L’introduction et le développement du travail social et des services sociaux en Chine au début de XXe siècle sont étroitement liés aux activités philanthropiques issues des missions religieuses chrétiennes. Cette période est une période de transition, marquée par la fin du régime féodal (fin de la dynastie Qing en 1912) et la fondation de la République de Chine en 1911 par Sun Yat-Sen. Le social service était d’abord pratiqué dans les établissements de charité chrétienne et ensuite enseigné en lien avec la sociologie au sein des universités chrétiennes. Cette tradition fut interrompue avec l’arrivée au pouvoir du Parti communiste et la fondation de la République Populaire de Chine en 1949.
Rupture et ré-introduction (1950-1990)
Les sciences sociales et le travail social ont été supprimés dans l’éducation nationale en 1952, considérés comme des sciences et des pratiques de « bourgeois » comme en URSS. Les organisations de masse (renmin tuanti / qunzhong zuzhi), telles que la Fédération des femmes, la Ligue de la jeunesse, ont pris le relais et on travaillaient sur les problèmes sociaux, dans le cadre de l’économie planifiée et des mouvements politiques à l’époque de Mao. La réforme économique de la Chine à la fin des années 1970 a fait réapparaître le secteur privé et les sciences auparavant condamnés comme héritage occidental et impérialiste, ainsi qu’un secteur associatif non lucratif, connu sous le terme d’« organisations sociales » (shehui tuanti). La ré-introduction du travail social en Chine est passée par la remise en place des cursus universitaires et des formations professionnelles pour les fonctionnaires des services sociaux. Il est important de souligner l’influence particulière en Chine du travail social de Hong Kong, ancienne colonie d’Angleterre où le travail social n’a pas connu de ruptures.
En 1988, le Ministère des affaires civiles a rétabli le cursus de travail social à l’Université de Pékin. Avant cela, dans le sud de la Chine, en 1986 l’Université Sun Yat-Sen à Canton a démarré un projet d’expérimentation d’une durée de trois ans avec le département de travail social de l’Université de Hong Kong. Ce projet avait été conçu après la mise en avant des sciences sociales appliquées au colloque international de sociologie tenu à l’université Sun Yat-Sen, en raison de leur nécessité pour « mieux résoudre les problèmes sociaux ». Dans le contexte d’ouverture économique et après l’accord de rétrocession de Hong Kong signé en 1984, il s’agissait de faire former les professeurs et les étudiants chinois en sociologie par le département de travail social de Hong Kong, dont les professeurs seraient invités pour des stages en Chine. Cet échange s’inscrivait dans les dynamiques croissantes d’échanges économiques, culturels et sociaux entre Hong Kong et la Chine. Ces échanges sont beaucoup plus intensifs avec la Province du Guangdong, à cause de la proximité et d’une histoire régionale partagée. Dans ce projet, la question principale est celle de la réappropriation du travail social en Chine : comment le travail social peut s’adapter au contexte social et politique de la Chine, avec les valeurs occidentales qu’il représente et l’histoire chrétienne qu’il porte ?
Le travail social pour l’harmonie de la société
Cette question continue à se poser, avec l’introduction en Chine des modèles de travail social adoptés par Hong Kong, Macao et Taiwan, progressivement depuis la fin des années 1990. Après vingt ans de croissance économique, la société chinoise produit aussi des inégalités et des frustrations sociales. La transformation socio-économique va tellement vite qu’elle nourrit également un sentiment d’abandon pour ceux qui peinent encore vers une ascension possible. Le travail social est vu par le pouvoir chinois comme un outil pour gérer des problèmes sociaux, pour la prise en charge de la population vulnérable, négligée et abandonnée dans cette transformation à grande vitesse de la société chinoise.
La formation universitaire, comme la professionnalisation du travail social, et plus exactement, le marché du travail social, ont été instaurés par l’État chinois pour développer au plus vite une armée de porteurs des prestations des services sociaux missionnés par le gouvernement. Les formations de travail social se multiplient ainsi dans les universités après 2005. Afin de former des universitaires et diplômés locaux, suite à plus de 30 ans de rupture, les travailleurs sociaux de Hong Kong assurent le rôle d’enseignement et de supervision dans les premières formations et diplômes mis en place. Ils transmettent plutôt le modèle anglo-saxon déjà intégré à Hong Kong : travail de groupe, travail communautaire, études de cas etc.
