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S’allonger à plat, l’attitude tangping

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En octobre 2021, l’ambassadeur de Chine aux Etats-Unis, Qin Gang, informait son audience américaine sur la situation de son pays à un forum organisé par l’US-Asia Institute, alors que la Chine restait isolée du monde après la fermeture de ses frontières en mars 2020 à la suite de la pandémie de Covid-19 :

Je sais qu’en raison du Covid-19, bon nombre d’entre vous n’ont pas pu se rendre en Chine depuis un moment, et que vous voulez en savoir plus sur les dernières nouvelles. Il y a tant de choses nouvelles qui se passent dans mon pays, mais par où devrais-je commencer ? Eh bien, peut-être que c’est une bonne idée de partager avec vous quelques buzzwords en Chine, à partir desquels vous saurez ce qu’il se passe en Chine, ce à quoi les Chinois pensent, et ce qu’ils font.1

L’un de ces buzzwords était tangping (躺平, « s’allonger à plat »).

Lorsque j’ai lu à propos de ce concept pour la première fois au printemps 2021, je me suis sentie immédiatement connectée à ce terme alors que j’avais moi-même commencé à m’allonger à plat après avoir achevé ma thèse de doctorat en études chinoises en 2018. Ma vie en Chine de 2012 à 2015 avait bouleversé ma compréhension du monde et ébranlé mon ambition de devenir une universitaire. Après mon diplôme de doctorat, j’ai décidé d’abandonner ma carrière académique comme acte de rébellion contre à la fois le marché du travail et un système dans lequel le savoir est devenu un instrument de domination. Les allocations chômage accordées par le gouvernement français m’ont permis de m’allonger à plat pour réfléchir aux problèmes du monde et tenter d’imaginer un nouveau mode de vie au-delà de l’imaginaire capitaliste. L’émergence de l’attitude tangping en Chine et la manière dont elle résonne avec mon expérience personnelle révèlent l’universalité du phénomène parmi les jeunes générations qui ont du mal à faire face à la désintégration du sens de la vie à ce stade de développement du capitalisme.

Dans sa description du concept de tangping, l’ambassadeur Qin a souligné comment nombreux sont ceux – en particulier parmi les vieilles générations – qui portent un regard négatif sur le phénomène, le jugeant comme une attitude égoïste par opposition à « ceux qui vont contre le courant » (逆行者) : les héros quotidiens dédiant leurs vies à aider les autres pendant la pandémie. Ironiquement, quand le premier confinement a paralysé la France en mars 2020, j’ai commencé à travailler dans une maison de retraite pour personnes âgées pauvres, remplaçant les employées qui étaient en quarantaine. J’y ai travaillé pendant un an, faisant l’expérience du dénivelé social en tant qu’employée non qualifiée diplômée d’un doctorat tandis que de nombreux employés qualifiés étaient obligés de s’allonger à plat sur leur canapé alors que l’économie était mise à l’arrêt.

Dans ce sens, je pense que le tangpingisme doit être compris comme un phénomène mondial. Edward Snowden a exprimé son soutien à l’attitude tangping dans un tweet en chinois en août 2021 : « Le but du système n’est pas de vous aider mais de vous contrôler. Peu importe combien vous vous sentez seul, surtout n’oubliez pas que vous n’êtes pas seuls. L’exploitation des nouvelles générations est une lutte mondiale2. » Le sous-titre d’un « Manifeste tangpingiste » (躺平主义者宣言) anonyme publié en anglais sur The Anarchist Library affirme le même internationalisme : « Tangpingistes du monde, unissez-vous !3 ». Dans cette veine, cet essai cherche à examiner l’attitude tangping moins comme un sujet sociologique révélant les caractéristiques sociopolitiques de la Chine contemporaine que comme un sujet philosophique et politique relevant de la question universelle de notre relation au concept de travail. Considérant l’attitude tangping comme un sujet politique, cet essai prend lui aussi le ton d’un manifeste, faisant l’éloge de son potentiel subversif pour nous aider à faire face à nos crises mondiales contemporaines. Ainsi, son but n’est pas de décrire le paysage sociologique du tangpingisme mais de souligner le radicalisme de la pensée tangping.

De gros chats paresseux

Il y a quelques mois, une amie chinoise a publié sur son réseau social des photos de son (gros) chat allongé confortablement sur son dos sur un tapis avec cette légende : « Lundi tangping. Tangping contre neijuan » ponctuée d’un emoji de visage riant aux larmes. Ces deux termes sont devenus des buzzwords sur l’internet chinois en 2021 et 2020 respectivement : l’attitude tangping est une réaction au phénomène de neijuan (内卷, « involution ») – un buzzword également mentionné par l’ambassadeur Qin – qui indique un rejet de la compétitivité intense du système éducatif et du marché du travail en Chine. En reliant ces deux termes à son animal de compagnie, la publication de mon amie soulignait une tendance intéressante dans l’utilisation virale du concept de tangping : les chats domestiques comme incarnation du tangpingisme.

Le parallèle entre l’attitude tangping et les chats a été amplement utilisé à travers les réseaux sociaux chinois avec des mèmes représentant des chats mignons allongés sur le dos. En juillet 2021, au moment de la frénésie pour le terme, le livre de l’écrivain allemand Bernd Brunner intitulé L’Art de s’allonger : manuel pour la vie horizontale (2013)4 – une exploration historique de la position allongée, s’opposant à l’idée que celle-ci est corrélée à la paresse et soulignant le potentiel subversif de cette position corporelle pour défier la verticalité de notre époque – a été publié en chinois sous le titre Tangping (躺平). Alors que la couverture de l’édition allemande représente l’image d’un homme dans un hamac, fumant et buvant en compagnie d’animaux sauvages, la couverture de l’édition chinoise représente l’illustration d’un gros chat allongé sur un oreiller confortable.

