Archives par mot-clé : colonie

Pauvreté, crise du climat et agrocarburants, par et

Le développement des agrocarburants n’a pas seulement pour effet de réduire à la famine les plus démunis. Il se fait au détriment des droits sur leurs terres des communautés paysannes (pensons aux 4 millions d’hectares volés par les paramilitaires colombiens et replantés en palmiers à huile). Il se fait au détriment de la biodiversité, des dernières forêts primitives, comme en Indonésie où disparaissent les écosystèmes des orangs-outangs, des zones floristiques de l’Union européenne… Et pourtant, il y a encore deux ans, le développement des agrocarburants était présenté comme la solution miracle contre la raréfaction des réserves en pétrole et dans la lutte contre l’effet de serre. L’Union européenne surenchérissait en objectifs de plus en plus ambitieux ! Le revirement quasi unanime des positions officielles vis-à-vis des agrocarburants que l’on peut observer ces derniers mois est une première victoire. Il ne faut toutefois pas relâcher nos efforts.

Biofuel development not only condemns the poorest of the poor to famine, it also deprives peasant communities of their property rights – think of the 10 million acres of land robbed by Columbian paramilitaries for conversion into oil palm estates. Biofuel development takes place at the expense of biodiversity, it finishes off the last of the pristine rainforests, as in Indonesia where the ecosystems catering for orang-outangs are disapearing. And it also savages the floral resources within the European Union. And yet, only two years ago, biofuels were hailed as the miracle solution to dwindling petroleum reserves and to the problem of global warming, with the European Union adding one ambitious biofuel initiative to the next! The near-unanimous change of heart we have been witnessing over the past months is surely a first victory, but we should definitely not slacken in our efforts.

Les cartes et les ritournelles d’une panthère arc-en-ciel, par

Petit à petit, Guattari a forgé un ensemble d’outils à même de soutenir chacun dans son désir d’échapper à l’injonction capitaliste, en s’appuyant sur ses passions, sur les actions auxquelles il participe, sur les universaux culturels qu’il reconnaît, et sur les flux libérés à la surface de la terre par l’aventure humaine. Le sujet, mis à distance de l’impuissance que la centralité de son moi engendrait, développe sa réflexion et la capacité d’action dans une infinité de situations différentes. Ces outils viennent de la psychothérapie institutionnelle et de la psychosociologie dans un premier temps ; puis Guattari se tourne vers des sémiotiques non limitées par l’effondrement des « lieux de parole », sensible depuis 1975 ; enfin il invente les « cartographies schizoanalytiques » et jette les bases de l’« écosophie ».

Guattari has progressively designed a set of tools capable of helping everyone escape from capitalist injunctions, finding support in affects, in participative action, in cultural universals and in the flows freed by the human adventure on the surface of the planet. The subject, distanced from the powerlessness generated by a central ego, develops her reflection and agency in infinitely diverse situations. He drew such tools, first, from institutional psychotherapy and psycho-sociology, later, from a form of semiotics not limited by the collapse of the « loci of speech », which finally led him to invent schizo-analytic mappings and to prepare the ground for « ecosophy ».

The Many-Headed Hydra, par et

Cet article est la traduction de l’Introduction du livre, L’hydre aux mille têtes. L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire, à paraître aux Éd. Amsterdam en 2008. Il s’agit de l’exploration historique de la classe multi-ethnique qui forma la main-d’œuvre bon marché ayant permis l’avènement du capitalisme et de l’économie moderne transatlantique, puis mondialisée, à partir du début du XVIIe siècle. Une «foule bigarrée» (motley crowd) constituée de marchands, d’esclaves, de pirates, de travailleurs, de femmes, de soldats, de criminels déportés, de radicaux religieux, etc., développa des formes de résistance et de coopération afin de se soustraire à une exploitation forcenée (exploitation d’une main-d’œuvre dans une configuration productive qui est déjà mondialisée). Les auteurs racontent l’histoire du rôle de ces dépossédés du monde moderne, et de leur lutte pour la liberté.

This article is the introduction of the volume The Many-Headed Hydra. The Hidden History of the Revolutionary Atlantic, to be published by Amsterdam, a historical investigation of the multi-ethnique class which formed the cheap workforce which made possible the rising of capitalism and of modern transatlantic (and eventually global) economy, since the beginning of 17th century. A motley crowd made by merchants, pirates, workers, women, soldiers, convicted criminals, religious radicals, etc. developed forms of resistence and mutual cooperations, in order to escape the deep exploitation of the workforce, taking place in an economy already globalised. The authors tell the story of the role played by these wretched of modern world and of their fight for liberty.

