83. Multitudes 83. Eté 2021
Majeure 83. L’Iran par-delà la République islamique

La milice révolutionnaire Bassidj dans les quartiers défavorisés
Un paradoxe politique

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Plusieurs vagues de contestation secouent l’Iran en décembre 2018 et fin 2019. Bien que ces manifestations n’attirent pas plus de quelques milliers de participants (contrairement à ce qu’il s’est passé durant les huit mois de manifestations du Mouvement vert en 2009, lorsque des millions de personnes sont descendues dans la rue), les récents soulèvements sont sans précédent dans l’histoire de la République islamique, tant du fait de leur diffusion géographique que du fait de la radicalité de leurs slogans. La situation s’embrase rapidement. Initialement d’ordre économique, les revendications prennent un ton plus politique, se radicalisent et visent désormais le régime lui-même. Elles trouvent ainsi un écho dans tout le pays auprès d’une jeunesse frustrée et d’une classe populaire appauvrie. Outre les griefs économiques et politiques, l’Iran subit également le contrecoup de sa volonté d’« exporter » sa révolution à travers tout le Moyen-Orient : le slogan qui prédomine parmi les manifestants est « Pas de Gaza, pas de Liban, ma vie pour l’Iran ». Depuis les soulèvements de 2009, au cours desquels ce slogan a été scandé pour la première fois, les manifestations font référence aux alliés régionaux de l’Iran pour exprimer leur ferme opposition au détournement de ressources financière rares vers de lointaines zones de conflits au détriment de l’économie iranienne.

Non seulement les manifestations de décembre 2018 et fin 2019 connaissent une propagation géographique sans précédent, se déployant à l’échelle nationale dans plus d’une centaine de villes, mais de nouveaux foyers de révolte apparaissent aussi dans de nouvelles zones urbaines, notamment dans les quartiers défavorisés. Largement diffusées, les images des manifestations dans ces quartiers ont révélé le profond mécontentement des populations urbaines pauvres. Les affrontements de rue entre manifestants et miliciens en civil du Bassidj – ces derniers faisant partie du corps des Gardiens de la révolution islamique – illustrent la nouvelle composition démographique des mouvements de contestation et mettent en lumière les profonds paradoxes de la politique révolutionnaire en Iran. Comment ces affrontements peuvent-ils avoir lieu au nom de la révolution, alors même que les pauvres sont censés être les « véritables héritiers de la révolution1» ? Pour répondre à cette question, il convient d’examiner les contradictions et dilemmes contemporains auxquels se heurte la politique révolutionnaire du Bassidj dans les zones urbaines défavorisées, des zones où, en dépit de leurs affrontements, aussi bien les pauvres que les soi-disant révolutionnaires contestent la politique interne et la gestion économique du pays. Force paramilitaire créée en 1979 et destinée à protéger la révolution, le Bassidj ne partage pas nécessairement les critiques des manifestants à l’égard des ambitions régionales de l’Iran. Mais ses membres rejoignent indéniablement les populations défavorisées sur un point : leur critique sévère de l’État, qui manque à ses promesses révolutionnaires faites aux pauvres, alors même que l’économie est en chute libre et que les inégalités sociales se creusent.

Les ambivalences du Bassidj

Durant plus de dix-huit mois entre 2013 et 20192, j’ai effectué un travail de terrain au sein du Bassidj dans plusieurs quartiers défavorisés situés à la périphérie de Téhéran et dans deux petites villes du nord-est et du sud du pays. Mon enquête portait sur la manière dont le Bassidj s’appuie sur ses vastes réseaux et ressources pour fournir aux populations défavorisées des infrastructures ainsi que des services culturels et publics. Plus précisément, il s’agissait de comprendre comment, au niveau tant institutionnel qu’individuel, les membres du Bassidj s’efforcent de faire respecter la promesse révolutionnaire de justice sociale en faveur des pauvres, tout en « persuadant » ces derniers que la révolution demeure essentielle pour eux. Mes principaux terrains d’enquête étaient les suivants : les plus petites unités opérationnelles du Bassidj, connues sous le nom de « Bassidjs des quartiers », qui servent à la fois de structures de contrôle social et d’espaces de recrutement et de formation des forces révolutionnaires ; le Bassidj de Construction, qui fournit des infrastructures aux zones rurales ainsi qu’aux quartiers urbains insalubres ; et des mosquées où je pouvais observer des activités culturelles planifiées de manière centralisée et mises en œuvre au niveau local, telles que des projections de films, des programmes spécialement conçus pour les jeunes, des rassemblements religieux ou politiques et, entre 2015 et 2016, le recrutement intermittent de combattants iraniens et afghans destinés à être déployés en Syrie. J’ai réalisé plus de quatre-vingts entretiens informels avec des membres du Bassidj de tous horizons et de toutes les générations. Il s’agissait aussi bien d’hommes qui avaient activement pris part à la révolution et à la guerre dans les années 1980 que d’hommes âgés de 25 à 40 ans qui avaient fait des études universitaires et venaient des quartiers défavorisés, décrits avec justesse par Asef Bayat comme formant une « classe moyenne pauvre3 ».