L’utilisation du terme tangping est aussi devenue une stratégie marketing dans l’industrie des animaux de compagnie pour vendre des lits douillets pour animaux. L’industrie du matériel pour chats touche la corde sensible des propriétaires de chats en projetant leurs besoins humains sur leurs amis à poils. Dans une publicité pour des lits pour chat, un chat allongé confortablement dans son lit en forme de canard s’adresse à son maître : « Allongeons-nous à plat ensemble ! » Si le boom récent de l’industrie des animaux de compagnie en Chine peut s’expliquer par l’émergence d’une classe moyenne plus riche5, il est aussi tentant de voir cette prolifération de chats domestiques comme une manière d’apaiser son anxiété alors que la pression sociale s’est intensifiée pour les générations plus jeunes.

Pour les jeunes épuisés par le surmenage au travail, frustrés par la stagnation de leur pouvoir d’achat, et tourmentés par leur solitude (en particulier étant donné que beaucoup n’ont pas assez de temps libre pour développer des relations sociales), le chat qui les attend chez eux constitue l’un des rares conforts dans leur vie. C’est précisément ce que la marque Pidan vend à ses clients : « Les humains ont besoin des chats parce qu’ils nous aident à figer l’humeur triste dans laquelle nous tombons si facilement en beauté de la sérénité. » C’est aussi la devise ouvrant le court-métrage du réalisateur Bi Gan A Short Story6, qui a été commandé par Pidan et sélectionné au Festival de Cannes en 2022 – une histoire fantastique centrée sur un chat noir aventureux qui rencontre des personnages solitaires dans sa quête des choses les plus précieuses du monde.

Les chats allongés à plat partagés sur les réseaux sociaux sont souvent gros. La corrélation provient d’un autre phénomène mondial : la frénésie pour les chats obèses sur internet7. Cette tendance peut s’observer mondialement, avec les utilisateurs parcourant à coup de swipe les comptes Instagram à la recherche de la mignonnerie de l’obésité des chats et avec « chonk », un nouveau terme anglais de l’argot internet qui est apparu en 2018 pour décrire un chat domestique adorablement gros8. En Chine, l’attraction pour les animaux obèses peut être comprise, premièrement, comme une mentalité plus rurale faisant le lien entre l’obésité et un statut social plus élevé – par exemple, le propriétaire du « plus gros chat de Chine » dans une vidéo de 20079 commentant la taille de son chat : « Quand les Chinois améliorent leur vie, les chats s’améliorent eux aussi. » Et, en effet, d’après une étude publiée en 201210, cette année-là à Pékin 23% des chats étaient en surpoids et 6% étaient obèses – des chiffres assez proches de ceux des humains en Chine, la Commission nationale de la santé rapportant en 2020 que plus de la moitié de la population adulte était en surpoids ou obèse11. Deuxièmement, cette attraction peut également être comprise par une perspective plus urbaine comme relevant de la culture de la mignonnerie exprimée par le terme argotique meng (萌)12, influencé par la culture kawaii au Japon.

La relation spéculaire entre les humains et les chats s’est intensifiée avec la pandémie de Covid-19 quand de nombreux employés ont commencé à travailler chez eux sur leur ordinateur avec leur chat dormant à leurs côtés. Dans cette situation, les chats domestiques révèlent à leurs maîtres l’absurdité de leur douloureuse condition humaine par rapport à la vie quotidienne confortable et insouciante de leur chat. La relation est même inversée quand les propriétaires d’animaux de compagnie commencent à s’appeler « fonctionnaire qui nettoie les crottes » (铲屎官) et leurs animaux « maîtres » (主子).13

Bien que les propriétaires de chats se sentent inspirés par la nonchalance de leurs animaux, cela constitue une forme d’autotromperie. En effet, les humains frustrés envient leurs chats de dormir paresseusement toute la journée au lieu de réaliser que ceux-ci sont devenus apathiques à cause de leur propre ennui. L’image du chat domestique stérilisé est la figure à laquelle tragiquement ils aspirent. C’est le déni de tous les partisans du tangpingisme qui n’ont pas le courage ou les moyens de mettre leur conviction en pratique. C’est peut-être ce que l’emoji du visage riant aux larmes dans la publication de mon amie exprime : il s’agit moins de rire de la vie confortable de son chat par rapport à la sienne que d’exprimer sa conscience qu’elle ne peut pas avoir cette vie convoitée. Il est intéressant de noter qu’il a été rapporté que si l’emoji riant aux larmes a été classé comme l’emoji le plus utilisé sur Twitter en 2020, il est considéré comme « plus cool du tout » par la Génération Z, qui préfère utiliser des expressions plus sarcastiques comme l’emoji crâne – à tel point que l’emoji riant aux larmes est proche de l’extinction sur TikTok14. L’ironie des milléniaux a été remplacée par le cynisme des générations plus jeunes.

