Our Aesthetic Categories (Harvard University Press, 2015) revisite d’un œil frais le monde de l’art contemporain et des arts populaires du début du XXe siècle en Europe et aux États-Unis. Pour ce faire, Sianne Ngai introduit trois nouvelles catégories esthétiques : le mignon, le zinzin, et l’intéressant, en leur conférant la même importance qu’on accordait autrefois (et jusqu’à aujourd’hui encore) au beau et au sublime, sans vouloir s’y substituer. Ces trois catégories s’autorisent d’auteurs renommés : Ngai décèle en effet les complicités inattendues qui relient le mignon (cute) à Theodor W. Adorno, l’intéressant (interesting) à Friedrich Schlegel, et le zinzin (zany) à Friedrich Nietzsche. Dans le régime capitaliste d’aujourd’hui, l’auteure relève par ailleurs les correspondances du mignon avec la sphère de la consommation, celles du zinzin avec la production, celle de l’intéressant avec la circulation des marchandises. Même si le livre peut paraître provocateur à première vue (lorsqu’il établit par exemple une parenté entre le Gai Savoir de Nietzsche et la comédie américaine I love Lucy), il est solidement argumenté dans son questionnement : surtout, il nous permet de nous interroger sur le mode d’agencement de nos émotions dans différents contextes sociaux, et sur la manière dont nos expériences privées forment les discours esthétiques, politiques et économiques en vigueur. Sianne Ngai a récemment publié : Theory of the Gimmick – Aesthetic judgment and Capitalist Form (Harvard University Press, 2020). Le texte publié ici reprend des extraits de l’introduction de l’ouvrage. Il est publié avec l’aimable autorisation de l’auteure et de Harvard University Press.
Ce livre propose une argumentation simple à propos du zinzin1, de l’intéressant, et du mignon : ces trois catégories esthétiques, en dépit de n’apparaître qu’à la marge de la théorie esthétique et des généalogies du postmodernisme, n’en demeurent pas moins celles qui, dans notre répertoire actuel, sont les mieux adaptées pour comprendre comment l’expérience esthétique a été transformée par les conditions hyper-marchandisées, saturées d’informations et axées sur la performance, du capitalisme tardif. La raison en est que le zinzin, l’intéressant, et le mignon pointent – chaque fois de manière historiquement concrète – en direction des processus les plus socialement prégnants du système : la production, dans le cas du zinzin (que traduit une esthétique de la performance, en tant que jeu artistique mais aussi en tant que travail affectif) ; la circulation, dans le cas de l’intéressant (que traduit une esthétique de la différence, envisagée sous forme d’information, de sa dissémination et de son échange) ; et la consommation, dans le cas du mignon (que traduit une esthétique révélant le spectre étonnamment large des émotions, allant de la tendresse à l’agression, que nous éprouvons envers des marchandises qui nous apparaissent ostensiblement subordonnées et non-menaçantes). En tant que reflets sensibles et affectifs de nos modes contemporains de travailler, d’échanger et de consommer (nous verrons comment le mignon et le zinzin, en particulier, reflètent ces modes significativement médiatisés par le genre, la sexualité, et la classe sociale), l’esthétique marchande du mignon, l’esthétique discursive de l’intéressant, et l’esthétique performante du zinzin nous permettent de comprendre certaines des dynamiques sociales les plus importantes qui sous-tendent la vie dans la société contemporaine du capitalisme tardif. Aucune autre catégorie esthétique de notre répertoire actuel ne s’adresse de manière aussi directe à ces pratiques quotidiennes de production, de circulation, et de consommation.