L’observation de la gestion concrète des programmes du Bassidj, de ses dilemmes quotidiens et de ses constantes négociations avec les habitants des quartiers défavorisés m’a fait prendre conscience du paradoxe qui sous-tend le Bassidj. Ce paradoxe apparaît inéluctablement dès lors que les révolutionnaires sont confrontés à l’« impossible alliance entre une ferveur révolutionnaire tenace et une gouvernance qui perdure contre toute attente4 ».

Confronté aux échecs de la gouvernance iranienne, le Bassidj est tiraillé entre le soutien au régime dans sa globalité (nizam5) et la contestation de l’État6 qui l’administre. À première vue, cette position semble très contradictoire. Mais la contradiction s’estompe dès lors qu’on prend en considération le fait que, même si l’engagement révolutionnaire du Bassidj repose sur un endoctrinement officiel, cela n’empêche pas ses membres d’exprimer leur mécontentement face à la manière dont les autorités iraniennes traduisent les idéaux révolutionnaires sur le plan institutionnel et administratif. Le Bassidj occupe ainsi une position ambivalente et singulière, en ce qu’il se situe à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’État, ce qui lui permet d’opérer à la manière d’un État tout en maintenant une distance critique par rapport à celui-ci. Du fait de cette position ambivalente, difficile à tenir, la politique révolutionnaire du Bassidj est source de tensions et conflits. Les deux exemples analysés ci-dessous me permettront de montrer comment le travail entrepris par le Bassidj pour perpétuer la révolution est étroitement lié à l’incessante contestation de l’État qui administre et régit cette révolution. Cette contestation apparaît le plus clairement dans les situations où le Bassidj est amené à interagir avec les populations des quartiers défavorisés.

Le Bassidj de Construction

De même que de nombreux autres mouvements révolutionnaires du XXe siècle, la révolution iranienne repose à l’origine sur des promesses de développement faites aux populations marginalisées7. Nombre d’institutions et d’organisations ont été façonnées par cette promesse, formant par la suite un conglomérat d’institutions financières quasi privées8. Le Bassidj de Construction fait partie de ces organisations qui étaient à l’origine des institutions révolutionnaires et qui se sont ensuite lancées dans de vastes entreprises économiques9. Depuis la création du Bassidj de Construction, l’une de ses activités principales consiste à encourager ses membres à se porter volontaires pour fournir des infrastructures aux populations défavorisées. Ces projets peuvent aller de la construction d’écoles dans les villes et villages frontaliers à la réparation du plafond d’une maison dans l’une des nombreuses villes satellites de Téhéran caractérisées par l’insalubrité, la surpopulation et le manque d’infrastructures. Sous la supervision directe des Gardiens de la révolution, le Bassidj de Construction organise régulièrement des voyages d’une semaine, appelés « voyages du djihad », dans certaines régions10. Les volontaires sont généralement recrutés parmi les lycéens ou les étudiants, dont beaucoup sont issus de familles extrêmement pauvres. J’ai accompagné différents groupes de volontaires du Bassidj à l’occasion de dix courts voyages à la frontière nord-est de l’Iran et à la périphérie de Téhéran.

D’après ce que m’ont dit les bassidjis, s’ils participent à ces voyages du djihad, c’est principalement parce qu’ils estiment qu’il est de leur devoir d’aider les pauvres, une mission souvent négligée par les acteurs politiques. Les membres du Bassidj interviennent généralement dans des secteurs où l’échec de l’État et sa réticence à fournir des services, notamment en termes d’infrastructures, sont les plus flagrants. « Je suis sûr que les autorités n’ont jamais mis les pieds ici » : voilà une phrase que j’ai souvent entendue de la part des bassidjis lorsqu’ils se trouvaient confrontés à la misère rurale et urbaine.

