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96. Multitudes 96. Automne 2024

A chaud 96.

Hors-Champ 96.

Majeure 96. Soulèvements / révolutions

Deux polémiques récentes nous mettent face à des énigmes politiques à échelle globale : aux dérives autoritaires de gouvernements dits « progressistes » tout autant qu’aux paradoxes nouveaux liés aux tentatives insurrectionnelles de la nouvelle extrême droite. Comment fait-on pour mobiliser les énergies radicalement démocratiques qui nous manquent aujourd’hui face à la montée quasi inexorable de la nouvelle droite ? Les enjeux de ces débats et/ou affrontements sont de différentes natures : politiques, philosophiques, historiques, esthétiques et bien d’autres encore. Nos démocraties sont limitées mais nos désirs de les transformer restent inépuisables.

Les soulèvements démocratiques qui nous manquent, par

Les soulèvements démocratiques qui nous manquent
À partir de la polémique entre Enzo Traverso et Georges Didi-Huberman autour des notions de révolution et de soulèvement, cet article propose une réflexion sur les dimensions constituées et constituantes de la démocratie. La controverse initiale entre ces deux auteurs se développe à partir des travaux de Antonio Negri, d’une part, sur le souffle d’une joie créatrice et, d’autre part, sur la notion de pouvoir constituant. Ce débat théorique est ensuite confronté avec les expériences concrètes des moments constituants qui ont caractérisé certains gouvernements dits progressistes en Amérique Latine (notamment le Venezuela) et avec l’émergence subversive du fascisme au Capitole américain et à Brasília. L’article propose enfin comme sortie des impasses les dynamiques instituantes et le retour de Carlo Ginzburg sur les rapports entre histoire et changements.

The Democratic Uprisings We’re Missing
Based on the controversy between Enzo Traverso and Georges Didi-Huberman over the notions of revolution and uprising, this article reflects on the constitutive dimensions of democracy. The initial controversy between these two authors developed from Antonio Negri’s work, on the one hand, on the creative breath of a creative joy and, on the other, on the notion of constituent power. This theoretical debate is then confronted with the concrete experiences of constituent moments that have characterized certain so-called progressive governments in Latin America (notably Venezuela) and the subversive emergence of fascism on Capitol Hill and in Brasília. The article concludes by proposing a way out of the impasse: instituting dynamics and Carlo Ginzburg’s return to the relationship between history and change.

Par-delà vitalisme et historicisme
Sur une ambiguïté constitutive du « pouvoir constituant » d’Antonio Negri, par

Par-delà vitalisme et historicisme
Sur une ambiguïté constitutive du « pouvoir constituant » d’Antonio Negri
Cet article est consacré à un problème qui a été récemment au centre des débats consacrés à la pensée d’Antonio Negri : l’oscillation entre « vitalisme » et « historicisme » qui caractérise sa définition du « pouvoir constituant » de la multitude. Je propose de réfuter l’une des principales objections philosophiques qu’il a reçues : l’accusation de « vitalisme ». L’un des chantiers de réflexion laissés ouverts par Negri concerne la question de l’articulation entre multiplicité et unité, prolifération et composition des temporalités, des sujets et des pratiques du « pouvoir constituant » de la multitude.

Beyond Vitalism and Historicism
On a Constitutive Ambiguity of Antonio Negri’s “Constituent Power”
This article is devoted to a problem that has recently been at the center of debates on Antonio Negri’s thought: the oscillation between “vitalism” and “historicism” that characterizes his definition of the “constituent power” of the multitude. I propose to refute one of the main philosophical objections he has received: the accusation of “vitalism”. I argue instead that one of the areas of reflection left open by Negri concerns the question of the articulation between multiplicity and unity, proliferation and composition of temporalities, subjects and practices of the “constituent power” of the multitude.