Vus sous cet angle, le zinzin, le mignon, et l’intéressant prolifèrent de manière incontestable dans les anthologies littéraires postmodernes et dans les musées d’art contemporain, sans même mentionner Internet ou la télévision. Le zinzin vertigineux des romans de Thomas Pynchon et des vidéos de Ryan Trecartin, l’aspect mignon des coussins à pois en forme de phallus de Yayoi Kusama, les hommages poétiques rendus par Matthea Harvey à des objets domestiques tels que le sucrier, ou encore les projets sériels, récursifs et basés sur des variations, « intéressants, sans plus », de Sol LeWitt et de l’écrivain conceptuel Robert Fitterman, n’en constituent que quelques exemples parmi d’autres. Mais bien que leur référence privilégiée à la production, à la circulation, et à la consommation soit la meilleure explication de leur présence envahissante, le zinzin, l’intéressant, et le mignon s’avèrent également importants pour l’étude de la culture contemporaine, non seulement parce qu’ils exposent des processus économiques, mais aussi parce qu’ils nous offrent un aperçu des problèmes majeurs de la théorie esthétique qui ne cessent d’informer la création, la diffusion et la réception de la culture contemporaine. Il s’agit notamment des implications du rapport toujours plus intime entre l’œuvre d’art autonome et la forme de la marchandise ; du mélange complexe d’affects négatifs et positifs qui résulte de la nature ambivalente d’un grand nombre de nos expériences esthétiques ; de l’état ambigu de l’avant-garde, qui survit à la manière d’un zombie, alors même que sa « disparition ou son impossibilité » peuvent être considérées comme l’un des traits constitutifs du postmodernisme ; de la pertinence des jugements esthétiques par rapport aux jugements critiques ou aux autres jugements non-esthétiques visant à produire des connaissances (ou de la manière dont il est permis de rattacher des jugements fondés sur des sentiments subjectifs de plaisir ou de déplaisir à des jugements prétendant à la vérité objective) ; de l’avenir de l’idée persistante selon laquelle l’art est un jeu, par opposition au travail, dans un monde où le travail immatériel est de plus en plus esthétisé ; et enfin, de la relation parergonale entretenue entre l’art et le discours théorique lui-même, qui s’avère plus contraignante encore avec la montée en puissance d’une culture institutionnelle des musées et des programmes d’études ayant conduit l’art et la critique à s’assimiler mutuellement de manière historiquement inédite2.
Ces problèmes sont soulevés directement et indirectement dans les écrits théoriques de Nietzsche, d’Adorno, de Kant, de Hegel, de Derrida, et d’autres encore, mais ils se retrouvent désormais au centre de la pratique culturelle contemporaine, clairement transformée et amplifiée par les conditions de la postmodernité3. En effet, le zinzin, l’intéressant, et le mignon semblent offrir des moyens de négocier ces problèmes sur le plan affectif, tant aux niveaux formel et objectif du style (le mignon, considéré en tant que qualité ou apparence sensuelle des objets), qu’aux niveaux discursif et subjectif du jugement (l’attribution de l’adjectif « mignon », en tant qu’évaluation ou acte de langage basé sur des émotions, est une façon particulière de communiquer aux autres un mélange complexe de sentiments à propos d’un objet, afin d’exiger des autres qu’ils ressentent la même chose que nous). Le zinzin, le mignon, et l’intéressant sont en effet liés à des pratiques de représentation majeures qui se manifestent à travers différents médias : la comédie, dans le cas du zinzin ; la romance à l’eau-de-rose, dans le cas du mignon ; le réalisme, dans le cas de l’intéressant. […]