Il convient de replacer cet empressement à fustiger les autorités dans un contexte bien plus large. Lorsque les bassidjis se déplacent dans les zones défavorisées pour répondre aux griefs des pauvres, censés former le socle des partisans de la République islamique, ils mettent en avant un discours fort : celui de la défaillance de l’État. En fournissant des infrastructures aux populations défavorisées, les bassidjis reproduisent et mettent en œuvre des pratiques d’État. Ces pratiques de type étatique dérivent néanmoins de la profonde méfiance des bassidjis envers la capacité de l’État à subvenir aux besoins des citoyens.

Le fait de souligner les défaillances de l’État tout en reproduisant ses pratiques pourrait être dû à l’histoire particulière du Bassidj, qui l’a conduit à osciller entre une position à l’intérieur de l’État et une position à l’extérieur de celui-ci. Cette ambivalence crée un espace au sein duquel les pratiques du Bassidj peuvent participer à la fois de la présence de l’État et de sa négligence. Depuis la révolution de 1979, les soi-disant révolutionnaires sont fermement convaincus qu’ils doivent travailler en dehors ou aux côtés des instances étatiques, soit parce que l’État n’était pas encore assez consolidé (au lendemain de la révolution), soit parce que l’appareil étatique est trop lourd (du fait de sa bureaucratie) pour apporter rapidement une aide adéquate aux populations défavorisées.

Lors de mes observations ethnographiques, ce rapport ambigu à l’État était souvent abordé. Il devenait particulièrement visible au quotidien, lorsque les habitants demandaient aux volontaires de les aider à finir de construire leurs maisons inachevées, à réparer leurs plafonds détruits ou simplement à construire un mur autour de leurs maisons. Il était évident que les bassidjis ne pouvaient répondre à tous leurs griefs. La réaction de ces derniers face aux besoins de la population était un mélange de compassion envers les pauvres et de critique des manquements de l’État. Les discussions des bassidjis, lorsqu’ils devaient décider s’ils pouvaient aider la population, tournaient toujours autour de l’idée d’une injustice due à la corruption politique. « On devrait envoyer les hommes politiques en exil ici et répondre directement aux demandes de la population, au lieu de les laisser dans leurs maisons de luxe au nord de Téhéran. »

Dans la mesure où les projets du Bassidj sont conçus pour améliorer l’image du nizam auprès de la population, ils amènent le plus souvent les bassidjis à mettre en évidence l’incapacité de l’État à tenir ses promesses. Les bassidjis cherchent à promouvoir (et à faire respecter) la justice en tant qu’ethos collectif et la considèrent comme une composante essentielle de la révolution et de la citoyenneté démocratique. Parce qu’ils sont témoins des décalages entre attentes et réalités, leur conception de la justice ouvre un espace de contestation et parfois de remise en cause de l’État. C’est ainsi autour des projets d’infrastructure réalisés dans le cadre du djihad que bassidjis et populations locales échangent désormais leurs points de vue sur la classe politique, les promesses révolutionnaires non tenues et la direction inquiétante dans laquelle s’engage le pays.

Si ce type de discussion se produit lorsque les bassidjis se rendent dans des régions reculées pour intervenir auprès des populations défavorisées, j’ai également pu observer de nombreux échanges similaires dans l’interaction quotidienne entre pauvres des quartiers urbains et bassidjis, notamment dans le cadre du Bassidj des Quartiers.

Le Bassidj des Quartiers

Depuis les premières années qui ont suivi la révolution, presque tous les quartiers urbains en Iran abritent une base paramilitaire du Bassidj. Connues sous le nom de Bassidjs des Quartiers, ces bases ont été l’une des premières entreprises des révolutionnaires – immédiatement après leur prise de contrôle des villes en 1979 – car ils considèrent ces structures comme essentielles au maintien de l’ordre social urbain. Durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), en plus de servir de « remparts révolutionnaires » contre toute menace à la sécurité des quartiers, ces bases du Bassidj contribuent activement à la mobilisation et au recrutement de volontaires pour le front. Dans les années d’après-guerre, le Bassidj maintient sa présence dans les quartiers, ses bases servant de lieux de formation culturelle, politique et militaire.

Tandis que les forces paramilitaires tendent à consolider leur pouvoir en l’absence d’une police et d’un État opérationnels11, le Bassidj travaille, depuis sa création, en étroite collaboration avec des institutions étatiques pour assurer la sécurité, une fonction à laquelle est allouée un certain pourcentage du budget national annuel. Toutefois, ses opérations ne se limitent pas au maintien de la sécurité, puisque le Bassidj s’est peu à peu transformé en un immense réseau d’institutions intervenant dans une multitude de missions administratives. Les bases du Bassidj des Quartiers font ainsi partie de ce réseau bureaucratique.