Primauté politique de l’imaginaire instituant, par

La foule en deuil
Symbole et soulèvement, par

La foule en deuil
Symbole et soulèvement
Les foules protestataires sont-elles capables de faire leur deuil ou de surmonter leurs traumatismes politiques ? Quel est le travail psychique impliqué dans le deuil public et comment pouvons-nous donner un sens aux nouveaux symboles politiques qui émergent dans les vastes scènes de protestation ? En m’appuyant sur le soulèvement brésilien de 2013 et ses conséquences, j’écris sur un deuil semi-spontané, un deuil qui n’est pas l’effet d’une politique d’État, qui se produit lorsque des foules plus ou moins grandes se forment, et lorsqu’elles symbolisent ensemble, lorsqu’elles produisent des rythmes et des formes de synchronicité. J’écris sur une foule qui symbolise, capable de constructions compliquées, de références superposées à différentes époques historiques, et même d’interprétations.

The Mourning Crowd
Symbol and Uprising
Are crowds in protest capable of mourning or working-through political traumas? What is the psychic work involved in public mourning and how can make we make sense of new political symbols that emerge in ample scenes of protest? Drawing on the Brazilian Uprising of 2013 and its aftermath, I write about a semi-spontaneous mourning, a mourning that is not an effect of a state policy, a mourning that happens when smaller or greater crowds symbolise together, when they produce rhythms and forms of synchronicity. I write about a symbolising crowd, capable of complicated constructions, of overlayered references to different historical times, and even of making interpretations.

Soulèvement chilien, saisir l’ouvert, par et

Soulèvement chilien, saisir l’ouvert
Ce texte résulte d’une première approximation de Darío Quiroga, sociologue et conseiller communicationnel des causes progressistes, altérée ensuite par Millaray Lobos García. Il est exmilitant communiste, encore engagé auprès de divers syndicats et associations et victimes de « El estallido » chilien. Elle est artiste et autrice théâtrale. Ils pensaient penser des choses semblables et c’était plus au moins vrai, mais leur manière de les penser différait. De couche en couche, ces lignes tentent une saisie sur les mouvances du cycle constitutionnel chilien, cycle de demandes à la fois sans médiation et ultramédiatisé. Perspectives révolutionnaires ou juste « révoltées » s’entrecroisent ainsi.

Chilean Uprising, Seizing the Open
This text is the result of an initial approximation by Darío Quiroga, sociologist and communications advisor to progressive causes, subsequently altered by Millaray Lobos García. He is an ex-communist militant, still involved with various unions and associations of victims of Chile’s “El estallido”. She is an artist and playwright. They thought they were thinking similar things, and this was more or less true, but the way they thought them differed. From layer to layer, these lines attempt to capture the movements of the Chilean constitutional cycle, a cycle of demands that is both unmediated and ultra-mediatized. Revolutionary or just “rebellious” perspectives thus intersect.

Faire des images, faire de la révolte
La force politique des expressions visuelles des sujets amazoniens, par

Faire des images, faire de la révolte
La force politique des expressions visuelles des sujets amazoniens
Partant du principe que l’imagination est une condition préalable à l’action politique, créer des images est aussi une manière de faire de la révolte. En ce sens, allant au-delà du paradigme iconique, les images elles-mêmes deviennent des expressions sensibles de l’indignation de ceux qui s’inscrivent contre les formes injustes de pouvoir. En Amazonie, région historiquement constituée comme « l’Autre » du Brésil, les anciennes et nouvelles logiques colonialistes se conjuguent aux dilemmes nationaux et internationaux, créant une atmosphère de constantes menaces, de violences concrètes et de luttes permanentes. Dans ce contexte, certaines images se situent précisément à l’inflexion entre voir, montrer et rendre sensible une souffrance qui suscite l’indignation. Ainsi, les images se lancent dans l’expérience comme moyens d’expression du désir de soulèvements, comme pratiques d’affirmation de la liberté et comme gestes de résistance face à l’histoire.