S’aplatir pour faire profil bas

L’image du gros chat paresseux est la négation de l’attitude tangping en cela qu’elle est fondée sur l’imaginaire capitaliste qui marchandise notre relation aux animaux de compagnie et aux animaux en général. Alors que le tangpingisme aspire à l’idée d’autonomie, la représentation des chats sur les réseaux sociaux dissimule le fait que notre relation à eux est façonnée par leur dépendance et leur état de domination par les humains. Radha O’Meara argumente dans ce sens dans un article intéressant analysant la manière dont la consommation de vidéos de chats fonctionne à travers le système de surveillance et renforce ce dernier :

Le manque d’inhibition des chats dans les vidéos sur internet signifie que nous pouvons exercer le pouvoir de surveillance sans nous confronter à l’oppression que cela implique. Les vidéos de chats offrent l’illusion de regarder l’autre sans le déranger, de brandir l’arme sans admettre la violence de son impact.15

L’analogie entre les gros chats paresseux et le tangpingisme contribue aussi à ridiculiser le concept même de tangping. La tentation de relier la position allongée à plat et la paresse provient de la culpabilité et de la honte que cette position corporelle suscite, comme l’exprime Brunner au début de son livre : « Si vous êtes allongé maintenant, vous n’avez pas à vous défendre.16 » Ce sont des sentiments que nous avons tous assimilés à travers notre éducation et notre expérience du travail. Pour contraster avec une telle représentation de la position allongée à plat, l’une des anecdotes les plus révélatrices qui vient à l’esprit est l’histoire de Michel de Montaigne – à l’époque où le réveil n’avait pas encore été inventé – demandant à son serviteur de le réveiller au milieu de la nuit de manière à ce qu’il puisse savourer l’expérience inspirante de s’endormir une seconde fois17. Alors que le serviteur secouait son bras, le grand essayiste se releva pour s’assoir, puis retomba doucement pour s’allonger à plat dans son lit. La philosophie de Montaigne affirme que le plaisir de s’allonger n’est pas simplement un contentement paresseux mais aussi un sujet sur lequel « ruminer » et donc une source de connaissance. Transformant le concept de tangping en gros titre, les médias et les réseaux sociaux ont déformé son sens, l’identifiant à s’allonger paresseusement, peut-être à la suite du mème viral de 2016 « Ge You allongé » (葛优躺) représentant le célèbre acteur Ge You avachi apathiquement sur un canapé18. Une caricature similaire a été utilisée par le gouvernement chinois dans l’appropriation officielle et répétée du mot tangping par l’agence de presse étatique pour décrire avec dédain la réponse plus « passive » des pays occidentaux face à la pandémie de Covid-1919 comme « approche allongée à plat20 » comparativement à la politique zéro-Covid imposée de façon intransigeante en Chine jusqu’à décembre 2022.

Les médias et les réseaux sociaux sont souvent passés à côté de la signification symbolique plus profonde de la position horizontale. Luo Huazhong, le jeune homme qui a popularisé le concept de tangping avec sa publication sur le forum en ligne Baidu Tieba intitulée « Tangping est justice » (躺平​即是正义), qui a été ensuite perçu comme le premier manifeste du tangpingisme, a décrit comment il travaillait occasionnellement comme figurant sur des tournages de cinéma aux Hengdian World Studios (le caractère heng [横] signifiant d’ailleurs « horizontal »), où il était parfois payé juste pour être allongé sur le sol à faire semblant d’être un cadavre21. Dans un texte sur l’attitude tangping publié sur son compte WeChat, Sun Liping, professeur de sociologie à l’Université Tsinghua, a analysé comment l’attitude tangping ne pouvait pas s’appliquer aux classes sociales les plus basses de la société : « Pour pouvoir s’allonger à plat, on doit être vivant, et si on n’a rien pour vivre, alors s’allonger à plat n’est pas une option. Appelle-t-on s’allonger à plat « s’allonger à plat » quand on est mort ?22 » Si l’on s’appuie sur l’expérience de Luo, on pourrait contredire l’argument de Professeur Sun en affirmant que l’on peut appeler l’acte de faire semblant d’être mort « s’allonger à plat ». L’image du cadavre nous permet aussi de relier le concept de tangping à un autre terme argotique, tangqiang (躺枪) – l’abréviation de « 躺着也中枪 », qui signifie « se faire tirer dessus (même) quand on est allongé ». Il s’agit d’un terme ironique, souvent autodérisoire, qui décrit l’absurdité d’une personne innocente prise pour cible injustement ou involontairement – par exemple, sur le champ de bataille de la calomnie sur internet. Ainsi, la position horizontale signifie l’absurdité de notre existence.

Plutôt que les gros chats paresseux, un autre mème qui circule depuis quelques années sur les réseaux sociaux chinois représente mieux le concept de tangping : l’image de la ciboule (韭菜, jiucai) allongée sur le sol. Parce qu’ils s’affalent sur le sol, les plants de ciboule échappent à la faucille du paysan. Il s’agit d’une métaphore qui découle du terme argotique jiucai – une expression qui est apparue sur internet à la fin des années 2010 pour indiquer que les jeunes sont comme les ciboules dans la manière dont ils sont continuellement récoltés par l’État pour servir de main-d’œuvre et de consommateurs23. Dans une étude récente24, Pang Laikwan souligne comment la métaphore fonctionne à travers les caractéristiques biologiques de la plante en tant qu’elle est très adaptative et facile à cultiver25. Mettant l’accent sur le fait que la ciboule repousse après avoir été coupée, Pang relève que Mao Zedong avait utilisé la métaphore du jiucai dans ce sens dans un discours en 1956 pour mettre en avant le fait que, contrairement au jiucai, les antirévolutionnaires exécutés à tort ne pouvaient pas être ramenés à la vie26. De nos jours, la métaphore implique qu’au lieu de craindre d’avoir la tête coupée par la société, il est plus sûr pour les générations jiucai de s’allonger à plat. Il est tentant de relier le symbolisme de la ciboule comme propriété dans la médecine chinoise traditionnelle améliorant l’érection et la fertilité des hommes. On peut aussi penser à l’exhortation à se « lever ! », écriée tout au long de l’hymne national chinois – « 起来! 起来! 起来! » – comme le pendant, par opposition, du concept de tangping.