Les diplômés trouvent très vite du travail au sein des différentes « organisations sociales » (shehui zuzhi), terme apparu à la fin des années 1970 en substitution à celui d’« organisations de masse ». Il désigne toutes sortes d’organisations qui ne sont pas directement sous tutelle du gouvernement chinois, comprenant à la fois des associations, des ONG, etc. Grâce à la réforme sociale, ces organisations ont pu être créées ou libérée d’une manière restreinte du système de gestion gouvernemental. Cette réforme est initialement mise en place comme expérimentation dans la province du Guangdong (Canton et Shenzhen) en 2008 puis promue au niveau national en 2013. Le système de gestion de ces organisations, jusque-là, était si contraignant qu’il avait pour effet d’inhiber leur création et/ou de favoriser leur existence illégale. L’enjeu de la réforme est donc de procéder à une facilitation de l’existence légale, une canalisation et absorption plus soignée de ces organisations. L’ancien système de double tutelle a ainsi été remplacé par le simple contrôle du bureau des affaires civiles, qui demande seulement une adresse professionnelle et un capital minimum de lancement. De plus, des dispositifs ont été mis en place pour donner à certaines organisations les moyens de répondre à ces deux conditions, tels que les dispositifs d’incubateurs pilotés par les organismes publics ou semi-publics1.
Ainsi, les prestataires potentiels formés et les organisations porteurs des services sont en place et en attente de l’appel de l’État. Le gouvernement chinois a lancé, dans le même cadre de la réforme sociale, une expérimentation des appels d’offres de services, nommés « achat de services par le gouvernement » (zhengfu goumai fuwu). Et le travail social est programmé comme l’objet de cette expérimentation, souligné, par le 6e plénum du XVIe Comité central en 2006, en tant que métier qui contribue à la construction d’une société harmonieuse. On observe une explosion des centres de services de travail social dans les quartiers de la ville de Canton suite aux appels d’offres lancés pour l’installation des centres de services aux familles dans les quartiers de résidence en 2008. En 2013, les 153 centres de services qui ont remporté les services de travail social « transférés » par le gouvernement de Canton aux nouvelles organisations couvrent presque tous les quartiers de Canton. Et plus de 550 centres de travail social ont été créés jusqu’en 2013 dans l’ensemble de la province du Guangdong, répondant à trois sortes d’achat de services par le gouvernement : postes de travailleurs sociaux, projets fléchés et services assurés par les centres de travail social du quartier. Les thèmes des services restent « classiques » et ne touchent pas les questions sensibles liées à la défense des droits : santé mentale, handicapés, jeunes et enfants, personnes âgées etc.
La Chine pose ensuite la question de la formation d’une équipe d’experts locaux, dans l’objectif de mettre fin au quasi monopole d’autorité de Hong Kong sur le marché chinois du travail social. En 2008, Shenzhen a été choisie par le ministère des Affaires civiles comme l’une des villes d’expérimentation du développement du travail social de Chine. Ainsi, un projet de coopération avec Hong Kong sur le développement du travail social à Shenzhen a été mis en place et des centres de services de travail social ont été créés, embauchant les travailleurs sociaux de Hong Kong comme superviseurs. L’objectif était de former une équipe locale de travailleurs sociaux qualifiés, formés dans le cadre de la coopération, sur le modèle pratiqué à Hong Kong, et aptes ensuite à superviser les équipes chinoises.
En 2009, le gouvernement de Shenzhen a mis en place l’achat de services sociaux par le gouvernement aux organisations du travail social. Cette mesure, inspirée du modèle de l’Angleterre des années 1990, a d’abord été expérimentée par la ville de Shanghai en 2000 dans le domaine des services publics pour les personnes âgées avant sa mise en application à Shenzhen en 2007. Ce système d’achat de services par le gouvernement est conçu pour mieux « transférer » certains services publics du gouvernement (zhengfu zhineng zhuanyi). Il s’agissait de « transférer […] des services […] aux organisations sociales qualifiées », afin de « transformer la fonction du gouvernement, améliorer le fonctionnement du marché, renforcer les compétences des industries concernées et la capacité d’autogestion de la société2 ». D’après Liu Runhua, ancien directeur du bureau des Affaires civiles de Shenzhen, la réforme menée dans le système social vise à répondre au besoin croissant de la population par « une diversité d’organisations sociales » destinées à encadrer la dispersion des intérêts de chacun – laquelle pourrait être un élément potentiellement risqué pour la stabilité de la société – pour construire un nouveau modèle de gestion avec la participation des citoyens où le gouvernement conserverait son rôle de pilote. Derrière cette ouverture prétendue du système social règne l’idée d’une participation de la société dans la gestion, d’un contrôle accompagné du retrait de l’État au niveau de la prise en charge, appelé en chinois « petit gouvernement et grande société » (xiao zhengfu da shehui).
