Icônes 34. Renée Green : Come Closer

Come Closer Prélude à Endless Dreams and Water Between (suite)

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Tracing Lusitania se poursuit selon diverses reprises et variantes. Le film ré-émerge et se transforme en continu, entre différents lieux et différents espaces. Voix off masculine, en portugais
Diana Andringa (DA) : Les années soixante, la France…
Dans les années soixante… Au Portugal, on ne parlait pas des années soixante. Les gens pensaient que le Portugal avait été profondément marqué par les Beatles, ou quelque chose comme ça. Mais même ça, c’est faux, parce qu’à l’époque les Beatles n’avaient pas le droit de passer à la radio…
Extrait deConversation with Diana Andringa (1992)
Renée Green (RG) : C’est vrai ?
DA : Oui ! Parce qu’ils avaient dit qu’ils étaient plus célèbres que le Christ.
DA et RG : [rires]
Paulo Andringa (PA) : On a parlé de ça, hier, les gens de gauche et les anarchistes, et le fait qu’ils n’arrivent pas à s’entendre… C’est toujours la même chose, ça fait cinquante ans que ça dure et c’est toujours les mêmes discussions… Ça devient légèrement… ennuyeux. Tout ça, c’est d’un ennui… Extrait de Conversation with Paulo and Diana Andringa (2000)
DA, PA et RG : [rires]
DA [riant] : Ça donne l’impression qu’il n’y a pas grandchose qui change.
Derrick Green [riant] : Vraiment terrible ! C’était fou, rien à redire. Bons concerts, plein de gens très excités par tout ce qui se passait… Extrait de Megastar, Megaherz, Brother, Brazil (2000)
Tracer, toucher. Un doigt qui se déplace sur la page, suit les contours, replace les noms des lieux, désigne certains mots, les souligne au crayon, une voix qui teste leur sonorité. Qui retourne encore et encore aux livres et aux lieux, pour retrouver quelque chose qui manquait jusqu’ici. Quelque chose qui prend un sens différent après différentes rencontres, différents types d’hébergement, différents déplacements au fil des années. Voix off masculine, en portugais
Et voici Nuno. Lui, c’est un autre lien entre le présent et un grand nombre de passés. Voix off féminine, en anglais
RG : Nuno, viens un peu par ici. [rires] Extrait de la conférence en streaming Économie 0/Upgrade !, depuis le séminaire Spheres of Interest, San Francisco Art Institute
(2008)
Nuno Ramalho [il parle dans le micro] : Salut !
Il est venu à San Francisco pour ses études et il a fait partie de ma vie quotidienne au cours des deux dernières années. Il doit bientôt retourner au Portugal. Mais il a accepté de prêter sa voix et son image. Voix off masculine, en portugais
Pour une raison ou une autre, je n’ai pas encore réussi à me rendre au Brésil, bien que mon petit frère Derrick y habite. Je sais depuis mon enfance que le Brésil existe, et je suis même assez curieuse. J’avais fait un exposé en classe et dessiné des affiches en m’inspirant d’articles que j’avais trouvés dans des encyclopédies. Ils décrivaient le Brésil comme un géant endormi. J’ai eu l’occasion de voyager dans un certain nombre de pays, souvent parce qu’on m’y avait invitée, mais, malgré un désir très ancien, je n’ai jamais réussi jusqu’ici à arranger ce voyage. Comment est-ce possible ? Plans fixes de Derrick Green à New York, avec RG, de la famille ; le livre Sepultura, l’album CD de Sepultura, Dante XXI…
On m’invite depuis des années à y faire un séjour. Karim est un ami très cher, il vit là-bas lui aussi ; il y est né. C’est son travail qui l’a obligé à voyager. Comme chacun d’entre nous. C’est ce qui fait sans doute que j’ai du mal à organiser ce voyage au Brésil pour retrouver Derrick et Karim. Personne parmi nous n’a eu la possibilité de rester toute sa vie à l’endroit où il était né. Le mieux qu’on ait pu faire, c’était d’y retourner à certaines époques précises. Avec cet ami, on s’est rencontrés à New York, il y a plusieurs années. Il n’avait pas à l’époque la possibilité de retourner au Brésil, même de façon temporaire. Il va bientôt déménager à nouveau, quitter le Brésil pour s’installer à Berlin. Séquences en mouvement et plans fixes de Karim Aïnouz, à San Francisco et au symposium Negotiations in the Contact Zone (NY, 1994), extraits de Seams (1994), le film qu’il a réalisé