Quand il n’y a pas de justice et quand il est impossible de se battre, il vaut mieux faire profil bas. La tentation de s’allonger à plat jaillit de la crise de l’individualité ressentie par les jeunes générations en Chine. Leur aspiration à ce que la société les reconnaisse dans leur particularité est anéantie quand ils se perçoivent comme rien de plus que des tiges de jiucai poussant dans l’immense champ national. S’allonger à plat, c’est faire profil bas, éviter des problèmes inutiles. L’expression « faire profil bas » dévoile la relation entre l’idée de profil et le concept d’individualité, telle que l’a analysée l’historien Georges Vigarello dans son étude de l’art de la silhouette27, le dessin du contour d’une personne utilisant la technique du théâtre d’ombre, qui se développa en France pendant la seconde moitié du 18e siècle. Le mot « silhouette » vient d’Etienne de Silhouette, contrôleur général des finances de Louis XV, qui resta à son poste moins d’une année à cause de son plan de réforme impopulaire visant à taxer les riches. Lui-même passionné par l’art du profil, son nom a été utilisé d’abord pour décrire moqueusement quelque chose d’inachevé (« à la silhouette ») et par la suite pour dénommer la technique artistique utilisant la simplicité de la ligne pour créer un portrait. Selon Vigarello, le moteur de l’art de la silhouette était la recherche des différences entre individus physiquement mais aussi en termes de posture corporelle, alors que l’art en Occident avait été une quête des proportions idéales universelles dans les siècles précédents. Un profil constituait donc une célébration de la particularité d’un individu. Mais dans le contexte actuel du capitalisme d’État en Chine fondé sur la standardisation, les jeunes qui ont appris à s’identifier à travers la subjectivité ne peuvent protéger leur individualité qu’en quittant le jeu. En évitant l’attention de l’ordre social sur leur silhouette, les tangpingeurs affirment leur unicité.

L’horizon de la vie horizontale

L’attitude tangping a été largement comprise comme un phénomène se rapportant aux jeunes des classes moyennes. Professeur Sun Liping établit la même analyse dans sa publication sur WeChat :

Pour les gens au pied de la société, le mot « espoir » est souvent un luxe. Bien sûr, ils peuvent s’allonger de temps à autre, mais ce n’est pas un style de vie qu’ils cherchent alors, c’est juste se reposer ou faire une pause. Et avant qu’ils n’aient pu reprendre leur souffle et récupérer, ils doivent se relever et aller travailler.28

Curieusement, ce type de commentaire semble ignorer le fait que Luo Huazhong, l’instigateur de la viralité de l’attitude tangping, était un ouvrier d’usine quand il a décidé de quitter son travail pour partir voyager à vélo à travers la Chine. Shawn Yuan révèle un profil similaire avec la personne qu’il a interviewée29, Du Min, une femme qui vend des porte-monnaie faits main dans les rues de Dali dans le Yunnan : « J’ai quitté mon travail comme ouvrière dans une usine textile il y a quelques mois et j’ai erré à travers le pays, faisant des choses au hasard ou parfois rien du tout… J’aime ça – être libre. »

L’idée que les jeunes venant de milieu social pauvre n’ont pas le privilège d’imaginer l’espoir ignore le fait que le fossé numérique entre la jeunesse rurale et la jeunesse urbaine a été considérablement réduit ces dernières années avec la popularisation des smartphones30. Au-delà du Rêve chinois (中国梦) promis par le gouvernement, les jeunes des zones rurales rêvent eux aussi à travers les plateformes des réseaux sociaux. Avant même que les smartphones deviennent répandus, le mouvement “Smart” (杀马特, Shamate) dans les années 2000 – c’est-à-dire le début de l’époque QQ (ou Tencent), le « grand-père » de la scène des réseaux sociaux chinois31 – a montré comment des jeunes de milieu rural pauvre ont pu adopter des modes de vie anticonformistes malgré leur bas capital économique et culturel. Dans ces années-là, des adolescents qui avaient abandonné l’école et quitté leurs villages pour devenir ouvriers avant l’âge légal dans les usines des grandes villes ont commencé à revêtir des coiffures extravagantes et à s’unir en groupes de solidarité.

Leur désillusion vis-à-vis du travail mécanique épuisant et inintéressant et leurs rêves d’une vie plus libre ont été très bien décrits dans le film documentaire de Li Yifan intitulé We Were Smart (杀马特我爱你)32. Certains des “Smart” interviewés dans le film ont expliqué comment ils ont ressenti le besoin de transformer leurs cheveux pour devenir courageux et pour éviter d’être trompés par les autres, ainsi que pour ne pas rester invisibles. Pour eux, arborer des coiffures extravagantes était à la fois une manière de trouver du plaisir dans leurs vies extrêmement ennuyeuses, désespérées et douloureuses, et une manière de défier l’asservissement de leur corps et de leur esprit par le système de l’usine. Alors que les Smart tentaient de conserver leur subjectivité à l’intérieur du système qui les exploitait, les directeurs d’usine ont rapidement commencé à désapprouver leurs silhouettes marginales et à interdire les coiffures « Smart » sur la chaîne de montage. Par conséquent, certains de ces adolescents ont quitté leur travail et se sont mis à se rassembler dans les parcs, s’allongeant à plat et souvent affamés. D’autres sont finalement rentrés dans leurs villages pour cultiver la terre, comme ce jeune homme que Li a filmé travaillant seul dans son étang à poissons avec son élégante longue chevelure. Avec le développement des réseaux sociaux dans les années 2010, les Shamate sont devenus la cible de moquerie sur internet, et les attaques continues ont finalement mis un terme à leur tentative de vivre une vie horizontale menée par la verticalisation de leurs coiffures33.