Le zinzin, le mignon, et l’intéressant font appel non seulement à des capacités subjectives spécifiques de sentir et d’agir, mais aussi à des manières spécifiques d’entrer en relation avec d’autres sujets, et avec les compromis sociaux plus larges que présupposent ces manières d’entrer en relation. Si la chose apparaît peut-être comme plus évidente dans le cas du zinzin, l’asymétrie des rapports de pouvoir dont dépend le mignon en constitue un autre rappel convaincant. En effet, il n’existe pas de jugement ou d’expérience d’un objet considéré mignon qui ne fasse appel au pouvoir que nous exerçons sur lui comme sur une chose moins puissante. Mais comme le souligne Lori Merish, le fait que l’objet mignon semble capable d’exiger de nous un certain nombre de choses – une demande pressante de soins, que les femmes ressentent souvent comme leur étant adressée en particulier, ou qui les interpellent – suggère que le « mignon » n’indique pas seulement le site d’un pouvoir différentiel statique, mais également celui d’une lutte de pouvoir étonnamment complexe4. Enfin, l’idée même « d’intérêt » met en évidence le rôle unique du jugement esthétique dans les « comparaisons et les contrastes entre les individus ou les groupes », et donc dans la médiation (pour ne pas dire la résolution) des conflits et des disputes qui surgissent entre eux5. Ainsi que le note Jan Mieszkowsi, l’image qu’on se fait d’un groupe d’intérêt politique montre bien que « les intérêts n’existent jamais en tant qu’impulsions uniques et autonomes, mais seulement dans le cadre de leurs collisions avec d’autres intérêts6 ». Le fait « qu’avant d’être considéré comme une préférence ou un objectif, un intérêt doive être compris dans sa contradiction avec d’autres intérêts » signifie que « tout intérêt, que ce soit celui d’une personne, d’une tribu ou d’un État est [déjà] un contre-intérêt7 ».
C’est peut-être parce que le zinzin, le mignon, et l’intéressant font référence au conflit social de manière aussi directe mais aussi très abstraite que leur signification s’avère si idéologiquement équivoque. À première vue, le zinzin semble être un pur symptôme de l’idéologie « marche ou crève » du capitalisme tardif, y compris dans les moyens de plus en plus affectifs et biopolitiques qu’elle mobilise, afin de répondre à l’impératif d’augmenter sans cesse la productivité8. Pourtant, malgré toutes ses démonstrations spectaculaires d’efforts laborieux, l’activité zinzin est le plus souvent destructrice ; on pourrait même la décrire comme la dramatisation d’un refus anarchique d’être productif 9. De plus, le caractère zinzin croissant que l’on observe dans les performances queer récentes – comme chez Ryan Trecartin, Kiki and Herb, Felix Bernstein, par exemple – est d’autant plus intéressant que le zinzin marque un écart spécifique par rapport au Camp, ce qui peut aussi indiquer là où le Camp échoue, en mettant en scène les conditions dans lesquelles ce dernier se heurte à ses propres limites10. Il est un fait que le zinzin et le Camp ne sont pas incompatibles. Les deux styles de spectacle ont beaucoup en partage, c’est aussi pourquoi le premier est parfois utilisé pour augmenter ou amplifier le second. Comme le zinzin, le Camp implique une « glorification du personnage », et fait de l’échec un élément central de son esthétique11. Comme le note Sontag, « les choses deviennent camp, non pas du fait qu’elles vieillissent, mais du fait qu’elles se sont détachées de nous, ainsi pouvons-nous goûter en elles jusqu’au goût de l’échec, sans aucunement nous sentir frustrés12 ». Le Camp implique donc une « revalorisation d’un échec, ou d’une ambition culturelle qui, en son temps, a simplement raté sa cible, de manière tragique, poignante, ou extravagante13 ». Mais alors que le Camp convertit ainsi la douleur de l’échec et de la perte en victoire et en plaisir, le zinzin souligne sa propre incapacité à le faire ; en effet, le désespoir et la frénésie de ses interprètes, constamment assiégés en raison des situations précaires où ils sont relégués, indiquent une implication laborieuse dont ils ne parviennent jamais vraiment à se dépêtrer : même l’ironie ne leur en offre pas l’option14. C’est en ce sens que le zinzin marque un ensemble de conditions dans lesquelles la manière même qu’a le Camp de valoriser l’échec en vient à échouer.