Ne serait-ce qu’en raison du nombre de ses bases locales et de la portée de leurs opérations, le Bassidj joue désormais un rôle prépondérant dans la régulation de la vie collective à l’échelle du quartier. Ce rôle est considérablement renforcé par les techniques de contrôle particulières qu’il utilise, telles que la hiérarchisation de ses membres. Chacune des bases du Bassidj comporte un bureau dédié à l’adhésion. Une fois inscrit, on devient un bassidji ordinaire. Cependant, pour bénéficier de prêts, d’une réduction de la durée du service militaire, d’emplois ou d’autres avantages associés au statut de bassidji, on doit suivre une formation spéciale afin de devenir un membre actif. Cette formation dure un peu moins de six mois si l’on suit des cours sur les enseignements islamiques et la révolution. Sinon, le processus peut prendre des années et se solde souvent par un échec. De ce fait, l’une des principales tâches des bases du Bassidj consiste à tenir un registre des activités de ses membres.

Les bassidjis demandent constamment au personnel du Bassidj de les faire passer à un statut hiérarchique supérieur, une condition préalable pour obtenir des prêts bancaires et d’autres avantages. Ces requêtes tendent à se transformer en longues conversations sur la révolution. Les membres du personnel des bases du Bassidj expriment souvent un sentiment de responsabilité à l’égard de leur rôle bureaucratique. Ils se comportent en gardiens de l’idéologie révolutionnaire et islamique, idéologie que les habitants du quartier n’ont pas apprise dans les cours proposés dans les bases du Bassidj. Par ailleurs, ils expriment leur profonde insatisfaction quant à l’institutionnalisation du Bassidj. Ils sont généralement les premiers à reprocher à l’élite des Gardiens de la révolution et du Bassidj de ne pas être consciente des problèmes sociaux endémiques dans les quartiers défavorisés. Il n’est pas rare que les discussions se transforment rapidement en débats sur la corruption politique et les défaillances de la bureaucratie.

Plus qu’un strict dispositif de contrôle social, cette hiérarchisation des bassidjis permet, tant aux résidents des quartiers défavorisés qu’au Bassidj, de renouer avec les promesses révolutionnaires fondamentales faites aux pauvres. Leur position foncièrement critique constitue le rappel poignant d’une révolution dont le leader est considéré comme « ayant appartenu aux déshérités (mostazafān) et aux pieds nus (paberehnegan) et ayant promis une redistribution à grande échelle des revenus et des richesses12 ».

Cet espace dynamique de négociation m’a montré que, si le Bassidj des Quartiers continue d’exercer son pouvoir sur la population, les bassidjis apparaissent de plus en plus aux yeux des habitants locaux comme des fonctionnaires subalternes chargés de répondre à leurs griefs mais incapables de le faire. C’est pourquoi j’insiste sur le fait qu’on ne peut comprendre les dilemmes quotidiens et les pratiques du Bassidj si l’on ne conçoit ses actions que comme de simples tentatives de maintien du statu quo et de la structure politique établie. En adoptant une posture révolutionnaire, les bassidjis avec qui j’ai travaillé promouvaient les visées idéologiques fondamentales de la République islamique d’Iran. Mais c’est précisément leur loyauté qui les empêchait de fermer les yeux sur les manquements et les incohérences de l’État. Et, à l’évidence, leurs reproches étaient largement partagés par une population mécontente.

Controverse sur la politique révolutionnaire du Bassidj

L’image du Bassidj se réduit généralement à des scènes spectaculaires d’affrontement avec des manifestants ou d’actes de vandalisme. Cette image prédominante laisse peu de place à la vie ordinaire, moins spectaculaire du Bassidj, dont l’une des caractéristiques essentielles est de refléter le mécontentement général dans les quartiers défavorisés. Si les bassidjis s’attachent à soutenir constamment la structure globale du système politique dans leurs orientations générales, leurs actions s’inscrivent en pratique toujours dans un mouvement de contestation de l’État. Le Bassidj s’efforce de réactiver des notions révolutionnaires, au premier rang desquelles la justice sociale. Celle-ci étant conçue comme visant à éradiquer les différences de classes et à répondre en priorité aux besoins des populations défavorisées, les bassidjis adoptent inévitablement une posture critique à l’égard des autorités qui ont engendré des inégalités sociales flagrantes. Dans ce paysage social, la politique révolutionnaire du Bassidj renferme un paradoxe politique inhérent : quiconque ressent une forme de loyauté envers le système politique est incité – précisément en raison de cette loyauté – à critiquer la gouvernance qui, selon eux, n’est guère à la hauteur des promesses révolutionnaires faites aux pauvres. La prise de conscience de ce paradoxe met en évidence le caractère « contesté » de la loyauté envers le régime en République islamique d’Iran et les controverses autour de la politique révolutionnaire du Bassidj dans les quartiers pauvres d’Iran.