Making Images, Making Revolt
The Political Power of Visual Expression by Amazonian Subjects
Based on the premise that imagination is a prerequisite for political action, creating images is also a way of making revolt. In this sense, going beyond the iconic paradigm, images themselves become sensitive expressions of the indignation of those who stand up against unjust forms of power. In the Amazon, a region historically constituted as Brazil’s “Other”, old and new colonialist logics combine with national and international dilemmas, creating an atmosphere of constant threat, concrete violence and permanent struggle. In this context, some of the images are precisely at the inflection point between seeing, showing and making sensitive a suffering that arouses indignation. Thus, the images launch themselves into experience as means of expressing the desire for uprisings, as practices of asserting freedom and as gestures of resistance in the face of history.

Soulever la terre, suspendre le ciel, par

Soulever la terre, suspendre le ciel
Ce n’est pas un hasard si un passionnant débat public a vu le jour entre deux grands historiens de l’art et de la culture, Georges Didi-Huberman et Enzo Traverso, à partir de la photographie de Gilles Caron sur la couverture du catalogue de l’exposition « Soulèvements » organisée par le premier. Cet essai rapproche des mondes très éloignés dans le temps et dans l’espace − de la Grèce antique à la forêt amazonienne − par la similitude d’un geste et d’une attitude, par son sens et par le renversement de celui-ci. Aujourd’hui les mobilisations indigènes prennent des expressions assez inattendues : en avril 2023, réunis au Campement Terre Libre à Brasilia, de nombreux peuples indigènes lancent de nouveaux mots − indigenisar, mulherizar, oncificar − pour exprimer leurs mouvements et soulèvements. Ce nouveau vocabulaire s’accompagne de nombreuses pratiques d’image : manifestations, performances, projections et peintures entre autres.

Raising the Earth, Lifting the Sky
It’s no coincidence that two great art and cultural historians, Georges Didi-Huberman and Enzo Traverso, have engaged in a fascinating public debate on Gilles Caron’s photograph on the cover of the catalog for the “Soulèvements” exhibition organized by the former. This essay brings together worlds far removed in time and space—from ancient Greece to the Amazon rainforest—through the similarity of a gesture and an attitude, its meaning and its reversal. Today, indigenous mobilizations are taking on quite unexpected expressions: in April 2023, gathered at the Terre Libre Camp in Brasilia, many indigenous peoples launched new words—indigenisar, mulherizar, oncificar—to express their movements and uprisings. This new vocabulary was accompanied by a wide range of image practices, including demonstrations, performances, projections and paintings.

Désobéissance environnementale, par

Désobéissance environnementale
Cet article part du constat qu’après un demi-siècle de mobilisations et de soulèvements, l’écologie est au cœur de la vie politique mondiale. Cependant, l’institutionnalisation des préoccupations écologiques, à travers les COP et d’autres initiatives, est loin d’être suffisante. Dans la lutte pour le climat, les mouvements citoyens, les ONG, les associations et les collectifs se mobilisent en recourant fréquemment à cette forme particulière d’action politique qu’est la désobéissance civile. Cet article définit la désobéissance civile par quatre traits et établit ensuite quelques liens avec la politique du care. En effet, la désobéissance climatique retrouve l’esprit des éthiques du care qui, en attribuant une importance déterminante à la matérialité des choses et à leur essentielle vulnérabilité, reflètent une nouvelle sensibilité politique.

Environmental disobedience
This article starts from the observation that, after half a century of mobilizations and uprisings, ecology is at the heart of global political life. However, the institutionalization of ecological concerns, through COPs and other initiatives, is far from sufficient. In the fight for the climate, citizens’ movements, NGOs, associations and collectives are mobilizing, frequently resorting to that particular form of political action known as civil disobedience. This article defines civil disobedience in terms of four features, and then draws some links with the politics of care. Indeed, climate disobedience reflects the spirit of care ethics which, by attributing decisive importance to the materiality of things and their essential vulnerability, reflect a new political sensibility.