Karim Aïnouz : Ç’a été très étonnant, un collage de bout en bout ; c’est vraiment un « film de collage ». On y trouve des images que j’ai tournées, mélangées à un très grand nombre d’images que je me suis appropriées et qui viennent des Archives nationales. C’était à un moment où je ne pouvais pas quitter le pays pour retourner au Brésil, et j’avais besoin de films qui montraient ma famille. J’ai pensé alors à faire un tour à la Library of Congress, et j’y ai trouvé des images qui avaient été tournées au Brésil dans les années quarante par la fondation Ford. C’était à l’époque où ils installaient une sorte de colonie en Amazonie pour exploiter le caoutchouc. Il y avait tous ces films… Extrait de l’intervention de Karim Aïnouz à propos de son film Seams, au séminaire Spheres of Interest de l’Art Institute de San Francisco (2008)
Tout est question de rythme. Est-ce que ce n’est pas toujours ainsi que ça se passe ? Il faut aussi que la chance s’en mêle, d’une façon un peu mystérieuse. J’ai l’impression qu’on est pris par le temps, tous, mon frère Derrick, mon ami Karim et moi. Séquences variées : paysages, vues aériennes, postes de télévision dans des grands magasins, jaquettes de DVD, pochettes d’albums CD, livres, scènes tournées à San Francisco, New York, Lisonne…, extraits de Trip to Ceuta (1992), Walking in Lisbon (1992) et Walking in Lisbon (2000).
Je reviens à ce qu’il est possible de toucher et de tenir, d’entendre et de voir, les traces des gens qui me manquent. On échange des mails, par-ci, par-là. On a essayé de concentrer les visites, avec des trous entre les années. C’est toujours en dehors du Brésil qu’on finit par se retrouver; que ce soit à San Francisco, New York, Barcelone ou Berlin. Il n’est encore jamais arrivé qu’on se retrouve au Portugal, même si on a tous eu l’occasion d’y travailler.
Il y a une telle quantité de choses derrière lesquelles on doit courir… On se promet de se revoir très vite, évidemment. À chaque fois qu’on y arrive, on apprécie vraiment de se retrouver… jusqu’à la fois suivante. En espérant qu’il y ait une fois suivante.
Il y a ça d’un côté, mais il y a aussi la vie de tous les jours. Et puis il y a l’histoire, et tout ce qu’elle fait peser sur le présent. Si on en est là, avec les liens qu’on a, c’est à cause de l’histoire, des histoires entremêlées. On fait ce qu’on peut pour bouger, pourtant… Quoi qu’il arrive, on essaie de ne pas rester coincés dans des cycles ou des modèles qui ont l’air de s’épuiser. Ça demande des efforts quotidiens. Y a-t-il des endroits où l’on puisse habiter ? Comment est-ce qu’on fait, aujourd’hui, pour vivre au présent ? On est bien obligé de s’y confronter. Comment est-ce qu’on s’y prend ? Comment est-ce qu’on fait pour continuer ? Qu’est-ce qu’on va essayer de mettre sur pied la prochaine fois ? Comment est-ce qu’on va créer nos propres vies ? Voix off féminine, en anglais
Même si ces questions nous taraudent, nous travaillons activement et nous essayons autant que possible d’apprécier la vie. Tant qu’on est en vie, je ne crois pas qu’on puisse anticiper les décisions qui vont suivre. Les choses changent à mesure qu’on change nous aussi. Les questions continuent de se poser. On réfléchit, on imagine des choses, on rêve et on fait ce qu’on peut. On crée. Transformer sa façon de voir les choses, même pour quelques instants, c’est ce qu’on espère tous. On espère retrouver l’habitude de certaines sensations, on espère en éprouver de nouvelles. On projette d’entrer en contact avec vous – peu importe que vous nous connaissiez ou non. Si on fait tout cela, c’est peut-être parce qu’on croit possible que chacun d’entre nous se sente mieux, mieux qu’à cet instant. C’est en tout cas ce que je souhaite, rêve et espère. Jusqu’à notre prochaine rencontre.
Jusqu’à notre prochaine rencontre. Voix off masculine, en portugais

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Footage from different encounters and existing Green films & videos shot and produced in Lisbon: Walking in Lisbon (1992), and Walking in Lisbon (2000);Trip to Ceuta (1992)