L’idéologie de l’esthétique performative du zinzin n’est donc pas simple. Et le mignon, pour sa part, ne constitue en aucun cas une célébration sans équivoque de la forme marchande, même s’il « greffe indéniablement le désir marchand sur la structure de la classe moyenne, imprégnée d’émotion familiale, expressément maternelle15 ». Puisque la consommation est l’activité qui permet de réaliser la valeur d’usage d’une marchandise, pour Marx, « elle se situe à vrai dire en dehors du procès économique, sauf dans la mesure où elle réagit à son tour sur le point de départ, où elle initie tout le procès à nouveau16 ». Le mignon, qui exprime une adoration de la marchandise dont je veux me sentir aussi proche que possible, de façon intime et même physique, présente donc un certain côté utopique, qui s’adresse au désir d’habiter un monde concret et qualitatif à valeur d’usage, par opposition à un monde d’échange abstrait. Il y a donc un sens dans lequel le fétichisme du mignon s’avère être une manière de résister à la logique de la marchandisation – fondée sur l’idée de la « commensurabilité absolue de toute marchandise » – tout autant qu’il en est un reflet symptomatique17. Enfin, bien que rien ne semble plus apolitique à première vue que l’intéressant, nous verrons comment son indétermination conceptuelle en fait la catégorie de notre répertoire la plus à même de relier les jugements esthétiques aux jugements non-esthétiques, y compris les jugements de nature politique.
Les catégories esthétiques de cette étude renvoient donc à des compétences humaines et sociales de base de plus en plus intriquées entre elles par le capitalisme au cours du dernier demi-siècle : l’affect et l’émotion, dans le cas du zinzin ; le langage et la communication, dans le cas de l’intéressant ; l’intimité et le soin, dans le cas du mignon18. C’est peut-être en raison même de l’absorption croissante de ces compétences générales par le capital que les processus économiques indiqués par ces catégories esthétiques sont également devenus de plus en plus imbriqués. En effet, chaque catégorie pointe en direction d’une confusion spécifique d’un processus avec un autre.
Le zinzin post-fordiste, par exemple, indique comment les pratiques de consommation axées sur le goût, y compris les pratiques esthétiques ludiques, sont devenues systématiquement intégrées au processus de production : un développement rendu célèbre par l’un des moments les plus zinzins de I Love Lucy le montre à suffisance : il s’agit de l’épisode de la chocolaterie, dans lequel Lucy est forcée d’exercer librement son « goût » pour le caramel fraîchement produit, pour le voir aussitôt disparaître de la chaîne d’assemblage. Pour sa part, l’art conceptuel « intéressant, sans plus » des années 1960, en particulier ses formes présentées comme des séries d’inspiration publicitaire, fondées sur la transmission de messages par différents dispositifs (le système postal, les télégrammes, le téléphone, etc.), fournit un excellent exemple de la manière dont la production d’œuvres d’art a pu en venir à coïncider avec ce que Paul Mann appelle la « circulation continue des discours-objets ». Car ici, « l’objet-art en tant que tel n’a même pas besoin […] d’exister ; seule sa représentation doit circuler. Une description suffira : voilà la leçon de l’art conceptuel19 ».
