Il y a les optimistes, ceux qui espèrent un « après » – que ce soit sur le mode du « jamais plus », ou du « enfin comme avant ». Il y a les pessimistes, qui envisagent l’après en noir, en pire, et redoutent la stratégie du choc opérant comme accélérateur des logiques dominantes. Et s’il n’y avait pas d’après ? Si c’était cela même qui nous arrive : une sortie de la linéarité historique, du mythe du Progrès ?

S’il faut faire sans après, il faut faire avec. Christian Doumet nous invite à Penser avec Fukushima parce « qu’il n’y a pas d’après-Fukushima ». Alain Ménil rappelle que « Vivre avec » est initialement apparu sous la forme de « personne vivant avec le sida », tout à la fois personne malade individuellement du sida et personne participant du phénomène social qu’est le sida, ce que résume l’expression américaine people with Aids.

À la manière des exorcismes de Michaux, il faut faire avec « les puissances environnantes du monde hostile », sans l’illusion de pouvoir en sortir, ni de pouvoir tricher, ni de croire « qu’à quelque chose malheur est bon », et faire obstinément. Et, peut-être, découvrir dans cette lutte des ressources inédites.

Est-ce l’occasion de se pencher sérieusement sur la manière dont « pensent les forêts », ou les champignons, ou les tomates, qui elles aussi peuvent être notre « prochain » (en compagnie d’Eduardo Kohn, d’Anna Tsing et de Sony Labou Tansi) ? Est-ce l’invitation à sortir de nos références, de nos repères et de nos coordonnées pour aller faire l’école buissonnière avec d’autres, que nous ne connaissons pas encore ?

[voir Survie, Zoonose]