Mineure 96. Intelligences Artistiques (IA) génératives

À distance des technophobies et des technophilies régnantes, cette Mineure se demande comment resituer le développement des malnommées « intelligences artificielles » (IA) dans les évolutions au long cours du capitalisme. Alors que leur large diffusion est en train de bouleverser notre rapport aux images et à l’imaginaire, que peuvent nous apprendre les expérimentations artistiques sur les puissances et les faiblesses, les risques et les vertus des IA ? Et si les critiques les plus éclairantes sur les IA génératives opérant sur le langage passaient par le décalage créatif et les détournements les plus improbables ? 

Que comprend-on de ce que « comprend » ChatGPT ?, par

Intelligences artificielles et créativité au sens extra-moral, par

Intelligences artificielles et créativité au sens extra-moral
Alors que Le Sony World Photography Award 2023 a été attribué à une œuvre générée par IA, que les scénaristes d’Hollywood manifestent dans les rues de Los Angeles, et que les Large Language Models sont appelées à prendre de plus en plus de place dans nos activités cognitives, il est urgent de se demander si la force de création humaine, celle des auteurs, des scénaristes, des artistes et même des scientifiques ne s’est pas aliénée dans la combinatoire. Les IA LLM ont-elles concrétisé « l’exploitation de niveau 2 » du capitalisme cognitif, c’est-à-dire l’exploitation totale de la force-invention (créativité, intelligence, innovation) ? Pour répondre à cette question, l’article propose d’entrer dans la combinatoire comme on rentre dans la Bibliothèque de Babel, c’est-à-dire de s’y perdre pour mieux s’y retrouver.

Artificial Intelligence and Creativity in the extra-moral Sense
At a time when the Sony World Photography Award 2023 has been awarded to an AI-generated work of art, when Hollywood screenwriters are protesting in the streets of Los Angeles, and when Large Language Models are set to take up more and more of our cognitive activities, it’s urgent to ask whether the human creative force—that of authors, screenwriters, artists and even scientists—has not become alienated in combinatorics. Have LLM AIs embodied the “level 2 exploitation” of cognitive capitalism, i.e. the total exploitation of the force of invention (creativity, intelligence, innovation)? To answer this question, the article proposes to enter into combinatorics as one enters into the Library of Babel, i.e. to lose oneself in order to better find oneself.

La quatrième mémoire, par et

La quatrième mémoire
Les dites « intelligences artificielles » (IA) signent moins le remplacement des facultés humaines que l’apparition d’une nouvelle catégorie de mémoire générant de façon récursive des discours, images et sons qui peuvent ressembler aussi bien à des « créations » qu’à des documents « authentiques ». Cette automatisation de l’expression et de la représentation à partir des données massives accumulées sur le Web explique pourquoi la question des arts, loin d’être anecdotique, est devenue consubstantielle aux modèles statistiques actuels. On peut y percevoir l’émergence d’un nouveau réalisme qui déstabilise les archives du passé comme les perspectives de futur. La nature contrefactuelle de ce réalisme alien trouble ce sur quoi nous fondions auparavant les indices de vérité.

Fourth Memory
So-called “artificial intelligence” (AI) are less a sign of the replacement of human faculties than of the emergence of a new category of memory, recursively generating speeches, images and sounds that can resemble “creations” as much as “authentic” documents. This automation of expression and representation using the massive data accumulated on the Web explains why the question of the arts, far from being anecdotal, has become consubstantial with current statistical models. We can see the emergence of a new realism that destabilizes both past archives and future perspectives. The counterfactual nature of this alien realism unsettles the foundation upon which we previously established our relation to truth.

Multitudes en images

Price Seth. OK, just send me the billIcônes 80. ACBE/Johann Hauser/Óscar Fernando Morales/Janko Domsic/Szabolcs  Bozó/Giovanni Bosco/Dwight Mackintosh/José Manuel Egea/Alberto Jorge Cadi/Louis Bec/Guo Fengyi/Davood Koochaki/Mihai Zgondoiu/Ourgroup The Making of(f)Pour l’exposition « Travessias »Partitions <br>« Impressions… d’être »Apprentissage – Extinction – Résurrection / Grégory Chatonsky & Ariel KyrouIcônes 54Echelle inconnueMaking Do and Getting By
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