Selon les règlements promulgués par le gouvernement du Guangdong en 2012, la réforme vise la popularisation, l’autogestion et la mise sur le marché des organisations parce que l’introduction de la concurrence aide à améliorer l’efficacité et la qualité des services des organisations sociales. Des catalogues de services à sous-traiter sont fixés par différents organismes gouvernementaux selon leurs besoins, leur laissant une autonomie administrative et budgétaire qui pourrait être contraignante pour les organisations candidates. Un système d’évaluation des projets est aussi mis en place, ouvrant ce marché aux institutions d’expertise dites « indépendantes ». Cette catégorie nouvelle attire les universitaires, les chercheurs, les activistes ou les anciens cadres du Parti dans le système social et les pousse à rejoindre ou à créer des centres d’évaluation, sachant que nombre de ces mêmes personnes créent ou participent à des centres de service de travail social ou à des organisations qui sont des porteurs de projets du gouvernement. Cette formation d’un monopole d’autorité d’expertise augmente les possibilités de corruption et suscite des questionnements sur leur lien avec les autorités, leur rôle dans la promotion des idéologiques étatiques, leur pouvoir sur la survie des organisations candidates, sur leur engagement réel et sur son caractère éventuellement politique.
Comme beaucoup d’ONG dites grassroot, les organisations offrant des services de travail social voyaient dans la réforme sociale une réelle opportunité d’ouverture et de transformation sociétale possible. Après un court moment d’enchantement, ces centres de travail social, majoritairement installés dans les quartiers résidentiels urbains, ont commencé à se rendre compte des problèmes de gestion quotidienne. Avec environ deux millions de yuans pour une durée de deux ans, souvent 20 employés, ces centres se retrouvent en déficit ou en difficulté. Ils doivent assurer le fonctionnement jusqu’à la fin du projet et de l’évaluation finale, pour pouvoir toucher le reste de 30 % du budget. Tous les risques financiers reposent ainsi sur leurs épaules.
De plus, des travaux de recherche montrent la tension entre ces centres de travail social, l’équipe de bénévolat sous la tutelle de comité de quartier, le comité de quartier, le gouvernement local ainsi que les habitants du quartier3. Cette tension, selon l’article cité, conduit à une bureaucratisation et à un isolement du travail social dans le quartier concerné, même si les centres sont construits d’après le discours du gouvernement comme des modèles avancés à suivre et à dupliquer. L’arrivée dans un quartier résidentiel du travail social professionnel et diplômé provoque des tensions avec les bénévoles anciennement implantés et les fonctionnaires souvent peu diplômés et formés dans le contexte social de la mobilisation de masse à la maoïste.
Par ailleurs, beaucoup de débats se déroulent autour des conditions de travail des travailleurs sociaux, en particulier après la mort d’une assistante sociale à Shenzhen durant son travail. Le nombre excessif des heures de travail, le sous-effectif et les salaires très bas par rapport au niveau de diplôme obtenu sont mis en question. Li Yanhong, cette jeune fille de 25 ans diplômée en droit, ne touchait que 3 500 yuans/mois (brut) au lieu de 4 700 yuans (brut) puisqu’elle n’était pas une assistante sociale certifiée. Les 55 heures de travail supplémentaires qu’elle avait faites pendant un mois n’étaient malheureusement pas toutes rémunérées ni récupérées, ce qui a conduit à réfléchir davantage encore sur ce métier et le mode de fonctionnement des centres de travail social. Plusieurs forums de travailleurs sociaux sur internet ont contesté de la manière suivante : les travailleurs sociaux prennent soin de la société, mais qui et quelles mesures prennent soin et protègent les travailleurs sociaux ? De nouveaux comptes dans les réseaux sociaux en ligne ont été créés par les travailleurs sociaux, appelant à des aides de toutes formes pour la famille de Li et revendiquant l’augmentation de salaire des travailleurs sociaux, la protection ainsi que la régulation de ce métier contre une gestion à moindre coût, condition incontournable pour obtenir les appels d’offre.