L’exemple de Zhou Liqi démontre lui aussi l’existence du tangpingisme parmi les classes sociales les plus basses. De milieu social pauvre, Zhou est devenu célèbre en 2016 après qu’une interview télévisée de 2012 alors qu’il était menotté dans une station de police à Shenzhen ait refait surface sur internet. A cette occasion, il a dit qu’il ne travaillerait jamais pour quelqu’un d’autre (打工) de sa vie, préférant plutôt voler et passer son temps en prison où il pouvait apprécier la présence de gens talentueux et intéressants qu’ils ne pouvaient pas trouver dans une vie « normale ». Surnommé « Qie Guevara » (qie [窃] signifiant « voler ») par les internautes, il est devenu une figure héroïque pour de nombreux jeunes en Chine. Au-delà de son charme comique, sa philosophie de vie est devenue virale parmi des gens de différentes classes sociales parce qu’elle se rapportait à leur sentiment d’aliénation vis-à-vis du travail. Après sa libération de prison en 2020, il a été contacté par des agences de streaming en direct lui proposant de très grosses sommes d’argent, mais il a refusé, préférant suivre son principe de ne jamais travailler pour quelqu’un d’autre34. Plus tard, il a exprimé publiquement son désir de devenir paysan.

Il existe de nombreux termes en chinois qui expriment l’idée de sortir du système socioéconomique, à tel point qu’il est difficile de démêler leurs spécificités. Cependant, le premier élément qui distingue le concept de tangping d’autres buzzwords similaires est le fait qu’il est moins abstrait et qu’il se réfère concrètement à une position corporelle (être allongé à plat) et à une action (s’allonger). Contrairement aux autres termes « antisystème », tangping représente une attitude, et non un style de vie – le « Manifeste tangpingiste » utilise le mot « posture ». C’est précisément parce qu’il n’est pas un style de vie qu’il peut le mieux transcender les différences entre classes sociales. Les jeunes Chinois des classes moyennes qui vont vivre à la campagne en formant des communautés de teinte néo-hippie ne sont pas des tangpingers. Le « Manifeste tangpingiste » les appelle (ainsi que d’autres groupes) « covoyageurs » (同路人) – c’est-à-dire des personnes qui voyagent en dehors du système mais qui ne sont pas de véritables tangpingers. Bien que ses partisans rêvent d’un futur collectif, l’attitude tangping est de nos jours synonyme de solitude urbaine. C’est principalement dans les villes que les tangpingers trouvent les emplois temporaires qui leur permettent de survivre financièrement sans avoir à s’engager dans la tyrannie de l’emploi stable.

S’il semble qu’il y ait une tendance parmi les chercheurs en sciences sociales à douter ou à réfuter le potentiel de l’attitude tangping parmi les classes sociales plus basses, ils devraient peut-être reconsidérer comment des penseurs visionnaires comme le philosophe André Gorz ont décrit la manière dont les classes moyennes monopolisent les « emplois qualifiés, créatifs, responsables35 » au détriment des classes sociales plus basses précisément en travaillant trop36. Ainsi, la lutte pour la libération vis-à-vis de l’idéologie du travail n’est pas la lutte des classes moyennes dont le but est de défendre « le rang et la position de pouvoir que leur travail leur permet d’occuper37 », mais la lutte des classes sociales plus basses. Si les exemples des Shamate, de Luo Huazhong, Du Min ou Zhou Liqi ne peuvent pas être considérés comme sociologiquement représentatifs d’une tendance générale parmi les classes sociales plus basses, leur existence même prouve – politiquement – le potentiel de l’attitude tangping de concerner les classes sociales plus basses. Tangping est plus éloigné du détachement bouddhiste et plus proche du radicalisme marxiste. C’est le plus rebelle de tous les buzzwords antisystème, et il inclue toutes sortes d’individus : « il essaie d’entrer en contact avec tous ceux qui refusent la coercition et l’obéissance, hommes et femmes, ouvriers et chômeurs, citoyens, paysans et nomades, voyous, étudiants et intellectuels, hétérosexuels, homosexuels et autres personnes queers, vagabonds et retraités38. »

Plus généralement, le tangpingisme a pour objectif de défier le déterminisme de notre classe sociale et de concevoir la mobilité sociale au-delà des mouvements hiérarchiques ascendants. En refusant le pouvoir social de l’emploi que leur éducation pourrait leur offrir, des jeunes des classes moyennes s’unissent indirectement aux tangpingers de classes sociales plus basses. C’est par exemple l’histoire d’un jeune homme nommé Li Chuang interviewé par ABC News qui est parti vivre avec des moines dans les monts Wudang après avoir démissionné de son travail dans l’édition avant de retourner à Pékin pour ouvrir une petite épicerie dans les hutongs39. Ou bien l’histoire d’une de mes amies qui, après avoir vécu et étudié cinq ans en Europe et aux États-Unis, est retournée chez ses parents dans sa ville natale en Chine pour vivre une vie de « vagabonde sans emploi » (无业游民). C’est aussi le chemin que j’ai choisi en tant que femme de classes moyennes en abandonnant ma carrière académique pour lutter contre la stratification sociale et pour le féminisme anticapitaliste.

