Lorsqu’il a fallu constituer cette Icône poétique, c’est-à-dire cet ensemble d’une quarantaine de pages, cela a spontanément pris la forme d’une courte anthologie personnelle, bien loin évidemment d’être exhaustive, une anthologie guidée en priorité par le goût d’une lectrice qui est aussi un auteur. Ainsi je n’ai cherché ni l’unité – qui serait pour le moins artificielle, ni la disparité et pourtant malgré leur singularité ces textes travaillent tous dans l’innovation formelle caractéristique de la poésie contemporaine. Ils manifestent chacun la diversité et la multiplicité des genres. Il est devenu bien difficile de répondre à la question : à quoi reconnaît-on la poésie ? Et c’est tant mieux, elle se tient plus que jamais sur des territoires mobiles, en mouvement continu. Les frontières avec la prose sont poreuses, tout comme celles avec les langues étrangères, langues qu’elle creuse et expérimente à volonté, elle recherche des procédures inédites quitte à s’affranchir du vers et de la rime, elle s’associe volontiers à d’autres formes d’art, la musique, les arts plastiques, le cinéma sans négliger pour autant de renvoyer, à sa manière, à des motifs passés et à constituer des généalogies personnelles.
Il s’agit là d’un ensemble franco-américain, parce que la poésie américaine (beats, école de New York, language poets, objectivistes entre autres) a largement dialogué avec les auteurs français et continue de le faire créant ainsi une profonde dynamique. Ce qu’Emmanuel Hocquard a appelé un Bureau sur l’Atlantique. Quatre des auteurs de cette Icône sont aussi traducteurs.
Il s’agit de poètes vivants, le texte le plus ancien date de 2014 et le plus récent est l’extrait d’un travail en cours. Tous sont inédits.
On pourra dire que la poésie contemporaine est illisible, pourquoi pas ? On peut aussi se demander si cela n’a pas toujours été le cas. Quelle que soit l’époque, l’exploration des possibilités de la langue a supposé la complexité. Elle peut aussi devenir un objectif un peu caustique : John Ashbery déclare quelque part vouloir écrire un poème dont la critique ne pourra pas dire le moindre mot.
Ce dossier Icônes est dédié à John Ashbery, juillet 1927 – septembre 2017.

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