C’est parce que le zinzin, l’intéressant et le mignon pointent en direction du statut incertain de la performance, hésitant entre le travail et le jeu, du frayage croissant de l’art et de l’expérience esthétique à travers l’échange d’informations, et de la complexité paradoxale de notre désir d’une relation plus simple avec nos marchandises, que ces catégories « concernent » la production, la circulation et la consommation. Avec l’intégration intensifiée de ces processus économiques – qui constituent eux aussi, de manière cruciale, des modes d’organisation sociale20 – il est évident que des objets d’échelles diverses du XXe siècle se présentent à nous en abondance, qui nous permettent de voir comment les trois catégories esthétiques entrent simultanément en jeu : depuis le corpus moderniste de Samuel Beckett, avec sa poétique récursive de la combinaison et de la permutation (qui relève de l’intéressant), ses thèmes de l’activité laborieuse ou compulsive (qui relèvent du zinzin), et ses personnages tristes/pathétiques obsédés par les biscuits, les chiens et les chaussettes (qui relèvent du mignon), jusqu’à la culture Web 2.0 dans son ensemble, avec ses blogs zinzins, ses tweets mignons et ses wikis intéressants. Considérez également ce passage de L’Homme unidimensionnel, dans lequel Herbert Marcuse remarque comment le divertissement et les jeux violents zinzins, les propriétés émollientes ou de domestication du mignon, et le style informationnel et technocratique de l’intéressant, peuvent être tous stratégiquement déployés dans leur combinaison, afin de projeter la subjectivité de l’une des compagnies commerciales les plus célèbres du monde :
« La Conscience Heureuse n’a pas de limite – elle organise des jeux où l’on joue avec la mort et la défiguration, où le travail en équipe, le divertissement et l’importance stratégique s’unissent dans une harmonie profitable. La RAND Corporation travaille dans une ambiance où l’étude, la science, les problèmes militaires s’associent harmonieusement au climat et à la bonne vie. Dans ses RANDom News, volume 9, numéro 1, sous le titre MIEUX VAUT ETRE SAUF QUE D’AVOIR DES REGRETS PLUS TARD, on trouvera un article décrivant des jeux de cette sorte dans un style mignon d’absolution. Les fusées sifflent, la bombe H attend son heure, les engins spatiaux volent en orbite, et le problème est de savoir “comment protéger la nation et le monde libre ? ” […]. C’est alors que RAND entre en scène et qu’apparaissent “des slogans tels que RAND sauve”. C’est une scène où “le monde se transforme en carte, où les missiles se ramènent à de simples symboles (vive la puissance apaisante des symboles !), et les guerres à de simples plans, de simples calculs couchés sur le papier”. […] Dans cette représentation, RAND a transfiguré le monde, il est devenu un jeu technologique intéressant, et l’on peut désormais se détendre – les “experts militaires pourront tirer profit de cette expérience ’synthétique’ faite sans risque21”. »
La guerre globale rapportée dans un « style mignon d’absolution », mais désamorcée comme simplement « intéressante » par le langage rationnel des plans et des calculs, se voit finalement reconditionnée comme un simple « jeu » zinzin et amusant ; comme le reconnaissent à la fois la RAND Corporation et Marcuse, les catégories esthétiques mineures de cette étude exercent clairement un certain pouvoir qui leur est propre, déployé ici dans un effort explicite pour aboutir à rien moins qu’à réorganiser la relation des sujets à notre réalité géopolitique postmoderne.
Traduit de l’anglais états-unien par Sara Alonso Gómez
1Sianne Ngai repère dans le personnage du Zanni de la Commedia dell’Arte l’origine étymologique du terme zany, que nous choisissons de traduire par zinzin, plutôt que par loufoque.
2Sur la « disparition ou l’impossibilité » de l’avant-garde, voir Fredric Jameson, Le Postmodernisme, ou la logique culturelle du capitalisme tardif, trad. Florence Nevoltry, Paris, Beaux-arts de Paris éditions, 2007.
3Je ne mentionne que quelques textes qui abordent ces questions de manière particulièrement ciblée : le rapport de l’art à la marchandise : Theodor W. Adorno, Théorie esthétique, trad. Marc Jimenez, Paris, Klincksieck, 1995 ; le rapport entre l’art et la théorie ou la critique : Jacques Derrida, La vérité en peinture, Paris, Flammarion, 1987 ; Friedrich Nietzsche, Le gai savoir, trad. Patrick Wotling, Paris, Flammarion, 2020 ; Arthur C. Danto, L’assujettissement philosophique de l’art, en particulier : « La fin de l’art », trad. Claude Hary-Schaeffer, Seuil, Paris, 1993 ; et Jacques Rancière, Le destin des images, Paris, La fabrique éditions, 2003 ; les effets des conditions institutionnalisées de la production, de la circulation et de la réception artistiques sur ce même rapport de l’art à la marchandise : Pierre Bourdieu, Les règles de l’art : Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1998 ; et Philip Fisher, Making and Effacing Art : Modern American Art in a Culture of Museums, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1997 ; le statut ambigu de l’avant-garde contemporaine : Daniel Herwitz, Making Theory/Constructing Art : On the Authority of the Avant-Garde, Chicago, University of Chicago Press, 1993 ; et Paul Mann, The Theory-Death of the Avant-Garde, Bloomington, University of Indiana Press, 1991 ; le lien ou l’abîme entre les jugements esthétiques et non esthétiques : Emmanuel Kant, Critique de la Faculté de Juger, trad. Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1993 ; Roland Barthes, La Chambre claire, Paris, Gallimard, 1980) ; et Fredric Jameson, Le Postmodernisme, ou la logique culturelle du capitalisme tardif.