La philosophie des chiens errants

L’inclusivité de l’attitude tangping correspond à son universalité. Suivant l’idée d’internationalisme du tangpingisme, je propose une traduction française de tangping : « tant pis ». Je pense que les traductions chinoises de concepts les plus révélatrices sont celles qui sont homophones, comme la traduction « jishi » (忌屎, littéralement « éviter la merde ») pour « kitsch » proposée par un traducteur taiwanais40, qui est à la fois homophonique et étymologiquement proche du concept de kitsch de Milan Kundera. Exprimant la résignation, avec « pis » signifiant « pire », « tant pis » révèle notre cynisme. Le cynisme est une disposition universelle adoptée par les jeunes générations pour trouver un sens à l’absurdité de leur vie dans le contexte du capitalisme. Dans sa publication prônant l’attitude tangping, Luo Huazhong mentionne le philosophe grec Diogène, qui a abandonné sa vie matérielle pour vivre dans un tonneau dans la rue. Comme Diogène, le « philosophe chien » (l’étymologie grecque de « cynicisme », kynikos, signifie « pareil au chien », et la traduction chinoise, quanru 犬儒, suit la même étymologie avec quan signifiant « chien »), l’horizon de la vie horizontale n’est pas la philosophie des chats domestiques mais la philosophie des chiens errants qui vagabondent librement et résolument, comme les « chiens calamiteux » chantés par Charles Baudelaire dans le dernier poème qu’il a écrit avant sa mort, Les bons chiens41, qui a inspiré Richard D.E. Burton à décrire Baudelaire comme un « poète aristocratique chat » métamorphosé en « poète démocratique chien42 ».

Plusieurs auteurs mettent en doute l’agentivité des tangpingers à cause de leur attitude individualiste. Lili Lin et Diego Gullotta, par exemple, soulignent le scepticisme de Pang Laikwan : « Pang ne romanticise pas l’agentivité de jiucai et de tangping ; d’après elle, ce n’est pas ce « sujet » qui peut réaliser la transformation sociale43. » Le mot « romanticiser » est le choix lexical de Pang : « Je ne veux pas romanticiser l’agentivité des jiucai44. » Bien que Pang ne conclue pas avec une affirmation définitive, elle voit le manque de « conscience intersubjective45 » comme une entrave à l’agentivité des jiucai. Cependant, ce qui apparaît peu clair dans son argumentation – et dans la manière dont Lin et Gullotta la citent – c’est que le terme jiucai est utilisé pour indiquer à la fois les gens qui sont récoltés par le système socioéconomique sans en être véritablement conscients (qui peuvent être appelés jiucai par ceux qui en sont conscients ; « tous les citoyens deviennent jiucai46 » selon Pang) et les gens qui ont conscience d’être récoltés par le système socioéconomique. De plus, jiucai et tangping ne peuvent pas être compris sur le même niveau analytique : les tangpingers sont des jiucai qui ont décidé de sortir du système ; ils sont des jiucai allongés à plat et non pas juste des jiucai en général. C’est précisément sur le niveau analytique de tangping que la question de l’agentivité devrait être examinée. Dans ce sens, nous pouvons réfuter l’idée d’un manque de « conscience intersubjective » parmi les tangpingers.

C’est le point soulevé par le « Manifeste tangpingiste » qui prend l’exemple de Diogène pour contredire les critiques analysant l’attitude tangping comme égoïste et recluse :

Quand Diogène regardait le monde allongé dans son tonneau, il n’apparaissait pas isolé. Il ne se dérobait pas à la défense de ses idées aux passants, et il a placé le tonneau de bois dans la rue la plus prospère du centre du monde grec ancien.

L’individualité non-individualiste – que j’appellerais « individualité intérieure » – est précisément l’attitude qui nous permet d’être disponible aux autres. Ce point a été bien décrit par Milan Kundera dans son livre L’Insoutenable Légèreté de l’être, avec ses personnages solitaires, comme Franz qui préfère la nature aux prosaïques affaires civiques : « Pour quel parti politique Franz vote-t-il ? J’ai bien peur qu’il ne vote pas du tout et que le jour des élections il ne préfère partir en excursion à la montagne47. » Kundera fait l’éloge de l’individualité comme véritable force subversive face à la kitschification de la réalité. Ce n’est pas de l’égoïsme, mais la non-participation dans les formes collectives kitchifiées avec l’espoir d’un nouveau sens imaginé de collectivité. De façon similaire, l’attitude tangping est un acte politique (et donc collectif) qui manifeste une conscience intersubjective, tel que l’affirme le « Manifeste tangpingiste » : les tangpingers « ne fournissent pas plus de loisir pour eux-mêmes mais pour les autres. Ils n’ont pas érigé ces abris pour eux-mêmes mais pour tous les opprimés. »

