Poésie parle, en tout cas en école d’art – là depuis Lyon, mais c’est l’effet du hasard – à de très jeunes artistes (comme à leurs professeurs aussi), tandis qu’ailleurs socialement sous ce même vocable la poésie n’en finit pas de reconsacrer des enjeux poétologiques hors d’atteinte ou de réalité.

À la croisée des arts visuels et mentaux, in vivo, s’élaborent d’autres modalités narratives, textuelles, aisées, simples, plus efficaces. Se réinvente sous ce vocable (poésie) usé, mais propice toujours à une légère ébriété, un paradigme ajustable d’hybridations, de fragments, de fictions – du texte comme une image – dans un champ de l’art innervé par une littérature et une théorie elles-mêmes explosées par les formes d’exposition.

Car qu’est-ce que la poésie, dans ce contexte, si ce n’est la prise en compte dans un processus décisionnel d’un interstice moqueur (ou très sérieux), incertain, stoppeur, qui réitère, diverge, mais impacte ? Une sublimation physique où la lettre tient un rôle scénique, moteur et dérégulateur. Une lettre qui après les formes et formats poétiques manipule les signes narratifs, visuels, sculpturaux, curatoriaux, filmiques…

Une chronique accueillie par Multitudes pioche quelques cas d’espèces. Ils associent autarcie et collaboration, designs narratifs, cristaux théoriques et volumes affectifs. Ils dispatchent des points d’approche et de rencontre, de passe : ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Une poésie tout contre l’art contemporain qui partage certains de ses enjeux, récuse d’autres de ses obligations, réinvestit ses servitudes, en un néo-genre très mobile : parce que Thebes is in The Best.

 

Historienne de l’art de la performance et commissaire d’exposition de réputation internationale, Marie de Brugerolle considère la poésie comme un matériau actif pour son travail d’élaboration conceptuelle. Sous l’angle langagier, l’espace d’exposition prolonge avec d’autres outils la sensation mentale de l’œuvre.

À partir d’une réflexion sur la diffusion des objets, Pierre Paulin se propose d’administrer des ambiances que le texte incarne et vient réfléchir à son tour. Placé en poche, il invente une allure vive et interrogative de poésie, en situation vestimentaire, aux effluves parfois quasi romantiques.

Sarah Bahr, jeune auteure allemande d’expression française, multiplie les expériences visuelles et textuelles. Elle pratique la peinture, la mise en scène théâtrale, la performance et avec humour interroge à chaque fois l’image que les situations de communication génèrent, entre absurdité et transparence.

Intrigué par ce que la performance peut faire au design graphique, dont Fabrice Mabime est un jeune représentant parmi les plus brillants, celui-ci travaille à une pluralité d’approches de lecture. Par la voix, le geste, la mise en forme avec finesse, en performant, il se met au service des projets d’autrui, comme des siens.

Lorna Flambeauwx & Apodose Croniel associent mythologies personnelles et appropriations. Au-delà des univers prélevés, leur flux narratif et la force qui s’en dégage leur font poursuivre les grands récits compréhensifs de la modernité et renouer avec certains des enjeux en termes de communauté, notamment.

Sophie Bonnet-Pourpet s’entoure de sculptures abstraites dont elle fait coïncider les tracés avec les récits, le plus souvent heureux, de quelques héroïnes fantasques à dimension littéraire aussi. Issues de la modernité, ses formes autonomes, et quasi devineresses, évolueraient, respireraient, porteraient presque conseil.

Margot Pietri allie sculpture images projetées et textes dans un rapport empreint de fascination comme de dextérité. La nostalgie avant-coureuse dont elle fait preuve, lui permet par la lumière, la sensation de court-circuiter le spectaculaire ou le biopic au profit d’une expérience réelle et fantasmée à la fois.

Nelly Monnier réinvestit une peinture de genre, notamment paysagère, comme une prose aux allures élégantes, documentaires à sa manière. Elle y injecte un sentiment spécifique de la chose vue et ressentie qu’une rigueur prospective vient troubler et affirmer en même temps.

Fabien Steichen, hors image, par l’action et la contextualisation, interroge les conditions de l’échange et de certaines interactions sociales. Le texte seul ainsi que sa performance proposent une réverbération de ces formes.