4Lori Merish, Cuteness and Commodity Aesthetics : Shirley Temple and Tom Thumb, in Freakery : Cultural Spectacles of the Extraordinary Body, éd. Rosemarie Thomson, New York, New York University Press, 1996, p. 186. […]
5Jan Mieszkowski. Labors of Imagination : Aesthetics and Political Economy from Kant to Althusser, New York, Fordham University Press, 2006, p. 115.
6Ibid., p. 136.
7Cela signifie, suggère Mieszkowsi, qu’il existe un sens paradoxal selon lequel « l’intérêt va toujours à l’encontre de la logique en vertu de laquelle il pourrait apparaître comme l’expression d’un désir ou d’une fin donnés » (Ibid., p. 136). Aussi étrange qu’il puisse paraître de parler d’« intérêts » en tant que contre-intérêts sans se référer aux agendas particuliers des individus ou des groupes (puisque les intérêts semblent intrinsèquement « particuliers »), Mieszkowski montre comment, dans l’argumentation de Schlegel sur l’intéressant, ces références au conflit peuvent coexister avec un manque de détermination subjective, ainsi qu’avec une certaine forme d’absence de finalité.
8Cette expression particulièrement bien choisie est due à Jon McKenzie. Voir son ouvrage Perform or Else : From Discipline to Performance, Londres, Routledge, 2001.
9Je remercie Christian Thorne d’avoir souligné ce point à l’aide de l’exemple de la série Jackass de MTV.
10Je suis reconnaissant à Sam See de m’avoir signalé la chose. Merci également à Petra Dierkes Thrun pour une observation similaire.
11Susan Sontag, Le style Camp, trad. Guy Durand, Paris, Bourgois, 2022, p. 30.
12Ibid.
13Ibid.
14Plus simplement, l’artiste camp a tendance à être l’auteur de la blague, alors que l’artiste zinzin ne peut qu’en être l’objet.
15L. Merish, Cuteness and Commodity Aesthetics, op. cit., p. 187.
16Karl Marx, « Introduction générale à la critique de l’économie politique » [1857], dans Œuvres I : Économie I, Trad ; M. Rubel et L. Évrard, Paris, Gallimard, 1965, p. 235.
17« Commensurabilité absolument généralisée » : John Guillory, Cultural Capital : The Problem of Literary Canon Formation, Chicago, University of Chicago Press, 1993, p. 323.
18Bien que cette tendance à l’imbrication des compétences sociales ait été observée par divers commentateurs (sociologues féministes, théoriciens de l’affect, marxistes), l’une de ses formulations les plus connues, celle d’« intellectualité de masse », est due à Paolo Virno dans son ouvrage Grammaire de la Multitude, trad. Véronique Dassas, Paris, L’Éclat/Conjonctures, 2002.
19Paul Mann, Theory-Death of the Avant-Garde, op. cit., p. 21.
20Raymond Williams, The Means of Communication as Means of Production, in Culture and Materialism : Selected Essays, Londres, Verso, 2006, pp. 50-66.
21Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel – Essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée, trad. Monique Wittig revue par l’auteur, Paris, Éditions de Minuit, 1968, p. 105 [traduction modifiée].