Au-delà des diverses critiques de l’attitude tangping, la difficulté pour la philosophie horizontale est qu’elle doit défier l’idéologie de la verticalité qui définit notre existence dans le contexte du capitalisme, les fluctuations dans les graphiques de la croissance économique et même dans la matérialisation des battements de cœur. Alors que la fluctuation sans fin définit actuellement la vie, l’horizontalisme conçoit la vie à travers la stabilité de la précarité et l’esthétique de la fragilité. L’étymologie anthropologique du concept d’involution (d’abord utilisé par l’anthropologue Clifford Geertz)48 nous invite à imaginer la vie humaine au-delà de notre contexte socio-historique actuel. C’est ce que l’anthropologue anticapitaliste David Graeber a proposé dans son travail visionnaire en puisant dans les données anthropologiques et archéologiques qui prouvent la potentialité de modèles sociaux non-capitalistes pour développer une nouvelle force imaginative :

La discipline [de l’anthropologie] m’a attiré parce qu’elle ouvre des fenêtres sur d’autres formes possibles d’existence sociale humaine ; parce qu’elle a servi comme un rappel constant que la plus grande partie de ce que l’on croit immuable a été, dans d’autres temps et lieux, organisée assez différemment, et par conséquent, que les possibilités humaines sont à presque tous points de vue plus grandes que ce que l’on imagine d’ordinaire49.

Dans notre monde globalisé, la vision de Graeber et plus généralement la philosophie de la décroissance peut éclairer la quête pour les jeunes générations d’un chemin vers un épanouissement individuel et collectif.

 

Note sur la publication de cet article

La version originale en anglais de cet article a été publiée en ligne en janvier 2023 sur le site de la revue Made in China Journal, puis est parue en février 2023 dans le no 2 du vol.7 de cette revue intitulé « Prometheus in China. Techno-Optimism and Its Discontents ». L’article a été traduit en français par l’auteur. 

1 Qin Gang, “China in Buzzwords: Keynote speech by Amb. Qin Gang at the Forum on Tourism, Hospitality and Cultural Exchange”, Ambassade de la République Populaire de Chine aux Etats-Unis d’Amérique, Washington, DC, 7 octobre 2021. us.china-embassy.gov.cn/eng/dshd/202110/t20211007_9594589.htm.

2 Edward Snowden, Twitter, 2 août 2021. twitter.com/snowden/status/1422249587817996288.

3 Anonyme, “Tangpingist Manifesto”, The Anarchist Library, 2021. theanarchistlibrary.org/library/anonymous-tangpingist-manifesto.

4 Bernd Brunner, The Art of Lying Down: A Guide to Horizontal Living, traduction en anglais de Lori Lantz, New York, Melville House, 2013.

5 He Huifeng, “China’s Pet Economy Booms as More Millennials Delay Marriage and Kids for Fur Babies”, South China Morning Post, 5 février 2022. www.scmp.com/economy/china-economy/article/3165858/chinas-pet-economy-booms-more-millennials-delay-marriage-and.

6 Bi Gan, 破碎太阳之心 [A Short Story], court-métrage commandé par Pidan, 2022. www.festival-cannes.com/en/films/po-sui-tai-yang-zhi-xin.

7 Ho Vivian, “Chonky, Fluffy, Thicc: Inside the Internet’s Obsession with Fat Cats on Diets”, The Guardian, 9 septembre 2019. www.theguardian.com/lifeandstyle/2019/sep/08/chonky-thicc-cats-diet-internet-instagram.

8 “Fat Felines: We All Love a ‘Chonky’ Cat—But the Online Trend Has to End”, The Guardian, 4 janvier 2021. www.theguardian.com/lifeandstyle/shortcuts/2021/jan/04/fat-felines-chonky-cat-online-trend-internet-chubby-pets-shaming-dieting.

9 Zhang Archen, “The Fattest Cat in China”, YouTube, 31 août 2007. youtu.be/oW3JAkqtpLc.

10 Sun Yuzhu, Ge Bingqian, et Xia Zhaofei, “北京地区猫肥胖症的流行病学调查 [Enquête épidémiologique sur l’obésité des chats à Pékin]”, in 第三届中国兽医临床大会论文集 [Actes du 3ème Congrès de médecine vétérinaire clinique de Chine], Association chinoise de science animale et de médecine vétérinaire, 2012, pp.279–80.

11 “Nation’s Waistlines Continue to Grow, Says Report”, China Daily, 24 décembre 2020. en.nhc.gov.cn/2020-12/24/c_82546.htm.

12 Gabriele De Seta, “‘Meng? It Just Means Cute’: A Chinese Online Vernacular Term in Context”, Media/Culture Journal, Vol. 17, n°2, 2014. journal.media-culture.org.au/index.php/mcjournal/article/view/789.

13 Liang Chenyu, “Corpulence Is Bliss: The Chinese Embracing ‘Fat Happy’ Culture”, Sixth Tone, 29 septembre 2018. www.sixthtone.com/news/1002984/corpulence-is-bliss-the-chinese-embracing-fat-happy-culture.

14 Kaya Yurieff, “Sorry, Millennials. The 😂 Emoji Isn’t Cool Anymore”, CNN Business, 15 février 2021. edition.cnn.com/2021/02/14/tech/crying-laughing-emoji-gen-z/index.html.

15 Radha O’Meara, “Do Cats Know They Rule YouTube? Surveillance and the Pleasures of Cat Videos”, Media/Culture Journal, Vol. 17, n°2, 2014. journal.media-culture.org.au/index.php/mcjournal/article/view/794.

16 Brunner, 2013, p.1.

17 Michel de Montaigne, « De l’expérience », Essais, Livre III, Chap. XIII, exemplaire de Bordeaux, 1595, pp.494-494v.

18 “Chinese Actor Ge You Wins Image Rights Lawsuit”, China Daily, 25 février 2018. www.chinadaily.com.cn/a/201802/25/WS5a922187a3106e7dcc13de96.html.