Traduit de l’anglais par Nathalie Plouchard-Engel

1 Référence à l’expression utilisée par Khomeini au sujet des populations défavorisées.

2 Entre 2015 et 2016, j’ai effectué un travail de terrain de plus de quatorze mois, qui s’est inscrit dans le prolongement de trois mois d’enquête ethnographique réalisée en 2013 et qui a été suivi de quatre mois de recherches au cours de l’été et de l’automne 2019.

3 Bayat Asef, « Plebeians of the Arab Spring ». Current Anthropology 56 (S11) : S33–43, 2015

4 Holbraad Martin, « Revolución O Muerte: Self-Sacrifice and the Ontology of Cuban Revolution ». Ethnos 79 (3) : 365–87, 2014.

5 Le terme « nizam »​ désigne le caractère étatique (statehood) de la République islamique. Il apparaît fréquemment dans les conversations quotidiennes des bassidjis (« Protéger le nizam est notre priorité » ou « Je suis prêt à donner ma vie pour le nizam »). En ce sens, le nizam est perçu comme idéal par les bassidjis, et personne n’a le droit de mettre en doute sa légitimité.

6 Assemblage d’instances dirigeantes élues ou non, l’État est chargé d’administrer efficacement et de concrétiser certains idéaux révolutionnaires du nizam. Je distingue le nizam de l’État afin de souligner que les bassidjis ne contestent pas la légitimité du nizam (c’est-à-dire du régime ou de la République islamique d’Iran), mais bien la légitimité des acteurs qui la « dirigent » actuellement, du moins en partie, et qui sont parfois décrits comme étant « indignes » de leur position politique.

7 Abrahamian Ervand et American Council of Learned Societies, Iran between Two Revolutions, Princeton, N.J. : Princeton University Press, 1982; Donham Donald L., Marxist Modern: An Ethnographic History of the Ethiopian Revolution, Berkeley : University of California Press, 1999; Gold Marina. 2015. People and State in Socialist Cuba: Ideas and Practices of Revolution. New York: Palgrave Macmillan, 2015; Kotkin Stephen, Magnetic Mountain: Stalinism as a Civilization. Berkeley: University of California Press, 1997; Rofel Lisa, Other Modernities: Gendered Yearnings in China After Socialism. Berkeley: University of California Press, 1999; Wilson Alice, Sovereignty in Exile: A Saharan Liberation Movement Governs. Philadelphie : University of Pennsylvania Press, 2016.

8 Harris Kevan, « Lineages of the Iranian Welfare State: Dual Institutionalism and Social Policy in the Islamic Republic of Iran », Social Policy & Administration 44 (6) : 727–45, 2010; A Social Revolution: Politics and the Welfare State in Iran. Oakland, University of California Press, 2017.

9 Lob Eric, Iran’s Reconstruction Jihad: Rural Development and Regime Consolidation after 1979, Cambridge University Press, 2020.

10 Pour choisir une destination, les bassidjis doivent consulter le Comité de secours de l’imam Khomeini qui a été créé au début de la Révolution afin de réduire la pauvreté dans les zones rurales et urbaines. Le Comité de secours fournit à chaque groupe un document qui place les villes et villages iraniens sur une échelle de 1 à 9 (9 indiquant les zones les plus défavorisées). Les bassidjis sélectionnent souvent des lieux classés entre 7 et 9.

11 Burrell Jennifer, « In and Out of Rights: Security, Migration, and Human Rights Talk in Postwar Guatemala », Journal of Latin American and Caribbean Anthropology 15 (1): 90-115., 2010; Göpfert Mirco, « Security in Niamey: An Anthropological Perspective on Policing and an Act of Terrorism in Niger », The Journal of Modern African Studies 50 (1): 53–74, 2012.

12 Salehi-Isfahani Djavad, « Poverty, Inequality, and Populist Politics in Iran », The Journal of Economic Inequality, 7 (1): 5–28, 2009.