Pour mieux appréhender l’évolution de la profession du travail social en Chine après le lancement des achats de services par le gouvernement, il est important de repenser l’évolution de ce métier ailleurs. À Hong Kong, le modèle Lump sum grant subvention, qui a inspiré le modèle chinois, a été lancé en 2000 dans le contexte de la crise asiatique et du déficit du gouvernement de Hong Kong. Il s’agit de verser une subvention annuelle fixée par le gouvernement pour les associations et organisations sociales, à la place du système budgétaire basé sur les dépenses réelles. Ce modèle était présenté avec l’objectif d’améliorer l’efficacité, la performance et la qualité des services, d’encourager l’innovation et de renforcer la flexibilité de la gestion dans le domaine de travail social. In fine ce système vise à réduire les dépenses sociales du gouvernement. Le nombre de manifestations organisées avant et pendant la mise en œuvre de ce modèle et la grève des travailleurs sociaux en 2007 illustrent bien les inquiétudes et la régression des conditions de travail des travailleurs sociaux : contractualisation et précarisation des postes, annulation du système de l’ancienneté au travail, baisse des salaires, deux systèmes de rémunération différenciant les travailleurs sociaux fonctionnaires de ceux contractuels pour le même travail, etc. « De même que l’économie de marché a été importée, apprise, mise en œuvre sous le contrôle complet de l’État, le travail social apparaissait comme une capacité complémentaire à acquérir pour gérer les problèmes sociaux nés de cette évolution même4 », y compris les problèmes liés à son essor en Chine.
Du travail social à la philanthropie étatique
Après 2008, avec la mobilisation philanthropique en ligne de plus en plus fréquente, on observe l’émergence et l’expansion dans tous les domaines sociaux et politiques de la notion de gongyi 公益 – intérêt public/bien-être public – qui en appelle à une « philanthropie moderne » et participative, à une mobilisation de la société et comporte une dimension morale et universelle étendue5. Ce terme, que les chercheurs chinois traduisent par « philanthropie moderne » ou « philanthropie » tout court, implique une participation financière et un engagement de la population « des gens ordinaires » pour résoudre les problèmes sociaux et se distingue de la « philanthropie/charité sous la tutelle du gouvernement » et de la philanthropie « des riches »6. Certains mettent en avant l’accès pour tous au champ collectif pour contribuer au gongyi, d’autres soulignent la dimension de volontariat pour « l’intérêt public ». Malgré cette différence, la participation de chacun au sein de la société est centrale dans cette notion idéologique qui propose l’idée d’une égalité des sujets citoyens et promeut la responsabilité de chacun à agir pour soulager les maux d’autres individus. Cette dimension participative rejoint la nouvelle gouvernementalité de l’État chinois : celle d’une gouvernance (zhili 治理) avec la logique du marché et du contrôle soigné. Ce terme est mentionné neuf fois par le gouvernement chinois dans son texte sur l’approfondissement de la réforme sociale et remplace celui de « gestion » employé jusqu’alors. En impliquant une dimension morale et responsable, ce nouveau terme « marché et contrôle soigné », moins connoté, écarte aussi le lien entre les ONG et la « société civile » pour construire « le troisième secteur » à la chinoise qui ne se présente pas comme une instance de contre-pouvoir, mais en partenaire de gestion avec le gouvernement.
Cela explique peut-être l’ambiguïté dans l’usage de ces divers termes, approximatifs et interchangeables, par les universitaires, professionnels et autorités chinoises. Cette ambiguïté provoque une confusion sur les rôles de chacun et neutralise ainsi les différences entre les organisations de masse sous la tutelle du Parti, les organisations issues des initiatives citoyennes et sociales et qui se disent « ONG » ou « organisations grassroots », les organisations porteurs des projets de services sociaux, les fondations, les organismes populaires non-lucratifs (minfeiqi), les écoles privées, les associations professionnelles, etc. En conséquence, les « organisations sociales » produisent du « bien-être/intérêt public » (gongyi), équivalent de la « philanthropie (moderne) » (cishan), avec le concours du bénévolat et du volontariat (zhiyuanzhe / yigong).
Après onze ans de travail et de préparation comprenant des allers-retours, la Chine a adopté une loi sur la philanthropie/charité (cishan fa) en mars 2016. Elle est entrée en vigueur le 1er septembre 2016. Au même moment, des règlements de gestion pour les fondations, les unités et organisations populaires non-lucratives (minfeiqi) et les services de bénévolat étaient en phase de concertation. Cette loi est promulguée dans un contexte de durcissement du contrôle et dans une volonté de légalisation de la gestion et du contrôle des dynamiques sociales et politiques. En témoignent déjà la loi sur la sécurité étatique votée en 2015 et la loi sur les ONG étrangères en avril 2016.