19 « Tangping n’est pas recommandé, tangying (remporter la victoire allongé) est impossible », People’s Daily, 12 octobre 2022. paper.people.com.cn/rmrb/html/2022-10/12/nw.D110000renmrb_20221012_2-02.htm.

20 “Xinhua Commentary: China Chooses to Fight the Virus While Shielding the Vulnerable”, Xinhua, 13 avril 2022. https://english.news.cn/20220413/0ff1485a0b9d493abb5bcbeb5880d796/c.html

21 Elsie Chen, “These Chinese Millennials Are ‘Chilling,’ and Beijing Isn’t Happy”, The New York Times, 3 juillet 2021. www.nytimes.com/2021/07/03/world/asia/china-slackers-tangping.html.

22 Sun Liping, “Sun Liping on Lying Flat”, traduction de la publication de Sun Liping sur WeChat par David Ownby, Reading the China Dream blog, 1 juin 2021. www.readingthechinadream.com/sun-liping-on-lying-flat.html.

23 Serenitie Wang, “China’s Middle Class: We’re Being Picked Like Leeks by the Government”, CNN, 4 novembre 2018. edition.cnn.com/2018/11/03/asia/china-leeks-economy-trade-war-intl/index.html.

24 Pang Laikwan, “China’s Post-Socialist Governmentality and the Garlic Chives Meme: Economic Sovereignty and Biopolitical Subjects”, Theory, Culture & Society, Vol. 39, n°1, 2022, pp.81–100.

25 Ibid., p.86.

26 Ibid., p.95.

27 Georges Vigarello, La Silhouette, du XVIIIe siècle à nos jours. Naissance d’un Défi, Éditions du Seuil, 2012.

28 Sun, 2021.

29 Shawn Yuan, “Silent Resistance Against Social Pressures in China”, The Lancet Child & Adolescent Health, Vol. 6, n°1, 2022, pp.11–12.

30 Jane Zhang, “Digital Divide Narrows between Chinese Youth in Urban and Rural Areas”, South China Morning Post, 15 mai 2020. https://www.scmp.com/tech/big-tech/article/3084468/digital-divide-narrows-between-chinese-youth-urban-and-rural-areas.

31 Celia Chen et Iris Deng, “QQ, the Grandaddy of China’s Social Media Scene, Gains New Life by Appealing to Generation Z”, South China Morning Post, 3 septembre 2018. www.scmp.com/tech/article/2162288/qq-grandaddy-chinas-social-media-scene-gains-new-life-appealing-generation-z.

32 Li Yifan, We Were Smart, film documentaire, 2019.

33 Meng Siyuan, “Shunned, Shattered, Shamate: Telling the Story of China’s Most Hated Subculture”, RADII, 24 décembre 2020. radiichina.com/shamate-documentary.

34 Ye Ruolin, “Fresh Out of Prison, Bike Burglar Qie Guevara Shuns Spotlight”, Sixth Tone, 21 avril 2020. www.sixthtone.com/news/1005528/fresh-out-of-prison%2C-bike-burglar-qie-guevara-shuns-spotlight.

35 André Gorz, Métamorphoses du travail. Critique de la raison économique, Gallimard, 2004, p. 371.

36 Ibid., p. 305.

37 Ibid., p. 370.

38 « Manifeste tangpingiste »

39 Lydia Feng, “‘Lying Flat’: The Millennials Quitting China’s ‘996’ Work Culture to Live ‘Free of Anxiety’”, ABC News, 22 septembre 2021. www.abc.net.au/news/2021-09-23/tang-ping-lying-flat-generation-rejecting-chinas-work-culture/100477716.

40 Li Zhengjie [Jimmy Li], “‘Jishi’, hypocrite et kitsch”, blog personnel, 14 juillet 2012.

41 Louis Lo, “Enduring the Long Take: Tsai Ming-liang’s ‘Stray Dogs’ (2013) and the Dialectical Image”, CLCWeb: Comparative Literature and Culture, Vol. 21, n°5, 2019. docs.lib.purdue.edu/clcweb/vol21/iss5/7.

42 Richard D.E. Burton, “Baudelaire’s Indian Summer: A Reading of ‘Les Bons Chiens’’, Nineteenth-Century French Studies, Vol. 22, n°3–4, 1994, p.466.

43 Lili Lin, et Diego Gullotta, “Disarticulating Qingnian: Chinese Youth beyond ‘Rising Tides’ and ‘Lying Flat’.” Made in China Journal, Vol. 6, n°3, 2021, p.27.

44 Pang, 2022, p.96.

45 Ibid.

46 Pang Laikwan, “Economic sovereignty in contemporary China: The biopolitical subject as garlic chive”, Conférence, Modern Chinese Humanities Seminar, Fairbank Center for Chinese Studies, Harvard University, Cambridge, 7 octobre 2021. fairbank.fas.harvard.edu/events/pang-laikwan-economic-sovereignty-in-contemporary-china-the-biopolitical-subject-as-garlic-chive.

47 Milan Kundera, L’Insoutenable légèreté de l’être, traduction de François Kérel, Gallimard, 1989, p. 375.

48 Wang Qianni et Ge Shifan, “How One Obscure Word Captures Urban China’s Unhappiness”, Sixth Tone, 4 novembre 2020. www.sixthtone.com/news/1006391/how-one-obscure-word-captures-urban-chinas-unhappiness.

49 David Graeber, Possibilities: Essays on Hierarchy, Rebellion and Desire, Oakland, AK Press, 2007, p.1.