Propos sur le Camp : les « Tribus criminelles » Inde ( ), par et

L’ancrage du camp dans l’épistémique moderne se trouve dans une certaine nécessité et difficulté qu’ont rencontré les métropoles européennes à partir du XIXe siècle à gérer des populations qu’elles conçoivent comme un surplus inutile et potentiellement dangereux. Faire une place à l’inutile allait poser inévitablement le problème conjoint de l’élimination ou de la mise à l’écart radicale qui parcourra également tout le XXe siècle. C’est en ces termes que vont notamment se formuler les difficultés rencontrées par le colonisateur britannique en Inde dans l’appréhension de certaines castes et tribus nomades perçues comme criminelles mais, surtout, à l’aune du système social des castes, comme criminelles de naissance et en cela irréformables. Le dispositif réflexif mis en place aboutit alors à une synthèse originale entre le système autochtone et la criminologie métropolitaine en instituant une nouvelle catégorie de délits et de criminels : la criminalité de naissance. La criminalité de naissance allait ainsi trouver sa forme répressive dans la création d’une loi concernant les « tribus criminelles », et l’instauration de Settlements, véritable camp où des générations de groupes ainsi qualifiés allaient se perpétuer.

If European metropolises witnessed the development, throughout the 19th century, of various forms of concentrationary assistance and radical isolation through penal colonies, colonial space was the site of an even more explicit formulation and experimentation with the creation and the exclusion of of an undesirable human surplus, notably in South Asia, where the social system of castes could provide powerful ideological foundations for the colonial thinking on exclusion. This article seeks to illustrate this by examining the creation of the category of « criminal tribes » in India, during the last third of the 19th century.

Un activisme informel ?, par

L’agir urbain est ici un agir ordinaire, comme celui d’un vieil homme qui persiste à habiter les Champs-Élysées. L’agir urbain se trouve en contradiction avec les politiques urbaines, ce que doit comprendre la gauche, alors qu’elle ne fait qu’organiser la résistance contre les expulsions, quand c’est trop tard. Qu’est-ce que cette ville qui résiste ? Une idée peut en être donnée dans la parenté entre les icônes de l’architecture moderne et les baraques turques informelles des années 1950, à propos desquelles s’est produit tout un théâtre à destination des classes moyennes, qui ont accueilli en leur sein les anciens squatters : le président Erdogan lui-même vit dans une de ces baraques ! Mais de nouveaux réfugiés arrivent d’autres pays qui n’ont pas cet espace périphérique pour construire leur vie.

Urban action is ordinary action, like the old man who persists in living on the Champs-Élysées. Urban action finds itself in contradiction with urban politics, as understood by the Left, which organises resistance against evictions, only when it is too late. What is this city that resists ? A sense of it can be given, parenthetically, between the icons of modern architecture and the informal Turkish shantytown huts of the 1950s, which inspired a whole theatre having as public the middle classes, who welcomed old squatters into their midst : President Erdogan himself lived in one of these huts ! But now there are new refugees arriving from other countries who do not have this peripepheral space in which to build their own lives.

Traversées océaniennes, par

Les Polynésiens continuent aujourd’hui encore d’être réduits au mythe du bon sauvage, effaçant ainsi une histoire qui intégrerait les Polynésiens dans l’humanité. Il est ainsi essentiel de reconsidérer la mémoire officielle angélique, du moins salvatrice, protectrice, civilisatrice, pour restituer l’Histoire telle qu’elle est. Humaine. Parler l’Histoire dans son humanité obligerait à accepter une Histoire de femmes et d’hommes dans leurs grandeurs dans leurs petitesses. Noirceurs et lumières, trahisons et fidélités, boues et espérances, violences et générosités, haines et compassions. Humaine. Parler l’Histoire du côté des Polynésiens obligerait à déconstruire plus de deux cents ans d’un discours dominant, d’une pensée impérialiste, d’une occupation illégitime. Parler l’Histoire dans son entier obligerait à remettre en question toutes les théories qui ont encore cours aujourd’hui, qui voudraient nous faire accroire que la civilisation ne se décline qu’occidentale, que le progrès ne se conjugue que matériel, que l’avenir ne se compose que mondial.

To this day, Polynesian people continue to be reduced to the myth of the Good Savage. Beyond fables of innocence, protection and salvation, it is essential to reintegrate them within a truly human history, which accepts men and women in their bravery as well as in their pettiness, in their treasons as in their truthfulness, in their violence as in their generosity, in their hates as in their compassions. This would call for the deconstruction of 200 years of domineering, imperialism and occupation. This would also put into question most of the current approaches, which assume that civilisation has to be Western, that Progress has to be material, and that the future has to be globalized.

Multitudes