Cette dernière loi désigne trois formes d’organisations philanthropiques : fondations, groupes sociaux (shehui tuanti) et organisations des services sociaux (shehui fuwu jigou). Pour le vice-directeur du Bureau de gestion des organisations populaires (minjian zuzhi), cette loi « met un terme à l’appellation d’organisations populaires non-lucratives (minfeiqi) et ouvre une nouvelle ère des organisations de services sociaux ». Il s’agit, avec les règlements cités ci-dessus, de qualifier les « organisations philanthropiques » parmi toutes les organisations populaires enregistrées comme non-lucratives. Selon le directeur de la Fondation Narada, beaucoup de fondations actuelles fonctionnent plutôt en tant qu’organisations non-lucratives, mais la condition d’enregistrement était très stricte et restreinte. Elles se sont enregistrées comme fondations par pragmatisme.
L’écart de définition des organisations, le pragmatisme des organisations pour leur survie et la volonté étatique de neutraliser les différences définies par le modèle occidental accentuent davantage le flou sur la nature des organisations et le contenu des termes employés. Cela réduit le risque de coalition des organismes sous diverses appellations et légitime l’État et le Parti en tant que pilote de la construction et transformation de la « société harmonieuse ».
En 2016, un colloque international sur le travail social et le gongyi cishan (intérêt public et philanthropie moderne) que le travail social et la philanthropie/intérêt public (gongyi cishan) avaient « la même origine » et a proposé une « confluence du travail social avec la philanthropie et l’intérêt public » (shehui gongwuo yu gongyi cishan heliu). Le développement de la philanthropie moderne a été présenté comme lié au mouvement du bénévolat international et aux interventions des organisations internationales sur la lutte contre la pauvreté et l’aide au développement. Le développement de ces « organisations philanthropiques » s’était arrêté en Chine à cause du manque de ressources, de soutien des autorités et de légitimité. Les experts participants de ce colloque ont souligné le contraste entre cette stagnation et l’essor du travail social, également issu de l’importation. Mais ce travail social, jugé selon eux trop dépendant du gouvernement, souffre actuellement de bureaucratisation et de formalisme. La « confluence » promue par ce colloque cherche à rééquilibrer l’inégalité des ressources de deux secteurs (philanthropie et travail social), afin de mutualiser les ressources. Certains participants visent même la création d’une science « gongyi cishan » et sa professionnalisation !
1 Wenjing GUO, Internet entre État-Parti et société civile en Chine, L’Harmattan, 2015.
2 « Guanyu fazhan he guifan wosheng shehui zuzhi de yijian », le texte intégral est disponible sur le site officiel du gouvernement de la province du Guangdong, voir : www.gd.gov.cn/govpub/zfwj/qzb/gdszfwj/200810/t20081030_71713.htm, consulté le 5 février 2017.
3 Jiangang ZHU, Anna CHEN, « Qieru zhong de zhuanye shehui gongzuo yu jiequ quanli guanxi 嵌入中的专业社会工作与街区权力关系 », in Jiangang ZHU (ed.), Annual report on China’s civic philanthropy development (2012), Beijing, Social Sciences Academic Press (China), 2013, p. 263-285.
4 Hours Bernard, Selim Monique, Guo Wenjing, « Salarier la société civile à Canton ». In : Séhier C. (ed.), Sobel R. (ed.) Travail, luttes sociales et régulation du capitalisme dans la Chine contemporaine. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2015, p. 162.
5 D’autres termes sont employés : xiandai cishan 现代慈善 (la philanthropie moderne), pingmin cishan 平民慈善 (la philanthropie des gens ordinaires), minjian gongyi民间公益 (l’intérêt public auquel contribue la population), quandmin gongyi 全民公益 (le bien-être public par toute la population), renren gongyi 人人公益 (l’intérêt public par chacun).
6 Voir Tuan YANG (ed.), Annual report on China’s philanthropy development (2010), Beijing, Social Sciences Academic Press (China), 2010. Chuanjin TAO, 全民公益发育成长与意义表达的现状与机制研究, intervention à la conférence de « Gongyi par tous » (quanmin gongyi全民公益) à Canton en 2010. Jiangang ZHU, « General report », in Jiangang ZHU (ed.), Annual report on China’s civic philanthropy development (2011), Beijing, Social Sciences Academic Press (China), 2012, p. 2-5.